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•dans ce-tems que Babylone perdit fon nom, 5c
que fes habitans payèrent dans la ville nouvelle
conftruite par Seleucus, c’eft-à-dire, la 293 e année
avant Jéfus-Chrift, ou plutôt la 289e , car Eufèbe
nous apprend que Seleucus peuploit alors la ville
qu il a voit bâtie. O r , les 17000 ans de Berofe,
évalués à la manière de Gibert, donnent 46 ans
fix à fept mois ,o u l'intervalle précis du paflage
B Alexandre en A fie , jufqn’à la première année
de la cxxiii« olympiade, c’eft-à-dire , jufqu’au
moment où Berofe avoit conduit fon hiftoire.
Les 720000 années qu’Epigène donnoit aux
observations confervées à Babylone, ne font pas
plus de difficulté, réduites à des années juliennes,
elles font 1971 ans & environ trois mois ;
ce qui approche fort des 1903 ans que Callifthène
accordoit au même genre d’obfervations. La différence
de .68 ans vient de ce que Callifthène finit
fon calcul à la prife de Babylone par Alexandre,
comme il le de vo it, &r qu'Epigène conduilit le
lien jufques fous Ptolémée Philadelphe, ou jufqu’à
fon tems.
Autre preuve de la vérité des calculs & de la
fuppofition de Gibert. Alexandre Polyhiiror d it ,
d'après Berofe, que l'on confervoit à Babylone
depuis plus de 1 50000 ans, des mémoires historiques
de tout ce qui s'étoit pafle pendant un
fi long intervalle. Il n’eft perlonr.e q u i, fur ce
pafiage, n'accufe Berofe d’impofture , en fe rappelant
que NabônaiTar, qui ne vivoit que 410
a 411 ans ayant Alexandre , détrnifit tous les
monumens hiftoriques des tems qui l'avoient précédé:
Cependant en rédinfant ces 150000 ans à
autant de jours, on trouve 410 ans 8 mois &
3 jours} & les 150000 de Berofe ne font plus
qu'une affe&ation puérile de fa part. Les 410 ans
8 mois & 3 jours qu’on trouve par la fuppofition
de G ibert, fe font précisément écoulés depuis
le 26 février de l'an 747 avant Jéfus-Chrift, où
commence l’ère de Nabonaffar, jufqu'au premier
novembre de l'an 337, c’eft-à-dire, jufqu’à l’année
& au mois d’où les Babyloniens dataient le
règne d’Alexandre ,, après le règne de fon père.
Cette réduction ramène donc toujours à des époques
vraies j les 30000 ans que les Egyptiens
donnoient au règne du Soleil , le. même'•que
Jofeph , fe réduifent ’ aux 80 ans que l’écriture
accorde au miniftère de ce patriarche 5 les 1300
airs. & plus que quelques-uns comptent depuis
Menés jufqu’à Neithocris, ne font que des années
de fix mois , qui fe réduifent à .668 années juliennes
, que le canon des rois thébains d'Era-
tofthène met entre les deux mêmes règnes ; les
2936 ans que Dieéarque compte depuis Séfoftris
jufqu’à la -première olympiade , ne font que des-
années de trois mois., qui fe réduifent aux 734
ans que les marbres de Paros comptent entre Da-
naüs, frère de Séfoftris, & les olympîad.es, <kc.
Voye^ la Lettre de M.. Gibert.
Parmi tous les auteurs qui ont écrit fur la
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chronologie, il en eft un dont nous parlerons un
peu plus au long j non que fon fyftême foit le
meilleur & le plus fuivi, mais à caufe du nom
de l’auteur, de la Angularité des preuyes fur lesquelles
ce fyftême eft appuyé, <te enfin de la
nature de ces preuves, qui étant aftronomique
& mathématique, offre un appareil de vérités
impofantes.
Selon Newton , le monde eft moins vieux de
500 ans que ne le croient les chronoiogiftes.
Les preuves de ce grand homme font de deux
efpèces.
Les premières roulent fur l’évaluation des générations.
Les Egyptiens en comptoient 341 depuis
Menés jufqu’à Sethon , & évaluoient trois générations
à cent ans. Les anciens Grecs évaluoient
une génération à . 40 ans. O r , en cela , félon
Newton , les uns & les autres fe trompèrent.
