'L ’opinion que les Payens avoient de la nature
de ces Dieux incapables de faire du bien , les en-
gageoit d'offrir à leur vengeance de perfides ennemis^
qu’ils fuppofoient être les auteurs de la
guerre , & mériter auffi toutes les imprécations.
Elles paffoient toujours pour efficaces lorfqu’elles
croient prononcées avec toutes les folemnités re-
quifes par les miniftres de la religion, & par les
hommes qu’on croyoit favorifés des Dieux.
On ne doit donc pas être furpris des révolutions
foudaines qui fuivoient les Dévouemens pour
la patrie. L’appareil extraordinaire de la cérémonie
, l’autorité du grand Prêtre , qui promettoit
une viûoîre certaine, le courage héroïque dh
général qui couroit avec tant d’ardeur à une mort
affurée, étoient a fiez capables de faire impreffion
fur l’efprit des foldats,' de ranimer leur valeur ,
& de relever leurs efpérances. Leur imagination
remplie de tous les préjugés de la religion payenne,
& de toutes les fables que la fuperftition avoit
inventées, leur faifoit voir ces mêmes Dieux ,
auparavant fi animés à leur perte, changer tout
d’un coup l’objet de leur haine, & combattre
pour- eux.
Leur général, en s’éloignant, leur paroiffoit
d’une forme plus qu’humaine ; ils le regardoient
comme un génie envoyé du ciel pour appaifer la
colère divine, & pour renvoyer fur leurs ennemis
les traits oui leur étoient lancés. Sa mort, au-lieu
de confterner les J en s , raffuroit leurs efprits :
c ’étoit la confommation de fon facrifice, & le
gage affiiré de leur réconciliation avec les Dieux.
Les ennemis eux-mêmes, prévenus des mêmes
erreurs, voyant ce qui venoit de fe palfer, croyoient
s’être attiré tous les enfers fur les bras , en
immolant la vicHrae qui leur étoit confacrée. Ainfi
Pyrrhus ayant été informé du projet du Dévouement
de Décius, employa tous fes talens & tout
fon an pour effacer les mauvaifes impreffions que
pouvoit produire cet événement. Il écrivit même
à Décius de ne point s’amufer à des puérilités indignes
d’un homme de guerre, 8c dont la nouvelle
faifoit l’objet de la raillerie de fes foldats.
Cicéron voyant les Dévouemens avec plus de
fang-froid,, & étant encore moins crédule que
le Roi d’Épire, ne croyoit nullement que les
Dieux fulfent alfez injuftes pour pouvoir être
appaifés par la mort des grands hommes, ni que
des gens fi fages prodigualfent leur vie fur un fi
faux principe > mais il confidéroit avec Pyrrhus
leur aftion comme un ftratagêmë d’un général qui
n’épargne point fon fang lorfqu’il s’agit du falut
de fa patrie, étant bien perfuadé qu’ en fe jetant
au milieu des ennemis, il feroit fuivi de fes foldats,
& que ce dernier effort regagnerait la victoire 5
ce qui ne manquoit gueres d’arriver. Quand le
général qui s’étoit dévoué pour l’armée périfibit
dans le combat, & que fon voeu étoit accompli ,
il ne reftoit qu’à en recueillir le fruit, & à lui
rendre les derniers devoirs avec toute la pompe
due à fon mérite, & au fervicc qu’il venoit ‘cfif
rendre. Mais s’il arrivoitqu’il furvécût à fa gloire,
les exécrations qu’il avoit prononcées contre
lui-même Sc qîi’il n’avoit pas expiées, le faifoient
confidérer comme une perfonne abominable 8c
haïe des Dieux ; ce qui le- rendait incapable de
leur offrir aucun facrifice public ou particulier. Il
étoit obligé pour effacer cette tache, 8c pour fe
purifier de cette abomination, de confacrer fes
armes à Vujcain, ou à tel Dieu qu’il lui plaïfoit ^
en immolant une viéfime, ou en lui faifant quel-
qu’autre offrande.
