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foule étoit innombrable dans la Grèce 8c dans.
l'empire Romain: il n’y avoit point de lieu dans
Rome , dit Tite-Live, qui ne fut plein de Dieux :
de-là vient que Quartil-la dit : Notre pays eft f i plein
de Divinités , qui Vhonorent de leur préfence , que j
vous y trouveriez plus facilement un D i e u qu un I
homme. Non contens de cette foule de Divinités
que la fuperftition de leurs pères avoit introduite,
les Romains embraffoient le culte de toutes les
nations fubjliguées , 8c fe faifoient encore tous les
jours de nouveaux Dieux.
Dieux publics : c’étoient ceux dont le culte
étoit établi & autorifé par les lo ix , comme les
douze grands Dieux.
Dieux particuliers : ceux que chacun choiflf-
foit pour être l’objet de fon culte particulier. Tels
étoient les Dieux Lares, les Pénates, les âmes
des ancêtres, qu’il étoit permis à chaque particulier
d’honorer comme il vouloit.
Dieux connus : dans cette claffe, Vairon ran-
geoit tous les Dieux dont on favoit les noms, les
fonctions, les hiftoires, comme Jupiter, Apollon,
le Soleil', la Lune, &c.
Dieux inconnus : dans cette fécondé clafle
étoient placés les Dieux dont on ne favoit rien
d’ affuré , & auxquels on ne lailfoit pas d elever
.des autels 8c d’oflrir des facrifices. Flufïeurs Auteurs
parlent d’autels élevés aux Dieux inconnus
en plulieurs endroits , mais en particulier chez les
Athéniens, le plus religieux peuple de là terre,
qui avoient confaçré un autel au Dieu inçonna., de
peur qu’ il n’y en eût quelqu’un auquel ils n’euffent
point rendu de culte. Cet autel fubfiftoit encore du
temps de S. Paul: Ayant vuenpajfant,.leur dit cet
Apôtre , un autel confacré au D ieu in con nu ,
ttyiofu ©eS , je viens vous prêcher celui que vous
adorez funs Le connaître.
Dieux communs : Mars, la Viétoire 8c Bellone.
Dieux agréables, géniales : la Terre , l’E au ,
le Feu, l’A ir , le Soleil & la Lune.
Dieux du Ciel : c’ étoient Célus, Saturne, Jupiter,
Junon, Minerve,Mars, Yulcain*Mercure,
Apollon, Diane , Bacchus, Src.
Dieux de la Terre , Cybèle, ou la mère des
Dieux ; Veilla, les Dieux Lares , les Dieux Pénates,
les Dieux des Jardins, Pan, les Faunes, les
Satyres, Paies , les Divinités champêtres , les
Nymphes, les Mufes, 8c c.
Dieux de la Mer : l’Océan & Thétys , Neptune
8c Amphitrite, Nérée & les Néréides. Dons 8c les Tritons , les Napées, les Syrènes, Éole &
les Vents, & ç .
Dieux des Enfers : Pîuton1, Cérès, Proferpine,
les trois juges d’enfer, Ëaque, Minos & Rada-
gianthe. Les Parques 3 le Dettin, les Furies, les
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Dieux Mânes, Charon , &c. On verra Thiftoire
de tous ces Dieux dans leur article particulier.
Il y a plufieurs autres dénominations générales
des Dieux 3 comme les Cabires 3\tS Palices 3\tS Com-
pitales , les Semones , les Dieux choifis , Selefti ;
les Indigetes, les Pataïques , les Pénates , les L<z-
res , les Empirés, les Etkérés , les Mondains. 8c
Supramondains , les Matériels 8c Immatériels , &
enfin les Dieux des fphères céleftes, 8c ceux qui
étoient hors des fphères. Voyez tous ces motSm
Dieux des Gaulois. Le Comte de Caylus ( Rec,
d’Ântiq. n i. n. 7 . pl. 8.8. n°. 1. & p. 315.) a publié
les deflîns d’un Hercule & d’un Jupiter ,'monumens
Gaulois. Il dit à leur fujet : «Quelques peuples
anciens ont eu la délicateffe de ne point donner de
fexe à leurs divinités j ils afluroient qu’elles étaient
à la fois mâles 8c femelles. Les Gaulois étoient
dans ce principe avant d’avoir été domptés par
les Romains. D. Martin ( Religion des Gaulais ,
prem. vol. pag. & 335, 338. ) rapporte plufieurs
repréfentations de Mercure, qui font
traitées dans cet efprit 5 ce qui mérite le plus
d’ attention dans ces monumens de D. Martin ,
c’eit le détail de la découverte qu’on fit, il y a
quelques années, fur la montagne de Framont >
c’eft la plus haute de celles qui réparent l’Al face de
de la Lorraine : les figures qu’on y a trouvées,
repréfentent Mercure, ayant deux, anneaux au
lieu de fexe : niais quand on a refufé cette préro*-
gative à Hercule, comme on le voit ic i, on peut
la refiifer au refie de l’Olympe ».
