craint les raifons, & aime mieux un compliment délicat
que de grands traits.
‘ Cicéron après avoir donné les exemples dans fes
harangues , donna les préceptes dans l'on livre de
l’Orateur ; il fuit prefque toute la méthode d’Arif-
tote, & l’explique avec le ftyle de Platon.
Il diftingue le genre fimple, le tempéré & le fu-
blime. Rollin a fuivi cette divifion dans fon traité
des études ; S i, ce que Cicéron ne dit pas, il prétend
que le tempéré eft une belle riviere ombragée de vertes
forêts des deux côtés ; le fimple, une table feryie proprement
dont tous les mets font d'un goût excellent, &
dont on bannit tout rafinement ; que lefublime foudroie,
& que défi tut fleuve impétueux qui renverfe tout ce qui
lui réfifie.
■ Sans fe mettre à cette table, & fans fuivre ce foudre
, ce fleuve & cette riviere, tout homme de bon
fens voit que l'éloquence limple eft celle qui a des
chofes Amples à expofer , & que la clarté & l’élégance
font tout ce qui lui convient. Il n’eft pas besoin
d’avoir lûAriftote, Cicéron, & Quintilien,pour
fentir qu’un avocat qui débute par un exorde pompeux
au fujet d’un mur mitoyen, eft ridicule : c’é-
toit pourtant le vice du barreau jufqu’au milieu du
XVII. fiecle ; on difoit avec emphale des chofes triviales
; on pourroit compiler des volumes de ces
exemples : mais tous fe réduifent à ce mot d’un avo-
c.at, homme d’efprit, qui voyant que fon adverfai-
r£ parloit de la guerre de Troie & du Scamandre ,
l’interrompit en difant, la cour obfervera que ma partie
ne s'appelle pas Scamandre, mais Mickaut.
Le genre fublime ne peut regarder que de puif-
fans intérêts traités dans une grande aflemblée. On
en voit encore de vives traces dans le parlement
d’Angleterre ; on a quelques harangues qui y furent
prononcées en 1739» quand il s’agiflbit de déclarer
la guerre à l’Efpagne. L’elprit de Démofthene & de
Cicéron ont diâé plulieurs traits de ces difeours j
mais ils ne pafleront pas à la poftérité comme ceux
des Grecs & des Romains, parce qu’ils manquent
de cet art & de ce charme de la diôion qui mettent
le fceau de l’immortalité aux bons ouvrages.
Le genre tempéré eft celui de ces difeours d’appareil
, de ces harangues publiques, de ces compli-
mens étudiés , dans lefquels il faut couvrir de fleurs
la futilité de la matière.
Ces trois genres rentrent encore fouvent l’un dans
l’autre, ainfi que les trois objets de l’éloquence qu’A-
riftote eonfidere, & le grand mérite de l’orateur eft
de les mêler à propos.
La grande éloquence n’a guere pu en France être
connue au barreau , parce qu’elle ne conduit pas
aux honneurs comme dans Athènes , dans Rome,
& comme aujourd’hui dans Londres, & n’a point
pour objet de grands intérêts publics : elle s’eft réfugiée
dans les oraifons funèbres où elle tient un peu
delà poéfie. Boffuet, & après lui Flechier, fem-
bïent avoir obéi à ce précepte de Platon, qui veut
que l’élocution d’un orateur foit quelquefois celle
même d’un poëte.
L'éloquence de la chaire avoit été prefque barbare
jiifqu’au P. Bourdaloüe,; il fut un des premiers qui
firent parler la raifon.
Les Anglois ne vinrent qu’enfuite comme l’avoue
Burnet évêque de Salisburi. Ils ne connurent point
i’oraifon funèbre ; ils évitèrent dans les fermons les
traits véhémens qui ne leur parurent point convenables
à la fimplicité de l’Évangile ; & ils fe défirent
de cette méthode des divifion,s recherchées que
l’Archevêque Fenelon condamne dans fes dialogues
fiir l'éloquence. ■ .
Quoique nos fermons roulent fur l’objet le plus
important.de l’bomme, cependant il s’y trouve peu
4e ces morceaux frappans qui , comme les beaux
endroits de Cicéron & de Démofthene font deye*
nus les modèles de toutes les nations occidentales.
