
fervoient à dreffer des a&es & à la fabrique
d'un papier, dont on formoit des feuilles d'une
étendue confîdérable, même affez épaiflés pour
■ être pliées & mifes en rouleaux. Mais fî les aétes
n'étoient jamais écrits fur l'écorce , d'où, vient que
les légiflateurs permettoient d'employer, dans les
reftamens mêmes, toutes fortes de matières ? Après
cela , ne faudroit-il pas.au moins que Y écorce n'eût
pas été une matière fur laquelle >on eût eu coutume
d’écrire, pour fuppofer qu'elle n'auroitpas
été de mife dans quelque efpècê d’aéte que ce
fût ? Pourquoi encore les gens de loi faifoient-
ils un fî grand ufage des tables, foit de bois,
foit d’écorce, enduites de cire, & par cette ration
appellées cera ; fi nul a61e ne fût jamais dr-eflé fur
les dernières ? Les premiers peuples qui habitèrent
l'Italie n'éçHvoient que fur Yécorce & les tables
de bois. C r o ir a - t -o n qu'ils ne cotitraâoient
entr'eux-nuile alliance, nul engagement, mil traité
par écrit » ?
• ee Eli-ce que Cafllodore , Fortunat, Xiphilin ,
Hérodien, n'avoient pas en vue le papier d'é-
corce , lorfque le premier oppofolt là rudefle de
Yécone au poli du papier, que le fécond exhortoit
fon ami Flavus , au défaut de papier, de luùécrire
fur des tablettes de frêne , ou fur Y écorce du-Bêtre,
& lorfque les deux derniers nous parlent de tablettes
de tilleul à l'ufage des empereurs Domi-
tien & Commode Que réfulte-t-il de ces textes
& de quelques autres allégués par Mafféi ? Qu'on
faifoit de bois & d’écorce plufieurs tables ou tablettes
à écrire, fans autre apprêt qüéde lefpolir,
ou tout au plus de les enduire dé cire ; mais il ne
s'enfuit nullement que la fabrique de papier d’écorce
foit un être de raifon ».•
c* Le fîlençe de P lin e , fur le même fujet,
n'eft pas plus décifif. S ’il ne réfervoit pas à
traiter ailleurs du papier d’ écorce d'arbre, c'eft
X pourroitrop répliquer ) que la manière de le
faire , prife fur le modèle 'du papier d'Egypte ,
n'étoit pas encore inventée de fon temps. D'ailleurs
| le filence d’un feul écrivain ne prouvera
pas contre des textes d'auteurs contemporains,
& moins encore contre des faits.
c« Marcianus Capella réduit la matière de tous
les livres au papier, à la toile , au parchemin ,
à Y écorce du tilleul. Mais outre que l'énumération
n'eft pas exaéte, & qu’il pbuvoit également entendre
par papier, celui d’écorce & celui d'Egypte >
conclure du mot écorce que ce n’étoit point une
écorce transformée en papier, c ’eft un peu trop
fubtilifer , çe femble. N ’eft-ce pas un des griefs
de Ma fiéi contre les modernes, de ce que fouvent
ils tranfportent au papier d’Egypte , les^ noms de
tilleul & d’écorce? N e pouvoit-on pas autrefois
ufer du même langage, en parlant du papier d’écorce
d’arbre *>.
« L'illuftre italien croit trouver un argument
fans réplique, dans ces paroles de Symmaque :
In caudices aut tilie pugiLlarès transferenda , .ne
facilis fenéctus papy ri feripta corrompat. De-là il
infère qu'autre chofe eft d'écrire fur du tilleul,
autre chofe d’écrire fur du papier : que comme
le tilleul.de- Symmaque annonce 'des tables de
bois , fon papier lignifie dû papier d'Egypte. Mais
ne pouvoit-on pas tirer du tilleul, & des tablettes
de bois , & du papier d’ écorce ? Seroit-il d'ailleurs
impoflible de prouver pat Mafféi lui-même , que
le papier dont parle Symmaque, étoit d’écorce
d'arbre , & non pas d e papyrus' ? Jugeons-en par
les qualités qu'il attribue au papier d’Egypte. Il
n'eft pas, dit-il, fujet à fe corrompre par l'humidité,
fi. funefte au parchemin & aux papiers
de coton & de chife. Mis en rouleau , & garanti
des accidens extérieurs , il conferve fon encre
fans altération , & fe maintient dans fa confif-
tance naturelle : tandis que notre papier , même
étant préfervé de l'eau, fe pourrit par la feule
humidité, fe coupe & fe déchire par les plis
qu’il contradte, fe confume & par l'air & par
la poufïière. Peu à peu fa couleur s'altère, les mots
s'effacent &, difparoiffent, & l'écriture fe confond.