« Ce Jupiter qui parole avoir tenu- quelque
corps dans la main qu’on voit élevée , eft encore
d’un travail très-groflîer} cependant les proportions
générales ne font pas auffi mauvaifes que
celles de l’Hercule du numéro précédent. Il eft
nud, 8c n’a conftamment jamais eu de fexe. Ces
deux monumens, conformes en ce point, &
conftamment Gaulois , donnent des preuves réciproques
du fyllême de cette nation fur la divinité
».
Ce que j’ai dit jufqu’à préfent, dans cet article.,
fur les Dieux,, ne regarde que les Mythologues}
mon plan exige que je nvadreffe actuellement aux
artiftes. Ce fera- Winckelmann qui leur parlera
ici*
cc Les grands Artiftes de la Grèce qui pouvaient,
die-il, ( Hifl. de ? Art. iv . chapitre 2. )
fe regarder comme des créateurs, quoiquils travail
lafTent moins pour l’entendement que pour
le fentiraent, tâchèrent de furmonter la dureté
de la matière, & , s’il eût été poflible, de lui
imprimer la vie. Dès la naiflànce d,e: 1 art, cet
effort- généreux des Artiftes donna lieu a la fable
de Pygmalion & de fa'ftàtue. Leurs mains indu G-,
trieufes donnèrent l’ exiftence aux objets du culte
religieux qui, pour exciter la vénération, dévoient
être confidérés comme les types des natures fupé-
rieures. Les premiers fondateurs de la religion,
qui étoient Poètes, fournirent les hautes idées
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j&lir les fimulaeres de ees divines mtelligencêS *.
ces idées donnèrent des ailes à l’imagination pour
élever fon ouvrage au-deffus d’elle-même 8c de
la fphère des fens. La conception humaine, en
créant des divinités fenfibles, pouvoit - elle fe
figurer rien de plus digne, rien de plus attrayant
pour l’imagination, que l ’état d’ une jeuneffe éternelle,
que le printems d’une vie inaltérable, dont
le fouvenir fenl nous enchante encore dans un
âge plus avancé ? Ce tableau étoit analogue à l’idée
de l’immutabilité d’un être divin : la belle ftature
d’une divinité jeune & brillante faifoit naître
l’amour 8c la tendreffe, les feules affe&ions qui
puiffent ravir famé en une douce extafe. Et
11’eft-ce pas dans ce raviffement des fens que con-
fifte la félicité humaine qui a été recherchée dans
toutes les religions , bien ou mal entendues » ?
«j Parmi les divinités du fexe fçminin, on attri-
buoit à Diane & à Pallas une virginité perpétuelle}
des autres DéefTes qui l’avoient perdue
pouvoient la recouvrer, & Junon redevenoit
vierge toutes les fois qu’elle fe baignoit dans la
fontaine Canathus. C’eft par cette raifon que le
fein des DéefTes 8c des Amazones eft toujours
repréfenté comme celui des jeunes filles à qui '
Lucine n’a pas encore délié la ceinture, c’eft-à-
dire que le mamellon n’eft pas encore développé.
.Cette règle eft affez confiante, à moins que les
DéefTes n’allaitent un enfant, comme Ifis donnant
le fein à Apis ( Defcr. des pier.gr. du cab. de
Stofck. p. 17. n°. 70. ). Mais la fable dit que
cette Déefïe avoit mis le doigt dans la bouche
d’Horus , au lieu du mamelon ( Plutarch. de I f &
Ofi. ) ; c’eft ainfî qu-elle étoit repréfentée lur une
pierre gravée du cabinet de Stofch ( p . 16. n°;6$ ) ,
conformément fans doute à l’ idée reçue. Suivant
toutes les apparences, une ftatue du jardin du
Pape, repréfentant Junon aflife qui allaite Hercule,
nous offrirait les mamelons vifîbles, fi
cette partie du fein n’étoit pas couverte par la
tête de l’enfant & par la main de la Déeffe. J’ai
publié cette ftatue dans mes monumens de l’antiquité
( Monum. ant. n. 14) Dans une peinture antique
du palais de Barberini, on voit une prétendue
Vénus,,qui a les mamelons très - apparens j
circonftanee qui me fuffit pour avancer que ce
ne peut pas .être une Vénus ».
