7io E N S bonnes clans les batailles; on la nomma labarum•; elle
■ étoit d’une riche-étoffe & en forme-d’une bannière,
tfur laquelle étoit brodé en pierreries le monograme
rie Jeiûs-Chrift ainfi figuré & qu’on avoit fubf-
titué à celui-ci S. P. Q. R. On ne portoit le labarum
A l’armée que quand l’empereur y etoit en perfonne.
Julien l’apoftat rétablit le labarum dans fa première
forme, & mit dans tous les autres drapeaux la figure
rie quelque divinité du paganiftne : mais cette innovation
ne dura pas plus long-tems que le régné de
c e prince, & le labarum de Conftantin fut remis en
Jionneur,
.En tems de paix, les légions qui n’étoient point
campées fur les frontières dépofoient leurs enfeignes
iau thréfor public-, qui étoit dans le temple de Saturn
e, & on les en tiroit quand il falloit ouvrir la campagne.
On ne paffoit pas devant les aigles fans les
faluer; & on mettoit auprès, comme dansunafyle
affûré, le butin & les prifonniers de guerre ; les officiers
& les foldats y portoient leur argent en dépôt,
& le porte-aigle en étoit le gardien. Après une
viûoire on les ornoit de fleurs & de lauriers, & l’on
Lrûloit devant elles des parfums précieux.
A l’exemple des Grecs & des Romains, & pour
la même fin, les nations qui fe font établies en Europe
fur les débris de la puiffance romaine, ont eu
ries enfeignes dans leurs armées. Nous parlerons ici
■ principalement de celles des François, dont le nombre
, la couleur, & la forme n’ont pas toûjours été
•les mêmes. Ce que nous en dirons eft extrait du commentaire
qu’a donné fur cette matière M. Beneton.
En remontant jufqu’à l’établiffement de notre monarchie,
on voit que les François qui entrèrent dans
les Gaules avoient des enfeignes chargées de divers
fymboles. Les Ripuaires avoient pour fymbole une
épée qui défignoit le dieu de la guerre, & les Sicam-
bres une tête de boeuf, qui, félon cet auteur, défignoit
Apis dieu de l’Egypte, parce que ces deux nations
étoient originairement defcendues des Egyptiens
& des Troyens, fi on l’en croit. Quoi qu’il en
fo it , on convient affez communément que nos premiers
rois portoient des crapauds dans leurs étendards.
Depuis la converfion de Clovis au Chriftianifme,
la nouvelle religion ne permettant plus ces fymboles
qui fe reffentoient de l’idolâtrie, ce prince ne voulut
-plus que fa nation fut défignée- que par une livrée
prife de la religion qu’il fuivoit. Ainfi Yenfeigne ou
la bannière de S. Martin de Tours qui fut le premier
patron de la France, & qui étoit d’un bleu uni, fut
pour les troupes le premier étendard, comme le labarum
l’avoit été pour les Romains depuis la converfion
de Conftantin. Dans le même efprit on avoit
-coûtume de porter dans les armées des châffes &
.des. reliquaires. Mais outre ces enfeignes de dévotion
defiinées à exciter la piété , il y avoit encore des
'ènfeignes de politique faites pour exciter la valeur,
-c’eft-à-dire des enfeignes ordinaires.
Augufte Galland a cru que ce qui étoit porté autrefois
dans nos armées fous le nom de chape de S.
Martin, étoit effe&ivement le manteau de ce faint
attaché au haut d’une pique pour fervir d’enfeigne.
:Mai$ par le mot cappa, il faut entendre ce qui eft lignifié
par capfa, c’eft-à-dire une châffe, un coffret
;renfermant des reliques de faint Martin, qu’on pourvoit
porter à l’armee fuivant l’ufage de ces tems-là.
•La véritable enfeigne étoit une- bannière bleue faite
.comme nos bannières d’églife. La cérémonie d’aller
.lever la bannière de S. Martin de deffus le tombeau
.du laint, où elle étoit mife, quand il étoit queftion
.rie la porter à la guerre, étoit précédée d’u^, jeûne
'dc-rie prières. Les rois faifoient fouvent cette levée
■ eux-mêmes ; 6c comme il ne convenoit pas à un gé-
E N S
néral de porter continuellement une enfeigne, ils la
confident à quelque grand fejgneur, duc, comte
ou baron pour la porter pendant l’expédition pour
laquelle on la portoit. Les comtes d’Anjou comme
advoiiés de l’églife de S. Martin de Tours avoient
ordinairement cette commiflion. Voye^ AdvoUÉ.
