
D ia n s d'Athènes : c'eft la feule ftatue de Diane
à lac uel e on ait mis une couronne fur la tête, dit
Elien, qui en raconte une hiftoire fingulière. Un
jeune enfant ayant ramaffé & emporté une lame
d’or tombée de la couronne de Diane 3 fut amené
aux juges, q u i l e voyant dans un fi bas âge,
voulurent l epronver : ils lui préfentèrent des
offelets & autres chofes fembîables, propres à
-amufer des enfans, avec la lame d’or. L ’enfant
prenoit toujours cette lame préférablemenr à tout :
ce que voyant les juges, ils le firent mourir fans
aucun égard à fon bas âge, perfuadés" que c'étoit
la cupidité qui lui avoit fait emporter cette lame
d’or. Les Athéniens étoient d’une extrême rigueur
en tout ce qui regardoit les chofes divines : fi
quelqu’un étoit convaincu d'avoir coupé une (
branche du bois qu’on appeloit le bois façrê des
Héros, il lui en coûtoit la vie fans miféricorde.
Un nommé Atarbe, ayant tué un moineau çon-
facré à Efculape, fut condamné au dernier fup-
plice, quoiqu’il l’eût tué par mégarde, ou , félon
d’autres , qu’il l ’eût fait n’étant pas dans fon bon
f e u s .
Diane de Lacédémone* Voye^ Diamasti-
cose.
Diane d’Epkefe, quoique toutes les villes de
l ’antiquité aient bâti des temples en l’honneur de
Diane , cependant aucune ville du monde ne
fe fignala autant à cet égard que celle d’Ephéfe
( Tacit. Annal. 111. c. l x i . ) parce que fes habi-
tans s’enorgueilliffoient de la naiffance que Diane
avoit prife dans leur pays : quoique les habitans
de Délos leur ayent contefté cette prérogative, il
eft certain néanmoins que le. culte de la Déeffe à
Epkefe eft de la plus haute antiquité. On croit
que fon temple fut d’abord bâti dans le goût
Egyptien. L’origine du culte de la Diane <f Epkefe,
la fondation de fon temple, les différentes révolutions
qu’il a éprouvées,, la description de la
ftatue & de fes fymboles , fourniroient la matière
de pîufieurs volumes. Les bornes d’un article de
ce diéüonaire ne permettant pas de difeuter en détail
tous ces objets, on pourra consulter Claude
Ménétrier ( Claud. Menetr. fymbol. Dian. Epk.
ltal. ) , Poleni C 4e Dian. Ephef templ. dijfèrt.
Joan. Polen. Rom. 1742., & le Comte de Caylus
( Mém. Acad. tom. X X X j qui ont épuife en
quelque forte la matière. Le premier a donné
lexp'ication des differens fymboles de là ftatue,
mais il s’eft écarté fouvent du vrai. Le Marquis
Poleni, dans une differtation furie temple d’Epkefe,
a parlé auftî du culte & de la ftatue de la Déeffe 5
fon ouvrage eft rempli de recherches, & recommandable
par la critique. Le Comte de Caylus,
que fon goût pour les arts, & la connoiffance
qu’ il avoit des monumens antiques, ont rendu juge
plus compétent qu’aucun autre, a traité ce fujet
dans toutes fes parties & de la manière la plus
fatisfaifante. C’eft d’après ces trois auteurs que
nous allons faire une mention abrégée du temple
le plus fameux qu’ait eu la foeur d’Apollon, & de
la-ftatuè la plus fingulière qui ait exillé.
L ’incertitude & la variété des fentimens dans
les auteurs fur le temps de la fondation, & fur
le nom des fondateurs du temple de Diane a
Epkefe y leur filence fur la divinité qu’on y révé-
roit d’abord, & fur le culte qu’on lui rendoit,
concourent à prouver l’ancienneté de cet établir—
fement. C’eft fans doute cette incertitude qui a
fait naître l’opinion félon laquelle la ftatue de
Diane & le temple même étoient tombés du ciel.
