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pour la Sculpture , l’Architeanre , la Peinture ,
& pour la Gravure. Pline le naturalitte convient
qu'il y avoit deux mille ftatues dans la ville étrufque
, nommée Bolfcna, & que l'on y voyoit une
ltacue coloffale, qui avoit cinquante pieds de haut.
Paufanias rapporte qu'Arimnus j toi de Tofcane,
fut le premier des fouverains etrangers qui en-
voya fon magnifique trône, pour le dépofer dans
le merveilleux temple élevé à Olympie en l'honneur
de Jupiter.
Le comte de Gaylus obferve que les auteurs,
dont nous venons de parier, anroient du nous
donner des détails fur les belles' formes & fur
les ornemens agréables des vafes ctrufques ; mais
il y fupplée en mettant fous les yeux du leûeur
les obfervations , & les plans exaâs de plufieurs '
tnonumens qu'il a deflinés & gravés en partie de ,
fa main, avec toute l'exaélitude que l’on peut
raifonnablementefpérer. C e philofophe artifte fait
admirer, dans les vafes ctrufques, la précifion
dans la forme, la jufleiTe dans le contour, &
dans la pofition dfs anfes ; l’art de groupper les
figures, &-de leur donner de l’expreffion, &c.
Il prouve que les anciens tofcans abondoient en
fculpteuts ; il dit qu’il eft à préfumt rqu’ils avoient
grand nombre de bons peintres; il obferve que
malgré leur fragilité, il eft étonnant qu’il nous
relie une fi grande quantité de vafes ctrufques,
qui conllàte la multiplicité des manufaélures de
YÉtrurie. C e favant convient que nous confondons,
à la v érité, fouvent les vafes ctrufques avec ceux
de fabrique égyptienne, ou plutôt-avec ceux de
la fameufe fabrique grecque, établie dans-l’ifle de
Samos : mais il ajoute que l'on peut cependant
diftinguer les vafes ctrufques par leur légéreté,
par la délicateffe de leurs ornemens, & par plufieurs
autres circonflances que nous indiquerons
plus bas.
Nous ajoutons que , pour ne jroint s’y méprendre,
il faut mettre en parallèle les vafes ,
ou du moins confulter les fidelles gravures de
Caylus & d’Hamilton,
L’hiftoire nous apprend que, pendant plufieurs
fiècles, les manufaélures de poterie étrufque ont
- joui dans l’univers d’une réputation égale à celle
que nous accordons a la porcelaine de la Chine.
L ’on a trouvé à Vollàterra, a Hoirie, & c . , plufieurs
petites montagnes, formées par les débris
de rebuts des manufaâures de poterie étrufque.
Le comte de Caylus obferve que foavènt l’on y
voit les mêmes formes & les mêmes ornemens
répétés dans les compofitions ; mais cependant, en
les confidérant, l’on voit en même - temps que
les ctrufques favoient bien varier leurs inventions,
lorfqu'ils vouloient. L’ on y reconnoît même les
époques des progrès de la perfeftion dans chaque
fiècle. Il paroît que les ctrufques , dans leurs def-
fins, ont été quelquefois imitateurs $ mais jamais
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ils n’ont été de ferviles copiftes des égyptiens
& des grecs : ils ont profite de leurs lumières»
fans jamais s’ affujettir à leur. goût.
L e . comte de Caylus préfume, qu’à force de
recherches & d’obfervations fur les monumens
ctrufques, on pourra peut-être un jour parvenir
à éclaircir la plupart des ufages civils, militaires
& religieux des t’ofean., fu r-tou t fi l’on compare
les monumens avec les anecdotes hiitoriques de
ce peuple fingulier. . ,
Les tofcans, je veux dire les êtrufques, cher-
choient dans leurs tableaux, ainfi que les fauvages
de l’Amérique, à fe procurer un afpeft & une
attitude terrible ; ils ajoutoient à leurs cafques de
grandes oreilles , ils en hérilfoient le fommet par
de longues pointes de f e r , ou par lemoyen de
grandes crêtes ou panaches : ils reuffmoient a le
procurer un air féroce en crifpant leurs mouftaches.