La dévotion envers S. Martin ayant peu-à-peu
diminué, &c les rois depuis Hugues Capet ayant fixé
leur féjour à Paris ,_S. Denis patron de leur capitale
devint bientôt celui de tout le royaume ; & le comté
de V exin, dont le comte étoit l’advoiié de l’abbaye
de S. Denis, ayant été réuni à la couronne par Louis
le Gros, ce prince mit la bannière de S. Denis au
même crédit & au même rang qu’avoit eu celle de
S. Martin fous fes prédécefleurs. On la nomma Yori-
fLamme ; elle étoit rouge, couleur affeéiée aux martyrs
: quelques-uns ont prétendu qu’elle étoit chargée
de flammes d’o r, & que de-là étoit venu fon
nom, mais c’eft une tradition peu fondée. L’oriflamme
confiftoit en un morceau d’étoffe de foie couleur
de feu, monté fur un bâton qui faifoit la croix au-
haut d’une lance ; l’étoffe de l’oriflamme fe terminoit
en pointe, ou, félon des auteurs, étoit fendu par le
bas comme pour former une flamme à plufieurs pointes.
En tems de guerre, avant que d’entrer en campagne
, le roi alloit en grande pompe à S. Denis lever
cet étendard , qu’il confioit à un guerrier diftingué
par fa naiffance & par fa valeur, chargé de garder
cette enfeigne & de la rapporter à l’abbaye à la fin
de la guerre ; mais les derniers portes-oriflamme négligèrent
cette derniere cérémonie, & la retinrent
chez eux. On croit communément que l ’oriflamme
difparut à la bataille d’Azincourt fous Charles V I.
du moins depuis cette époque il n’en eft plus mention
dans nos hiftoriens.
Mais dans le tems même que cette enfeigne étoit
le plus en honneur dans nos armées, & qu’on la portoit
à leur tête gardée par une troupe de cavalerie
d’élite, il y avoit encore deux enfeignes principales ;
fa voir, la bannière ou l'étendard de France , qui étoit
la première enfeigne féculiere de la nation, & qui te-
noit la tête du corps de troupes le plus diftingué qu’il
y eût alors dans l’armée : z°. le pennon royal, qui
étoit une enfeigne faite pour être inféparable de la
perfonne du roi. Succefîivement les differens corps
de troupes, infanterie & cavalerie & leurs divifions,
ont eu leurs enfeignes, qu’on a nommées bannières ,
pennons , fanons , gonfanons , drapeaux , étendards ,
guidons.
La bannière, qui vient du mot ban ou pan, & celui
ci de pannus en latin drap ou étoffe,' étoit commune
à la cavalerie & à Finfanterie, & de la même forme
que nos bannières d’églife, avec cette différence
que celles des fantaflins étoient plus grandes que celles
des gens de cheval ; qu’elles étoient toutes unies,
au lieu que celles de la cavalerie étoient chargées de
chiffres, de devifes. La bannière de France étoit aufli
plus remarquable que les autres par fa grandeur, elle
étoit d’abord d’une étoffe bleue unie, qu’on chargea
de fleurs de lis d’or quand elles eurent été introduites
dans les armoiries de nos rois. On nomma les plus
grandes bannières gonfanons. Depuis , le morceau
d’étoffe qui compofoit la bannière fut attaché au bois
de la pique par un de fes côtés, fans traverfe, comme
on le voit, aux drapeaux d’aujourd’hui qui ont
fuccedé aux bannières de l’infanterie, comme l’étendard
& le pennon aux bannières de cavalerie. Le
pennon ou fanon étoit un morceau d’étoffe attaché le
long de la pique aufli-bien que l ’étendard, mais avec
cette différence que celui-ci étoit quarré, & l’autre
plus étroit, plus allongé, & terminé en pointe. Il y
avoit des pennons à plus de pointes les uns que les
autres. Le pennon d’un banneret fuferain, par exemple,
n’ayoit qu’urie pointe, & les pennons des ban-
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rrerets fes vaffaux en avoient deux. De plus, parmi
les chefs de pennonies rangés fous une bannière,quel*
ques-uns étoient chevaliers, d’autres n’étoient que
bacheliers ou écuyers , & les pennons marquoietït
la diftin&ion de tous ces grades, ce qui montroit des
pennons à une , à deux , à trois pointes.
