
on en eondamnoît la mémoire, & il ctoit privé
de la fépulture ; fi le mort n’ étoit convaincu d'aucune
faute capitale , on l’enfeveliffoit honorablement.
Les rois n’étoient pas exempts du jugement
qu'il falloit fubir après la mort; & en confé-
quence d'un jugement défavorable, quelques-uns
ont été privés de la fépulture. .
Lorfque le jugement qui avoit été prononcé
fe trouvoit à l’avantage du mort, onprocédoit
aux cérémonies de l'inhumation ; enfuite on faifoit
fon panégyrique, Sc l’on ne comptoir pour objets
de vraies louanges, que ceux qui émanoient du
mérite perfonnel du mort. Les titres, la grandeur,
la naiffance, les biens, les dignités n’y entfoient
pour rien, parce que ce font des préfens du
hafard 8c de la fortune : mais on louoit le mort
de ce qu’ il avoit cultivé la piété à l’égard des
dieux, la juftice envers fes égaux, & toutes les
vertus qui font l’homme de bien; alors l ’affem-
blée prioit les d;eux de recevoir le mort dans la
compagnie des juftes , 8c de l’affocier à leur
bonheur.
On gàrdôit quelquefois les corps dans les maî-
fons ; il étoit cependant ordinaire de les dépofer
dans dés fépulcres fouterrains , faits en forme
de petites chambres ( voyez Pi et ro délia V a lle ) ,
dans lefquelles on defcendoit par des -ouvertures
quarrées, fermées par une pierre taillée en forme
de colonne. Muret ( cérémonies funèbres, de
toutes les nations ) dit que ces chambres étoient
voûtées. Il eft vrai que quelques voyageurs en
ont vu qui l’étoient ; mais cet ufage n'étoit pas j
général. Il feroit fuperflu de rappel 1er ce que '
Diodore 8c d’autres auteurs ont écrit fur la magnificence
des fépultures égyptiennes." On fait que
les pyramides ont été conrtruites pour fervir de
tombeaux & de monumens éternels de la fomptuo-
lité des rois de l’Egypte. Voyeç Pyramides,
Funérailles des grecs.
On trouve dans Homère une defeription magnifique
de la cérémonie des fun é ra illes : « le bois
déchargé à l’endroit qu’ Achille avoir indique’ ,
Achille fait figne à fes troupes de prendre les
armes , & de monter fur leurs chars. Dans de moment
les chars marchent à la. tête du convoi,
ils font fuivis d’ une nombreufe infanterie * 8c au
milieu le corps de Patrocle eft porté par fes compagnons,
tout couvert de cheveux, qu’ils fe font
coupés pour marque de lenr deuil. Achille marche
immédiatement après, il eft triftement penché
fur le corps de fon ami, dont il-foutient la tête,
& pouffe de longs feupirs ; car il conduit au
tombeau le plus cher de fes compagnons. En
arrivant auprès du bûcher, ils dépofent le corps
fur le rivage, & Achille s’éloignant un peu, .coupe
fes beaux cheveux blonds, qu’il ayoit laiffé croître
pour les offrir un jour au fleuve Sperchtus; & lés
yeux attachés fur la mer, il prononce à haute
voix fes paroles : divin Sperchius, c’eft en vais
que mon père vous a promis , par un voeu fo-
lemnel, que lorfque je ferois de retour dans ma
patrie, je vous confacrerois mes cheveux , & que
cette offrande feroit accompagnée d’un hécatombe
fa c ré .C ’étoic là le voeu de mon père, il eft vrai >
mais vous n’avez pas accompli fes defirs, puifque
je ne^ois jamais revoir ma patrie^: j’offrirai donc
mes cheveux à Patrocle, afin qu’il les emporte
au bûcher. En finiffant ces paroles, il met fes
cheveux entre les bras de fon cher ami, 8c fond,
de nouveau en larmes ».
