52.8 E L O
les académies des Hommes d un talent très- foible,
foit par faveur & malgré elles, foit autrement, c’eft
alors le devoir du fecrétaire de fe rendre pour ainfi
dire médiateur entre fa compagnie & le public, en
palliant ou exeufant l’indulgence de l’une fans manquer
de refpeCt à l’autre, 8c même à la vérité. Pour
cela il doit réunir avec choix & préfenter fous un
point de vue avantageux, ce qu’il peut y avoir de
bon 8c d’utile dans les ouvrages de celui qu’il éft
obligé de loüer. Mais fi ces ouvrages ne fourniffent
abfolument rien à dire, que faire alors ? Se taire. Et
fi par un malheur très-rare, la conduite a deshonoré
les ouvrages, quel parti prendre ? Loüer les ouvrages.
C ’eft apparemment par ces raifons qüe les academies
des Sciences & des Belles-Lettres n’impofent
point au fecrétaire la loi rigoureufe de faire Y doge de
tous les académiciens : il feroit-pourtant jufte, ôc
defirable même , que-cette loi fut févérèment établie
; il en réfulteroit peut - être qu’on apporteroit
dans le choix des fiijets, une févérité plus confiante
& plus continue : le fecrétaire, & fa compagnie par
contre-coup, feroient plus intéreffés à ne choifir que
des hommes louables.
Concluons de ces réflexions , qüe le fecrétaire
d’une académie doit non-feulement avoir une con-
noiffance étendue des différentes matières dont l’académie
s’occupe, mais pofféder encore le talent
d’écrire perfectionné par l’étude des Belles-Lettres,
la fineffe de l’efprit, la-facilité de faifir les objets &
de les préfenter, enfin-l’éloquence même. Cette place
eft donc celle qu’il eft le plus important de bien
remplir, pour l’avantage & pour l’honneur d’un
corps littéraire. L ’academie des Sciences doit certainement
à M. de Fontenelle une partie de la réputation
dont elle joiiit : fans l’art avec lequel ce célébré
écrivain a fait valoir la plupart des ouvrages de
fes confrères, ces ouvrages, quoiqu’excellens , ne
feroient connus que des favans feuls, ils refteroient
ignorés de ce qu’on appelle le public ; 8c la confidé-
ration dont jouit l’académie des Sciences, feroit
moins générale. Aufîi peut-on dire de M. de Fontenelle,
qu’il a-rendu la place dont il s’agit îrès-dan-
gereufe à occuper. Les difficultés en font d’autant
plus grandes, que le genre d’écrire de cet auteur
célébré eft abfolument à lui, 8c ne peut paffer à un
autre fans s’altérer •; c’eft une liqueur qui ne doit
point changer de vafe ; il a e u , comme tous les
grands écrivains, le ftyle de fa penfée ; ce ftyle original
8c fimple ne peut repréfenter agréablement &
au naturel un autre efprit que le fien ; en cherchant
à l’imiter ( j’en appelle à l’expérience), on ne lui
reffemblera que par les petits défauts cju’on lui a reprochés,
fans atteindre aux beautés reelles qui font
oublier ces taches legeres. Ainfi pour réuffir après
lu i, s’il eft poffible, dans cette carrière épineufe, il
faut néceffairement prendre un ton qui ne foit pas
le fien : il faut de plus, ce qui n’eft pas le moins difficile
, accoûtumer le public à ce ton, 8c lui perfua-
der qu’on peut être digne de lui plaire en fe frayant
une route différente de celle par laquelle il a coutume
d’être conduit ; car malheureufement le public,
femblable aux critiques fubalternes, juge d’abord
un peu trop par imitation ; il demande des chofes
nouvelles, 8c fe révolte quand on lui en préfente. Il
eft vrai qu’il y a cette différence entre le public 8c
les critiques fubalternes, que celui-là revient bientôt
, & que ceux-ci s’opiniâtrent. (O)
E l o g e , ( Droit civil.') elogium , dans le droit
'écrit, fignifie le blâme, 8c non pas la louange ; de
forte que ce mot, chez les jurifconfultes romains,
deshonore ou du moins flétrit la probité & la réputation
de celui qu’un teftateur rappelle dans fon teftament
avec éloge. Un pere, félon les lois romaines,
E L O
doit ou inftituer fes enfans dans une certaine forn*
me, ou les deshériter nommément, à peine de nullité
du teftament. Dans ce dernier cas, la raifon que
le pere donne-pour autorifer Pexhérédation de fou
enfant, eft appellée elogium dans la jurifprudence
romaine. Gicéron plaidant pour Cluentius, fait mention
du teftament deCn.'Egnatius, qui avoit déshérité
fon fils avec cet éloge (c’eft-à-dire avec opprobre),
que fon fils avoit pris de l’argent pour con-,
damner Oppiniacus.
