tachent l’épiderme de la peau 8c l’affettent,' comme
la brûlure ; 8c attendu que la tunique interne des inteftins
eft beaucoup plus délicate que les tegumens,
ces impreffions produifent des effets bien plus con-
iidérabies , le tiffu étant moins folide , réfiftant-
moins aux efforts des fluides pénétrans qui tendent
à le diffoudre.
Il eft difficile de déterminer abfolument quelle eft
la nature de la matière morbifique qui établit la dyjfenterie
, & de la diftinguer d’avec celle qui donne'
lieu aux diarrhées fimples. On ne peut dire autre
chofe , finon qu’elle eft certainement plus âcre ;
mais cela ne fuffit pas : car il deyroit en résulter qu’elle
exciteroit plus fortement la contrattion des inteftins,
8c donneroit par-là lieu à ce qu’elle ferait
évacuée plus promptement ; il faut donc qu’avec
cette plus grande acrimonie, elle ait plus de ténacit
é , qu’elle foit plus groffiere, qu’elle s’attache plus
fortement 8c plus opiniâtrement aux parois des inteftins
, qu’elle y faffe pour ainfi dire l’effet des véfi-
catoires , comme les cantharides, enforte qu’elle
puiffe ronger la fubftance de leurs membranes, 8c
les détruire ; comme il arrive lorfque la dyjjenterie efl
à fon plus haut degré de malignité.
Il y a lieu de foupçonner avec Sennert, en réflé-
chiffant fur cette activité extraordinaire de l’humeur
dyffenterique, qui quoiqu’en apparence moins vi-
tiée que bien d’autres humeurs que l’on rend par la
voie des felles dans d’autres maladies, produit cependant
des effets plus violens ; que cette humeur a
une analogie particulière avec les parties fur lesquelles
elle agit ; qu’elle les pénétré plus aifément
qu’une autre. Comme lepoiffon appellé lièvre marin
a une qualité venéneufe, par laquelle il affette plutôt
les poumons qu’aucun autre organe, les cantharides
agiffent plus particulièrement fur les reins ; les
purgatifs portent leur attion fur les boyaux, non-
feulement quand ils font avalés, mais appliqués extérieurement,
flairés, &c. de même non-feulement
l ’humeur peccante qui efl dans les boyaux, mais encore
les miafmes qui contribuent à établir la contagion
dyffenterique, tels que ceux qui s’exhalent des
corps affettés de cette maladie, de leurs excrémens,
&c. également portés avec l’air fur la peau, fur la
membrane pituitaire dans les poumons, dans l’efto-
mac, dans les inteftins, n’agiffent que fur ceux-ci.
On ne peut guère rendre raifon de cette prédilection
, mais il fuffit d’être bien alluré que le fait efl tel.
La table des rapports de M. Geoffroy n’eflpas con-
teflée pour les expériences dont il y efl queflion:
mais la théorie n’en efl pas mieux établie pour cela.
L’attrattion, l ’analogie, ne font encore prefque
que des mots, quand il s’agit de porter des lumières:
à l’efprit ; mais fi l’attrattion, l’analogie, ou les effets
que l’on attribue à ces caufes, que quelques
phyficiens veulent encore regarder comme occultes
, font bien démontrés, qu’importe le comment de
ces opérations de la nature, pourvu que nous ayons
des connoiffances proportionnées à nos befoins? Il
efl fort peu utile que notre fimple curiofité foit fa-
tisfaite.
Ce qui vient d’être dit à l’égard de la dyjjenterie
contagieufe, peut aufli être appliqué à toutes autres
maladies épidémiques, dont les unes femblent affecter
une partie, les autres une autre ; comme l’expérience
le prouve par rapport aux catarrhes, aux angines
, aux péripneumonies , aux pleuréfies , aux
éruptions cutanées. La caufe qui les produit ag it,
dans le tems oii une de ces maladies régné, immédiatement
fur la partie qui en devient le fiége, &
non fur toute autre. V. C o n t a g io n , É p i d é m ie .