«O n entaffele bois, 8c on élève un prodigieux
bûcher de cent pieds en quarré ; on place le corps
au plus haut étage; on égorge un nombre infini
de moutons & de taureaux ; & Achille frotte de
leur graiffe tout le corps de Patrocle, depuis les
pieds jufqu’ à la tête; il place enfuite aux deux
cotés des urnes pleines d’huile & de miel, & en
pouffant de grands foupirs , il jette fur les bords,
quatre de les plus beaux chevaux : iPavoït neuf
chiens domeftiques qu’il nourriffoit pour la garde
| de fon camp; il choifit les deux meilleurs , les
j égorge & les jette avec fes chevaux : enfin , pour
! appaifer l’ombrç de fon ami > il immole douze
l jeunes troyens des plus vaillans & des meilleurs
; familles'; car l’excès de fa douleur, & un defir
\ outré de vengeance , ne lui permettoient pas de
I garder aucune modération. Les facrifices finis ,
il met le feu au bûcher , & en pouffant de grands
cris, il appelle plufieurs fois îpn ami-, < • •
Pendant que le bûcher brûloit, Achille puifant
du vin dans une urne d’or , avec une double
coupe , le verfe continuellement, 8c en arrofç la,
terre, appellant à haute voix l'âme <^u malheureux
Patrocle.. . . . . . . Cepéndant tous les chefs s’gf*
femblent autour d’Agàmemnon , & le bruit qu’ils
font en marchant, réveille Achille, accablé de
fommeil & de lafiitude, qui fe leva aufli-tot, &
leur dit : fils d’Atrée,' 8c vous, généreux chefs
dss troupes grecques, éteignez le bûcher avec
du vin, dans, tous les endroits où. vous remarquerez
des veftiges de flammes ; nous recueillerons
enfuite les os de Patrocle fans les confopdre;
ils feront très-reconnoiffables , car il étoit au milieu
du bûcher................... .. Quand nous aurons
recueilli fes os , nous les mettrons dans une urne
d’or avec une double enveloppe de graiffe.. • • , ,
Ils dépofent cette urne dans la tente d’Achille,
& la couvrent d’un voile précieux ; ils marquent
enfuite l’enceinte du tombeau, ils en jettent les
- fondemens autour du bûcher, & y élèvent un
monceau de terre»,
Aux funérailles de Misène, que Virgile a tracées
conformément aux ufages des grecs , Cor-
meus, pour purifier fes compagnons, afpergea
d’eau pure avec une branche d’olivier ( Enéide,
Uy.
liv. VI. ) , ufage qui s’étoit peut-être introduit
depuis le fiècle d’Homère. Pour honorer les fune,-
-,railles de Patrocle, Achille propofe des prix. Les
rois & les capitaines grecs ne; dédaignèrent pas de
:fe metere fur les rangs pour les difputer. Le
premier prix de la courfe dès chars , iut une
belle captive bien éleyée , qui travailloit admirablement
à toutes fortes de beaux ouvrages, &
un trépied d’or à d e u x anfes; pour le leçon d
prix, une cavale de fix. ans ; pour le troifiémè,
une belle cuvette qui tenoit quatre mefures, &
qui n’étoit point faite poiiï être, mi fe fur le.teü,
maï$'pour, orner un' palais magnifique; le tjfia-
trième étoit deux talens d’or ; le cinquième . une
;cq.upe à deux fonds admiraMémênt travaillée.
Pour le combat dû cefte il' propolé une mule,
8c pour le vaincu une coupe ir deux fonds. Le
vaillant Diomède arme lui-même Euriale ; d aboïd,
pour couvrir fa nudité , il lui met un yQilè,aù-
toûr dès reins, & amiefêsbras"d'e'(|ertx..gïh,te1èts•
dé' cuir fqe boeuf fauvage , plus dur qt^ê lè fer.
Pour le proifièmë combat, qûfi,étoit j là lutte,
un trépied propre à mettre fûffe feu , ,8c qffeks
grecs eftirnôiént la valeur d ë .,‘dou^è: ûoeufs i ,
pour le vaincu une belle captive, habile en be.àux
ouvragés. Pour, la n courfe , .Achille donna une
urne d’argent admirablement .bien travaillée, elle
teno.t fix mefures, elj.e é,çqit,;d’une beaute fi
parfaite ,, qu’il’ n’y en ayojt pojûf fur. là terre qui
put l’égalêr. Le fécond jjjriic' étoit ' un ta préau
fauvage'qui avoit été engràiffé , &c qui2 étoit d’une
beauté furprenante. Le troifieme prix étoit un
talent d’or. Alors Achille propofe, pour un com*
bat fingulier , à celui qui auroit le premier teint
les armes de fon adverfaire-de fon -fang y-une
belle épée de Th ra ce , 8c à. partager les armes
de Sarpédon, que Patrocle avoit enlevées, d è
combat fini; Achille-fit'porter âumilièu dé t ’af-
femblée une p'rodigieufe^maffe de fe r , -rónde,
rude & groffière, dont- le-rôi Eëfcion avoit accoutumé
de. fe fervir dans-fês - exercices ; & qu’w
ïançoit comme un difqûè; elle étoit deftirtëè à
celui qui la lancerôit le plus loin. Achille invite
aufti à tirer de l’arc * & met pour prix dix haches
& dix demi-haches; il fait dreffer un mât, il
attache une colombe par les ,pie$s au bout d’un
long cordon, la pend.au haut du,mât ^81: Tafligne
pour but à ceux qui fe préfentoienL pour donner
dés. preuves de leur adreffe. Âchiüé propofe
âuffi dé lancer le ijayelôt, pour prix d’ iine belle
lance &. d’un trépied».
