
conduite le titre quelles portaient, & fe mdin-
tenoient dons la poifdfion de leurs prérogatives,
en s'acquittant de leurs obligations, les villes
aïeules ( nous employons ce terme pour éviter la
longueur ) n’avoient fur les colonies aucun pouvoir
, ou du moins n’exerçoient fur elles qu’un
pouvoir indireâ. Ce qui n’empêchoit pas que les
colonie* n’euïïent pour elics toutes fortes d égards
& de déférences s & même ne fuflent3 félon les
apparences, obligées de les fecounr dans les occa-
ficns, fort de concert avec leurs métropoles immédiates
, foit feules, lorfque celles-ci refufoient
ou étoient hors d’état de le faire. Nous n’en citerons
qu’ un feul exemple entre plufieurs. Dans la
bataille de Mycale ( Herod l. ix . c. 91. 6 94- ) ,
Hérodote met à la tète des Grecs un célèbre Devin
nommé Déiphone , que les Corinthiens avoient
fait venir d’Apollonie, dont les Corcyréens, leurs
defcendans, étoient fondateurs. On s’étonne peut-
être de voir ce Devin mis au nombre des fecours
réels ; mais la furprife ceffera, fi l’on réfléchit fur
l’idée que la fuperitition Grecque fe formôir des
Devins , Sc fur - tour de ceux qui pafioient,
comme Dé iphone , pour héréditaires, fur l'effet
que leur prélence produifoit dans les armées , fur
le rang qu’ils y tenoient, & la part confidérable
qu’on leur donnoit aux plus éclatans fuccès.
Nous ne nous étendrons pas autant fur les colonies
Romaines, parce que cette matière a été
traitée à fond parSigonius, Spanheim, Manuce,
& par plufieurs autres favans écrivains.
Romulus fonda les premières colonies Romai-
maines ( Dionys. i l . p. 88. ) , en peuplant fes
conquêtes de citoyens Romains. Cette inftitution
politique eut deux objets , celui d affermir la domination
Romaine dans les villes conquifes , &
celui de d ébarra (Ter Rome d’une population fura-
bondante. Telles furent les premières colonies
envoyées par les fucceffeurs de Romulus , & par
les Confuls ou les Dictateurs du temps de la république
; on les appelle proprement colonies Romaines,
pour les diftinguer des colonies militaires
, formées de foldats vétérans que l’on vouloir
récompenfer. Les Duumvirs repréfentoient dans
les colonies les Confuls de Rome ; car ces émi-
grans cherchoient à rappeler en toutjeur ancienne
patrie. D e là vint que les plus célèbres colonies
eurent , ainfi que Rome , un capitole, un cirque,
un amphithéâtre, un palacium , un hôtel des
monnoies, &c. ; .
Quant aux droits dont jouiffoient les habitans
des colonies , on les trouvera aux articles droit du
pays L a t i n , M u n i c i p e s , droit I t a l i q u e , &
A u t o n o m e s , c’eft-à-dire, villes libres. Nous dirons
feulement ici que les villes déclarées libres
par les Romains , n’ obtenoient pas par cette déclaration
le droit de cité Romaine pour leurs ha-
bitans. Rhodes , & plufieurs autres villes de l’Afie
forent dans ce cas. . , . ,
Les municipes de citoyens Romains croient des
villes dont les habitons avoient obtenu les privilèges
a ttachés au droit de cité Romaine ou de
bourgeoise > dans ce cas, fi on leur alfignoit une
tribu dans laquelle ils pu fient donner leurfuftrage,
ils étoient citoyens Romains aufli parfaitement
que s’ ils fulient nés à Rome, quoiqu ils fe gou-
vernafient par leurs propres îôix, & non par les
loix Romaines. Le droit de donner fon fufirage
dans une tribu Romaine, & par une fuite necef-
faire de pofleder les charges de Rome , conlu-
tuoit proprement le droit italique. C etoit le plus
beau privilège que les Romains pufient accorder a
une c o lo n ie ou à un municipe * puifqu il exemptoit
d’ailleurs de toute contribution. __ s
Les villes latines ; ou celles à qui l’on ayoït
accordé le droit du pays latin 3 étoient 3 a proprement
parler, exemptes des tributs , & elles ne
payoient pas les fommes qu’on impofoit lur les
villes des provinces qui étoient deftinees à la
fol de des troupes, ce qui faifoit appeler ces dernières
ftipendiaris.. Maison exigeait d elles-une
certaine fomme répartie avec proportion , fuivant
un tarif arrêté , ex formula, & un certain nombre
de gens de guerre foudoyés à leurs dépens. Leurs