Sous Charles VII. le changement arrivé dans notre
ancienne gendarmerie, dont on forma des compagnies
d’ordonnance, en introduifit aufli dans toutes
les enfeignes; les bannières & les pennons difpa-
rurent pour faire place aux drapeaux de l’infanterie,
aux étendards <& aux guidons de la gendarmerie, &
aux cornettes de la cavalerie legere.
Le drapeau qui vient encore d & pannus owpennus,
d’oirl’on a fait par corruption pellus, pelletus, pellum>
drapellum, & nos ancêtres drapel, eft un morceau
d’étoffe quarré, cloiié par un de fes côtés fur le bois
d’une pique. L’ufage d’y mettre ries croix avoit commencé
au tems ries croilades, & ces croix furent rouges
dans les enfeignes àe France-jufqu’au tems de Charles
VI. C ’étoit alors la couleur de la nation, mais les
Anglois qui avoient jufqu’alors porté dans leurs enfeignes
la croix blanche ayant pris la rouge à caufe
des prétendus droits qu’ils croyoient avoir au royaume
de France, Charles VII. qui n’étoit alors que dauphin
changea la croix rouge des enfeignes de fa nation
en une croix blanche ; & pour marquer plus intelligiblement
qu’il établiffoit cette couleur pour être déformais
celle de la nation, il fe donna à lui-même une
enfeigne toute blanche qu’il nomma cornette, & la donna
pour enfeigne à la première des compagnies de gendarmerie
qu’il créa, & c’eft ce qu’on nomma la cornette
blanche.
Depuis qu’il y a des croix fur les enfeignes, la couleur
dont eft cette croix montre la nation à qui appartient
Y enfeigne; pour le fonds fur lequel eft placé
la croix, il fait partie de l’uniforme de la troupe à
qui eft Y enfeigne. A mefure que les corps militaires
qui fubfiftent aujourd’hui ont été créés, le premier
commandant de chacun de ces corps a eu occafion
de leur communiquer fa livrée dans fes enfeignes, ce
qui a tenu lieu d’uniforme jufqu’à ce que l’on ait imaginé
l’uniforme des habits.
Depuis Charles VII. jufqu’à François I , il n’y eut
en France que deux enfeignes royales blanches ; fa-
voir la cornette de France ou la cornette blanche
dont nous venons de parler, & la cornette royale
qui étoit comme l’étendard de corps du prince, qu’on
portoit auprès de «lui, foit dans les batailles, &c
quelquefois en tems de paix dans les grandes folen-
nités, comme aux entrées publiques, &c. Mais depuis
les guerres du Calvinilme, outre les cornettes
blanches des généraux d’armée à qui le roi accordoit
cette prérogative par diftinétion, il y eut en France,
fur-tout fous Charles IX , autant d'enfeignes blanches
qu’il y avoit de colonels généraux des différentes milices.
En ce tems-là l’infanterie françoilé étoit partagée
fous deux colonels, favoir celui de l’infanterie
qui étoit dans le royaume, & celui de l’infanterie qui
étoit en Italie, qu’on appelloit colonel de l'infanterie
de de-là les monts. Chacun de ces colonels avoit fon
drapeau blanc : le colonel des Suiffes au fervice de
la France avoit le fien, & les colonels des Lanfque-
nets & des Corfes avoient aufli les leurs. Chaque
colonel mit fon drapeau blanc dans fa compagnie
colonelle ; & par la fuite lorfque l’infanterie fut enrégimentée
, le colonel général voulut avoir une compagnie
dans chaque régiment, & que cette compa-
nie eût un drapeau blanc ; ce qui fe pratique encore
aujourd’hui pour toutes les compagnies colonelles,
quoique la charge de colonel général de l’infanterie
ne liibfifte plus ; le droit du drapeau blanc a paffé de
la compagnie colonelle générale à la compagnie colonelle
, la première ayant été fupprimée, chaque
ENS l i t
meftre-de-câmp ou colonel d’un corps particulier
s’étant à cet égard arrogé les prérogatives du colonel
général, ul’age qui a commencé fous Henri IIK
vers l’an 1580.
