
Les auteurs ont eu foin de la faire remarquer,
& il eft néceffaire d’y avoir égard pour l’intelligence
des monumens & de quelques epichetes,
communes à l’une 8c à l’autre.
Ovide, pour exprimer le culte que l’on ren-
doit à Diane en Scythie ( Ex. Pont. lit. n i .
epifi. i . v . 48. ) le fert d’une périphrafe qui marque
l ’union de cette Déeffe avec fon frère :
Coït) ortcm Pkoebo'gens colit ilia Deam.
Et Sénèque ( Htrcul.fur. v. j o y , ) appelle Diane
& Apollon une double Divinité :
Geminumque numen , Pkcebus 8c Pkcebi foror.
De-là le culte qui a été rendu au frère & a
la Coeur dans le même pays ; de-la auffi les monumens
( Médailles de Nacolia , de Smyrne &c. ) qui
leur ont été élevés en commun , 8c les médaillés
qui repréfentent Apollon d’un cote & Diane de
l’autre. *
Les Grecs nommèrent DidnéfApTtftiél On donne
différentes étymologies de ce nom > les uns difent
qu’il vient du projet confiant que^ Diane avoit
formé de garder toujours la virginité. , fut r» ùpre-
ft.iSK.tti ja K.àFftto'if ita) t;?s wetpùttltts iirtHufttcti. Macrobe
prenant Diane pour la lune ( lit. x iv . p. 65y. )*
dit qu’elle a été nommée Afrtftis , comme fi 1 on
avoit dit ÙKpoTÔftti 5 mais il auroit ete~ auffi facile
de lui donner ce dernier nom que l’autre j il n auroit
pas été plus difficile à prononcer. Strabon,
ayant égard aux effits de la lune qu’il dit être la
même divinité que Diane, dérive le mot '&fri-
ftiç , Ù7TC T« ItpTiftketç v*Un. Les latins l’appelèrent
Diana. Macrobe dit que ce mot eft formé du nom
Pana 3 en ajoutant la lettre D 3 8c que Pana eft
la même chofe que Duna. Au refte, il n y a rien
d’auffi conjectural que ces étymologies.
Diane étoit du nombre des grands Dieux,
ainfi qu Apollon. Il femble quelle étoit jaloufe
de la pluralité des furnoms & des attributs, puif-
qii’elle ne vouloit point céder à cet égard à fon
frère, & que s’adreffant à Jupiter ( Callim. kym. in
Dian. v. 6. 7 . ) , elle lui demande cette grâce.
On peut dire que fes demandes furent exaucées,
& que fes voeux furent accomplis. -C/eft pour
cela qu’Orphée ( Orph. hymn. 1. ) qualifie Diane
de At-s W s »lpt1 > & qu’Ariftophane ( Arifte-
pk. S-io-u.60. ) l’appelle TroXusstvftt â-vpofyve frz/. En
effet, fes differens emplois, les qualités qu’on lui
attribuoit, & les pays où on lui rendort un culte,
firent autant de caufes qui multiplièrent fes fur-
noms. ( Nous ne parlerons point ici des furnoms
topiques ou de pays, parce qu’ils appartiennent
à la géographie, & qu’ ils ne demandent aucune
explication )
Tout le monde fait que la lune emprunte fa
lumière du foleil ; elle éclaire pendant la nuit,
comme le foleil pendant le jour 5 d’ailleurs , étant
pa apparence Lattre le plus confidérable après le
foleil, il eft bien aifé de concevoir comment le*
anciens , confondant Diane avec la Lune , en^ont
fait la foeur d’Apollon, qu’ils difoient être la même
Divinité que le Soleil. Par une progreffion d’idées,
on pourroit peut-être même expliquer la rai fon
de ce qu’ ils ont avancé, en difant que ces Dieux
étoient gémeaux. Mais il nous fuffit de favoir qu ils
ont quelquefois pris Diane pour la Lune. Horace
, dans fon poème compofé à l’occafion des
jeux féculaires , fait adreffer fes voeux à Apollon
par les jeunes garçons, tandis que les jeunes filles
invoquent Diane en faifant choeur avec eux. Or
par les prières que les dernières adreffent à la
Déeffe, il eft évident quelles la regardent comme
le Lune :
Siderum Regina bicornis, audi ,
Luna 3 paellas.