habitanspouvoient acquérir facilement, mais chacun
en particulier 3 le droit de cite Romaine. Ils
enqouifîoient même de fait iorfqu ils avoient exercé
dans leur pays une des magiftratures annuelles,
c’eft-à-dire, lors qu’ils y avoient été Duumvirs ,
Édiles, Quefteurs, &c. , ou lorfqu’ils s’établif-
foient à Rome fans laifier de pofterite dans leur
pays natal. " , Colonies ( médailles des ). Les médaillés qui
ont été fabriquées dans les colonies Romaines ,
font, fans contredit, les monumens les plus curieux
qui nous reftent des débris de l’empire Romain
: elles ont été encore, de toutes les médailles
antiques, les moins fujettes a etre contrefaites ,
àcaufe de la rudefte de leur fabrique, qu’il feroit
en quelque façon impoftible d’imiter. On en trouve
très-peu de belles, & on eft heureux quand fur
celles qu’on acquiert les figures'font un peu con-
fervées, & les légendes lifibles. C’eft l’efpèce de
médailles la plus favante que nous ayons, mais la
plus défagréable par la laideur des pièces , Sc
par conféquent la moins aifee a contrefaire, parce
qu’un habile ouvrier ne fera jamais capable d'imiter
que ce qu’il y a de pluis beau. On peut donc regarder
prefque toutes les médailles des colonies
comme antiques. Si on en trouve de Grecques
, telles que celles de la colonie d’Antioche.,
de Samofate , ou d’autres de cette efpcce qui pa-
roiflent moulées, on ne doit pas les rejeter, car
elies n’en font pas moins antiques.
Les médailles des colonies pourroient faire chez
quelque curieux qui aimerait la géographie ancienne,
une fuite différente de celle des villes, fort
nombreufe , fort, agréable Sc fort aifée , avec le
fecours que nous avons maintenant pour former
& pour la bien entendre. On entend ici par
C O L
colonies, non-feulement ces villes où le&sRorfïains
envoyaient des citoyens pour décharger la ville
de Rome d’un trop grand nombre d’habitans, bu
pour récompenfer les vieux foldats, en leur donnant
des terres & des établiftemens ; mais aulfi ces
villes que les Romains bâtiftoient de nouveau}
celles où ils n’envoyoient pas, à la vérité , de
nouveaux habitans , mais dont les citoyens obte-^
noient le droit de citoyens Romains ou ïe droit du
pays latin. Ces villes portoient le nom de côlonia
ou celui de TM*; cipium ,.foir qu’elles fufient dans
la Grèce, foit qu’elles fuflent fituées ailleurs; car
les Grecs regardoient ce mot KoXmia comme/un
mot confacré qu’ils avoient adopté par refpeél. •
Le nombre de ces médailles de colonies devien-
dioit encore, bien plus grand, fi l’on y joignoit
toutes les villes qui ont frappé des médailles en
leur nom propre, fans confidércr fi elles font impériales
ou non, fi elles font grecques ou latines j
mais pour perfectionner un cabinet en ce genre,
jl faudroit y placer comme tête, ce qui eft revers^
dans les impériales , enforteque la figure de
l’Empereur n’y feroit confidérée, que par accident.
On ne voit point, difoit le Père Jobert, que
les colonies ayent jamais frappé de médaillons. Il
eft même très-rare de trouver des médailles de
colonies en grand bronze jufqu’àu règne de Sept.
Sévère ; mais on en trouve une infinité en moyen
Sc en petit bronze , qui font la beauté de ces
fuites.
Vaillant a cependant fait graver un médaillon
d’Augufte, frappé à Saragofie, un de Livie, frappé"
à Patras, Sc un de Tibère, frappé à Turiafo, aujourd’hui
Tarraçona en Éfpagnê : ce font les deux
premiers & le quatrième du recueil de l ’Abbé de
Camps. Ce même antiquaire en décrit ailleurs
( Vailt. Num^pr&Jh. t. r. p. 190; ) un autre d’Augufte,.
frappé à Cordoue, comme on l’apprend de
la légende colonià Patricia.
Toutes les médailles des colonies font rares en
comparaifon des médailles ordinaires, quoique
les unes foient plus rares que les autres, tant parmi
les grecques que parmi les latines. Leur beauté
dépend ou du type, quand il eft hiftorique ou
extraordinaire , ou du pays, quand ce font certaines
villes peu connues., d’où l’on apprend quelque
trait de l’ancienne géographie; enfin quand les
charges & les dignités de ceux qui les ont fait*
battre font fingulières.