Ce feul paffage peut fuffire pour prouver l’nfagé
•que les jurifconfultes ont fait du mot elogium dans
un fens contraire à fa lignification naturelle ; mais
les lois qui font dans le Digefte 8c dans le Code 9
fous les titres de liber. & pojth. & de Carbon, edicto >
ainfi que les déclamations de Quintilien, en four-
niffent une infinité d’autres exemples. Dictionn. de
Richelet, derniere édition. Article de M. le Chevalier.
D E J A U C O U R T .
ELONGATION, f. f. en Aftronomie, eft la di-
greffion ou la diftance dont une planete s’éloigne du
Soleil par rapport à un oeil place fur la Terre, c’eft-
à-dire l’arc ou angle apparent de la planete & du Soleil,
vûs l’un & Fautrede la Terre. J^oy. Planete.1
La plus grande diftance d’une planete au foleil
s’appelle fa plus grande élongation , 8c elle varie
par deux raifons ; fa voir, parce que la Terre 8c la
planete tournent l’une & l’autre, non dans des cercles
, mais dans des ellipfes. Cette variation eft plu»
ou moins confidérable, félon que les ellipfes que les
planètes décrivent, s’éloignent plus ou moins d’être
des cercles ; ainfi elle eft moindre dans Vénus que
dans Mercure, dont l’orbite eft fort elliptique.
C ’eft fur-tout dans les mouvemens de Vénus 8c de
Mercure qu’on a égard aux élongations. Mercure eft
dans fa plus grande élongation , lorfque la ligne menée
de la Terre à Mercure , eft tangente de l’orbite
de cette planete ; car il eft facile dé s’aflîirer que
l’arc compris entre le lieu de Mercury 8c le lieu du
Soleil, c’eft-à-dire l’angle compris eiitre les lignes
menées de la Terre au Soleil 8c de la Terre à Mercure
, eft alors le plus grand qu’il eft poffible : il en
eft de même de Vénus. Or fuppofant que ces planètes
, ainfi que la T erre, décrivent des cercles autour
du Soleil, 8c qu’on connoiffe le rapport des
rayons de leurs orbites , il eft facile de tirer d e -là
l’angle de leur plus grande élongation; car cet angle
pour Mercure eft l ’angle au fommet d’un triangle
reCtangle, dont l’hypothénufe eft la diftance de la
Terre au Soleil, & dont la bafe eft la diftance de
Mercure au Solçil, ou le rayon de fon orbite : 8e
pour Vénus, c’eft l’angle du fommet d’un triangle
reCtangle, dont l’hypothénufe eft la même que celle
du précédent, 8c dont la bafe eft le rayon de l’orbite
de Vénus. On prend ici les triangles pour rectangles
, quoiqu’ils ne le foient qu’à-peu-près, & que
même ils s’en éloignent affez fenfiblement pour Mercure.
Voyez les Injlit. ajlronom.
A l’exception de Vénus & de Mercure , Vélongation
de toutes les autres planètes, par rapport au Soleil
, peut aller jufquà i8 od; ce qui eft évident,
puifque la Terre eft entre ces planètes & le Soleil.
La plus grande élongation de Vénus eft de 45^ » 8c
la plus grande élongation de Mercure de 30^ > c’eft-
à-dire que la première de ces planètes ne s’éloigne
jamais du Soleil de plus de 45e1, ou n’en eft jamais
vûe plus diftante que de ce nombre de degrés, 8c
que l’autre ne s’en éloigne jamais plus que de 30d ;
c’eft ce qui fait queMercure eft fi rarement vifible, Sc
qu’il fe perd d’ordinaire dans la lumière du Soleil.
F o y e { Mercure & V énus.
Quelques auteurs fe font fervis auffi du terme dV-i
longation, pour marquer la différence du mouvement
entré deux planètes, Tune plus rapide, 8c l’au-
E L O
Pautre plus lente, ou la quantité d’efpace dont Tune
devance l’autre. c , ..