-• « Les Grecs ont figuré la nature intelJe&uelIe
par la -marche légère} 8c Homère compare la
vîtefïe .de Junon en marchant, à la penfee d’un
homme qui parcourt en efprit une infinité de
pays lointains qu’il a vus, & qui dit dans un feul 8c même inf tant« j’ai été ici & je fus là ». Une
image de cette vélocité eft la couyfe d’Atalante :
elle vole fi rapidement fur le fable, qu’elle n’y
laifie aucun veftige de fes pieds, C’eft ainfi qu’on
la voit repréfentée fur une améthyfte du cabinet
de Stofch {pag. 337). L ’Apollon du Belvedèr
femble planer , fans toucher la terre de la plante
de fes pieds.^ C’eft cette manière igfçijftÿe de
Antiquités 9 Tome I f
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mafehet 8c de glifter, confacrée pour les Dieux
par les Artiftes, que Phérécide, un des plus anciens
Poètes Grecs, femble avoir voulu exprimer par
la forme de ferpent qu’il donnoit aux Divinités,
pour décrire figurément une marche dont on n’ap-
pçrçoit pas facilement la trace ( monum. ant.
page 2 .) ».
ec La jeunefle des Divinités de Tun & de l’autre
fexe avoit fes degrés 8c fes âges différer)s dans la
repréfentation defquels Tart s’ attacha à rendre
toutes les beautés. Cette jeuneffe eft une beauté
idéale, empruntée en partie des beaux corps de
jeunes hommes, en partie de la nature des beaux
Eunuques, & relevée par une.taille au-deflus de
la ftature humaine. C’eft: çequi fait dire à Platon
qu’on n’avoit pas donné aux images des Dieux
leurs véritables proportions, mais celles que l’imagination
avoit jugées les plus belles ».
ec De même que l’on aperçoit dans les figures
des Divinités mâles les gradations des âges 8c les
formes de leur jeuneffe ; on voit suffi cette jeuneffe
empreinte dans un degré convenable fur le vifage
des Divinités de l’âge fait : ce degré eft compote
de la force virile & de l’enjouement de la belle
l jeuneffe. Cette jeuneffe fe manifefte par la fup-
preffion des nerfs 8c des mufcles qui font peu
apparens dans le printems de l’âge. Mais ceci
renferme en même-temps l’expreffion de ce contentement
divin qui n’a pas befoin des parties matérielles,
deftinées à la nourriture de notre corps.
Cette affertiom explique les fentimens d’Epiçurç
fur la figure des Dieux : ce philofophe leur donne
un corps à la vérité, mais une efpece particulière
. de corps 5 du fang, mais une efpèçe particulière de
fang} expreflion que Cicéron trouvoit pbfcure Sc
inintelligible (De Nat. Deor. L. iJ j j 18. & 25 )
ec L’exiftence ou la fuppreffion des nerfs 8c des
mufcles, diftingue Hercule obligé de déployer 1^
force de fon bras contre des monftres, des brigands
, 8c éloigné encore du terme de fes trar
vaux} d’HercuIe, dépouillé par le feu, des parties
groffières du corps, & parvenu à la jouiffance de
la félicité des immortels. L ’homme eft exprimé
dans l’Hercule Farnèfe, 8c le Dieu dans l’Herculç
du Belvedèr, ou au fameux Torfe. Ces traits
caraéfcériftiques nous autorifent à juger fi des
ftatues, fendues méconnoiffables par la perte de
la tête 8c des attributs, figurent un Dieu ou un
homme. Plein de ces fubûmes conceptions, Far-
tifte élevoit la nature du matériel à l’immatériel,
& fa main créatrice produifoit des .êtres exempts
j des befoins de l’humanité , formoit des figures
qui repréfpntoient l’homme dans une plus haute
dignité, 8c qui fçmbloient n’être que les types
ou les enveloppes des efprits perjfans 8c des inteU
ligen,ces céleftes ».
« Par ce moyen, dit Qiuntilien, la ftatue de
Jupiter, de la main de Phidias, n’avoit pas. peu
contribué à faire redoubler de zèle, & à augmen-
Y & ç r o o û jpowjr k Pieu même ( Cujuf pul»
I J?. Il,