On obferve dans la dyjjenterie, que la matière des
démettions efl prefque toute muqueufe ; il s’en ra-
piaffe une grande quantité de celle qui efl détachée
par l’attion du virus dyffenterique de toute la furfa-
ce des boyaux : d’ailleurs on peut regarder le plus,
fouvent la dyjjenterie, lorfqu’elle efl épidémique fur-
tout, comme un rhume d’inteflins, dans lequel il fe
fait, tout comme dans celui des narines & de toutes
leurs cavités, une grande excrétion de morve, qui
fe filtre plus abondamment dans les glandes defti-
nées à la fecrétion de la mucofité naturelle. L’attion
de l’humeur dyffenterique qui porte fur ces colatoi-
res , les émonge, pour ainfi dire, en y attirant une
plus grande quantité de fluide qui doit s’y filtrer, 8c
en rendant par.conféquent fon excrétion plus prompte
; ce qui diminue la réfiflance pour celui qui s’y
porte enfuite.
Dans les épidémies, 8c dans les cas oii la dyjjenterie
efl la maladie effentielle, la caufe femble devoir
principalement agir à l’extérieur des vaiffeaux qui,
compofent les tuniques des boyaux : mais lorfqu’elle.
efl un fymptome de maladie,qu’elle a lieu par un transport
de matière morbifique dans les couloirs des inteftins
, alors il efl vraiffemblable qu’elle agit le plus
communément dans l’intérieur même des vaiffeaux ;
elle y croupit, elle les ronge, les perce, & les vaiffeaux
voifins : d’oir le flux de fang, qui fuit les douleurs,
les tranchées. Si la même chofe arrive dans prefque
tous les points d’une certaine étendue de boyaux,
il en réfulte que n’y ayant prefque aucun vaifl’eau entier,
la partie fphacélée & gangrenée tombe en lambeaux,
que l’on rend par les felles ; ce qui annonce la
fin prochaine de la maladie & de la vie. Le même effet,
arrive cependant aufli par l ’écoulement de la bile
qui fe répand fur la furface des inteftins, avec des
qualités morbifiques , âcres , corrofives, dans les
fièvres malignes, &c.
Avant que de finir fur les caufes de la dyjjenterie
il y a quelque chofe à dire de celles qu’on appelle
procathartiques ou occajîonelles, telles que la mauvaife
difpofition de l’air en général ; ainfi Hippocrate annonce
, aphor. xj.Jecl. 3 , que fi l’hy ver efl plus froid
& plus fec qu’à l’ordinaire, & le printems pluvieux
8c affez chaud, il y aura des dyjjenteries en été ; &
aphor, xij. de la meme fettion il ajoute : « Si le vent
» du midi domine pendant l’hy v e r , 8c qu’il foit plu-
» vieux ; que le printems foit fec 8c froid , ces fais
o n s font très-propres à produire des dyjjenteries ».
Il y a aufli une difpofition particulière de l’air dans
les conftitutions épidémiques , qui dépend de certaines
caufes qui l’infettent d’une matière particulière,
qui eft quelquefois très-pernicieufe 8c pefti-
lentielle, par des exhalaifons qui fe répandent dans
l’atmofphere, par différentes altérations qu’éprouve
cet élément dans fes parties hétérogènes, &c. L’air
peut être encore plus particulièrement infetté par
les exhalaifons des matières des déjettions, par le
moyen des latrines.
Tout ce qui vient d’être dit des caufes de la dyjfenterie
, eft bien confirmé par les obfervations faites
fur cette maladie, qui ont fourni les lignes qui la ca-
rattérifent dans tous fes degrés, 8c par rapport aux
différentes fuites qu’elle peut avoir.
Charles Pifon décrit de la manière qui fuit la d y f
fenterie. Dans cette maladie, dit-il, la matière des
déjettions paroît d’abord être de la nature de la
graiffe mêlee de mucofités ; enfuite elle préfente des
pellicules à demi-diffoutes en forme de raclures,,
comme de petits lambeaux d’épiderme ; & enfin des
portions de la propre fubflance de l’inteftin, accompagnées
des mucofités fanglantes, quelquefois d’une
grande quantité des matières purulentes ; enforte.
que les inteftins font d’abord raclés, enfuite rongés ,
8c à la fin ulcérés. Ces trois degrés ne s’obfervent
pas dans toute dyjjenterie; ils ont lieu plus ou moins,
félon le plus ou le moins de malignité de la caufe.
