
Corollaire I I . La fuppofition d’une pièce eft
prouvée par l’argument négatif, lorfqu’il n’eft
pas poffible qu’on en. eût parlé-, fi elle eût
exifté.
4. II eft des cara&ères de vérité dans un fiècle:
, ie.fquels, dans un autre font des preuves
évidentes de fauffeté.
J- On peut quelquefois prononcer avec une
certitude morale fur la faulfeté des diplômes fup-
pofés.
6. Les pièces fauffes font ordinairement aifées
à reconnoître. .
7. Il eft .impoflible même qu’une charte originale
foit vraie; i° . Jorfque fon ftyle & fes formules
font incompatibles avec ceux des pièces
du même ou de tout autre genre , de la même
ou de toute autre nation limitrophe, du même ou
de tout autre fiècle voifin : 2°. lorfqu’elle contredit
des faits d’une certitude inébranlable,
fondée non-feulement fur l’autorité des hiftoriens
contemporains^ mais des monumens du temps
les plus authentiques : -30 lorfque fon écriture,
fon encre & fes autres cara&ères extrinsèques
ne peuvent s’accorder avec fes dates indubitables.
8. On eft moralement certain de la fauffeté
d’un diplôme, qui contredit fes caractères intrinsèques
par une date , fur la certitude de laquelle l
on ne, fauroit former aucun doute raifonnable.
9. Un diplôme différent de quelques pièces
fauffes , peut n’être pas- vrai, comme un diplôme
différent de quelques pièces vraies , peut n’être
pas faux.
10. Le moyen de faux eft Amplement détruit,
lorfqu’on prouve que les caractères ne font pas
incompatibles avec la pièce accufée , quand
même elle er\ adroit un ou plufieurs,' dont on
ne trouveroit aucun exemple,
11 . Un moyen de faux le'gitime & fuffifant,
du moins en apparence, ne fauroit être totalement
détruit, jufqu’ à lever tout foupçon légitime ,
que par des faits contraires, aufli formels . que
conltans , lorfqu’il ne s’agit pas d’une pièce authentique,
12. Une pièce ne doit pas toujours paffer
pour fauffe, parce qu’elle eft ainlî traitée dans
les monumens anciens.
13. Une charte ne doit pas être mife au rang
des pièces fuppofées, parce qu’elle contient des
chofes fauffes & fabuleufes.
14. On ne doit pas rejetter des diplômes,
pour cela feul qu’ils énoncent des faits uniques,
ou extraordinaires.
IJ. Il ne s’enfuit pas qu’un ancien a été fort
faux, de ce qu’on ne fauroit rendre raifon d’un
ou de plufieurs faits qu’il contient.
iû; On ne doit pas rejetter comme faux des
diplômes, parce qu’ils accordent de grands privilèges,
ou quelques droits attachés à la fou-
veraineté.
17. Toute règle qui enveloppe les vraies chartes
dans la condamnation des fauffes, doit être
réprouvée j & toute règle qui fait grâce aux
faux titres , eft fauffe elle-même.
18. Pour déclarer juridiquement des pièces
fauffes, il faut des preuves authentiques de trois
fortes , preuve^ littérérafes , preuves teftimonia-
les , preuves fondées fur des indices indubitables,
& plus claires que le jour.
C H A P I T R E I I I .
Regies générales de fufpzcion, & règles générales
fauffes ou infuffifantes
A r t i c l e p r e m 1 e r .
Regies de fujpicion.
1. La conje&ure eft fufceptible de. plus ou de
moins de vraifemblance & de probabilité ,
- fuivant que-fes motifs font plus ou moins nombreux
, plus ou moins folides.
2. Le foupçon eft fufceptible d’une infinité de
degrés, comme la conjecture dont il eft une
efpèce.
3. La conjecture doit balancer l’autorité , lorf-!
que celle-là eft très-forte & très-probable, &
celle-ci peu vraifemblable & chancelante, foitr
parce que l’auteur n’ eft pas digne de fo i, foit
parce qu’ il n’eft ni contemporain , ni “prefque
contemporain , & que d’ailleurs il n’a pas eu des
mémoires sûrs.
4. Mais quand il arrive qu’un fait eft fuffifamment
attefté par le témoignage d’un auteur
qui a quelque autorité , qui s’explique clairement.........
qui n’eft point contredit par d’autres
écrivains , & qu’on ne peut convaincre de s’être
trompé, pour lors l’autorité doit l’emporter fur
la conjeCIure,
y. Un fait devient douteux, quand il eft combattu
par des conjectures extrêmement fortes,
qui ne peuvent être, ni détruites, ni affaiblies.
6. Un fait établi par un auteur prefque contemporain
, ne fauroit être détruit par le filence
des autres. Il faudrait, continue M. le baron de
IaBaftie, en trouver quelqu’u n , ou antérieur,
ou du même temps qui dit précifémenç le contrahit
7. C ’eft un excès de la critique de traiter de
faux un fait qui n’ eft que douteux, ou de donner
pour fuppofé un diplôme dont la foi eft
Amplement fufpeCte.
Corollaire I. Un fait vrai ëft quelquefois regardé
comme faux par ceux qui devraient en être
les mieux inftruits.