Le goût & le caraétère particulier des êtrufques,
rft plus frappant, plus varié dans les pierres
travées qui leur fevvoient de cachet, que dans
leurs autres ouvrages. Comme ils aimoient a la
folie Y Iliade d’Homère, ils gravoient prefque
toujours des fujets tirés de ce poeme; K ns
repréfentoient très-fouvent. Achille, « e c to i,
Hercule, les fatyres , les centaures , des attrolo-
gues & des génies allés. Il paroît par leurs monumens
qu’ils aimoient exceffivement les combats
& la chalTe à la courfe & au faucon. Les lulte-
riens nous apprennent qu'ils regardoient la mu-
fique comme un- préfent divin ; c eft pourquoi
dans leurs compofitions on volt ordinairement
des chaffeurs, des combattans, des muficiens 8c
dés guerriers couverts de cafques , de Çunaues
Si de bottes de fer. L’on affûte que les êtrufques
inventèrent , i° . les combats fang ans des gladiateurs;
2«. la danfe ; 3°. l e s tetes a double face,
telle que celle de Janus , pour defigner aUego-
riquement le paffé 8c le préfent , ou les difterens
âges 8c les différentes connoiffanees de homme,
l’on croit aufli qu’ils inventèrent les ceremonies
d’expiation 8c^de purification, fur-tout celle qui
étoit en ufage pour fe laver des crimes horribles
de beftialité , & c . , qui étoient uffez communs
parmi eux. Ce. même peuple reprefeïitoit prelque
toutes les divinités avec des ailes, pour marquer
leur aétivité. Les. tofcans ornoient leurs cruches,
leurs foucoupes, 8c les cornes quileur fevvoient ,
ainfi qu’ à tous les peuples, de taffes pourboire,
en y gravant l’image des dieux, des héros, etc.
Le cotnte de Caylus obferve que l’on voit tres-
rarement des joueurs de flûtes peints lut les
monumens des êtrufques. Dans les commencemens
ils repréfentoient leurs figures a peu près comme
celles des égyptiens , c’eft-à-dire, roides , avec
les bras 8c les jambes accollees, prefque lans
mouvement. Leurs draperies étoient-fans p lis ,
ou du moins elles en avoient peu. Leurs figures
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»voient tes dheveux trefles ; maïs dans la fuite
ils détachèrent les bras 8c les jambes de leurs
figures fondues en bronze, peintes ou fculptées ;
en un mot, ils donnèrent du mouvement, de
la force & de la grâce à leurs compofitions.
Les vafes des êtrufques ont pour l'ordinaire
le fond de leur couleur uniforme, noire ou rouffe ;
ils font modelés à peu près avec autant xle foin
que nos porcelaines des Indes. Les êtrufques n'em-
ployoient, pour peindre leurs vafes, que trois
ou quatre couleurs terreufes, mifes à plat comme
celles des chinois, fans dégradation de coloris :
ils favoient compofer des émaux de différentes
couleurs , pour embellir leurs vafes de terre cuite.
Souvent ils emportoient certaines parties du vernis,
ou de l'email, avec des inftrumens particuliers,
8c iis ajoutoient enfuitele blanc, le rouge
ou le noir, pour tracer le contour, ou pour
diftinguer leurs figures 8c pour former des ornemens.
Ordinairement le vafe eft d'une couleur
noire, 8c toutes les figures 8c tous les ornemens
font ou totalement rouges, ou de quelqu'aucre
couleur, rehauffé avec de la craie blanche. Quelquefois
la tê te , les mains , les pieds font incarnats;
8c les vaftes manteaux des figures de leurs
aftrologues font ou blancs , ou de quelqu'autre
couleur. Au centre du vafe, ils inaprimoient une
rofe, ou une marque'de la fabrique. L'on a
trouvé dans Herculanum quantité de grands 8c
de petits tableaux de cette efpèce, peints en
monochromes, c’eft-à-dire , en camayeux, d’une
feule couleur, ou peints avec deux ou trois
couleurs : mais ces camayeux d'Herculanum ont
été peints par des grecs. L'on y a encore trouvé
plufieurs beaux vafes êtrufques, 8c une grande
table de marbre, pour les libations que dévoient
faire les juges avant que d'examiner les procès.
Cette table porte une infeription étrufque, dont
on trouvera le détail 8c l'explication dans les lettres
que M. Seigneux de Correvon- a fait imprimer à
lYverdon »'fur les découvertes d'Herculanum.
