dudit Charters , après d’autres lettres d’avis très-détaillées
; & quand Charters vint en Angleterre, peu
de tems après, il refufa de les acquitter, fachant bien
ne les avoir pas écrites : St cependant il fe trompa à
la pré/entation que le banquier lui fit defdites fauffes
lettres de change. Il les prit pour être de fon écriture
, quoiqu’elles fuffent en réalité de l’autre fripon,
qui avoit fi bien fû l’imiter. C ’eft un trait fort fingu-
lier de la vie de ce fcélérat lui-même, que Pope op-
jjjofe fi bien au vertueux Béthel. Effai fur L'homme ,
epît.jv. v. 1x8.
Mais nous avons un exemple célébré & plus ancien
que tous les précédens. Nous lifons dans l’histoire
fecrete de Procope une chofe furprenante d’un
nommé Prifcus ; il avoit contrefait avec tant d’art
l’écriture de tout ce qu’il y avoit de perfonnes de
qualité dans la ville qu’il habitoit, & l’écriture même
des plus célébrés notaires, que perfonne n’y reconnut
rien jufqu’à ce qu’il l’avoüa.
L’hifioire remarque que la foi qu’on ajoûtoit aux
contrats de ce fauûaire, fut le fujet d’une conftitu-
tion dë Juftinien. Au (fi cet empereur déclare dans
la novelle 73 , qu’il avoit été convaincu par fes yeux
des inconvéniens de la preuve de la comparaifon de
l'écriture.
D ’ailleurs cette comparaifon d'écritures ne fait pas foi
par fa propre autorité ; on n’en tire rien que par inclusion
, St elle a befoin des conje&ures des experts :
un juge donc ne peut trop fe précautionner contre
les apparences trompeufes : il n’eft pas néceflaire
pour cela qu’il foit un pirrhonien qui doute de tout ;
mais il faut que, comme le fage, il donne une legere
créance à tout ce qui eft de foi-même incertain.
Le fieur Raveneau, écrivain juré à Paris, s’eft fait
connoître dans le dernièr fiecle, par un livre très-
curieux fur cette matière. Il compofa St fit imprimer
en 1666 un traité intitulé, des infcriptions en
faux , & des reconnoiffances d'écriture & de fignature ,
dont il déclare que la comparaifon eft très-incertaine
par les réglés de l’art. Il découvre aufli dans ce livre
le moyen d’effacer l'écriture , St de faire revivre
celles qui font anciennes St prefque effacées. Ce
moyen confifte dans une eau de noix de galles broyées
dans du vin blanc, St enfuite diftillée, dont on frotte
le papier.
Enfin le même auteur indique les artifices dont les
fauffaires fé fervent pour contrefaire les écritures ;
non content d’en inftruire le public, il mit la pratique
en ufage, & fe fervit-lui-même fi bien ou fi mal
de fon.fecret, qu’il fut arrêté prifonnier en 1682, &
condamné à une prifon perpétuelle. On défendit le
débit de fon livre , parce qu’on le regarda comme
pernicieux pour ceux qui en voudroient faire un
mauvais ufage, & cette défenfe étoit jufte.
Cependant puifque le livre, l’art, & les fauffaires
fubfiftent toujours, il faut, pour ne pointrifquer de
s’abufer dans une queftion délicate, remonter aux
principes. En voici un inconteftable. L'écriture n’eft
autre chofe qu’une peinture, c’eft-à-dire une imitation
de traits St de caraûeres ; conféquemment il eft
certain qu’un grand peintre en ce genre peut fi bien
imiter les traits & les carafteres d’un autre, qu’il en
impofera aux plus habiles. Concluons, que l’on ne
fauroit être trop refervé dans les jugemens fur la
preuve par comparaifon d'écritures, foit en matière
civile, foit plus encore en matière criminelle, où il
n’eft pas permis de s’abandonner à la foi trompeufe
des conjeâures St des vraiffemblances. Article de M.
le Chevalier DE J AV c o u r t .
E cr itu re, ( Jurifprud. ) eft de plufieurs fortes.