On a cru devoir rapporter lé texte, même ,
d’après la traduction de madapie D^cier. Ces funérailles
de Patrocle offrent aux peintres des détails
précieux/ 8c un champ vaftë d ’images 8c de
tableaux. Rien ;>à la vérité-j n’eft;jplu's inhumain
que d’fmmflet des càptifs aux mânes d’un héros;
mais Homère' -rfoiis prévient què ce fiat un cas
extraordinaire y un âbus dé. vengeance immodérée
Antiquités , Tom. II,
d’Achille : auffi l’hiftoire des grecs ne renferme-
t-elle aucun trait de cette efpèce.
Vers la46e. olympiade, dans laquelle Solon
donna des Toix à Athènes, lé luxe des tombeaux
8c des funérailles y étoit porté à un fi haut degré ,
qu’il crut néceffaire de l’arrêter. Il reftreignit à
trois habits ceux qu’on pou voit enterrer avec
les morts : cette reftriélion fait' voir qu’avant
ce temps les grecs comme les peuples du Nord ,
avoierit coutume d’enterrer avec eux la plupart
des .'effets que de lent vivant ils avoient poffédés.
Avant IeS loix de Solon, on faifoit de grandes
dépenfes pour les tombeaux ; c’étoient des efpè-
ces de maifons, qu’il défendit expreffément, en
ftatuant qu’on r iy conftruiroit plus de voûtes ,
8c qu’on n’y employeroit que le travail dont 4ix
.hommes étoient capables en trois jours. Dès-lors
les fculptures des pierres fépulcrales, auxquelles
on feul homme pouvoit travailler pendant trois
jours, feulement , ne peuvent être que desouvra-
. ges faits à la hâte par des artiftes. très-communs.
. Par les voeux en marbre qui nous relient, 8c qui
font à peu près du même travail que la plupart
de tes tombeaux y .on juge qu’ ils furent exécutés
par des artiftes du même genre. Ceci nous donne
Ma raifort pour laquelle les ouvrages des uns 8c des
•'autres-féiublent montrer infiniment moins de con-
noiffancé & dëpratique de l’art, que ne le font
‘Ces bas-reliefs qui fè voient dans les frifes & le
fronton des tëniples du P'arthénon 8c de T h é fe e ,
faits à Athènes à peu près vers la mêmë époque.
Cette obfervatiôn très-importante à l’hiftoire de
l’ art, détruit ce que dés’ auteurs modernes ont
avancé .fur l ’état de la Sculpture des temps ou
furent faits ces tombeaux 8c ces voeux ; ils ont
jugé de l’art de Phidias 3ç de Polyélète fur des
'mqrçëàüx.exécutés pair dés artiftés très-communs.
Cés derniers, meme 'avec jbëânçpup plus de fa-
voir qu’ ils n’en avoient, n’euffent jamais rien pu
'faire de bon, dans le coutt .efpace. de temps
ou la loi les contràignoit à tèrmirier leurs ouvrages.
( M . d‘Hancaryille. . ) Voye% C h ÂRÔN , &
FUNERAIL LES des Romains.
Nous p a fions aux funérailles'des grecs 3 c’ eft-
à-dite de ceux qui fuivirent l’ufagE de la république
d’Athènes. C e fut la première année de
la-guerre du Péloponèfè, que les athéniens firent
deS funérailles publiques à ceux qui avoient été
tués.dans cette campagne, 8c ils pratiquèrent
depuis cette cérémonie, tant que la guerre fub-
fifta. Pour cela on drefibit, trois jours auparavant,
une tente -où l’on expofoit les offemens des
morts, 8c chacun jettoit fur les offemens des
fleurs, de l'encens , des parfums 8c autres chofes
femblables; puis. on. les mettoit fur des-chariots
dans des cercueils de cyprès s chaque tribu ayant
fon cercueil 8c fon chatiot féparé; mais il y avoit
un chariot qui portoit un grand cercueil vuide ,
pour ceux dont on n’avoit pu trouver les corps :