Il n’eft donc pas douteux que quand les auteur*
donnent à Diane le furnom de de B-ea
(p&oTpopof y de Potè'oyfcos en grec , ou de lucifera eu
latin , ils regardent Diane 8c la Lune comme la
même Divinité. Diane, honorée fous le titre de
’ZtXetatplpos , avoit un autel en Attique , félon Pau-
fanias.
Elle eft qualifiée de Lucifera fur plufieurs monumens,
8c entre-autres dans une infeription publiée
par Muratori ( p. x x x n . 6. ) :
DIANAB
LU.CIFBR AE
L. L1CINIUS
VITÜLI LIB
GRATUS
Elle eft auffi furno'mmée âfuplnvpos dans Sophocle
CTrachin. v- 2iS- ). En effet, on la voit repré-
fentée fur plufieurs médailles avec le croiffant fur
la tête , & une torche allumée dans chaque main.
Le Comte de Caylus (Rec. d’Antiq. tom. i l . p. x l v .
n. 2.) a donné lé ddfin d’une petite figure d’argent
qui repréfente Diane portant le croiffant d’une
main, & relevant fon habillement de la gauche ;
& l'on pourroit citer un nombre infini de monumens
ou Diane eft ainfi figurée avec des attributs
qui marquent fon rapport avec la Lune. Quelquefois
même ces attributs font compliqués 5 8c quoi-
qu’avec une torche ou un croiffant, elle eft fou-
vent armée d’ un arc ou de flèches , 8c elle porte
le carquois fur l’épaule > ce q u i, a la vérité , de-
figne encore plus clairement que la Diane-, Déeffe
de la chaffe, eft la même que la Lune ; 8c telle
étoit la Diane de Ségefte, qui ornoit la galerie de
Verrès. . ^
Le furnom de Coeleftis , qui a été donné, a tant
d’autres Divinités , convenoit très-bien à Diane t
confédérée comme la Lune, & qui parmi fes trois
demeures, avoit entre-autres le ciel.
De
De ce que Diane 8c la Lune étoient la même
Divinité , on peut en inférer que cette Déeffe fut
nommée E*«^, Hécate, pour la même raifon
que le Soleil avoit reçu le nom Ex«ro?, 8c parce
qu’elle réfléchiffoit fa lumière > mais je n’entends
pas les Mythologues, quand ils difent que la foeur
d’Apollon étoit appelée la Lune dans le ciel,
Diane fur la terre, & Hécate ou Proferpine dans
les enfers. Ces mêmes Mythologues ont ajouté
que c’étoit de-là que Diane tiroit les furnoms de
Tpmlruiroç, de TpïftaoQoçy de Tergemina & de Tri-
formis. Les commentateurs en ont donné des interprétations
tout-à-fait forcées.
J’adoptcrois plus volontiers le fentiment de
Varron, qui dit que ces épithètes faifoient allu-
fionaux phafes de la Luné : Quia eàdem eft ac Luna
que. très vins fequitur currendo in altitudïnem , lati-
tudinem & longiiudinem. Ces trois formes de
Diane font fou vent indiquées dans les auteurs.
Parmi les reproches que Médée fait à-Jafon ( Ovid.
Heroid. ep. xn . v. 79. ÿ, elle dit qu’il lui avoit
cependant juré une fidélité inviolable, par differens
Dieux, 8c par la triple Divinité de Diane.
Per triplicis vultus , arcanaque facra DianA.
Horace ( Ub. n i . od. x x n i . ) , en invoquant
la Déeffe, lui adréffe ainfi la parole : ,
Montium euftos nemorumque , Hirgo
Qua laborantes utero puellas
Ter vocata audis, adimifque letko ,
Diva trîformis. ,
Ce font vraifemblablerhent les trois formes que
l’on donnoit à D ia n e , qui ont fait naître l’idée
de placer fes ftatues dans les lieux où trois che-
-rniris aboutiffoient, & de lui donner les furnoms
de TpfoPL-ijsj de rplyM^oç, d’êvûchtf, & plufieurs au-
' très femblables chez les Grecs, & celui de Trivia
chez les Latins.