Nous c'royons que les perfonnes qui aiment
les beaux arts , liront encore avec plaifir, au fujet
des êtrufques3 les obfervations fuivantes, que nous
avons extraites du très-favant ouvrage, qui a pour
titre , Hifioire de l'A r t cke% les anciens, par
Winckelmann. C e t auteur a confacré le livre IIIe.
de fon ouvrage, à nous démontrer par des faits
ce qu’étoit Yart chez les êtrufques & chez leurs
voifins. Il divife ce livre en trois fe étions : dans
la première, il détaille les connoiffanees nécef-
faires pour -bien apprécier l'art des êtrufques.
Dans la fécondé feétion, il traite de 1 Hart- chez
c.e peuple : il détaille fes caractères, leurs lignes,
& les différentes époques de cet art. La troifième
feétioH ne rappelle que les faits qui intéreffent
î art des peuples voifins des êtrufques.
. Dans la première feCtîon, qui concerne les
Antiquités , Tome I I ,
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connoiffanees néceffaires pour bien apprécier l'arc
des êtmfques, Winckelmann examine d abord
tes ctrconftances extérieures, & les caufes des
caradères particuliers de l’art étrufque ; il traite
enfuite dés images des dieux Sc des héros éerufques
; enfin , cet auteur indique l>s ouvrages les
plus remarquables de ce peuple fingulier.
Dans l’article premier, qui concerne lescaufes
extérieures qui ont contribué ou nui aux progrès
de l'art étrufque , Winckelmann admet, pour la
première caufe qui ait favorifé l’art de ce peuple,
i° . la liberté : il obferve très-judicieufement, que'
la forme du gouvernement influe effentiellement
fur les arts & fur les fciences de tous les peuplés :
par exemple, la liberté dont jouiffoient les étruf
ques y en vivant même fous leurs rois , permit à
l’art & aux artiftes de s'élever à la perfection,
parce que les rois tofcans n'étorent pas desdef-
potes ; le titre de roi ne défîgnoit chez eux qu'un
ample général d’armée, ou bien un gouverneur
particulier qui étoit élu annuellement par les
états généraux. Toute YEtrurie étoit divifée en
douze provinces : c'étoit par conféquent un état
ariftocratique, régi par douze chefs, ayant au-
deffus d'eux un furveillant, ou un cenfeur amovible,
qui étoit aufli élu par le corps total delà
nation. Les êtrufques étoient fi jaloux de leur liberté
, & fi ennemis de la puiffance royale despotique
8e inamovible , qu'ils méprisèrent 8e devinrent
les ennemis des véïens, lorfqu’au lieu
d'un chef annuel ceux-ci eurent élu un roi. Dans
le IV e. fiècle de la fondation de Rome, ils étoient
par la même raifon naturellement ennemis des
i premiers habitans de Rome; 8e le peuple romain
1 ne put empêcher les êtrufques de s'allier avec fes
voifins, dans la guerre marfique ,. qu’en accordant
aux tofcans le droit de citoyen romain.
Le fécondé caufe des progrès des arts chez
les êtrufques fut le commerce fur terre & fur mer,
Paufanias dit que ce peuple s’allia d'abord avec
1 les phéniciens, qui étoient pour lors le ’■ peuple le
plus ingénieux. Les êtrufques leur fournirent une
flotte pour combattre les phocéens. Hérodote
dit que les êtrufques eurent plus d'intimité avec
les carthaginois qu'avec les grecs; ils fournirent
aux carthaginois une armée navale , qui fut battue
par Hiéron, devant la ville de Syracufe.
Les êtrufques eurent peu d’affinité avec les égyptiens,
peuple exceffivement fombre & mélancolique,
ennemi de la mufique 8e de la poéfie, que
les êtrufques aimoient avec fureur, parce quelles
les guériffoient en partie de la petite portion de
trifteffe ou d'atrophie qui leur étoit naturelle.
L ’étendue du commerce des êtrufques réforma les
moeurs , & par la comparaifon des objets, il perfectionna
leurs taie ns naturels pour les. arts. La
troifième caufe extérieure des progrès des arts,
chez les êtrufques, fut la gloire ôdes récompenfes
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