
courtiers. ( Muf. Guarnacci, tab. III. I , &
tab. XII. ) On ne peut méconnoître dans le fécond
défini une Eume'nide, car elle eft repréfentée
avec une torche 8c des aîles étendues.
Les habitans de l’Étrurie gravoient encore fur
leurs monumens ces divinités devant les chevaux
qui traînoient ( Muf. etrufc. pag. $16. & I92* I
les nouveaux mariés, & la pompe nuptiale. Us
croy oient que les Euménides afliftoient à la célébration
du mariage, pour punir celui^ des deux
époux qui briferoit ces noeuds facrés. C'eft pourquoi
ils les plaçoient à la tête du cortège, armées
de torches , de poignards , 8cc. On en voit :
une dans Demptter tenant l'harpé & debout, pré- ;
ndafit à des noces qui fe célèbrent ( Etrur. Reg.
tab. LX X X IV .n ° 2. ) devant la porte d'un maison
, fuivant l’ufage des étrufques. Us avoient puifé
cette tradition dans les mêmes fources que les \
premiers grecs. Car nous en trouvons des traces
dans Efchyle 8c dans Sophocle. Le premier attribue
mx. furies ( Eumenid. 836. ) une infpeétion
fpéciale fur les noces 8c les enfans qui en font les
fruits. Éleélre dans le fécond implorant le fecours
des divinités infernales, pour aider Orefte ji punir
le meurtre d'Agamemnon 8c l'adultère d'Egÿfte 3
aflure que les Euménides veillent fur les afiafifms,
§c fur ceux qui fouillent la couche nuptiale.
Quintus de Smyrnç ( Paralip. lib. X II. v. 539. )
fait dire à Caffandre, dans fes lamentations fur
la prife de T ro y e , qu’elle voit courir dans cette
ville livrée au pillage, les furies irritées du mariage
criminel d’Hélène. Ovide & Juvenal, chez,
les latins, ont fuivi cette tradition. Le premier
dit des noces de Térée & de Progné ( Metam.
fb . V IE ) :
M ........ . . . . . . t , No n prqmiba Juno
,, Non hymen au s adefi, illi non gratta lefto,
33 Eumenides tenuere faces de fun,ere raptas.
» Eumenides Jlravere torum.. 1
Et le fatyrique fe déchaînant contre les ma*
liages qui de fon temps étoient prefque tous
palheuréux. ( Sapyr. 6 .) ;
...............XJxorem pQfikumeyducis ?
3» Die quâ Tifipkçnp , qtpibus exagitare çolubris ?
Les monumens des étrufques que nous venons de
citer, nous obligent d’expofericien détail, d'après
le favant GorU Muf. etrufc. 19 p .), leur opinion, fur
lesfuries t parce qu'elle nous aidera à découvrir la
véritable origine de ces divinités. Les Euménides,
félon eux , préfidoient à $>ute$ les avions des
hommes, bonnes ou mauvaifes, pour réepm-
penfer les premières & punir les fécondés. Nous
fes voyons fur les monumens de l’Étrurie , pre-
feotgj: de« palmes aux combaçtans, étçadre les
mains fur leurs têtes , les exhorter 8c les encourager.
Elles fe préfen.tent avec un afpeét menaçant
à ceux qui font près de commettre des
actions criminelles, & leur lancent des flambeaux
allumés. Elles àfliftent aux expiations, aux noces
& aux jeux. Ces divinités enfin étoient aux ordres
de Jupiter, étoient les minifires de fa colere *.
les auteurs des bonnes actions , les vengeurs des
mauvaifes. Les égyptiens croyoient de meme*,
que des génies céleftes veilloient fur les âmes des
hommes, 8c ne cefloient d'exciter leur volonté par
de douces infpirations, ou de les effrayer par la .
crainte des fupplices.
Les étrufques & les anciens grecs reçurent ces
notions par le moyen des colonies & des voyageurs.