On connoît des monumens fur lefquels Diane
Tergemina. , ou Triformis , eft représentée. Le
Comte de Caylus ( tom. v. pl. zxv. ) en a publié
deux. Le premier , deftiné pour un Laraire, &
haut de trois pouces, préfente trois figures fépa-
rées, mais'réunies en une'même perfonne Le
croiffant, placé fur les épaules d’une des figures,
ne permet pas de méconnoîtrela Déeffe fous l'emblème
de la Lune. Les autres figures font fans attributs.
Le fécond monument eft une cornaline
fin g u li ère , dont l’auteur a donné l’explication
( tom. vi. pl. xzv. )'. II faut bien fe garder de confondre
ces repréfentations de Diane avec celles
des parques & des furies, qui font également com-
pofées de trois figures, mais avec des attributs
tout differens.
Comme l’on a cru long-temps que la Lune agif-
foiç fur les corps fublunaires , ©n a attribué à
Antiquités t Tome I L
Diane plufieurs influences fur le fexe féminin >
parce qu’en effet les femmes paroiffent avoir certains
rapports marqués avec le cours de la Lune.
En conféquence Diane étoit regardée comme une
Déeffe qui préfidoit aux accouchemens. On lui
adreffoit des voeux , ainfi qu’à Junon Lucina , félon
Tertullien : In partu Luc in a & DianA ejulatur;
& Macrobe: (lib. v u . Strab. c. 1 6 .) en donne
cette raifon: Quia proprium ejus munus eft diften-
dere rimas corporis, & meatibus viam dace y quod
accelerando partui falutare eft. C’eft pour cela
qu’elle eft furnommée ^oyus-oxo? dans Homère
( Homer.Tliad. n. ) & Théocrite , & qu’Horace
dit qu’elle donne du fecours aux femmes es-
ceintes-î
Qua laborantes utero puellas ,
Ter vocata audis , adimifque letko.
En cette qualité de Déeffe qui préfide aux-
accouchemens, Diane a reçu les mêmes épithètes
que Junon, celle hxéPvtu. 8c celle de Lucina :
Rit} maturos aperire partus
Lenis Ilithyia tuere matres ,
Sive tu Lucina probas vocari ,
S eu Genitalis.
Les auteurs Grecs lui donnent quelquefois le
furnom de Aoyju,^ qu’on lit fur une infeription
latine publiée par Gruter ( p. m xi. 3. ) :
DIANAI LOCH. S. P. C. C. D. S.
CINECRIA. P. F. RUFA POM
PONIA.
On lui avoit confacré dans la ville d’Athènes ua
temple où elle étoit honorée fous le titre de
ÀonÇuvt), félon le Scholiafte d’Apollonius (in lib.
1. v. 287. ). Les femmes qui accouchoient pour
la première fois, faifoient à la Déeffe une offrande
de leur ceinture.
L ’influence que l’on attribuoit à Diane fur les
accouchemèns & les accidens naturels des fem-
me's, l’ont fait invoquer, ainfi que Junon, fous les
differens noms de , de de Sofpita.
8c d’Opifera. D’ailleurs Diane pouvoir mériter ses
épithètes pour des grâces particulières que l’oa
croyoit tenir d’elle , ou parce quelle étoit coa-
fiderée comme la Lune & une Divinité bienfai*-
fante qui contribuoit avec le Soleil à donner la
vie aux hommes , aux animaux & aux plantes.
C’eft fans doute cette conftdération qui a multî-«
plié les mamelles & tous les fymboles dont
Diane d’Ephefe étoit chargée. Paufanias parle de
plufieurs pays de la Grèce où la Déeffe etoit honorée
fous le titre de , 8c entre-autres en
Laconie, en Attique 8c en Argelide. L ’épithète de
woMtU%os eft employée par Apollonius ( lib, 1. v.