La fievre n’eft pas aufli toûjours jointe à cette maîadie
fuf-toüt Iorfqu’elle n’eft que fporadique : elle
$’y trouve prefque toujours, lorfqu’elle eft épidémique
, 8c lorfque la matière morbifique eft fort âcre,
agit en irritant fortement, ou lorfqu’elle n’eft portée
de quelqu’autre partie du corps dans les inteftins,
que par l’effet d’une grande agitation ou d’un grand
trouble. La fievre précédé toûjours la dyjjenterie,
lorfque celle-ci èn eft un fymptome.
Les dyffenteriques font ordinairement preffés par
la foif, font fort dégoûtés : la douleur qu’ils reffen-
tent, fe fait ordinairement fentir au-deffus du nombril
, dans les inteftins fupérieurs ; elle eft quelquefois
fi violente, qu’elle occafionne des défaillances
avec fueurs, infomnies 8c grande foibleffe.
On peut favoir par les lignes fuivans, fi l’exulcé-
ration a fon fiége dans les petits ou dans les gros inteftins
: la matière qui vient des premiers eft plus
puante, 8c a plus de reffemblance avec la raclure
de chair : celle qui vient des derniers, eft diftinguée
par la douleur qui fe fait fentir au-deffous du nombril
, 8c par le fang qui fort avec les excrémens, 8c
n’eft point mêlé avec eux, au lieu qu’il l’eft lorfqu’il
vient des boyaux grêles ; 8c la raifon s’en préfente
aifément, parce qu’il a roulé long-tems dans le canal
inteftinal avec tout ce qui y eft contenu ; 8c au contraire
des gros.
On peut encore connoître le fiége de la maladie,
par la grandeur des pellicules rendues avec les excrémens
; fi elles font peu étendues 8c minces, elles
ont été détachées des boyaux grêles ; fi elles font
larges 8c épaiffes à proportion, elles appartiennent
aux gros. Lorfque les petits inteftins font affettés,
les déjettions font plus bilieufes, jaunâtres, verdâtres
; elles font plus mordicantes, plus fatiguantes ;
& quand ils le font dans le voifinage de l’eftomac,
la maladie eft accompagnée de vomiffemens, 8c
d’une plus grande averfion pour les alimens, ce qui
eft une marque que ce vifeere eft aufli affetté. Lorf-
ue c’eft l’inteftin jéjunum qui eft ulcéré, la matière
es déjettions eft plus crue, la foif eft plus grande,
£c les naufées font plus fréquentes. Quand le fiége
du mal eft dans les gros, il y a moins d’intervalle
de tems de la tranchée à la dejettion ; on reffent une
douleur à l’anus, qui eft plus forte dans ce cas.
La crudité 8c la cottion en général, diftinguent
les diflerens tems de la maladie.
On peut établir fommairement le prognoftic de la
'dyjjenterie de la manière qui fuit. Le vomiffementqui
furvient aux dyfTenteriques eft très-dangereux ; c’eft
un ligne que l’exulcération a fon fiége dans les petits
inteftins : le danger eft plus grand, parce qu’ils font
d’un tiffu plus délicat, attendu qu’ils ne font pas
deftinés, comme les gros , à contenir des matières
fufceptibles à contratter une putréfattion acrimo-
nieufe ; étant plus voifins du foie, ils en reçoivent
la bile plus pure, par conféquent plus attive, plus ;
irritante : d’oii une plus grande douleur.
Cependant la dyjjenterie qui eft produite par des
alimens âcres 8c par la bile jaune, fe guérit facilement
; c’eft le contraire , fi elle provient d’une matière
pituiteufe, faline, parce qu’elle s’attache opiniâtrement
aux tuniques des inteftins, 8c agit conf-
tamment fur la même partie, qu’elle ronge 8c pénétré
plus profondément.
La dyjjenterie qui eft produite par une matière bi-
lieufe , noirâtre , eft mortelle , félon Hippocrate,
aphor. xxjv. Jeci. 4. parce que l’ulcere qui s’enfuit
approche de la nature du chancre , qui ne guérit
prefque jamais, quand même il a fon fiége fur des
parties externes.
Si cependant c’eft de l’atrabile portée par un mou- I
vement de crife dans les inteftins, qui occafionne la j
dyjjenterie, la maladie n’eft pas fi dangereufe ; mais
.il faut prendre garde à ne pas prendre pour de l’atra-
Jomt y % ~
hile l du fang figé 8c noirâtre qui a long-tems féjôur-
né dans les boyaux.