Puifque Symmaque avoit tout à craindre
pour la vieillefte de fon papier , il devoit donc
avoir- des défauts affez femblables au nôtre ; défauts
qui le rendoient très-différent du papier d’Egypte
».
« A-t-on des tablettes de tilleul, tilli& pugilla-
res des V . , VI. & V IL fîècles ? Nous avons cer
pendant divers monumens de ces fîècles en papier
d’Egypte. Ainfi les; écrits de Symmaque n'auroient
pas été fî en sûreté fur des tablettes de tilleul que
fur ce papier. Pourquoi donc: leur donner la préférence
fur une matière que les feuls livres de
Numa devoiént prefque faire regarder comme incorruptible
? Par conféquent, le papier pour 1a
corruption duciuel il craighoit fi fort de la fuite
des années, devoit être d’une autre matière. Or
de l’aveu de tout l£ monde, s’ il y avoit alors un
papier diftingué de celui d'Egypte , il ne pouvoit
être que d'écorce d'arbre. Comment après cela
Mafféi peut* il en nier l'exiftenee » ?
ce Selon Suidas, le tilleul porte une écorce fem-
blable à celle du papyrus ; rien n'empêchoit donc
d'en faire le même ufage. En vain le doéfce Marquis
répond-il, qu'il y a des tilleuls en Italie , &
que leur écorce ne fe divifepas en pellicules minces,
comme celles du papyrus. Qu'en faut-il conclure ,
finon que notre tilleul n'eft pas celui de Suidas,ou
que fi c’eft le même, on le faifoic paffer par des
préparations qui ne nous font plus connues ? De
quelque efpèce que fût ce tilleul, la reffemblance
des couches intérieures de fon écorce a*vec les tuniques
du papyrus > ne pouvoit réfulter que de quelque
quelque apprêt,, ou de. la manière de détacher les-
lames corticales, qui étqiénc les plus voifines du
bois ».
ce Thjéophràfte parle des bandelettes d'écorce de
bois , fur lefquëlles on écrivpit des noms. Pline,
après avoir diftingué* lé 'tilleul mâle $c Je tilleul,
femelle, dit nettement : qu'entré le bqis & Yé- .
corce de ce dernier, on trouve de minces enveloppés, ]
compofées de plufieurs membranes. Quoi de plus
propre pour faire du papier tiècprçé ? Cent fois
le même auteur fe fert des (mots t i lia , philyrea & ,
philura , pour exprimer les enveloppes où lames
les plus déliées de Y écorce des plantes. U n , tel langage,
n'eft-il pas vifîbleraent èmprunté^de la'nature
des pellicules > tirées de Yécorce. 'dù't.illèul,. dont,
fuivaat Théophrafte & Pline,. onj faifoit des rubans
& des bandelettes ? Or en augmentant leur
largeur, on ne pouvoit trouver une ‘matière plus
analogue aux * tuniques du pàpyrùs , & plus
propre à former du papier’ à-peu-près femblable
à celui d'Egypte, dont on manquoit prefquetoujours
dans les contrées éloignées de la mer Méditerranée
, & quelquefois'jnemé dans celles qui
en étoiént les plus proches. Continuons de tourner
en preuves, contre le fyftême de Mafféi, les
pairages fur lefquels il s'efforce de l'étayer y , ,,
« En voici un , dont il conclût’’ qu’bn ne fit
jamais de papier d’ écorce d'arbre, & par lequel
nous croyons pouvoir démontrer tout lé contraire.
