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partie des ufages de ce pays. Comme les égyptiens
du temps de Platon , c’eft à-dire du temps où
ils s'efforçoient de fecouer le jolig des perfes,
faiioient encore des liâmes, aipfi que nous avons
vu ci-de (Tus par le récit du difciple de Socrate y
il efttrts-probable que fous les Ptolomées la Sculpture
a été encore pratiquée par des maîtres de
leur nation : ce qui donne un nouveau degré de
probabilité à cette conjecture, c’eft l’obfervation
conftante de l’ancien culte. Une chofe diftingue
encore fouvent k s figures du dernier ftyle , c’eft
qu-elles n'ont point d’hiéroglyphes, tandis que
la plupart des anciennes llatues font chargées
de fes cara&ères, tant fur leur bafe que fur la
colonne à laquelle elles font adoffées j mais en
général la marque caraClériltique c’eft le fty le ,
& non les hiéroglyphes ; car quoiqu’il ne s’en
trouve point dans les imitations des figures égyptiennes
, dont il fera queftion dans l’article lui-
vant, il ne s’en fuit pas que les ftatues des temps
reculés en portent toujours : on en voit meme-
beaucoup qui n’ont pas la moindre trace de ces
figures fymboliques. T els font deux obelifques de
Rome, celui qui eft devantS. Pierre & celui qui
eft près de fainte Marie-Majeure. Pline a lait la
même remarque fur deux autres obélifques ( 1.3 6.),;
de plus, le lion de la montée du capitole n’a
point d’hiéroglyphes, & l’Ofiris du palais Bar-
berini n’en a pas.
Nous allons enfin, à l’aide de Winckelman,
parler des figures égyptiennes qui ont plus de
reffemblance avec les anciennes que n’en ont celjes
du ftyle poftérieur, & qui cependant n’ont point
été faites en Egypte, ni par des maîtres égyptiens.
C e font des imitations des ouvrages antiques ,
adoptés par les romains, lorfqu’ils introduifirent
chez eux le culte de cette nation. Les plus anciennes
productions faites dans cette manière
font ( félon Winckelman ) , deux figures d’Iiis ,
fur deux bas-reliefs de plâtre, légèrement faillans,
qui étoient placés dans une petite &des, au parvis
du temple d’Ifis, découvert dans les fouilles de
Pompéia. Le défaftre de cette ville étant arrivé
fous le règne de T itu s , il eft évident^ que ces
figufes font plus anciennes que celles qu’on a déterrées
dans la villa Adriana y près de Tivoli.
Sous ce dernier empereur, qui étoit finguîièrement
fuperftirieux, malgré toutes fes connoiflânces^,
la vénération pour les divinités égyptiennes paroit
s’être plus répandue que jamais. Séduit par l'exemple
, le peuple aura fans doute füivi les pratiques
fuperftitieufes de fon maître. C e prince fit bâtir
à fa maifon de campagne de Tibur un temple qu’ il
nomma Canopus, & qu’il décora des ftatues de
divinités égyptiennes. La plupart des ouvrages
imités ont été trouvés dans, les fouilles des palais
d’Hadrien- Dans les unes, il fit. copier exaCte-
rnçnt les figures anciennes ï dans les autres, il
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combina l’art des égyptiens avec celui des grecs $
de forte que l’on voit de ces monumens qui /
par leur pofe & par leur contours, refit mblenc
parfaitement aux anciennes figures égyptiennes ;
c’ell-à-dire, que ces ftatues font pofées drojtes,
fans aCtion ,le s bras pendans perpendiculairement
& attachés aux côtés » les pieds pofés parallèlement,
& le dos appuyé contre une colonne^an-
gulaire- D ’autres placées à la vérité dans la meme
pofition, ont cependant les bras libres, avec
lefquels elles portent ou montrent quelque chofe.
Il eft fâcheux que ces figures n’aient pas toutes
leurs têtes antiques > car la tête fournit toujours
les principaux indices du ftyle. C ’eft ce qu’il eft
bien effentiel de remarquer, parce qu’ il paroit
que ceux qui ont écrit fur les ftatues égyptiennes^
n’en ont pas toujours été inftruits, & Bottari
lui-même s’ eft arreté long-temps àdécr.re la tete
d elà belle Ifis du capitole, fans remarquer la
partie reilaurée ( muf. Capit. tom. 3. ftg. o l .
pag, 152 ),
Parmi les ftatues du ftyle égyptien imité, on en
remarque particuliérement deux de granit rougeâtre
( Majfci raccolta di ftatues fo l. 148. ) , placées
contre le palais épifcopai de T iv o li, & l’ An-
j tinoiis égyptien , cor-fervé au cabinet du capitole.