Les enfeignes de la cavalerie ont été nommées étendards
& guidons, au lieu de bannière & pennon , en-
forte que l’étendard eft au guidon ce que la bannieré
étoit au pennon ; cependant cette diftin&ion ne fubfifte
plus parce que l’étendard eft commun à tous les
corps de cavalerie , ainfi l’ôn dit un étendard de cavalerie
& un guidon de gendarmerie ; mais dans cette dernière
troupe c’eft la charge qu’on nomme guidon &
non pas Y enfeigne, on la nomme étendard comme dans
les autres corps : ces deux enfeignes avoient tiré leur
nom par fimilitude de l’aâion à laquelle elles font
propres. Le guidon eft propre à guider & éconduire,
l’étendard eft fait pour être vû étendu; car il eft attaché
à fa lance de îoûtien de manière à paroître te l,
foit au moyen du vent, ou par le moyen d’une verge
de fer à laquelle le chifon qui fait proprement l’étendard
peut être attaché comme il l’étoit autrefois : un
étendard ainfi en vergé reftoit bien étendu au-haut
de fa pique, & il y tournoit tout d’une piece com*
me une giroiiette. Depuis l’introduftion de la cor**
nette blanche royale, le premier régiment de cavalerie
a pris une cornette blanche pour fa compagnie
colonelle, & outre cela il fe nomme la cornette blanche,
comme on a autrefois défigné les compagnies de
cavalerie par le nom de cornettes; ainfi l’on diloit qu’il
y avoit dans une armée 100 cornettes de cavalerie ,
pour lignifier 100 compagnies.
Les étendards des dragons ont quelque reffemblan-
ce avec les anciens pennons, en ce qu’ils font plus
longs que ceux de la cavalerie, & fe terminent en
double pointe. Les étendards font chargés d’armes
ou de devifes & de legendes en broderie. Les enfeignes
d’infanterie ne font qu’une grande piece de fort
taffetas, avec une croix dont les bras s’étendent ju f -
qu’aux bords ; le fonds eft urt champ peint de couleurs
différentes, avec des fleurs de lis femées fans
nombre dans quelques-uns, dans d’autres une couleur
pleine, & dans quelques autres encore des flam*
mes de diverfes couleurs comme dans les drapeaux
des Suiffes.
Dans l’infanterie l’officier qui porte le drapeau
s’appelle enfeigne, & dans la cavalerie celui qui porte
l’étendard s’appelle cornette. Chaque bataillon a trois
drapeaux dans l’infanterie, la cavalerie a deux éten*
dards par efeadron, & les dragons n’en ont qu’un ;
il s’appelle drapeau lorfque les dragons font en bataillon
, & étendardlorfqu’ils font en efeadron. Quand
l’armée eft rangée en bataille, tous les étendards font
à la première ligne, portés chacun fur le front de
leurs efeadrons ; & à droite & à gauche du porte-
étendard font deux cavaliers qu’on choifit parmi les
plus braves pour le défendre, & empêcher que l’ennemi
ne s’en faififfe. Chaque étendard porte d’un côté
un foleil d’or brodé, avec la devife de Louis XIV.
nec pluribus impar en lettres d’o r , & de l’autre la devife
du régiment.
Il y a à chaque drapeau & chaque étendard un
morceau de taffetas noiié entre l’étoffe de l’étendard
j ou drapeau & le bout de la lance : on appelle ce morceau
de taffetas la cravate ; fa couleur eft ordinairement
celle de la nation à laquelle appartient Yenfei*
gne & la troupe ; comme la France, blanc ; l’Elpa-
gne, rouge ; l ’Empereur, verd ; Bavière, bleu ; Hollande
, jaune, &c.
Chaque nation a aufli fes enfeignes particulières.
Les enfeignes des Turcs, comme celles de toutes
les autres nations, font attachées à une lance dont
l’extrémité paffe au deffus de l’étendard même.
Leurs étendards en général font d’une étoffe de
foie de diverfes couleurs, chargée d’une épée flam».