Sous le nom de livres, Ulpien comprend toutes
fortes dé volumes, foit en papier, foit en parchemin
, foit en quelque autre- matière que ce
puiffe être. Enfuite il met en queftion s'ils doivent
être remis aux légataires, à qui le teftateur a
donné fes livres i lorfqu'ils font compôfés de plufieurs
feuilles dé-papier, de parchemin, d’ivoire 1
& de toute autre matière, ou qu’ils confiftent '
en dés tables cirées. Ici l'oppofition entre volu-
mina & codices ou codiciUi éft frappante. Les premiers
lignifient certainemént des'rouleaux , & les
féconds des livres , compofés de plufieurs feuilles ,
comme le font aujourd'hui les nôtres. Ceux-ci
pouvoiènt être de la même matière que ceux-là j
mais celle qui formoit des livrés femblables aux
nôtres, ne pouvoit pas toujours être employée dans
les rouleaux. L'ivoire, par exémpîe , le cuivre,
le marbre, le bois & Yécorce mêmé du tilleul
fans aprêt, ne pourroien’t en former. Il n'eft pas
plus poïïible de rouler des tables de cette écorce autour
d’un cylindre, que d’y rouler dés tables de bois
& d'ivoire. Maffe'i fe trouve néanmôins réduit à
foutenir cette poffibilité, s'il a bièri compris le texte
de l'ancien jurifconfulte, dont il s’autorife. A fon
avis , le tilleul dont parle Ulpién , ne doit pas
être mis au rang des papiers, mais au rang des
ûmplesécorces.Aù contraire,le jurifconfulte compte
les livres faits dé tilleul parmi les papiers, Cuirs
ou parchemins vdont on formoit des rouleaux. Le
Antiquités, 'Tome 11.
texte d’Ulpien n'a donc pas été bien entendu par
le (avant Marquis': ou bîe’ri il n'a pas fenti 1 inconvénient
de rouler autour d’un cylindrç des
tables d'écorce, comme fi c'eût été du papier ou
du parchemin »•.
« Il eft des arbres à fa véritéydont les écorces
extérieures, telles que celles du cérifier, pouroient
former des rouleaux; mais cétte propriété ne fau-
roit contenir à tout ce' qui s’appelle phylira ou
tilia. Car par'ces ternies ; oûl'on entend le'tilleul ,
dont Yécorce totale, ainfi que celle que fourniroi-t
fa fuperficie , n’eft point pliable à la manière dé
la peau extérieure du cérifier ; ou l’on entend 1 e-
corce la plus intime , foit du tilleul, foit Ûe toute
autre planté. Mais Yécorce interne du tilleul & de
tolit autre arbre, envifagée 'feule, n’a par elle-
même* nulle confiftance, fî elle n’eft travaillée &
fortifiée par l’application de plufieurs couches les
unes fur les autres. Il eft donc également nécef-
faire , & pour la rendre propre à recevoir l’écriture
, & pour pouvoir la mettre en rouleau',
d’en faire du papier. Le tilleul d’Ulpien n’eft certainement
que du papier d’ écorce ; & l ’on ne peut
lui prêter une notion différente fans tomber dans
quelque abfurdité. On faifoit donc autrefois du
papier d’écorce».
" ce On peut tirer un nouvel argument , en faveur
de l’exiftenee de ce papier, des paroles
füiyantes de S. Ifidore. Liber eft corticispars in-
terïor. . . . . Eft autem medium quoddam inter lignum
& côrticerrt. Et encore : liber eft interior tunica
■ corticis,' quA ligna! coharet, in qha antiqui fetibebant...........
Quia ante ufum charte, vel membranarùm
, de lïbris arborutn voluminafiebant. Il réfui te
de ces textes ,'que les livres & les volumes d’ é-
> coïce des anciens n’ étoient ni la totalité de Yécorce,
ni fa peau extérieure. Leur écorce-, appellée livre,
ne fut ni l’ une, ni l’ autre, comme ces textes
le prouvent évidemment : puifqu’elle étoit mitoyenne
entre Yécorce & le bois , & que d’ ailleurs
on ne : peut faire des volumes ou rouleaux d’une
matière aufli peu flexible que Yécorce des arbres,
prifë dans fa totalité ».
« L ’auteur de la vie de Dictys de Crète , dit ;
qu’il compôfa fix volumes d’écorce de tilleul, en
lettres phéniciennes , fur la guerre de Troye.
'Nouvelle preuve de l’exiftenee du tilleul. Comme
le nom de papier a été donné dans la fuite à
des fubftances qui’ n’ont rien de commun avec
le papyrus ; philura fut appliqué de même à des
papiers très-différera dé ceux de Yécorce du tilleul.
Ori droit cette dénomination de Qcxùpa, tilleul,
parce que c’étoit de fes pellicules, placées entre
Yéçorce & le bots, qu’on fabriquoit l’ancien papier
d’ écorce».
cc Chez les peuples feptentrionaux, le hêtre
N n n