Si le foldat qui avoit été dévoué par fon général
perdoit la v ie, tout paroiffoit confommé heurcu-
fementj fi au contraire il en réchappoit, on enterrait
une ftatue haute de fept pieds & plus ,
& l’on offroir un facrifice expiatoire. Cette' figure
étoit apparamment la repréfentation de Celui qui
avoit été confacré à la Terre 5 8c la cérémonie de
l’enfouir étoit l’accompliffement myftique du voeu
qui n’avoit point été acquitté.
Il n’étoit point permis aux Magiftrats Romains
qui y affiftoient, dedefeendre dans lafoffe où cette
liante étoit enterrée, pour ne pas fouiller la pureté
de leur miniftère par l’air infeéié de ce lieu profane
& maudit, femblable à celui qu’on appeloit Bi-
dentaL
Le javelot que le conful avoit fous fes pieds en
faifant fon dévouement, devoir être gardé foigneu-
fement, de peur qu’il ne tombât entre les mains
des ennemis : ç’eût été un trifte préfage de leur
fupériorité fur les armes romaines. Si cependant
la chofe arrivoit malgré toutes les précautions
qu’on avoit prifes, il n’y avoit point d’autre remède
que de faire un facrifice folemnel d’un porc,
d’un taureau, 8c d’une brebis ( appelé Suove-
taurilia ) , en l’honneur de Mars.
Les Romains ne fe contentoient pas de fe dévouer
à la mort pour la république , 8c de livrer-
en même-temps leurs ennemis à la rigueur des
divinités malfaifantes , toujours prêtes à punir 8c
à détruire : ils tâchoient encore d’enlever à ces
mêmes ennemis la protection des Dieux maîtres
de leur fort 5 ils evoquoient ces Dieux, ils les
invitoient à abandonner leurs anciens fuj,ets, indignes
par leur foibleffe de la protection qui leur
avoit été accordée, 8c à venir s’établir à Rome,
où ils trouveraient dès ferviteurs plus zélés & plus
en état de leur rendre les honneurs qui leur
étoient dus. C’eft ainfi qu’ils en ufoient avant la
prife des villes lorfqu’ils les voyoient réduites à
l’extrémité. Après ces évocations, dont Macrobe
nous a.confervé la formule rapportée plus haut,
ils ne doutoient point de leurs victoires & de leurs
fuccès.
Chaque citoyen aimant fa patrie, rien ne fembloit
pouvoir l’empêcher de. facrifier fa vie au bien de
l’ état, 8c au falut de fes concitoyens. La république
ayant auffi un pouvoir abfolu fur tous les
particuliers qui la compofoient, il ne faut pas»
D E Ü
s'étonner que les Romains dévouaient quelquefois
aux Dieux des enfers des fujets pernicieux dont
ils ne pouvoient pas fe" défaire d’une autre manière,
8c qui pouvoient, par ce dévouement, être
tués impunément.
Ajoutons à cette pratique les enchmtemens 8c
les conjurations appelés dévotiones, que les magiciens
employoient contre ceux qu’ils avoient
deffein de perdre. Ils evoquoient pour cet effet,
par des facrifices abominables, les ombres malheure
ufes de ceux qui venoient de faire une fin tragique
, 8c prétendoient les obliger par des pro-
méfiés encore plus affreufes, à exécuter leur ven-:
geance. On croyoit que les gens ainfi dévoués ou
enforcelés périffoient ra al heure u fe ment, les uns
par des maladies de langueur, les autres par une
mort fubite ou violente. Mais il y a bien de l’apparence
que les différentes qualités des poifons
qu’ils employoient pour appuyer leurs charmes,;
étoient la véritable caufe de ce s événemens. ( Article
du Chevalier de Jaucourt )’.
