
7i 4 FUR
divinités inferhâlès , & des Euménides en parti-
culier , élevées dans l'aréopage, n'offroienc
rien dé repouffant, & que le poète Efchyle
imagina le premier d'encrelaffer des ferpens dans
leurs cheveux. Une ancienne tradition nous a
confervé le fouvenir de l ’effet étonnant que produire
fur le peuple & même fur les magiftrats
d'Athènes, l'apparition fubite des furies introduites
dans les tragédies de ce poète. Quelques
femmes moururent de frayeur, & d'autres accouchèrent
avant terme.
Quoi de plus affreux en effet, que les portraits
des furi'es tirés dés poètes. Tous ( Virgillus, Tibul.
Eleg. I I I . lib. I . Stat Theb. lib. J. Rapt. P r o f
ub. I . ) s’accordent à leur donner des ferpens
pour coeffure, ou au moins à les mêler à leurs
cheveux.
,, Ceeruleofque aniplex.ee crinibus angues.
, , Tifiphoneque impexa feros pro crinibus angues.
,, Centum ïlli fiâmes obumbrant ora cerafice.
, , ............................. Crinitaque foutibus hydris.
Le vifage que ces animaux ombrageoient étoit
noir avec des yeux enflammés.
.................Sedet intus abadis
Ferrea lux oculis ; qualis p$r nubila Phoebes
,, A f brada rubet arte làbor. Suffufa veneno
3, Tenditur, ac fanie glifeit cutis ; îgneus atro -
,, Ore vapor quo longa fitis, morbique , famefque,
„ Et populïs mors una venit......................
Un collier formé par des couleuvres ferroit
leurs cous, & pendoit fur leur fein livide &
décharné. Torquata colubris , dit Ovide ( i epifi.
119. ) C'étoic ainfi que les repréfentoit lemafque-
tragique, appellé Vopyôvuoi.
Virgile ( Æneid. 7. 561. ) a donné des aîles
de dragon aux furies. « Aleetûs firidentes anguibus .
*/<e», & c ’étoit l’opinion de quelques anciens
poètes. Mais Efchyle, dans les Euménides,
n'eft pas du même avis. Il fait dire à la Pythie
quelle a ma'-à-propos confondu ces divinités avec
les Gorgones qui étoient repréfentées avec des
aîles. On n'eft pas plus d'accord fur le nombre
de leurs mains & de leurs pieds, que les peintres
ont fagement réduits à deux. Cependant nous
avons vu plus haut que. Sophocle , dans Eleétre
( v. 490.') , leur en donne un grand nombre,
& qu'il chante leurs pieds d'àirain. Ces mains
redoutables étoient armées de ferpens 8c de torches
enflammées. C'était ainfî qu'elles étoient
repréfentées ( Suidas rp avaria. ) dans les tragédie
s , & dans Ele&re ( Ele&ra 1345 ) en particulier.
La pâleur 8c la maigreur d’une vieille la
font prendre dans Ariftophane ( Plutus 422. )
F U R
pour une furie de tragédie, 8c Ton n'eft dfé*t
trompé qu'en ne lui voyant point de torches*
Claudien ( Rapt. Prof. lib. J. 49. ) en parle dans
fa defçription de Tifiphone, quatiens infefio lumine
pinum, & dans fon poème contre Ruffin , cintta
facibus atris.
Rien d’auflî connu chez les poètes grecs &
latins, que la robe des Euménides. Elle étoic
noire, ou rouffe , c’eft à-dire, de couleur l'ombre, 8c faifoit proverbe dans la Grèce. La robe des■
furies , dit Lycophron , pour exprimer un vêtement
noir & lugubre. Des taches de fang étaient
femees lur cette tunique/& des ferpens en formoient
la ceinture........................... P alla fuccincla
cruenta, dans Virgile; 8c dans Stace riget horrida
tergo palla , & coerulei r.cdeunt in peèlora nodU
( Tkebaid. lib. I. )
Voilà les traits affreux fous lefquels les anciens
ont pe=nt les Euménides. Ils ont quelquefois
abufé de leurs mafques pour commettre des crimes.