Le le&eur fera pourtant bien-aife de trouver ici ce
qui arriva la première fois que M. Maflillon, depuis
évêque de Clermont, prêcha fon fameux fer-
mon du petit nombre des élus : il y eut un endroit
où un tranfport de faififlement s’empara de tout l’auditoire
; prefque tout le monde fe leva à moitié par
un mouvement involontaire ; le murmure d’acclamation
& de furprife fut fi fort, qu’il troubla l’orateur
, & ce trouble ne fervit qu’à augmenter le pa-
tétique de ce morceau : le voici. « Je fiippofe que ce
» foit ici notre derniere heure à tous , que les cieux
» vont s’ouvrir fur nos têtes , que le tems eft pafle
» & que l’éternité commence, que Jefus-Chrift va
» paroître pour nous juger félon nos oeuvres, & que
» nous fommes tous ici pour attendre de lui l’arrêt
» de la vie ou de la mort éternelle : je vous le de-
» mande, frappé de terreur comme vous , ne fépa-
» rant point mon fort du v ôtre, & me mettant dans
» la même fituation où nous devons tous paroître un
» jour devant Dieu notre juge : fi Jefus-Chrift dis-
» je , paroifîoit dès-à-préfent pour faire la terrible
» féparation des juftes & des pécheurs ; croyez-vous
» que le plus grand nombre fût fauvé ? croyez-vous
» que le nombre des juftes fût au moins égal à celui
» des pécheurs ? croyez-vous que s’il faifoit mainte-
» nant la difeuflion des oeuvres du grand nombre qui
» eft dans cette églife, il trouvât feulement dix juf-
» tes parmi nous ? en trouveroit-il un feul ? &c. »
( Il y a eu plufieurs éditions différentes de ce difeours,
mais le fonds eft le même dans toutes.)
Cette figure la plus hardie qu’on ait jamais employée
, & en même tems la plus à fa place, eft un
des plus beaux traits d'éloquence qu’on puifle lire chez
les nations anciennes & modernes ; & le refte du difeours
n’eft pas indigne de cet endroit fi faillânt. De
pareils chefs-d’oeuvres font très-rares, tout eft d’ailleurs
devenu lieu commun. Les prédicateurs qui ne
peuvent imiter ces grands modèles feroient mieux
de les apprendre par coeur & de les débiter à leur
auditoire (fuppofé encore qu’ils euffent ce talent fi
rare de la déclamation ) , que de prêcher dans un
ftyle languiffant des chofes aufli rebattues qu’utiles.
On demande fi l’éloquence eft permife aux hifto-
riens ; celle qui leur eft propre confifte dans l’art de
préparer les évenemens, dans leur expofition toû-
jours nette & élégante, tantôt vive & preffée, tan-
' tôt étendue & fleurie, dans la peinture vraie & forte
des moeurs générales & des principaux perfonnages ,
dans les réflexions incorporées naturellement au réc
it , & qui n’y paroiffent point ajoûtées. L'éloquence
de Démofthene ne convient pas à Thucidide ; une
harangue dirette qu’on met dans la bouche d’un héros
qui ne la prononça jamais, n’eft guere qu’un beau
défaut.
Si pourtant ces licences pouvoient quelquefois fe
permettre ; voici une occafion où'Mezeray dans fa
grande hiftoire femble obtenir grâce pour cette har-
diefle approuvée chez les anciens ; il eft égal à eux
pour le moins dans cet endroit : c’eft au commencement
du régné d’Henri IV. lorfque ce prince, avec
très-peu de troupes, étoit preffé auprès de Dieppe
par une armée de trente mille hommes, & qu’on lui
confeilloit de fe retirer en Angleterre. Mezeray s’élève
au-deffus de lui-même en faifant parler ainfi le
maréchal de Biron qui d’ailleurs étoit un homme de
génie, & qui peut fort bien avoir dit une partie de
ce que l’hiftorien lui attribue.
» Quoi! Sire, on vous confeille de monter fur.