Corollaire I I , Les Conjectures même plaufibles
ne doivent point l’emporter fur des faits atteftés.
8. En matière de faits, toutes chofes égales.,
l ’auteur connu doit être préféré à l’anonyme,
l’ eccléfiaftique ou le religieux au laïque, l’homme
en place au fimple particulier, le contemporain
a celui qui n’a vécu qu’après les événemens
qu’il rapporte.
Règles, i; II ne faut fufpeéter aucun livre
ou manufc.rit de fuppofition ou d’impofture, fi
l’on n’eft appuyé fur un témoignage irrépréhen-
fible, ou fur une raifon légitime'.
Corollaire I. On ne doit pas non plus fufpeCter
un fait contenu dans les chartes, ni les chartes
elles-mêmes, fans une autorité, ou une raifon
légitime.
Corollaire I I . Les Amples foupçons n’ont, aucune
force contre les chartes, ni contre les faits
qu’elles renfermant.
2« Le témoignage d’un homme digne dé foi,
défintéreffé, 8c d’ ailleurs contemporain’, qui
affureroit .qu’ un livre, ou qu’un titre auroit été
corrompu ou fuppofé, rendrait ce livre ou ce
titre fufpeCt ; mais il ne le convaincrait pas toujours
de faux.
• 3. On a beau multiplier les Amples foupçons
contre-un titre ou un fait bién attefté, ils. ne :
doivent répandre aucun doute contre la certitude
de ce titre, ou de ce fait., •
Corollaire. Tout argument, de pure poflibilité
contre la vérité des titres, doit- être rejetté
comme abfurde, & tendant au renverfement de"
la foriété.
4. Le moyen de faux prouvé , fait condamner
la pièce & fon auteur. Le foupçon violent invalide
la première, & rend nulle la preuve
qu on en tire. Le foupçon légitime donne atteinte
a celle-là , & rend incomplette ■ celle - c i , fuppofé
néanmoins que ces moyens ne foient pas
détruits,
. Corollaire 7. Une pièce légitimement, mais non
violemment fufpeéfcée, ne perd point toute fon
aurorité.
, Corollaire I L On peut tirer des ar’gumenspro-
bables d’un diplôme, contre lequel il y auroit
piuùeurs foupçons qui n’iroient pas jufqu’à le
«ndre douteux.
Corollaire I I I . Une pièce qui fouffriroit des
difficultés , ajoutée... à des pièces , ou à des
raifons inconteftabJes, dans l ’égalité des preuves ,
pourroit. faire pencher la balance. .
Corollaire I V . Comme dans le s . affaires purement
civiles , au défaut des ' preuves évidentes ,
on-s’en tient fduvent à la plus grande probabilité ;
on pourroit juger quelquefois,' Conformément
à une pièce à laquelle on oppoferoit un ou
plufieurs foupçons légitimes, infùffifans pour la
rendre nulle 8c douteufe, mais qui cependant ne
pourroient pas être détruits.
5. De nouvelles preuves peuvent élever le Ample
foupçon à l’état de foupçon légitime, le
légitime à celui de violent, 8c ce dernier juf-
qu’aii moyen de faux.
6. Le moyen de faux peut, par de bonnes ré-
ponfes, .être réduit au foupçon violent y le vio?
lent au légitime, le légitime au fimple foupçon,
c’ eft>à-dire, à rien.
' 7 - Plufieurs .foupçons. légitimes fe réunifiant
, contre une pièce, forment quelquefois un foupçon
extrêmement fo r t , qui lui fait perdre toute
autorité.
Corollaire. Pour que le 'foupçon légitime foie
transformé en foupçon violent', il faut ou que
fes motifs fe fortifient 3c deviennent plus preffans,
ou.que de nouveaux foupçons légitimes, accumules
les uns fur les1 autres, produifent le même
: effet.
8. Le foupçon légitime ne fauroit être détruit,
fi l’on ne peut montrer d’exception formelle , &
dans l’efpace d’environ un fiècle , à î’ufage fur
lequeUe foupçon; eft fondé, ou fi l ’on ne prouve
.pas déih onftrativement vis-à-vis d’une nièce originale
& authentique la poflibilité morale de
cette exception.
| 9* Le foupçon violent fubfifte , fi par des faits
ou des ufages femblables, au moins des fiècles
iVoifîns, on.ne faüroit prouver que tel fait, tel
ufage n’étoit point^ invariable au temps auquel
il fe rapporte ; ou s’ il regarde un original , quand
on ne juftifîe que foiblement fa vraifemblance ou
fa poflibilité morale.
10. Le foupçon légitime eft détruit dès qu’on
prouve, par des faits contemporains , que l’ufage
fur lequel ^on le fondoit, n’étoit pas fi confiant,
qu’il ne fût réellement fujet à des exceptions.
f 1 • Un foupçon légitime contre une pièce 3
même originale, ne peut fe détruire que par des
faits, non Amplement poffibles en eux-mêmes ,
mais moralement poffibles, ç’eft-à-dire, dans les
circonftançes dont il eft queftion.
12. Le foupçon légitime non détruit, ne devient
pas pour jeela violent, ni le violent, moyen de faux»