
Corollaire. Contre une charte qüî ne pèche ,
ni du côté de l'hiltoire , ni du côté des caractères
extrinsèques 3 on ne tire jamais de moyens
fuffifans de faux du ftyle 8c des formules, à
moins que ces caractères intrinsèques n'impliquent
contradiction 3 ou qu’ils ne foient incompatibles
cntr'eux ou avec ce titre.
y. Une pièce antique, qui moralement par'
lant, a pu recevoir tous les caractères dont elle
eft revêtue, de la part de ceux à qui elle eft
attribuée, ne fauroit être convaincue d'impofture.
6. Tout moyen, de pure poflibilité, pourvu
qu'elle foit morale , 8c qu'elle s'étende à tous
les caractères d'une pièce, la jullifie de toute
accufation.de faux.
Corollaire I. Une pièce revêtue de tous les
caractères effentiels de vérité qui lui conviennent
, fi elle eft combattue par des inconvénïens,
par des contrariétés apparentes avec d’autres
chartes, avec des hiftoriens contemporains, eft
fuffifamment juftifiée, quant à l'accufation de
faux , par des folutions moralement pofliblesou
vraifemblables.
Corollaire I I . Pour qu’un diplôme foit cenfé
véritable, il fuffit que tous fes caractères appartiennent
au temps dont il s’annonce, foit qu'ils
y foient ordinaires, foit qu'ils y foient plus ou
moins rares. Qu'ils foient donc ufités, ou du
moins qu'ils ne foient pas contraires à l'ufage du
temps , on n'en doit pas demander davantage.
7. Etant prouvé qu’il eft moralement polïible
que tel caraCtère convienne à une charte , on
la lave de toute accufation de faux intentée au
fujet de ce caraCtère j mais on ne la met pas à
couvert des autres objections qu'on pourroit former
contre elle.
8. D'un ufage non certainement connu pour
invariable, on ne peut tirer aucun moyen de
faux.
Corollaire 1. Un titre qui contient des difpo-
fitions inconnues ou rares dans le fiècle auquel
on l'attribue, h'eft pas faux dans le premier cas,
ni fufpeCt dans le fécond.
Corollaire II. Un diplôme différent de quelques
autres pièces vraies, peut n'être pas faux.
9- Toute pièce qu'on ne fauroit attaquer que
par des poflibilités , des préfomptions, des conjectures,
des vraifemblances, doit être déchargée
de l'accufation de faux.
Corollaire I. Quand un fa it, dit l'auteur de
l’art de penfer, cité par un habile critique , « quand
« un fait , qui eft d'ailleurs fuffifamment attefté,
» eft combattu par des inconvéniens 8c des con-
« trariétés apparentes avec d'autres hiftoires >
»? alors il fuffit que. les folutions qu'on apporte
»s des contrariétés, foient poffibles 8c Vraifemhla-
» blés j 8c c'eft agir contre la raifon, que de
» demander des preuves pofitives, parce que le
» fait en foi étant fuffifamment prouvé, il n'eft
»» pas jufte de demander qu'on en prouve de la
» même forte toutes les circonftances»».
Corollaire I I . On ne peut raifonnablement
attaquer par de fimples conjectures des faits bien
prouves.
Corollaire I I 1. Le défaut de vraifemblance eft
un moyen trop foible pour détruire des faits
accrédités.
Après avoir employé des preuves très - fortes
pour montrer combien peu vraifemblable eft la
prétention de Tite-Live, qui dit que le fac de
Home par les gaulois fut fuivi d’une défaite fi
complette de leur armée, qu'il n'en réchappa
pas un feul homme i M. M ç lo t, dans fa differ-
tation fur la prife de Rome par les gaulois, pré--
vient l'abus qu'on pourroit faire de fes principes.
« Je n'ignore pas, d i t - i l , que le défaut
a» de vraifemblance eft un moyen trop foible
s» pour détruire des faits accrédités, mais outre
»j le défaut que je viens de relever dans le récit
» de T ite -L iv e , on y trouve encore une fauffeté
33 hiftorique».
Corollaire IV . On ne doit point s'embarraffer
d'une objection qui n'eft appuyée que fur un
peut-être.
Corollaire V. Des préfomptions , quelque violentes
qu'elles foient, ne peuvent jamais former
une pleine conviction, telle qu'il la faut pour
prononcer fans retour fur quelque affaire que ce
foit 9 principalement quand la condamnation des
chofes doit, comme ic i, retomber fur les per-
fonnes. Il auroit été à fouhaiter que M. Simon
eut raifonné plus conféquemment à cette maxime 9
lorfqu'il écrivait fur les chartes.
Corollaire VI. On ne doit point.oppofèr des
raifons de pure critique à des aCtes anciens &
reçus de tout le monde.
Corollaire V I L Pour détruire un fait fondé
fur des. titres, il faut d'autres titres , d’autres
autorités fi preflantes & fi précifes , qu'elles
puiffent anéantir ou balancer les titres 8c les
autorités contraires.
Corollaire VI I I . Un fait conftaté par des titres
ne fauroit être détruit que par des titres contraires
, ou par une démonftration de limpoflibi-
lité , que ce fa it , ou ces titres foient véritables.