Il eft bien vrai que trois générations ordinaires
valent environ 120 ans j mais les générations
font plus longues que les règnes, parce qu’ il
eft évident qu’en général les hommes vivent
plus long-tems que les rois ne régnent. Selon
Newton i chaque règne eft d’environ 20 ans ,
l'un portant l'autre ; ce qui fe „prouve par la
durée du règne des rois d'Angleterre, depuis
Guillaume le Conquérant jufqu’à Georges I > des
vingt-quatre premiers rois de France , des vingt-
quatre fuivans, des quinze fuivans, & enfin des
foixante-trois réunis. Donc les anciens ont fait
un calcul trop fo r t, en évaluant les générations
à 40 ans.
La fécondé efpèce de preuves , plus fîngulièré
encore, eft tirée de l’aftronomie. On fait que
les points équinoxiaux ont un mouvement rétrograde
& à très-peu près uniforme d'un degré en
foixante-douze ans.
Selon Clément Alexandrin, Chiron, qui étoit
du voyage des Argaunotes fixa l'équinoxe du\
printems au quinzième degré du bélier, & par
conféquent le folftice d'été au quinzième degré
du cancer. Un an avant la guerre du Péloponnèfe,
Méton fixa le folftice 'd'été au huitième degré
du cancer. Puifqu'un degré répond à 1 i Xante-
douze ans , il y a donc fept fois fok|pte 3c
douze ans de l’expédition des Argonai* ■ au
commencement de la guerre du Pélop | ^ ,
. c’ eft-à-dire, cinq cent quatre ans, & non pa^fept
cen t, comme difoiçnt les Grecs.
En combinant ces deux différentes preuves,
Newton conclud que l’expédition des Argonau-
tes doit être placée 909 ans avant Jéfus-Chrift,
& non pas 1400 ans, comme on le croyoit, ce
qui rend le monde moins vieux de 500 ans.
Ce fyftême, il faut l'avouer, n'a pas fait
grande fortune. Il a été attaqué avec force par
Fréret & par le P. Souciet } il a cependant eu
Angleterre & en France même des défenfeurs.
Fréret, en combinant & parcourant 1-hiftoire
des tems connus, croit que Newton s’eft trompé
dfA ea
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en évaluant chaque génération des rois à vingt
ans i il trouve, au contraire, par différens calculs
, qu’elles doivent être évaluées à trente ans
au moins , ou plutôt entre trente & quarante ans*-
II le prouve par les vingt-quatre générations depuis
Hugues-Capet jufqu’ à Louis X V . par Robert
de Bourbon, qui donnent en 770 ans 52 ans de
durée pour chaque génération j par les douze
générations de Hugues-Capet jufqu’à Chàrles-le-
Belj par les vingt de Hugues-Capet jufqu’ à Henri
III j par les vingt-fept de Hugues-Capet à Louis
XII j par les dix-huit de Hugues-Capet à Charles VIII. Il eft affez fingulièr que les calculs de
Fréret 8c ceux de Newton foient juftes l’u n '&
l’autre , & donnent des réfultats fi différens. La
différence vient de ce que Newton compte par
règnes, 8c Fréret compte par générations. Par
exemple, de Hugues-Capet à Louis X V , il n’y
a que vingt-quatre générations, mais il y a trente-
deux règnes y ce qui ne donne qu’environ vingt
ans pour chaque règne, 8c plus de trente pour
chaque génération. Ainfi ne feroit-il pas permis
de penfer que fi le calcul de Newton eft trop
Foible en moins, celui de Fréret eft trop fort en
plus ? En général, non-feulement les règnes doivent
être plus. courts que les générations des
particuliers, mais les générations des rois doivent
être plus courtes que celles des particuliers,
arce que les fils de rois font mariés de meilleure
eure.
A l’ égard des preuves aftronomîquës, Fréret
obferve que la pofition des étoiles & des points
équinoxiaux n’eft nullement exaéte dans les écrits
des.anciensj que les.auteurs du même tems varient
beaucoup fur ce point. Il eft très-vraifemblable ,
félon ce favant chronologitte , que Méton , en
plaçant le folftice d’été au huitième degré du
cancer, s’étoit conformé non à la vérité, mais
à l’ ufage reçu de fon tems î à-peu-près comme
c’eft l’ufage vulgaire parmi nous de placer l’équinoxe
au premier degré du bélier, quoiqu’elle n’ y
foit plus depuis, long-tems. Fréret fortifie cette
conjecture par un grand nombre de. preuves qui
paroiffent très - fortes. En voici les principales.