: Ecriture authentique, eft celle qui fait foi par elle-
même,jufqu’à infcription de faux,de tout ce qui y eft
énoncé avoir été dit ou fait en préfence de ceux qui
,©nt reçu l’afte. Ces fortes d'écritures font ordinairement
appellées publiques & authentiques ; parce qn*->
elles font reçues par une ou plufieurs perfonnes publiques
: ce qui leur donne le caraftere d’authenti-
cite. Tels font les jugemens St les ailes paffés par-
devant notaire, &c.
Ecriture privée lignifie celle qui eft du fait d’un
particulier,comme une promeffe ou billet fous ligna-1
ture privée. L’écriture privée eft oppofée à récriture*
publique ; elle n’a point de date certaine, St n’emporte
point d’hypotheque que du jour qu’elle eft re*
connue en juftice. Quand elle eft conteftée, on procédé
à fa vérification tant par titres que par témoins,
St par comparaifon d’écritures. Foyeç Comparaison
d’Ecritures, & Reconnoissance.
On a établi un contrôle des écritures privées. Foy.
au mot Contrôle.
Ecriture publique, eft celle qui eft reçue par un
officier public, tel qu’un greffier ou notaire, un huif-
fier, &c. La date de ces fortes d'écritures eft réputée
certaine, St leur contenu eft authentique. Fcye% ci-
devant Ecriture authentique. CA')
Ecritures , (’Jurifpr.) dans les anciennes ordonnances
lignifie quelquefois les greffes & les tabellio-
nages. L’ordonnance de Philippe V. dit le Long, du
18 Juillet 1318, article iS , dit que les fceaux St écritures
font du propre domaine du roi ; St 'Carticle 3 o
ordonne que dorénavant ils feront vendus par enchères
(c’eft-à-dire affermés) à de bonnes gens , St
convenables, comme cela avoit déjà été autrefois
ordonné : il y a apparence que ce fut du tems de S.
Louis, qui ordonna que les prévôtés feroient données
à ferme. Philippe le Long ajoute, que ceux auxquels
il auroit été fait don des fceaux & écritures ,
en auroient récompenfe en montrant leurs lettres.
Dans une autre ordonnance de Philippe le Long
du 28 des mêmes mois & an, ces écritures font appellées
notairies ; St il eft dit pareillement qu’elles
lèront vendues à l’enchere.
Charles-le-Bel, dans un mandement du 10 Novembre
1322, femble diftinguer les greffiers des autres
feribes , ut fcripturce , Jtgilli , fcribarice , jlylli ,
memorialia proceffuum. . . . adfirmam. . . . exponantur
& vendantur.
L ’ordonnance de Philippe VI. dit de Valois, du
mois de Juin 1338, porte que les écritures des cours
du ro i, c’eft-à-dire les greffes que l’on vendoit ordinairement
, ou que l’on donnoit à ferme dans certaines
fénéchauffées par-delà la Loire, feront données
à gouverner à des perfonnes capables.
Dans quelques autres aû es, les écritures ou greffes
font nommés clergies ; comme dans un mandement
de Philippe-de-Valois, du 13 Mai 1347, où il
ordonne que les clergies des bailliages & les prevôi
tés royales foient données en garde, & que les clergies
des prévôtés foient laiffées aux prévôts en diminution
de leurs gages.
A ces termes d'écritures & de clergies , on a depuis
fubftitué le terme de greffe. (A )
Ecritures , ( Jurifprud.) dans la pratique judi--
ciaire, font certaines procédures faites pour l’iri£
truttion dtyie caufe, inftance, ou procès.
Les défenfes , répliqués , exceptions , font des
écritures, mais on les défigne ordinairement chacune
par le nom qui leur eft propre, & l’on ne qualifie
communément d'écritures y que celles qui font fournies
en conféquenee de quelque appointement, ÔC
qui ne font pas en forme de requête.