La plupart des anciens auteurs attribuent néanmoins
la fondation de ce temple aux Amazones.
Ibi Epkefus, dit Pomponius Mêla , & Diana cla-
rijfimum ternplum , )quod Amazones Afiâ patentes
facrajfe traduntur. Solin & H/gin font à-peu-pres
du même fentiment j le dernier attribue_ cette
fondation à l’Amazone Otrira, femme de Mars.
Callimâque & Denis Periégete font àuflî mention
des Amazones en parlant d’Ephèfe & de fort
temple fameux $ mais ces deux auteurs ne s’expriment
pas affez clairement à ce fujet,- Paufanias eft
d’un autre avis : il reprend Pindare d’avoir écrit que
les Amazones bâtirent le temple de Diane a Epkefe,
lorfqu’elles allèrent faire la guerre aux Athéniens
& à Théfée. Cet auteur croit qu’elles dreffèrent
feulement une ftatue à la Déeffe, dont le temple
fut bâti dans la fuite par Créfus & par Ephéfus.
Euftathe raconte, que les Amazones avant' été
vaincues par Hercule, & -fuyant ce héros, elles
vinrent fe réfugier dans le temple de D i a n e ou
elles trouvèrent leur fûreté , & que cette
circonftance fit donner le nom d3Epkefe à~ la ville
que l’on bâtit depuis près de làr Si l’on en croit
Pline ( Liv> i l . c. 85. ) le temple fut conftruic
fur le bord de la mer qui s’en éloigna, & l’on re-
connoiffoit à l’humidité du lieu que la mer T avoit
baigné, autrefois. Ce terrein néanmoins étant fitué
entre le Caïftre & des montagnes d’où fortent un
grand nombre de fontaines, il ne feroit pas étonnant
qu’il eût été de lui même marécageux. Le
-même auteur affure qu’on avoit choifi cette fituà*
tion pour mettre le temple à l’abri des tremblè-
mens de terre 5 mais les lieux marécageux ne font
pas moins fujets que les autres à ces aceidens,
comme l’ont très-bien remarqué le Marquis Poleni
& le comte de Caylus.
Vitruve n’entre dans aucun détail fur la coh-
ftruérion du temple d’Epkefe ; il dit feulement qu’il
étoit d’ordre ionique, & il rapporte les noms des
archite&es qui y ont travaillé Pline eft le feul auteur
qui noi s ait laiffé une defc.ription de fa forme
& de fes dimenfions. « L a magnificence du tem-
«s pie d’Epkefe, dit-il, mérite l’admiration : j ’A-
» fie entière a employé deux cent-vingt' ans à
» le bâtir. On choifit un marais pour fa fitaation,
» afin d'éviter le danger des tremblemens de
» terre 5 & pour ne point établir dans un terrein
» peu folide des fondemens d’ un fi grand poids,
x ou
w on les pofa fur des charbons pilés, Si fur des
m peaux chargées de leur laine. La longueur du
*• temple eft de quatre cent-vingt pieds, la largeur
»» de deux cent-vingt : il eft orné de cent vingt-
•» fept colonnes élevées aux frais d’autant de
« Rois : leur hauteur eft de foixante pieds 5 il y
» en a trente-fix de travaillées.
Le comte de Caylus fait quelques réflexions fur
ce paffage de Pline, & il couvre de ridicule un
Evêque d’Avranche , nommé Robertus C&nalis,
qui après la comparaifon de l’églife gothique de
Notre-Dame de Paris, avec le plus fuperbe temple
de la Grèce, ne craint point de donner la préférence
à .là première.
Les riçheiTcs immenfes que le temple de Diane
contenoit, furent fans doute la caufe des différentes
révolutions qu’il éprouva. Il n’cft parlé
dans les anciens que de deux incendies de ce temple
, le premier: par les Afnazones, & le fécond
par Philoftrate : cependant il paffe pour avoir été
rétabli fept fois 5 peut-être que par ces reftitu-
tions on ne doit entendre que des agrandiffemens
où des embelliffemens confidérabies. Son entière
deftruériort arriva l’an 263 fous l’empereur Gallien.