Cette dernière figure eft un peu plus grande que
le naturel : les deux premières font prefque une
fois plus grandes, ont la pofe des plus anciennes
-figures égyptiennes y font comme elles adoflees
contre une colonne angulaire > & de plus elles
portent des hiéroglyphes. Elles ont les hanches
& la partie inférieure du corps couvertes d’ un tablier
, la tête coëffée d’un bonnet avec deux bandes
unies qui defcendent en avant- De plus , ces figures
portent fur la tête une corbeille, a la maniéré
des caryatides; & .la corbeille & la figure font
faites du même morceau. Or comme ces ftatues
en général reflemblent parfaitemenc aux ouvrages
égyptiens du premier ftyle , foit pour l attitude ,
foie pour la forme, il ne Faut pas s’ étonner fi prefque
tous ceux qui ont traité de fart leur ont
affigné la plus haute antiquité. On s’ en eft tenu
â la forme apparente, fans examiner avec attention
les différentes parties, feules capables de
démontrer le contraire. La poitrine, qu’on voit
aplatie aux anciennes figures d’hommes, fe trouve
haute & impofante à, celle-ci. Les cotes au def-
fous de la poitrine, qui ne font point^ du tout
apparentes aux premières, font indiquées fortement
aux dernières. L à , le corps au-defius des
hanches, eft extrêmement refierré, ici il paroit
dans toute fa plénitude. Dans celles-ci, les articulations
des genoux font plus diftinétes que dans
celles-là ; les mufcles des bras & des autres parties
y frappent d’abord les yeux. Les omoplates , qui
font à peine indiquées dans les premières figures
l s’élèvent aux dernières avec un fort arrondiflemenr,
& fel
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pieds approchent de bien çrèsde la forme grecque.
Mais la plus grande différence fe trouve dansde .
vifage, dont 1t frire n eft nullement :4an= ^ ° W
égyptien , & dont les airs de tete ne refferoblent
point à ceux de cette nation. Les.^eux ne font
pas à fleur de tête comme dans la nature & les plus
anciennes têtes égyptiennes; on les a très-enfonces,
d'après le-fÿftême grec , pour relever. 1 os de 1 oe il,
& pour ménager un effet de lumière &. d ombre.
Outre cés-formes grecques , on y voit üne_configuration
entièrement- reffemblanteàlapnyfionomiede
l'Antinous du ftyle grec : ce-çjui a fait croire
à Winckelmann que ces ftatues offroient vetitable-
ment une repréfentation égyptienne de qe beau
jeune homme.' L'Antinoiis égyptien; :du cabinet
du capitole-,: décèle encore mieux le ftyle mixte
de VEgypte 8c de-la Grèce , la ftatue etant-libre
de tous côtés fans être adoffe'e Contre une colonne.
A ces ftatues, on peut joindre differens fpomx. A
la villa Albani, on en voit quatre de |ramt noir,
dont les têtes ont une forme qui n'a pu etre conçue
ni exécutée par des maîtres' égyptiens'. Les ftatues
d'IGs en marbre ne doivent pas être rangées dans
cette claffe : faites entièrement dans le ityle grec ,
elles n’ont été exécutées que fous. les empereurs ;
car du temps de Cicéron , le culte de cette divinité
n'étoit pas encore reçu à Rome ( de net, deor.
19 ).
Hme les bas-reiiefs reconnus pour des imitations
, il faut fur-tout diftinguèt un morceau de
bafalte vert, expofé dans la cour du palais Mattéi-
& repréfèntant la procefïion d’un facrifice ( r .A .
Bartholi admir. ').