Si les dyfTenteriques rendent par les felles des caroncules
, c’eft-à-dire de petites portions de chair,
c eft un ligne mortel} félon Hippocrate, aphorijme
xscvj.fecl. 4. il indique la profondeur de l ’ulcere, qui
détruit la fubflance même du boyau.
Les longues infomnies , la foif ardente, la douleur
dans la région épigaftrique, le hocquet, les déjettions
de matière fans mélange, noires, puantes;
l’évacuation abondante de fang, annoncent le plus
fouvent une dyjjenterie mortelle. Ce dernier figne
fait comprendre que les tuniques des inteftins font
pénétrées affez avant pour que les vaifleaux fan-
guins en foient déchirés, ouverts.
Les goutteux & ceux qui ont des obflruttions à la
ra te , font foulagés lorfque la dyjjenterie leur furvient
, félon Hippocrate dans les prognojlics, êc
aphor. xlvj. Jecl. f i mais dans ce cas eft-ce une véritable
dyjjenterie, 8c n’eft-ce pas plûtôt une diarrhée
critique, qui fert à évacuer la matière morbifique t
Les enfans 8c les vieillards fuccombent plus facilement
à la dyjjenterie, que ceux du moyen âge, dit
Hippocrate dans fes prognojlics : la raifon en efl
que les enfans font d’un tiflu lâche, fur lequel la
matière morbifique corrofive fait plus de progrès ,
& qu’ils font plus difficiles à conduire dans le traitement
de la maladie ; 8c pour les vieillards, c’eft
qu’ils n’ont pas affez de force pour réfiller à un mal
qui les épuife beaucoup, 8c qui occafionne un grand
trouble dans l’oeconomie animale , puifqu’ils ont
moins de difpofition que tous autres à produire l’humeur
dyffenterique. Les femmes fupportent aufli
plus difficilement cette maladie que les hommes ;
cette différence vient de la conftitution plus délicate
des perfonnes du fexe : cependant fi la dyjjenterie
furvient aux femmes accouchées , elle n’eft pas
dangereufe, parce qu’elle fert à évacuer une partie
des lochies.
La convulfion & le délire à la fuite de la dyjjen-
terie, & le froid des extrémités, annoncent une mort
prochaine. S’il furvient à un dyffenterique une inflammation
à la langue, avec difficulté d’avaler,
c’eft fait du malade, on peut l’affûrer aux afliftans.
Si la dyjfenterie eft mortelle, le malade périt quelquefois
bientôt, comme dans la première femaine
ou dans la fécondé : quelquefois la maladie s’étend
jufque dans la troifieme.
Lorfque la dyjfenterie fe termine par un ulcéré avec
fuppuration, les malades rendent pendant long-tems
des matières purulentes par les felles ; ils s’épuifent,
8c périffent enfin comme les phthifiques.
La dyjfenterie bénigne dure quelquefois plufieurs
mois fans avoir de fuites bien fâcheufes ; la maligne
caufe des fymptomes très-violens, 8c fait périr plu-
fieurs de ceux qui en font attaqués : on l’appellepefii-
lentielle , lorfqu’il en meurt plus qu’il n’en échappei
Extrait de Pifon, Sennert, Rivière, Baglivi.
La curation de la dyjfenterie doit tendre à remplir
les indications fuivantes ; favoir de corriger l’acrimonie
des humeurs qui en eft la caufe, de les évacuer,
de déterger les boyaux affettés, de confolider
l’exulcèration, 8c d’arrêter le flux de ventre. On
peut employer à cette fin la diete 8c les remedes.
Pour ce qui regarde le premier de ces moyens J
on doit d’abord avoir attention de placer le malade
dans un lieu fec ; il faut lui ordonner le repos & lui
faciliter le fommeil : il doit éviter toute peine , toute
contention d’efprit. A l’égard de la nourriture , il
doit en prendre très-peu dans le commencement, la
quantité doit être réglée par fes forces : en raifon in-
verfe, on doit toûjours avoir attention que dans le
cas même oii il n’y auroit point de fievre, il faudrait
que 1e malade s’abftinj; de manger t parce que ce