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ne firent plus de barbe pointue ; mais ils la frisèrent
d'une manière plus large.
A l'égard des pierres gravées des êtrufques,
Winckelmann obferve que la plupart font en
relief, taillées en efcarbot, ou fcarabée , perforées
parle milieu, pour les porter en amulettes.
Sur les anciennes gravures , les figures humaines
n'ont quelquefois que fix têtes de longueur; &
dans les plus anciennes pierres gravées * les pieds,
les mains font très-finis, & les infcnptions qui
font autour des figures, paroiffent être pélafgien-
n es , c'eft-à-dire, approcher plus de l'ancienne
écriture grecque que de Y étrufque. Dans la fuite
les êtrufques marquèrent exactement les os & les
Kuilcles de leurs figurés gravées ; mais l'on y vit
toujours la dureté du ftyle étrufque.
Notre favant dit qu'il n'a pu découvrir que
deux médailles êtrufques : elles paroiffent être
les premiers effais de ces peuples dans l'art numif-
matique. D'un côté l'on voit un animal, qui paroît
être un cerf; de l'autre côté on voit deux figures
qui tiennent un -bâton ; les jambes y font
indiquées par deux lignes terminées par un point
arrondi, qui marque chaque pied ; le bras qui
ne tient rren, eft une ligne à plomb un peu -
courbée depuis l’épaule, il defcend prefque juf-
qu'aux pieds : les parties' naturelles font un peu
plus coures qu’elles ne le font ordinairement fur
les pierres, & fur les médailles êtrufques, où elles '
font monftrueufement allongées, tant aux hommes
qu’aux animaux; -le vifage de ces-deux figures
eft gravé comme la tête d’une mouche. La
fécondé médaille a d’ un côté une tête, & de
l ’autre un cheval. En comparant par ordre les gravures
, & fur-tout les modèles des m©numens
êtrufques qu’indique Winckelmann, on pourra
fe former une idée claire des époques de la perfection
de l’art chez les êtrufques.
Dans la fécondé feciion , qui traite du fty le ,
c’eft-à-dire, de la manière de defliner, graver,
& c . , desartilies êtrufques, Winckelmann examine
en particulier les caractères de l’art étrufque 3 le
degré de perfection de fes productions, & ce
qui conftitue le ftyle étrufque
Winckelmann obferve d’abord en général fur
le ftyle étrufque , qu’il ne faut pas croire qu’un
monument foit étrufque, parce que l’on y a
repréfenté certaines coutumes, ou parce que les
figures ont tel habillement, ou un cafquede telle
efpèce : le cafque grec , Tare gree, & les petites
chofes de cette efpèce , ne décident pas que le |
monument foit grec ou étrufque. Souvent les
êtrufques ont mis fur leurs figures des cafques
grecs, ou des armes grecques ; c’eft la forme
des figures principales, jointe aux acceffoires dé
k figure, qui distingue le ftyle grec du ftyle
étrufque.
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Dans le fécond paragraphe, Winckelmann fait
fouvenir que le ftyle a beaucoup varié chez les
êtrufques , en paffant du ftyle groftîer au parfait :
il dit que plus les caractères des inferiptions
reffemblent à l’écriture & à la langue romaine ,
plus les figures font mal deffinées, & travaillées
fans goûr. Il obferve enfin que la de’cadence de
l’art ne forme point alors un ftyle particulier.
Notre illuftre auteur ajoute que l ’on, ne doit re-
connôître que trois efpèce s de ftyle parmi les
êtrufques , ainfî que parmi les égyptiens &c. i-
favoir le ftyle ancien, le ftyle moyen, le ftyle
d’imitation, formé fur celui des grecs , &c. Dans
chaque ftyle on doit remarquer , i° . lenud; 1°.
la draperie des figures ; mais comme, la draperie
des arti fies êtrufques ne diffère pas beaucoup de
; celle des artiftes grecs, il fe borne à terminer
chaque article par de courtes obfervations fur
la draperie & fur les monumens de chaque efpèce
de ftyle.