I Winckelmann a relevé une méprife de W arbur-
ton ( ejfais fur les hiêroglyph. p. 294. ), qui croyoït
que là femeufe table iftaque étoit un ouvrage tait
à Rome. Cette opinion ell tout a fait deftituee de
fondement, & il paroiflfoit ne l'avoir adoptée
que parce qu’ elle cadroit avec fon fyiteme. C^uoi
qu’il en fo it , ce monument a tous les caractères de
l’ ancien ftyle. Les hiéroglyphes qui s’y trouvent
& qui ne Ve rencontrent fur aucuns des ouvrages
imités par les romains, fournirent des raifons pour
foutenir fon antiquité & pour réfùter l’opinion
de Warbur ton.
Outre les ftatues & les bas-reliefs confidérés
comme des imitations, il faut encore mettre dans
dette clafte les çanopes, exécu t é s ordinairement
en bafalte, & les pierres gravées , travaillées du
temps des empereurs, mais charge.es défigurés
& de fymboles dans; le ’goût égyptien. >
Parmi les pierres gravées, tous les fearabees ,
c’eft-à-'dire, toutes les pierres dont la partie
convexe repréfenre un efearbot grave en relier,
& dont le-côté uni offre une.dmoi%é.fgyp,!!eme,
aavaillée .en creux, -font des temps pollérieurs.
Antiquités, Terne 11.
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Lés écrivains qui tiennent ces pierres pour
très-antiques ( Natte r, pier. gr. ƒ. 3.) n’allèguent
point d’autre.preuve qui conftitue cette haute
iantiquité, que la médiocrité du travail : mais ils
ne eonnoifferit point de caraéleres qui indiquent
la manière des anciens égyptiens. Toutes les pierres
gravées ordinaires, repréfentànt des figures
oux des têtes, .de: Sérapis ou d’Aaubis, font du
! temps des romains.
Sur : ces monumens, eh effet, Serapis n a rien
d’légypticn,- c’ eft le Pluton des grecs ; & Ma-
!crobe ’affilié ..que .le culte de cette divinité,vient
;d e la T hra ce, & qu’ilne fut introduit en Egypte-
■ que fous le premier des Ptolémée. (Macreb. Satura. 1.' l . ’ C. 7; p. .179. Huet. Dem. eyàng. prop. 4.
c. 7. p. 100. ) Le cabinet de Stofch renfermoit
quinze pierres gravées avec l’image d’Anubis, &
" elles .étoient toutes ’ des temps i>oftérieurs. Les
piètres nommées abraxas font généralement reconnues
aujourd’hui pour des fymboles myfti-
ques-des gnoftiques & des bafilidiens , hérétiques
. des premiers fiècles du chriftianifine, & leur travail
.eft; fi mauvais, qu’il ne mérite aucune confidé-,
ration.
Voici encore une obfervation qui fervira à
1 caraélérifer les monumens égyptiens. Les artiftes
de cette' nation creufoient quelquefois les yeux,
: pour y inférer des prunelles d’une matière différente
, ainfi qu’on le voit à une tête de la villa
: Albani, St . à W M du fécond ftyle égyptien du
* Capitole. À une autre tête de la villa Albani,
: faite du plus beau granit à petits grains g on remarque
que les prunelles font terminées avec un
outil pointu , & non pas polies comme la tête.
; : Les autres produftions de la Sculpture égyptienne
, confiftent en figures taillées dans la pierre
iS t travailléesTde relief, c’eft-à-dire, que les
'figures y font de reliefs quant à elles-mêmes,
& quelles ne le font pas, quant à l’ouvrage
dans lequel on lés a travaillées, étant arafées avec
la furface de la table. Les artiftes de cette nation,
fe!onWinckelmann,ne faifoient des ouvrages,
appelles aujourd’hui de r e lie f, qu'en bronze : la
: forme & la.fonte donnoient les faillies requifes
aux objets.
Quand il a écrit’aue les bas-reliefs proprement
dits, .niétqien.t exécutés qu’en bronze, il favoit
très-bien qu’il y a des pierres à ’Egypte qui offrent
des ouvrages de relief, tels que les canopes de
bafalte, vert. Mais on doit fe rappeller qu'il a
placé les canopes au rang des imitations polté-
rieures, faites du temps des romains. Une tête
de femme en marbre blanc,, faite dans l’ancien
ftyle égyptien, & enclavée dans les murs dp capi-
to js , près de: 1? demeure du fénateur, fembleroit
dépofer ici contre ce favant, parce quellen'eft