» mer, comme s’il n’y avoit point d’autre moyen
» de conferver votre royaume que de le quitter ? fi
1 » vous n’étiez pas en France, il faudroit percer au-
■ » travers de tous les hafards & de tous les obftaclc$
5» pour y venir : & maintenant que vous y êtes, on
» voudroit que vous ën fortifiiez ? & vos amis fe-
» roient d’avis que vous fiffiez de votre bon gré cé
» que le plus grand effort de vos ennemis ne fauroit
» vous contraindre de faire ? En l’état où vous êtes,
» fortir de France feulement pour vingt-quatre heu-
» res, c’eft s’en bannir pour jamais. Le péril, au
» refte, n’eft pas fi grand qu’on vous le dépeint ;
» ceux qui nous penfent envelopper, font ou ceux-
» mêmes que nous avons tenus enfermés fi lâche-
» ment dans Paris, ou gens qui ne valent pas mieux,
» & qui auront plus d’affaires entre, eux-mêmes que
» contre nous. Enfin, Sire, nous fommes enFran-
» c e , il nous y faut enterrer : il s’agit d’un royau-
» me, il faut l’emporter ou y perdre la vie ; & quand
» même il n’y auroit point d’autre fûreté pour votre
» facrée perfonne que la fuite, je fais bien que vous ;
» aimeriez mieux mille fois mourir de pie ferme ,
» que de vous fauver par ce moyen. Votre majefté
» ne fouffriroit jamais qu’on dife qu’un cadet de la
» maifon de Lorraine lui auroit fait perdre terré ;
» encore moins qu’on la vît mandier à la porte d’un
» prince étranger. Non, non, Sire, il n’y a ni cou-
»> ronne ni honneur pour vous au-delà de la mer : fi
» vous allez au-devant du fecours d’Angleterre, U
» reculera ; -fi vous vous préfentez au port de la Ro-
» chelle en homme qui fe fauve , vous n’y trouve-
» rez que des reproches & du mépris. Je ne puis
» croire que vous deviez plutôt fier votre perfonne
>> à l’inconftance des flots & à la merci de l’étranger,
» qu’à tant de braves gentils hommes & tant de vieux
» foldats qui font prêts de lui fervir de remparts &
» de boucliers : & je fuis trop ferviteur de votre ma-
» jefté pour lui difiimuler que fi elle cherchoit fa fû-
» reté ailleurs que dans leur vertu, ils feroient obli-
<*> gés de chercher la leur dans un autre parti que
» dans lé fien.
Ce difeours fait un effet d’autant plus beau , que
.Mezeray met ici en effet dans la bouche du maréchal
de Biron ce qu’Henri IV. avoit dans le coeur.
Il y auroit encore bien des chofes à dire fur Véloquence
, mais les livres n’en difent que trop ; & dans
un fiecle éclairé , le génie aidé des exemples en
fait plus que n’en difent tous les maîtres. Voyeç Elocution.
ELOQUENT, ad}. (Belles-Lettresé) On appelle
ainfi ce qui perfuade, touche, émeut, éleve l’ame :
on dit un auteur éloquent, un difeours éloquent, un
gefte éloquent. Voye{ aux mots ELOCUTION & ELOQUENCE
, les qualités que doit avoir un difeours
éloquent. (O)
ELQSSITES, ( Hifl. nat.') pierre dont on ne nous
dit rien, finon qu’en la portant on fe guérit des douleurs
de tête ; c’eft à Ludovico Dolce que l’on eft redevable
de ce détail.
ELPHIN , ( Géog. mod. ) ville du comté de Rof-
common, en Irlande. Long. ig. 20. lat. 5$ .5G.
ELSEÇAITES. Voye^ Elcesaïtes.
ELSTER, {Géog. mod.') ville du cercle de haute-
Saxe, en Allemagne ; elle eft fituée au confluent de
l ’Elfter & de l’Elbe. Long. 3 1. zo. lat. 5t. z8.
ELTEMAN, {Géog. mod.) ville de Franconie, en
'Allemagne ; elle eft fituée fur le Mein. Long. z8. z i,
lat. 43.68.
ELU, adj. e le cl us, choifi, enThéologie, & fur-tout
dans l’Ecriture-fainte, fe dit des faints & des prédestinés
: en ce fens les élus font ceux que D ieu a choi-
lis , ou antécedemment ou conféquemment à leurs
mérites, pour leur accorder la gloire éternelle. Voy. Prédestination.
Dieu , qui a prédeftiné les élus à la gloire, les a
aufli prédeftinés à la grâce & à la perféverance, qui
font les moyens pour parvenir à la gloire.
Tome y .
Dans un fens ’plus général, les apôtres oint donné
aux premiers chrétiens le nom d'élus, parce qu’ils
avoient reçu la grâce de la vocation au Chriftianif-
me. Voye^ V o c a t io n . Chambers. (G)
E l u , adj. ( Jurifprud.) eft celui qui eft choifi pour
remplir quelque place, ou pour recueillir une fuc-
ceflion.