Dans l’article premier, qui concerne le ftyle
ancien ou antique des êtrufques, Winckelmann
dit que. l’on reconnoît le premier caraCtère du
ftyle antique , en ce que le defîîn eft tracé en
lignés droites ; l’attitude des figures eft roide
leur aétion eft gênée. Le contour des figures ne
s’élève & n e s’abaiffe point dans la proportion Sc
avec l’ondulation requifes, de forte qu’ilne donne
aucune idée de chair, ni de mufcles ; ce qui eft
caufe que les figures font minces , parallèles, fem-
blables à une quenouille. C e ftyle manque donc
de variété & de foupleffe. Les anciens êtrufques
étoient groffiers : ils îgnoroient la forme , la pofî-
tion , & le jeu des mufcles & des membres ; ils ne.
purent acquérir la liberté du deffin que par une
longue expérience.
L ’ on reconnoît le fécond caraâère du ftyle
antique, c’eft-à-dire., du premier ftyle , en ce que
1 la touche imparfaite des traits & de la beauté
du vifage; diftinguent les premiers ouvrages fortis
des mains des êtrufques, comme elle diftingue les
premiers ouvragés qui ont été travaillés par les
mains des grecs- La forme des premières têtes
des êtrufques eft un ovale obîong, qui paroît re- •
tré c i, parce que le menton eft terminé à l’égyptienne,
c’e f t -à -d ir e , en pointe : les yeux font
tout plats, ou tires en haut, c’eft-à-dire , toujours
obliquement à l’os des yeux. Toutes les
parties du corps étoient des lignes droites quf
portoiént à plomb fur la bafe. Tous ces caractères
paroiffent imités des figures faites par les égyptiens
de la haute antiquité. Le premierquidefïina.
une figure de divinité en Egypte, la fit comme
on vient de dire; fes fuccefteurs le.copièrent t
les êtrufques Limitèrent aveuglement & fcrupuleu-
Cernent, de crainte de paffer pour novateurs.
On trouve plufieurs petites ftatues du premier
ftyle étrufque, ou. l’on voit les bras pendans fug
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les côtés, les jambes liées, ferrées; une loügue
draperie, dont, les plis paroiffent faits avec un
peigne de fer ; les pieds font droits ; les yeux
creux, platement ouverts &. tirés en haut : le
deflin y eft plat, fans diftin&ion de parties.
_ On diftingue le commencement du changement
du premier. ftyle, en ce que la draperie couvre
moins le, corps des. figures : les. êtrufques s’ appliquent
à defliner le nud, à l’exception des parties
naturelles, qui furent renfermées dans une bourfe,
attachée avec- des rubans fur les hanches de la
figure.
Les premiers graveurs êtrufques ne Tachant pas
travailler avec le fer pointu eu crochet, ne fe
fervant que du rouet, pour çreufer leurs pierres,
ils les drapèrent amplement ; ils arrondiffoient au
contraire tous les traits de leurs figures, ils les
formoient en boules, ne faehant pas les faire
en ligne droite, comme Jeurs fculpteurs.
Winckelmann croît que les ftatuaires & les peintres
grecs corrigèrent leur mauvais ftyle du temps
de Phidias ; que la révolutionne l’art fut auflî
fubite dans la Grèce & dans YEtrurie, que celle
qui arriva fous Augufte , fous Léon X , & fous
Louis XIV- On peut à ce fujet confulter les
fages réflexions critiqués fur la Poéfle & fur la
Peinture , par M. l’abbé du Bos.
L e fécond ftyle de l ’art chez les êtrufques -, a
pour marque caradériftique, i° . une expreflîon
forte dans les traits des figurés & dans les différentes
parties du corps : 2°. cette expreflion
forte doit être jointe à une attitude & à une
aCtion gênées, & même quelquefois fin gu fièrement
contournées, forcées & outrées. A l ’égard
de la première qualité, nous obfervons que les
mufcles font tellement gonflés fur quelques figures
êtrufques, qu’ils s’élèvent comme des monticules ;
les os percent les chairs avec tant de force , que
ce ftyle en devient d’une dureté infoutenable ;
les figures paroiffent écorchées. Cependant cette
expreflion trop forte des mufcles, des o s , ne fë
trouve pas dans tous les ouvrages de ce ftyle ;
au moins, quant à la première partie , qui concerne
les mufcles, ils ne font prefque pas indiqués
fur les figures divines des êtrufques, qui
font les feules ftatues de marbre qui foient parvenues
jufqu’ à nous : il faut néanmoins en excepter
la coupe dure des mufcles au gras de la
jambe, qui eft très-fubtile fur toute forte d’ouvrages.