Corollaire. IX . Une charte n'eft pas convaincue
de faux par l'argument négatif, ou par le filence
d'un ou de plufieurs auteurs, à moins qu'il ne
fût impoflible qu*ils n'en euffent pas parlé, fi
elle étoit véritable.
10. Une pièce ne doit point être accufée de i
faux , ou d'interpolation , fans, que. l'un ou !
l'autre fait ne foit conftaté par une preuve très-
certaine , ou par le témoignage fuffifanc d'un ;
ancien auteur.
1 1 . Un endroit non*fufpeCt raclé ne rend pas |
une pièce faufle , ni vicieufe.
12. Les chartes raturées ne font point fuf-
peCtes, lorfque les ratures font approuvées. Les
effaçures involontaires n'empêchent point que les
endroits où elles fe trouvent, ne faffent foi en
juftice, fi elles font lifibles ; mais, ils doivent être
comptés pour rien, fi les effaçures font approuvées,
ou fi elles font volontaires.
13. C'eft une illufion d’accufer des chartes
de faux , fous prétexte qu'elles foient dreflees
*par des notaires avant leur établiffement.
14. Quand on connoît le ftyle & les formules
propres de chaque fiècle 8c de chaque pays,
on a certitude morale que les chartes où ces
caractères fe rencontrent, appartiennent à tel
fiècle , à tel pays.
Corollaire. On peut juger par le ftyle 8c les
formules du fiècle auxquels fe rapportent les copies,
& les anciennes pièces faufles originales qui fe
feroien.t confervées. Mais on juge encore mieux
des dernières par leurs caractères extrinsèques.
15. Quand on connoît l'écriture, l'encre, la
matière, les fceaux qui conviennent aux diplômes
de chaque fiècle & de chaque pays, on a
une certitude phyfique que telle pièce originale
appartient à tel fiècle, à tel pays.
Corollaire. Une charte qui fe dit d'un autre
fiè c le , où d'un autre pays, que- celui auquel
fes caractères extrinsèques la fixent, eft fuppofée,
& l’antiquaire en a une certitude phyfique.
16. On peut fouvent prononcer avec une certitude
morale fur la vérité des diplômes,
17. Peu d'anciens diplômes qu'on puiffe convaincre
de faux ; moins encore, lorfqu'aux caractères
d'originaux ils joignent ceux des titres
authentiques.
18. Il eft des chartes vraies qui contiennent
de faux expofés, 8c de faufles qui en contiennent
de véritables.
79. Des caraCtères rares dans un fiècle, mais
néanmoins conltans, loin d'être contré la charte,
qui les renferme, des moyens de faux , ou de
fufpicion, font des preuves prefqu'infaillibles de
fa vérité.
20. N i les caraCtères propres des chartes, ni
en général les chartes elles-mêmes, originales ou
copies , ne peuvent être des ouvrages d’im-
pofteurs.
21. Il n'eft pas croyable qu'on ait autrefois
rfabriqué des titres, fans prétendre en tirer nul
avantage.
22. Si l'on a prétendu tirer avantage des pièces
nouvellement fabriquées, on a compté s'en
fervir, ou peu après leur fabrication, ou du
vivant de ceux qui les avoient fuppofées, ou
qui étoient complices de ces impolteurs. Sans
cela, les auteurs de la fourberie ne fe feroient
pas propofés d'en tirer eux-mêmes quelque utilité
contre le huitième principe & la règle précédente.
23. Quand les caraCtères, tarit intrinsèques
qu'extrinsèques des diplômes , ne fourniroient à
la Critique nulle, reflource contre de faux titres
dreffés par d'habiles mains, dans le temps 8c
le lieu de leur date, parce que de tels aCtes
pourroient réunir toutes les circdhttances, dont
le défaut découvriroit l'impofture , on ne manqueront
pas de moyens pour prouver que la conservation
de ces actes , depuis bien des fiècles,
fer-oit finon impoflible, du moins improbable.
24. Selon toutes les apparences, il ne refte
plus dans les archives des chanoines 8c des moines
de faufles chartes, dont l'antiquité de l’écriture
égale celle de la date.
25. S'il eft poflîble, il n'eft pas du moins probable
que quelque titre faux , compofé par fimple
amufement, ou par pure pîaifanterie, 8c reçu
fans malice 8c fans précaution dans des archives
publiques, ou particulières, fut parvenujufqu'à
nous depuis une longue fuite de fiècles.
A r t i c l e I I .
Règles générales de fauffeté.
1. Il eft moralement impoflible qu'un aCte,
qui porte tous les caraCtères de fauffeté, foit
vrai.
2. Une charte porte tous les caraCtères de
fauffeté, quand elle n'en offre aucun qui puiffe
convenir au fiècle 8c aux perfonnes dont elle
s'annonce.
3. Une pièce eft faufle, quand en la fuppofant
• vraie, il n'eft pas poflible qu'elle foit revêtue
d'un ou de plufieurs des caraCtères qu'elle porte.
Corollaire I. Des caraCtères incompatibles
■ entr'eux, ou avec la pièce dans laquelle ils concourent
, en prouvent la fauffeté.