Mais les premiers les conservèrent dans
leur fimplicité primitive. Les féconds les furchar-
geant d’Grnemens fabuleux, fruits de leur brillante
imagination , remplacèrent les génies par les
Euménides. C e n’eft donc pas aux grecs qu’il
faut recourir pour découvrir les fources de la
Mythologie , mais aux étrufques 8c aux égyptiens*
Thémiflius, orateur grec du IV e. fiècle, nous,
a cortfervé cette précieufe tradition dans fa harangue
à l’empereur Vàlens. ( Orat. 7 . )
»3 C e que je vais vous raconter, dit-il, eft
» de la plus grande vérité 3 il eft extrait de la
33 do&rine des anciens Phiiofophes................... ,
33 A des temps marqués par les deftins, des fubf-
33 tances divines & éternelles, defeendirent fur
33. la terre pour l'utilité des hommes. Revêtues
>3 de corps femblables aux nôtres, & non en.-.
» veîoppées de ténèbres , comme dit Héliode,
33 elles fe rabaifsèrent au-deffous de leur dignité ,
»> pour fe rapprocher de nous& de notre fociete.
33 Au même inftant des êtres d’une nature fem-
» blable, mais d’un cara&ère lâche & méchant,
»3 engendrés 8c formés par le Cocyte & les
33 furies, pour le malheur des mortels, fe ré-
»? pandirent fur la terre. Ces genies malfaifans
33 ne fe plaifent que dans les fanglots & la dé-
33 folation, ne fe raffafient jamais de foupirs,
33 & fe nourriffent de larmes. Us font conti-
s» nuellement occupés à produire les tempêtes ,
>* la pefte & les inondations , toutes les fois que
33 la fertilité 8c l'abondance enrichirent les hu-
mains».
N e reconnoît-on pas dans ce paffage de l'ora-»
teur grec la do&rine des égyptiens fur les génies ?
Ne poffédant aucun écrit de cette nation, nous
ne pouvons confulter que de« témoins muets ,
les ftatues. Nous les voyons fouvent armées de
: fouets 8c d’inftrumens de fupplice. Harpocrate
c'eft-à-dire , -le foleil du printemps, s’en fert
pour chaffer le redoutable Typhon , ou le genie
malfaifant. C e f t c e que nous apprenons d'un morceau
de Proclus , que Fabricius ( vol. 8 .p. 1 yo. )a
ipfçré dans fa bibliothèque grecque. S’adreffant au
Soleil ,tl dit que > fi le fouet, dont il eft armé, peut '
menacer quelqu'un , les mauvais génies, ces ennemis
occupés fans ceflfe à nous nuire, peuvent
& doiyent feuls le redouter. Us adoroient d'ailleurs
Hécate, ou l'emblème d’Ifîs irritée, fous
une figure à trois vifages, armée de foue t} telle
enfin que les gnoftiques l ’ont fait revivre dans
les Abraxas: Les grecs ne s'attachèrent qu’au
fymboie de cette divinité emblématique, & des
génies. Ils ignorèrent où firent difparoître^ fous
une multitude de fi&ions ingénieufes, le vrai
fens. 8c la doctrine fecrette des égyptiens. De là
fortit le culte des Euménides , qui devint un des
premiers dogmes de la Théologie grecque , après
avoir fait une partie de la fcience facrée des ha-
bicans de Thèbes & de Memphis. De là enfin
découle naturellement l’explication de la médaille
de Maftaura en L y c ie , rapportée plus haut , fur
laquelle les Euménides font coëffées avec le
lotus.
Quoique cette origine des furies ait été présentée
par Gori, elle n'a jamais été développée
avec autant de foin & d’évidence que dans cet
article. On ne l’avoit cherchée jufau’ici que dans
des êtres moraux & intelle&uels. C eft ainfi qu'ont
agi les latins 8c les écrivains poftérieurs. Voici les
paroles de Gicéron ( de legibus lib. I. nQ 29. ) :
» Scelerum in homines, atque impietatum nulla
33 expiatio ejî. Itaque pcenas luunt non tamjudicii
33 quA quondam nufquam erant 3 hodie. multifariam
»» nulla funt , ut fent tamen perf&pe falfa funt ;
>3 ut eos agitent , infeBenturque furi& , non arden-
» tibüs t#dis s ficut in fabulis3 fed angore confcien-
»3 ù a , fraudifque cruciatu».
Laétance s'exprime ainfi fur le même Sujet
( diyini inftitut. lib. IX. cap. X IX . ) : « Très funt
83 igitur affeft us qui homines in omnia façijiora
»3 prAcipitos agant ; ira, cûpiditas , libido. Prop~
33 terea poetA très furias ejfe dixerunt, qu& mentes
33 hominum exagitant : ita ultionem defiderat, eu-
33 piditas , opes A libido , voluptates w. ( Ifidorr
l'ib. VIII. orig. cap. de furiis. ) Ifîdore n'a fait
que commenter ce texte de Laétance, & il a
été copié par tous les mythologues fuivan$,fans
en excepter l'abbé Banier.