Paufanias ( Laconie a p a g. 199. ) nous a confervé
la mémoire de l'un d'eux , en racontant
la mort de la fameufe Hélène. Cette femme que
. fa beauté & la guerre de Troye ont rendu .fl ce-
! lèbre, fe retira après la mort de Ménélas, à
. Rhodes, oùcommandoit Polixo fa parente. Celle- -
f ci- voulant aifouvir une vengeance perfonnelle ;
fit déguifer fes efclaves en furies , 8c les envoya
pour tuer la veuve de Ménélas. Elle étoit dans
le bain lorfque cet ordre cruel fut exécuté. Elle
en fut arrachée & pendue à un arbre. Le dida->
teur Camille fe tira plus heureufement d'uné
pareille embufeade. Les femmes des Fidénates
affiégées par ce général, voyant que leur vi.le.
alloic palier fous la domination de-s romains,
effayèrent de jetter la terreur dans leur armée en
fe déguifant en furies. Elles parurent armées de
torches, & entourées de bandelettes de divers
* couleurs. M ais, dit Florus ( degefiis roman. I. 1«
c .X I I . ) , en rapportant ce ftratagême , habitus illc
' fcralis everfionis omen fu it .
Diogène Laërce raconte du cinique Ménédème,
qu'il fe plaifoit à paroître Tous l'habillement des
Furies3 c’eft-à-dire, avec une robe traînante 8C
d'une couleur obfcure. Si nous en croyons Stra-
bon ( lib. I I . ) , une nation entière portoit le
même habillement, c'étoient les habitans des îles
Caffitérides. Nous omettons plufleurs paffages des
anciens , relatifs à la rotfe des Furies, mais nous
devons citer au moins les trônes que leur donne
Efchyle ( Eumen. 514. ). Il tft le feul écrivain
qui en ait parlé, à moins qu'on entende de ces
trônes les Thalanfi Eumenidum. Nous croyons,
fans vouloir déprimer, Servi us & fon interprétation,
qu’on i'expliqueioit a»:fïî fe>ien des fiéges ou
demeures affrétées aux Euménides. D ’ailleurs le
fer qui en fait l.i madère annonce affez par fa
couleur fombre, des divinités redoutables.-
FUR
Les médailles offrent Couvent les Furiéb fôtiS
•différens coftumes, M. Pellerin en a publie ( Me- -
langes I I | p i.'} 1.) une d’Afpendus en Pamphylie, -
au revers de.Gordien Pie. On ,y voit trois femmes
grouppées debout, ayant chacune un boiffeau fur ,
la tête, & tenant dans leurs mains des ferpens
avec des torches allumées. Une fécondé d Æza-
nis en Phrygie, eft conforme au texte d Efchyle,
qui appelle les furies . En effet la figure qui
y eft gravée (fSuppl. I I . p l. B. n°. 7 . ) a fix bias,
dont quatre tiennent des torches allumées > le cinquième
tient une patère, & le fixième un ferpent.
Cette furie eft debout, vêtue d’une longue robe,
bordée de ferpens. Sa chevelure en eil remplie.
Les trois Euménides adoffées debout, coeffées
avec des voiles & des boifleaux, paroiffent fur
une médaille du jeune ( Spanheim. Céfars de julien.
54.) Gordien, de Lyrba, dans l ’Afie mineure, &
fur une autre de Philippe frappee à Antioche de
Syrie. Elles font accompagnées de deux chiens
qui aboient. Sur la première médaille, l une des
fur ies tient des ferpens, l'autre des poignards &
la troifième des torches. On voit fur la fécondé
médaille, des torches dans les mains de 1 une ,
un poignard & un fouet dans les mains de 1 autre
, & la troifième tient une c le f & un ferpent.
Dans le même ouvrage de Spanheim, on trouve
une médaille de Maftaura en Licie, fur laquelle
les fur ies<oïïi debout, vêtues de longues robes,
fans voiles ; mais coiffées avec le lotus. La première
tient des torches, la fécondé des poignards,
& la troifième une clef 8c un ferpent. Une médaillé
d'Otacille Sevère, publiée par Seguin, &
depuis par Haym ( tom. IL tab. X X IX . n ° 1. ) ,
frappée à Laodicée, nous montre les Eumcnides
debout, vêtues de longues robes, adoflees, voi-
-lées, portant des boiffeaux 8c tenant des torches.