DEUX. Le nombre de deux étoit regardé, chez
les Romains, comme de mauvais-augure 8c comme
le plus malheureux de tous les nombres. Comme
tous les mauvais augures étoient confacrés à .Plu-
ton , les Romains lui avoient dédié le fécond mois
de l’année 8c Infécond jour de chaque mois. Par la .
même raifon les nombres pairs étoient funeftes,
8c les Dieux n’ aimoient que les nombres impairs,
comme le dit Virgile :
D E X 355
ciel parut les en punir févèrement j car à peine
les vaiffeaux furent-ils en pleine mer, qu’il furvint
un calme affez long pour donner à Dexicréonte
le temps néceffaire pour échanger fon eau contre
les précieufes marchandifes de fes railleurs. Dexicréonte
retourna plus riche 8c plus dévot que jamais
à Samos, où il remercia la Déeffé de fa bonne
infpiration, en lui élevant une ftatue ( C&l. Rhodig.
1 .19. c. 18.).
DEXTANS, mot qui exprimoit chez les Romains
les d’un tout quelconque, divifible e»
12 parties appelées unc'u. , onces..
Dextans ,. monnoie de compte des Romains.
Elle étoit repréfentéë pair ce figue S ~ _ Elle vâ-
loit 10 onces, ' • ■ - •
Ou 2ç> femi-onces,
Ou 30 duel les,
Ou 40 ficiliques ,
Ou 60 fextules ,
Ou 240 fcripules.
Dextans , monnoie des anciens Romains. Elle
valut, depuis la fondation de Rome jufqu’à l’an
485 , ié fols 8 deniers monnoie aéluelle de France
, félon M. Pauéton ( Métrologie ). Elle valoit
alors, en monnoie du même peuple, 1 7 dodrans,
Ou 1 | beffis,
Ou ï j feptunx,
Ou 1 j femis,
Ou 10 onces.
Numero Deus impare gaudet.
DEUX-CENTIÈME. 7
D ÜCENTESIMA. 5 Tibère ( Tacit. Annal.
i l . 42. 7. ) établit dans tout l’empire Romain l’impôt
du deux-centième denier 5 mais Caligüla l’abolit
, comme on l’apprend de fes médailles, fur lesquelles
on lit : remife du deux-centième, remijjio
ducentefime, , R.*CC.
DEXAMÈNE , Roi d’Olène , beau-père des
Molionides. Voye£ Molîonides.
DEXICRÉONTIQUE, furnom de Vénus. Elle
fut ainfi appelée, félon les uns, d’un charlatan
nommé Dexicréonté, qui guérit par des enchan-
temens 8c des facrifices les femmes de Samos de
leur fanatifme pour le culte de Vénus, 8c de la
fureur avec laquelle elles s’abandonnoient aux actions
par lefquelles cette Déeffe peu chafte vouloit
être honorée. En mémoire de ce prodige, on éleva
une ftatue qu’on appela la Vénus de Dexicréonte.
D’autres penfent que le Dexicréonte , dont
cette Vénus portais nom, fut un commerçant
q u i, ne Tachant de quoi charger fon vaiffeau jeté
par les évents dans l’ille de Chypre, confulta la
Déeffe. Elle lui confeiite de ne prendre que de
l’eau. Le pieux Dexicréonte ob é it5 il partit du
port avec les autres marchands, qui ne manquèrent
pas-de le plaifanter fur fa cargaifon. Mais le
Dextans , divifîon de l’ancienne livre Ra-
maine, valoit, en poids de France, $160 grains-,
félon M. Pauélon ( Métrologie ). Il valoit en poids
Romains, 1 j dodrans,
Ou 1 bes,
Ou 1 7 feptunx ,
Ou 1 j fexunx ,
Ou 2 quincunx,
Ou 2 ~ triens.
Ou 3 } quadr-ans,
Ou 5 fextans,
Ou 10 onces.
D e x t a n s , .mefuré de capacité pour les liqueurs
des anciens Romains. Elle valoit 17 roquilles &
de France. Elle valoit, en mefure7 du même
peuple , 1 f dodrans,
Ou 1 ;•§■ beffis, ,
Ou i j feptunx ,
Ou 1 7 fexunx,
Ou 2 quincunx,
Ou 2 7 triens ,
Ou 3 7 quadrans,
Ou 5 fextans ,
Ou 10 onces.
Dextans , mefure de capacité pour les folides
en ufage chez les Romains 3 c’étoient les | | dii
fetier. Voyei Se t ie r . . y y