Le mouvement de la Lune par rapport au Soleil,
ou l’arc compris entre la Lune. 8c le Soleil, s’appelle
l'élongation de la Lune au Soleil; cependant les aftro-
nomes modernes fe fervent prefque toujours en ce
c a s du mot dijlance. Voyez les an. L u n e & So l e i l .
On dit auffi élongation diurne, élongation horaire,
&c» 1 , A ,
Angle d'élongation, ou angle a la Terre, c elt la
différence entre le vrai lieu du Soleil 8c le lieu géo-
centrique d’une planete ; tel eft l’angle E T R ( Planches
d'Aftron.fig. zC.) compris entre le lieu E du
Soleil, 8c le lieu géocentrique R de la planete. Voy.
G é o ç e n t r iq u e , & c. (O) ,
E l o n g a t io n , terme do Chirurgie; c eft 1 allongement
d’une partie , caufé par le gonflement des
cartilages qui encroûtent les têtes 8c les cavités des
os , ou par un amas d’humeurs dans la cavité articulaire
qui enchâffe la tête de l’os. Vélongation eft
une efpece de luxation imparfaite. M. Petit le chirurgien
a parlé dans les mémoires de C académie royale
des Sciencesy d’une luxation qui fe fait peu-à-peu, &
Iong-tems après l’afrionde la caufe externe. Cela
arrive principalement lorfqu’à l’occafion d un coup
ou d’une chute, il y a eu une pereuffion dans la cav
ité , par la tête de l’os même. L’engorgement des
cartilages eft un effet ordinaire de la contufion qu’ijs
ont foufferte. Il y a auffi des caufes internes du déplacement
de l’os. Hippocrate (aphor. Ix. fect. 6'.)
dit qu’il arrive p3r le relâchement des ligamens à la
fuite des douleurs feiatiques ; 8c il recommande l’application
du cautere aftuel, pour confumer l’humidité
fuperflue qui abreuve les ligamens, afin de les
rétablir dans leur reffort naturel. Le feu eft un des
meilleurs moyens que l’art puiffe employer pour fortifier
8c corroborer les parties ; mais c’eft un remede
extrême, auquel on ne doit avoir recours qu’après
avoir reconnu l’inutilité des douches, des fomentations
, de l’application des fachets faits avec des mé-
dicamens qui peuvent avoir la vertu de remettre les
parties dans leur état naturel. (T )
E L O Q U E N C E , f. f. (Belles-Lettres.) U article
fuivant nous a été envoyé par M. de Voltaire, qui, en
8 contribuant par fon travail à la perfection de TEncy-
* clopédie , veut bien donner à tous les gens de Lettres
citoyens , l'exemple du véritable intérêt qu'ils doivent
prendre à cet ouvrage. Dans la lettre qiüil nous a fait
l'honneur de nous écrire à ce fujet y il a la modeflie de ne
donner cet article que comme une fimple efquiffe ; mais ce
qui n'efl regardé que comme une efquiffe par un grand
maître y eft un tableau précieux pour les autres. Nous ex-
pofonsdonc au public cet excellent morceau., tel que nous
T avons reçu de fon illuflre auteur: y pourrions-nous
toucher fans lui faire tort ? f
L’Eloquence, dit M. de Voltaire, eft née avant les
réglés de la Rhétorique, comme les langues fe font
formées avant la Grammaire. La nature rend les
hommes éloquens dans les grands intérêts 8c dans
les grandes pallions. Quiconque eft vivement émû,
voit les chofes d’un autre oeil que les autres hommes.
Tout eft pour lui objet de comparaifon rapide, 8c
de métaphore : fans qu’il y prenne ^arde il anime
tout, 8c fait paffer dans ceux qui l’ecoutent, une
partie de fon enthoufiâfme. Un philofophe très-
éclairé a remarqué que le peuple même s’exprime
par des figures ; que rien n’eft plus commun, plus
naturel que les tours qu’on appelle tropes. Ainfi dans
toutes les langues le coeur brûle , le courage s’allume
, les yeux étincellent, l’efprit eft accablé : il fe
partage, il s’épuife : le fang fe glace, la tête fe ren-
verfe : ori eft enflé d’orgueil, enyvré de vengeance.
La nature fe peint par-tout dans ces images fortes
devenues ordinaires.