' 1 Une médaille de Sabine, dit le comte de Cay- j
» lus ( tom. I V . p. 26 3.)/inconnue à Vaillant, 1
» offre les trois furies repréfentées par trois tetes
i> pofées fur un feul corps, d’où fortent de chaque
>0 tête trois bras armés de flambeaux. C e corps
» eft terminé en gaîne, & chacune de ces trois
»s têtes eft ornée du boiffeau. La legende porte
» apteion , & les Euménidesïd'Efchyle appren-
» nent que ces redoutables divinités etoient parti-
33 ctilièrement adorées à Argos. « C e t antiquaire
décrit enfuite une plaque d’or trouvée dans un
tombeau hors de Rome, fur laquelle elt gravee
line feule tê te , avec trois vifages, portée par un
corps drapé, dont fortent trois jambes & fix bras.
Chaque bras tient un flambeau, 8c la tête elt couronnée
par un boiffeau. On ne peut meconnoitre
les Euménides dans cette defçription., & encore
moins dans deux abraxas publiés par Macanus
( Tab. X I V . n°. 17. ). Us portent chacun une
fu r ie , l’une ceinte deux fois avec la robe relevee
aux genoux, l’autre une feule fois avec une longue
robe détrouifée- Elle a trois vifage^ trois boif-
F U R 7 *f
féaux & fix bras.. Quatre de ces bras, dans le
premier abraxas, tiennent des torches, 8c les deux
autres des ferpens. Mais les deux derniers bras
de la fécondé figure font armés de fouets- Eber-
mayer ( Gemma, png. 210. ) , donne le nom d Hécate
à une femblable figure, dont la robe eft dé-
trouffée, 8c les fix bras armés deux à deux de torches
, de poignards & de fouets.
ChifRet attribue aux furies trois têtes coiffées de
ferpens, qui font pendues a un arbre, fur un
. abraxas. On pourroit les donner aux Gorgones
avec autant de vraifemblance , puifqu’elles ne portent
point de boiffeau ; car cet attribut eft pref--
: que toujours placé fur les têtes des Euménides.
Il nous apprend que ces divinités etoient foumifes
à Pluton, & quelles exécutoient fes ordres. On^
fait en effet que le boiffeau deyenü par la fuite
commun à tous les dieux, appartint dans le_com-
raencement à Sérapis fe u l, le Pluton des Egyptiens.
Les Etrufques, dont les monumens tiennent aux
premiers temps de la Grèce, & des-lors a 1 époque
de fes communications avec l'Egypte > ont
confervé feligieufement cet attribut de Serapis-
Pluton aux Euménides. Nous en voyons une ou
plutôt la réunion des trois dans la deeffe Furina
( Mus. Etrufc. Gori. pag. 193. tab. 125". ) , qui
le porte fùr la tête. Elle a des aîles, un collier
avec des bracelets, & elle.tient des deux mains
une torche allumée quelle eft près de lancer. Les
Ëtvufques out fouvent repréfenté les furies dans
leurs monumens, mais leurs peintures varient a
l’infini. Tantôt elles portent des lampes, des flambeaux
, des lances, des épées, des haches, des
marteaux même. Tantôt elles tiennent la lance
armée d'un c ro c , { ibid . tab._ 84. «°. l .)>
qu'ils attribuoient à Perfée. Souvent ils leur donnent
des habits courts ou retrouffés avec des ceintures
& fans manches ; fouvent aufli une longue
robe bariolée de différentes coule'urs, telle que
l'a obfervée 8c dépeinte Buonarotti. Les Euménides
paroiffent encore fur les monumens étruf-
ques, les cheveux épars ou liés, avec un diadème
, portant des aîles aux épaules ou à la tete.
Elles ont enfin quelquefois les pieds nuds comme
chez les Grecs ; quelquefois auffi, elles portent
des fouliers 8c même des cothurnes.
i Les fondions des Euménides étoient auffi va-
! riées que les traits fous lefquels on les peignoit.
1 Leur pouvoir s'étendoit fur tout l'Univers, félon
: Efchyle ( Euménides 953. ) , dans l'olympe, fur la
j terre & dans les enfërs. C ’étoit les fur ies qut
femoient la difeorde parmi les humains, 8c qui
allumoient dans le coeur des princes la fojf do
la guerre 8c des vengeances. Dans Virgile ( Eneid.
lib. V IL ) Junon charge Ale&on de répandre le
trouble & l'effroi dans le palais d'Amare. Tift-
phone eft employée par la meme Deeffe a est