Celui qui acheté pour autrui, déclare que c’eft
pour fon ami élu ou à élire. Voye^ E l e c t io n ejst
a m i .
E l u s s u r l e f a i t d e l’A i d e , étoîent ceux qui
étoient choifis par les états, pour affeoir & faire lever
les aides & autres fubfides accordés au roi pat
les états» Voye^ ci-devant E l e c t io n .
E l u c l e r c . Foye^ ci-après E lu d û C l e r g é ;
E l u d u C l e r g é ou p o u r l e C l e r g é , étoit une
perfonne choifie par le clergé de France , dans fon
ordre, pour affeoir & faire lever fur tous les membres
du clergé, la part que chacun d’eux devoit fup*
porter des aides & autres fubventions qüe le clergé
payoit au roi dans les befoins extraordinaires de l’état
, de même que la noblefle & le peuple. Voye£ ce
qui en eft dit ci-devant au mot E l e c t io n s , & ce qui
fera dit au mot E t a t s .
E l u , ou Çonfeiller d'une élection , eft: un des jugeà
qui font la fon&ion de confeillers dans les tribunaux
appellés élections. On donne aufli quelquefois le nom
d ’««j à tous les officiers de ces tribunaux, c’ eft-à»
dire au préfident, lieutenant, & aflefleur, de même
qu’aux confeillers. Voye£ ci-devant E l e c t io n s .
E l u s C o n s e il l e r s d e l a M a r é e . Voye^ E l u s
d e l a M a r é e .
E l u s C o n s e il l e r s d e V il l e : ils font nommés
élus dans des privilèges de Maçon, accordés par Philippe
de Valois en Février 1346 ; ils font aufli ailleurs
nommés prudhommes & élus.
E l u s d e s D é c im e s , étoient les mêmes que les
élâs du clergé : ils faifoient l’afliette & répartition
des décimes & autres fub ventions payées par le cler?.
gé. Voye{ D é c im e s & Ele ctions*
E l u E c c l é s ia s I iq ü ê , éto it c elu i q u i éto it choifi
p a r le clergé . Voye£ ci-devant E l u d u C l e r g é .
E l u s ou E c h e v in s , ces term es é to ie n t au trefo is
fy n o n ym e s e n q u elq u es p ro v in ces.
É l u s d e s E l e c t io n s . Voyei E l e c t io n s .
E l u s d e s E t a t s , c’eft-à-dire ceux qui font élûs
par les états généraux du royaume ou d’une province
, pour faire l’afliette & répartition des impofitions
que le pays doit porter. Voÿ. E l e c t io n s & E t a t s ;
E l u s s u r l e f a i t d e s Fin a n c e s d e s a id e s ,
étoient les mêmes que les élûs fur le fait de l’aide.
E l u s s u r l e f a i t d e s G a b e l l e s : o n d o n n o it
quelq u efo is ce nom au x p rem iers prépo fés qui fu ren t
étab lis p o u r a v o ir l’in ten da nc e-d e la g ab elle d u f e l,
p arce q u ’ils é to ie n t m is p a r éleftio n d es tro is états
d e m êm e que les élus des aides & des tailles : o n le s
appella depuis grénetiers-contrôleurs de la gabelle, & c .
OU officiers des greniers à fel.
E l u s G é n é r a u x ; on donnoit quelquefois ce
nom à ceux qui étoient élus par les états généraux
du royaume ou d’une province, ou aux généraux
des aides qui étoient élûs par les trois états ; dans les
derniers tems on donnoit ce nom aux élûs de chaque
diocèfe, pour les diftinguer des élûs particuliers qu’ils
commettoient dans chaque ville. Voye^ E l e c t
i o n s . •
E l u s s u r l e f a i t d e l a G u e r r e , dans quelques
ordonnances ils font ainfi appellés par abbré-
viation de ces termes élus fur le fait de l’aide ordon-,
née pour la guerre.
E lus su r l e f a i t d e l ’Im p o s i t io n f o r a in e ,
éto ien t les p erfo n n es élûes p a r les é ta ts, q u i faifo ien t
l’afiiette & le v é e de l’im pofition forain e. Il e n e ft
p arlé dans u n rég lem en t de C h arles V , d u 13 Ju ille t
X x x ij