On peut pofer pour règle générale, que
les grecs s’attachèrent plus à l’expreflion des
mufcles, & les êtrufques à celle des o s ; par
conféquent, fi une pierre fine & bien gravée
repréfenté une figure fur laquelle quelques os
paroiffent trop marqués, on doit être tenté de
la confidérer comme une pierre é tru fq u equoi-
qu’ au refte elle pût faire honneur à un artifte
grec.
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Nous avons dit que le fécond caractère du
ftyle étrufque 3 eft de joindre à une expreflion forte
de traits, une attitude & une action génées, forcées
& outrées. Nous obfervons que la force ne regarde
pas feulement l’attitude, l’aétion, l ’expref-
fiori , mais encore le mouvement & le jeu de
toutes les parties. Le terme gêné fe dit de
l’attitude & de l’aétion les plus contraintes : le
gêné eft le contraire du naturel; le forcé eft
i’ oppofé de l’aife, du gracieux & du moelleux.
Le gêné caraétérife le plus ancien ftyle; & le
forcé caraétérife plus particuliérement le fécond
ftyle étrufque. Pour éviter l’un de ces deux défauts,
l ’on tomba dans l’autre; & pour donner
Une forte expreffion aux parties, on donna aux
figures des attitudes & des a étions qui favorifenc
ce goût outré. Auffi l’on préféra une pofition
forcée au repos doux & tranquille des parties;
l’on exalta la fenfation à l’extrême , & l’on pouffa
le gonflement des mufcles jufou’ oii il. pouvoir
être porté. L e fécond ftyle étrufque peut donc
êtré comparé à un jeune homme mal éduqué „
livré à la fougue de fes defirs, au libertinage de
Ton efpritr, & à Ces emportemens de ieuneffe, qui
le déterminent à des a étions forcées. Le ftyle
grec du meilleur temps au Contraire, peut être
comparé à un adolefcent bien fait, dont les
pallions ont été domptées par les foins d’une
heiireufe éducation, & dans qui l ’inftruétion &
la culture ont donné une plus belle forme aux
qualités naturelles.
Le fécond ftyle des êtrufques a un-grand défaut
: les fujets ditférens n’y font point càraété-
rifés en particulier ; il n’a qu’ un ton & une
manière univerfelle pour toutes les figures; il eft
maniéré: Apollon, Mars, Vénus, Hercule,
Vulcain, fe reffemblent tous fur les ouvrages
êtrufques,ils n’ont aucune différence dans les def-
fins , qui peut fervir à les diflinguer. Les tofeans
d’aujourd’hui ont confcrvé même dans la littérature
le ton maniéré; leur ftyle eft recherché , apprêté
, il paroît maigre & fec , lorfqu’on le met
en parallèle avec la grande pureté & la clarté
de la diélion. Le ton maniéré eft encore plus fen-
fible dans les peintres tofeans les plus fameux r
que l’on jette les yeux fur les contorfions des
anges qui plantent dans le ciel les inftrumensde
la paffion, & dans les autres figures du jugement
univerfel de Michel Ange Buonarotti, & Ton
conviendra que l’on a eu raifon de dire de ce
peintre, que celui qui a vu une de ces figures
les a toutes vues. Que l’ on examine les mouve-
mens violens de toutes les figures employées dans
la defeente de croix de Daniel' Volterre : en un
mot, que l’on réunifie tous les ouvrages des
peintres de l’école tofeane, & qu’on les mette
en parallèle avec les meilleurs artiftes de l'école
romaine, Raphaël, & c - , qui ont puifé leurs
connoiffaaces dans les mêmes fourees, & l’o a