Achilles Tatius dit que plufieurs aftronomes pla-
çoient le folftice d’été au premier degré du cancer
, lès autres au huitième, les autres au douzième
i les autres au quinzième. EuCtemon avoit
obfervê le folftice avec Méton, & cet EuCtemon
avoit placé l’équinoxe d’automne au premier degré
de la balance ; preuve, dit Fréret, que Méton,
en fixant le folftice d’été au huitième degré du
cancer, fe conformoit à l’ ufage de parler de fon
tems , & non à la vérité. Suivant les loix de la
précelïion des équinoxes, l’équinoxe a dû être
au huitième degré (Varies , 964 ans avant l’ère
chrétienne, & c'eft: à-peu-près en ce tems-là que
Je calendrier fuivi par Méton a dû être publié.
Hypparque place les points équinoxiaux à quinze
degrés d’Eudoxe i il s’enfuivroit qu’i l y a eu entre
Antiquités , Tome IL
€ H R ->
Hypparque & Eudoxe un intervalle de 1080 ans,
ce qui eft infoutenable : à ces preuves Fréret en
ajoute plufieurs autres. On peut voir ce détail
inrtruénf & curieux dans un petit ouvrage qui
a pour titre : Abrégé de la chronologie de Newton,
fait par lui-même, & traduit fur le manuferit an-
glois, a Paris, 1725-, A la fuite de cet abrégé,
on a placé les obfervations de Fréret. Il fera bon
de lire après ces obfervations, la réponfe courte
que Newton y a faite ( Paris 1 7 2 6 ) , & dans
laquelle U y a quelques articles qui méritent
attention.
La chronologie ne fe borne pas aux tems reculé
s , & à la fixation des antiennes époques, elle
s’étend aufli à d’autres ufages, & particulière-^
ment aux ufages eccléfiaftjques. C'eft par elle que
nous fixons les fêtes mobiles, entr’autres celles
de pâques, & que par le moyen des épaêies, des
périodes , des cycles, &c. nous conftruifons le
calendrier ( Voyeç ces mots.). V^oyeç aujjt l ’article
ANNEE. Ainfi il y a proprement deux efpèces
de chronologies, l’une pour ainfi dire purement
hiftorique', & fondée fur les faits que l’antiquité
nous a tranfmis ; l'autre mathématique & aftronomique
, qui emploie les obfervations & les
calculs, tant pour débrouiller les époques , que
pour les ufages de la religion.
Un des ouvrages les plus utiles qui aient para
dans ces derniers tems fur la chronologie, eft Vart
de vérifier les dates , commencé par dom Maur
d’Antine, & continué par deux favans religieux
bénédi&ins de la même congrégation, dom Charles
Clément & dom Urfin Durand. Cet ouvrage
préfente une table chronologique qui va fui-
vre y elle renferme toutes les différentes marques
propres à caraétérifer chaque année depuis Jéfus-
Chrift jufqu'à nous. Çes marques font les indictions
, les épaétes, fe cycle pafcal, le cycle
folaire, les éclipfes , &rc. Cette: table eft fuivie
d’ un excellent calendrier perpétuel folaire &
lunaire. Voye£ l ’article CALENDRIER.
M. de Fontenelle, dans l’éloge de Bianchini, dit
que ce favant avoit imaginé une divifîon de tems
allez commode : quarante fiêcles depuis la création
jufqu’à Auguftej feizefiêcles depuis Augufte jufqu’ à
Charles V , chacun de ces feize fiêcles partagé en
cinq vingtaines d’années, de forte que dans les
huit premiers comme dans les. huit derniers , il
y a quarante vingtaines d'années, comme quarante
fiêcles dans la première divifion, régularité
de nombres favorables à la mémoire} au
milieu des feize fiêcles depuis Augufte jufqu’ à
Charles V , fe trouve juftement Charlemagne ,
époque des plus illuftres (article de d* Alembert,
dans VEncyclopédie. ).
Nous avons cru dans un ouvrage de cette nature
, devoir nous interdire les dî feu liions trop
volumineufes , & les fyftêmes réfervés pour les
differtations. On n’y voit paroître. que ues marbres
encore fubfiftans, ou des fuites chronologi-
B