Tome V%
E L O 529
C ’eft elle dont PinftinCt enfeigne à prendre d’abord
un air, un ton modefte avec ceux dont on a
befoin» L’envie naturelle de captiver fes juges & fe$
maîtres , le recueillement de l’ame profondément
frappée, qui fe prépare à déployer les fentimens qui
la preffent, font les premiers maîtres de l’art. , ^
' C ’eft cette même nature qüi infpire quelquefois
des débuts vifs 8c animés ; une forte paffion , un
danger preffant, appellent tout-d’un-coup l’imagina-
.tion : ainfi un capitaine des premiers califes voyant
fuir les Mufulmans, s’écria : Ou courez-vous ? ce n'efl
pas là que font les ennemis. On vous a dit que le calife
eft tué :! eh ! qu'importe qu'il foit au nombre des vivant
ou des morts ? Dieu eft vivant & vous regarde : mar
chez. ,
La nature fait donc Y éloquence; 8c fi on a dit quê.
les poètes naiffent 8c que les orateurs fe forment ,
on l’a dit quand Y éloquence a ete forcée d etudier les
lois, le génie des juges, 8c la méthode du tems.
Les préceptes font toûjours venus apres 1 art. T i-
fias fut le premier qui recueillit les lois de 1 éloquence.
dont la nature donne les premières réglés. |
Platon dit enfuite dans fon Gorgias, qu’un orateur
doit avoir la fubtilité des dialeûiciens, la fcience
des philofophes , la difrion prefque des poètes, la
voix 8c les geftes des plus grands afreurs.
Ariftote fit voir enfuite que la véritable philofo-
phie eft le guide fecret de l’efprit dans tous les arts.
“■ 11 creufa les fources de Yéloquence dans fon livre de
la Rhétorique ; il fit voir que la dialefrique eft le fondement
de l’art de perfuader, 8c qu’être éloquent
c’eft favoir prouver. y . . . . .
Il diftingua les trois genres, le délibératif , le de-
monftratif, 8c le judiciaire. Dans le délibératif il s’agit
d’exhorter ceux qui délibèrent, à prendre un
* '"îr la guerre 8c fur la p aix, fur l’adminiftration
S ue, &c. dans le démonftratif, de faire voir ce
digne de loiiange ou de blâme ÿ dans le judr*.
ciaire, de perfuader, d’abfoudre ou de condamner,
&c. On fent affez que ces trois genres rentrent fou-
vent Tun dans l’autre.
Il traite enfuite des pallions 8c des moeurs que tout
orateur doit connoître.
. II examine quelles preuves on doit employer dan£
ces trois genres d'éloquence. Enfin il traite à fond de
1’élocution fans laquelle tout languit ; il recommande
les métaphores pourvu qu’elles foient juftes &
nobles ; il exige fur-tout la convenance, la bien-
féance. Tous fis préceptes refpirent la jufteffe éclairée
d’un philofophe, & la politeffe d’un Athénien ;
& en donnant les réglés d e\ tloqucncc, il eft éloquent
avec fimplicité. . , ^ .
U eft à remarquer que la Grece tut la feule contrée
de la terre où l’on connut alors les lois de 1 cio~
qucncc, parce que c’étoit la feule où la véritable e/c-
qucnce exiftât. L’art groilier étoit chez tous les hommes
; des traits fùblimes ont échappe par-tout à la
nature dans tous les tems : mais remuer les efprits
de toute une nation polie, plaire, convaincre &
toucher à la fois , cela ne fut donné qu’aux Grecs.
Les Orientaux étoient prefque tous efclaves : c’eft
un caraftere de la fervitude de tout exagérer ; ainfi
Y éloquence afiatique fut monftrueufe. L’Occident
étoit barbare du tems d’Ariftote.
L’éloquence véritable commença à fe montrer dans
Rome du tems des Gracques, 8c ne fut perfectionnée
que du tems de Cicéron. Marc Antoine 1 orateur,
Hortenfius, Curion, Çéfar, 8c plufieurs autres, furent
des hommes éloquens. .
Cette éloquence périt avec la république ainfi que
celle d’Athençs. L’éloquence fublime n’appartient,
dit-on, qu’à la liberté ; c’eft qu’elle confifte à dire
des vérités hardies, à-étalé* des raifons 84 des peintures
fortes. Souvent un maître n’aimeras la vente^