Ecritures d?avocats font celles qui font du minifte-
re des avocats, exclufivement aux procureurs: telles
<jue les griefs, caufes d’appel, moyens de requête
civile, réponfes, contredits, falvations, avertit
femens, à la différence des inventaires, caufes d’op-
pofition, produirions nouvelles, comptes, brefs--
états, déclaration de dommages & intérêts, St autrès
qui font du miniftere des procureurs. Il eft défendu
par plufieurs réglemens, aux procureurs de
faire les écritures qui font du miniftere des avocats,
notamment par l’arrêt du 17 Juillet 1693 .
Ce même arrêt ordonne que les écritures du miniftere
des avocats n’entreront point en taxe, fi elles ‘
ne font faites & (ignées par un avocat du nombre de
ceux qui font fur le tableau, & qu’ils ne pourront
faire d'écritures qu’ils n’ayent au moins deux années
de fondions..
Par un dernier arrêt de réglement du 5 Mai 1751,
aucun avocat ne peut être mis fur le tableau qu’il
n’ait fait., auparavant la profeffion pendant quatre
ans, au moyen deqtioi on ne peut pas non plus faire
des écritures avant ce tems.. (A)
Ecritures, (Commerce?) c’eft, parmi les marchands
, négocians, St banquiers, tout ce qu’ils écrivent
concernant leur commerce. On le dit plus particulièrement
de la maniéré de tenir les livres, par
rapport aux différentes monnoies qui ont cours dans
les pays où on les tient. Ainfi on dit : en France les
écritures fe tiennent par livres, fous, St deniers tournois;
& en Angleterre, par livres, fous, St deniers
fterlings. Foye^ Livres.
Ecritures , (Comm. ) ce font aufli tous les papiers
, regiftres, journaux , paffeports , connoiffe-
mens, lettres, & enfin tout ce qui fe trouve dans un
vaiffeau d’écrits qui peuvent donner des éclairciffe-
mens fur la qualité de ceux qui le montent, fur les
marchandifes, v ivres, munitions, &c. dont eft com-
pofée fa cargaifon.
Ecritures de Banque, (Comm.) on nomme
ainfi dans les banques où fe.font des viremens de
partie, les billets que les marchands , banquiers, &
autres, fe donnent réciproquement, pour fe céder
en acquit des lettres de change ou autres dettes, une
partie ou le tout en compte de banque. Foye£ Banque.
Diclionn. de Comm. de Trév. St Chambers.
* Ecr itu r e , (Artméch.) c’eft l’art de former les
caraâeres de l’alphabet d’une langue, de les affem-
bler, St d’en compofer des mots, tracés d’une maniéré
claire, nette, exa&e, diftinfte, élégante, St
facile ; ce qui s’exécute communément fur le papier,
avec une plume Si de l’encre. F?ye^ les articles Pap
ie r , Plume , & Encre. .
Nous obferverons d’abord qu’on néglige trop dans
l’éducation l’art d’écrire. Il eft aufli ridicule d’écrire
mal ou d’affe&er ce défaut, qu’il le feroit ou d’avoir
ou d’affefter une mauvaife prononciation ; car l’on
ne parle êcl’on n’écrit que pour fe faire entendre. Il
n’eft pas néceflaire qu’un enfant qui a de la fortune fâche
écrire comme un maître d’école ; mais celui qui
a des parens pauvres & qui trouve l’occafion de fe
perfectionner dans l'écriture, ne connoît pas toute
l’importance de cette reffource, s’il la négligé. Pour
une circonftance où l’on feroit bien-aife d’avoir un
homme qui fût defliner, il y en a cent où l’on a befoin
d’un homme qui fâche écrire. Il n’y a prefque
aucune place fixe aeftinée au deffinateur ; il y en a
une infinité pour l’écrivain. II n’y a que quelques en-
fans à qui l’on faffe apprendre le deffein; on apprend
à écrire à tous.
Pour écrire, il faut. i° . commencer par avoir une
plume taillée.
On taille la plume groffe ou menue, félon la force
du caraûere qu’on (e propofe de former, St félon
la nature de ce caraûere.