Quand il n’y a qu’um bceuf ftir le revers,, ou
deux boeufs avec le prêtre qui conduit la charrue ,
ou les feules enfeignes militaires , la médaille
paftè pour commune. ,Cela nous apprend néanmoins
quels ont été' les premiers habitans de- la
colonie, dit le Père Jobert car s’il n’y a que la
charrue , c’eft figne que ce n’eft que du peuple
qui y a été envoyé ; s’il n-y a que des enfeignes >
cela marque qu’elle a été peuplée par de vieux
foldats. i i l’ou trouve, tout eafemble „ les boeufs.
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Sc les enfeignes, cela veut dire que c ’eft du peuple
& des foldats. On diftingue même fi ç’a été
infanterie ou cavalerie , par la diverfité des éten-
darts ; & fouvént l’on conno'ft jufqu’à la légion
dont ils étoient, par le nom qui s’y trouve écrit.
On en verra les exemples à l’ouverture du livre des
colonies de Vaillant.
Cette ingénieufe obfervation eft due au fameux
Raphaël Fabretti ( Fabntt. col. Trajan. cap. z.
p. i l . } , de qui Vaillant l'avoit empruntée C Vaill.
Num. cal. t. j. p. 1. ) Mais j’avoue, dit le Baron
de la Baftie, que je ne la trouve pas aftèz bien
fondée pour l’adopter ; car, ï ° . quant à l’homme
qu’on voit repréferité fur le revers de plufieurs
médailles de colonies , vêtu dé la toge, dont un
pan lui couvre la tête , & conduifant une charrue
attelée d’ un boeuf Sc d’une vache , tout le monde
convient que c’eft un Prêtre qui remplit une cérémonie
religieufe , ufitée dans la fondation de
toutes les villes que les Romains faifoient b âtir ,
foit que ces villes d liftent être peuplées par des
foldats vétérans, foit qu’on y cl fit envoyer du-
iîtnple peuple. i Q. Il n’eft pas moins certain que-
ceux qu’on envoyoit à une nouvelle colonie, foit
qu'ils fufient foldats, foit qu’ ils ne le fuflent pas ,
; marchoient également en ordre militaire' ( V . Lips.
ad Tacit. ann. /. j v . 7 6. ) y divifés par centuries^
conduits par des Tribuns, & précédés par des
enfeignes qu’on portoit à leur tête. De-là il s’enfuit
que la cliarrue ne eonyenoit pas moins à une
colonie militaire qu’à celle qui n’étoit compofée
| quq de fimples citoyens , & que les enfeignes mi-’
; litaires, à moins qu'cm y ajoutât le nom des légions
d’où étoient tirés les foldats deftinés à
fonder une colonie , pouvoient également dé ligner
celles qui n’étoient peuplées que par de finv
: pies citoyens- Romains. Velleïus Paterculus,. après
avoir fait l’énumération de toutes les colonies que
les Romains avoient établies en Italie avant que
d’en fonder dans les provinces, ajoute: ( VelL Patère.
I. i. c. 15. ) que depuis: ce- temps - là il n’y7
eut plus que des colonies militaires.. Coriwtheétoiti:
donc colonie militaire , fuivant cet auteur ,. quï
écrivoit peu d’années avant la mort de Tibère >
cependant on trouve fur-une médaille de Corinthe,
frappée fous Augufte ( Vaill. Num. col. s. r„
p. 31. ) , :îe: type du Prêtre qui conduit une charrue,.
& on n’y voit point d’enfeignes. militai res-
On peut dire la même chofe de Mérid.a. en- Efpar-
gne ; fon nom feul, colonia- aug'ufta cmerita, dé figne
allez qu’elle a voie été formée de foldats émérites,
oü vétérans,; ce ne font pourtant pas des ën-
-feignes qui font repréfentéesTur les médaillés que
cette colonie fit frapper fous Augufte.. (ib.. p. 34.>
Je conviens cependant que lorfque les enfeignes
. rêpréfentées fur les médailles des colonies , portent
le nom de quelque lçgion., on eft en- aroiir
- d’affurer que ces colonies ont été formées par les
foldats de ces légions > mais quand on ne lit :Skr
- ces.enleignes.le norrv d’aucunelégioai * foie qu: e’Jcs