Ils ont mieux réufli à ralfembler tout ce que
l'antiquité nous a laiffé fur le culte des furies.
Ces divinités avoient des temples, des façrifices,
des victimes , des prêtres & des rites particuliers.
Le plus célèbre de' leurs temples, étoit celui
qu'on avoit bâti dans l'enceinte de l'aréopage,
( P=aujan. Attic.') & .dan$ lequel On obliaeoitde
facrifier tous ceux qui étoient renvoyés abfous
après avoir été accufés de crimes dignes de mort.
Dans cet édifice étoient placées les ftatues des
Euménides, dont Paufanias dit que leur afpeél
n’avoit rien de repouffant. Il offroit au contraire
aux coupables 8c aux malheureux un afyle facré
dont ils ne pouvaient être arrachés. Les lacédé-
moniens , xqut avoient pénétré dans Athènes ,
efpérant furprendre cette ville, furent trop heureux
de pouvoir s'y réfugier, jp rès que le dévouement
de Oodrus eut enlevé la victoire aux
fpartiates.
On trouvoit un fécond temple 8t un bois
dédiés aux mêmes divinités dans les environs
d’Athènes. OEdipe & fa fille Antigone les ont
rendu allez, célèbres par leur facrilège ignorance.
( Paufan. Attict pag. 59. (Kd tp . Colon, n ^ l )2.
Eumenides yo$. 803. Paufan. Corinth. pag. 10y,
Paufan. Achaica, pag. 447. ) Les ficyoniens leur
en avoient confacré un autre fur les . bords du
fleuve Afopus. Dans la ville de Cérync en Achaie,
-Orefte avoit élevé aux Euménides un monument
de fa reconnoiffance. Le lacerdoce de ce temple
étoit confié à des. femmes 5 & l'on avoit placé
dans le veftibule des ftatues de marbre faites avec
beaucoup d’art.-Les ha&itar.s les prenoient pour
les ftatues des prêtrefles. On redoutoit l'entrée
de Ce temple , parce q ue , félon l'opinion commune,
la fureur 8c la crainre s’ erriparoient de
ceux q u i, étant .coupables de meurtre, d'incefte,
ou d'autres crimes , ofoient y entrer, même par
curiofité. Les Euménides étoient honorées particuliérement
en Epire, cette région dans laquelle
on plaçoit les portes & les fleuves de l’enfer.
Ovide fait mention de ce temple dans un vers
quia donné afiez. long-temps la torture aux Commentateurs.
« S&pe Pal&flinas jurât adejfe deas. »
Il étoit bâti à Palette, & non dans laPaîeftine.
( Faft. lib. IV . ) Lucàin a parlé de Cette 'v>l!e
( Pharfal. 5. ) , Iorfqu'il dit que Céfar marchant
contre Pompée , aborda en Epire. >3 PaUfiinas
uncis confixit arenas. >3
L'Arcadie offroit encore aux voyageurs religieux
deux temples confacrés aux furies. Orette
les avoit rendus fameux. Le premier étoit bâti
auprès de Mcgalopolis, 8c étoit entouré d’un
champ confacré aux- mêmes divinités. On croy oit
qu'Orette avoit reffenti dans cet endroit les premières
atteintes de fes fureurs après le meurtre
de Clytemnettre c'étoit dans le voifinage qu'on
voyoït fur un tertre , appell.é A c é , un doigt de
pierre, monument de l'expiation du héros. Près
d'Acé,.un fécond temple d'Euménides rappelioit
cette rigoureufe purification, & la vifiondu fils
d'Agamemnon, où elles lui apparurent vêtues de
blanc. C e . temple portoit un nom gnalogue à
l'aélion d’Orette, Iorfqu'il y coupa fa chevelure,
& l’offrit aux dieux. Les habitans de l'Arcadie
confervoient encore treize fïècîes après, du temps
de Paufanias ( Arcad. pag. 5-09. ) le culte des
Euménides, 8c facrifioient aux déèffcs blanches,
8c au x G r â c e s .