Pour les écritures ronde, pofée, groffe, moyenne,
& petite, qu’elle foit fendue d’un peu moins de deux
lignes, évidée à la hauteur de la fente, St cavée au-
deffous des deux carnes qui féparent le grand tail du
bec de la plume, de maniéré que le bec de la plume
foit de la longueur de la fente ; que la carne du bec
qui correfpond au pouce foit plus longue & plus larron*
« F.
ge que l’autre pour toute écriture pofée ; que le bec,
de la plume foit coupé obliquement, St que le grand
tail ait deux fois la longueur du bec.
Pour la bâtarde, que la fente ait environ deux lignes
, ou l’ait un peu plus longue que pour la ronde ;
que les côtés du bec foient moins cavés ; que le grand
tail ait une fois & demie la longueur du bec, St que
l’extrémité du bec foit aufli coupée obliquement,
comme pour la ronde.
Pour l’expédiée groffe, moyenne , & petite, St
pour les traits de la ronde St de la bâtarde, que la
fente ait jufqu’à trois lignes de longueur ; que (es cô-.
tés foient prefque droits ; que les angles des carnes
foient égaux, St que le grand tail foit de la même
longueur que le bec ou la fente.
Le petit infiniment d’acier dont on fe fert pour
tailler la plume, s’appelle un canif. Foye[ l'article
Canif.
20. Se placer le corps. Les maîtres veulent que le
côté gauche foit plus près de la table que le côté
droit ; que lés coudes tombent mollement fur la table
; que le poids du corps foit foûtenu par le bras
gauche ; que la jambe gauche foit plus avancée fous
la table que la jambe droite ; que le bras gauche porte
entièrement fur la table ; que le coude correfpon-
de au bord, & foit éloigné du corps d’environ cinq
doigts ; qu’il y ait quatre à cinq doigts de diftance
entre le corps St le bras droit ; que la main gauche
fixe & dirige le papier ; que la main droite porte le-
gerement lur la table, de forte qu’il y ait un jour,
d’environ le diamètre d’une plume ordinaire entre
l’origine du petit doigt St le plan de la table, pour
Récriture ronde, St que cet intervalle foit un peu
moindre pour la bâtarde ; que la main penche un peu
en-dehors pour celle - ci ; qu’elle foit un peu plus
droite pour la première ; que la pofition du bras ne
varie qu’autant que la direction de la ligne l’exigera
; que des cinq doigts de la main, les trois premiers
foient employés à embraffer la plume ; que les deux
autres foient couchés fous la main , & féparés des
trois premiers d’environ un demi-travers de doigt;:
que le grand doigt foit légèrement fléchi ; que fon
extrémité porte un peu au-deffous du grand tail de
la plume ; qu’il y ait entre fon ongle St la plume la
diftance d’environ une ligne ; que l’index mollement
allongé s’étende jufqu’au milieu de l’ongle du grand,
doigt ; que l’extrémité du pouce correfponde au milieu
de l’ongle de l’index, St laiffe entre fon ongle &
la plume l’intervalle d’environ une ligne ; que la plume
ne foit tenue ni trop inclinée, ni trop droite ; que
le poignet foit très-legerement pofé fur la table, &
qu’il loit dans la direction du bras, fans faire angle
ni èn-dedans ni en-dehors.
30. Faire lés mouvemens convenables. On n’en
diftingue à proprement parler que deux, quoiqu’il
y en ait davantage : le mouvement des doigts, St celui
du bras ; le premier, pour les lettres mineures St
quelques majufcules ; le fécond, pour les capitales,
les traits, les paffes, les entrelas, & la plus grande
partie des majufcules.
J’ai dit qu’il y en avoit davantage, parce qu’il y a
des occafions qui exigent un mouvement mixte des
doigts St du poignet, des doigts & du bras. Le premier
a lieu dans plufieurs majufcules ; St le fécond,
dans la formation des queues des grandes lettrés,
telles que l'F St le G.
40. Connoître les effets de la plume. Ils fe rédui-
fent à deux ; les pleins, St les déliés. On appelle en
général plein, tout ce qui n’eft pas produit par le.
feul tranchant de la plume; St délié, le trait produit
par ce tranchant ; la direction n’y fait rien. Le,
délié eft le trait le plus menu que la plume produife ^
tout ce qui n’eft pas ce trait eft plein : d’où l’on voit;