On ne voit point qu’il ait été enfui te réparé ; il
n’en eft pas- même parlé depuis ,-fi ce n’eft dans
les voyageurs qui difent en avoir vil des réftes.
Quant à la ftatue de Diane d’Epkefe , elle eft
affez connue par les copies multipliées qui en
exiftent.
Le corps de la ftatue. eft ordinairement divifé
par bandes, enforte que la Déeffe y paroît comme
emmaillotée. Elle porte fur la tête une grande tour
à pîufieurs étages; fur chaque bras, des lions ; fur
la poitrine & fur l’eftomac, un grand nombre de
mammelles. Tout le bas du corps eft parfemé de
differens. animaux, de boeufs ou taureaux , de
cerfs , de fphinx , de cancres d’abeilles , d’in-
feéles , 8êc. On y voit même des arbres & d’autres
plantes} tous fymboles qui ne fignifient peut-
être autre chofe que la nature elle-même, ou le
monde avec fes produirions.
Le Comte de Caylus a fait graver une ftatue de
Diane £ Epkefe, qui le porte à croire que le premier
culte rendu à cette Déeffe en Afîe, doit avoir
été Egyptien. 11 obferve que la vanité des Grecs
qui les çonduifoit à vouloir paffer pour inventeurs,
& à s’approprier tout ce qu’ils avoient emprunté
des autres nations , leur avoit fait déguifer en
mille manières •& ce culte & la figure de la
Déeffe. La fucceflion de pîufieurs fiècles favorifa
ces altérations. Ce font les Grs.cs qui ont ajouté
â la figure primitive les cerfs, les abeilles, les
i'ofes, &c fur-tout les repréfentations des divinités
de la mer que les Egyptiens paroiffent n’avoir
ni connues ni révérées, & qu’ils n’ont jamais
placées fur leurs monumens. Le Comte de Caylus
rejette avec rai fon le paffage de Pline , d’après lequel
il paroîtroit que la ftatue de Diane n’avoit
jamais éprouvé de changemens, malgré les révolu-
Asdquités , Tome IL
tiens arrivées au temple •_ Vitigineum & numquam
mutatum.
Plus les monumens de Diane font chargés d’attributs
, moins ils paroiffent anciens au Comte de
Caylus. La figure fimple eft félon lui la première
idée y les attributs font enfantés par des allégories
qui ne naiffent qu’après coup. On peut croire avec
ce favant antiquaire , que la figure originale de
la Déeffe étoit à-peu-pres telle qu’il l’a fait deflî-
ner ( Red r. Mém. de J ’Acad. x x x .) . Elle a plus
confervé le caraéfère Egyptien que tous les autres
- monumens de cette divinité publiés jufqu’ici î
elle eft d’une extrême fimplicité , les jambes réunies,
les bras entièreij*-nt enveloppés, vêtue &
difpofée comme le principal O l u s de la table Iliaque.
La feule addition Grecque que l’on pourroit
y appercevoir, font les mammelles multipliées
dont elle eft environnée à une certaine hauteur,
Sc qu’on prendreit aifément pour des fruits. Les
Grecs chargèrent la ftatue de Diane de quantité
d’atributs, & entr’autres de beaucoup de mammelles
qui défignent fon abondance & la faculté
qu’elle avoir de donner la vie aux hommes & aux
animaux. C’eft ainfi qu’elle eft repréfentée fur des
médailles de Domitien , de Trajan , ée Sabine,
de Marc-Aurèle, de Commode, de Marnée,
d’Otacile, d’Étrufcille & de Gallien. Ces médailles
ont pour légende : Aptemic eoecia, ou apte-
MIC E<I>ECI-£}N. ^
La Diane d’Éphefê n’étoit certainement pas d if férente
de la Diane honorée dans la plus petite
bourgade ou fur la montagne la plus ifolée: c etoic
toujours la Lune, la Déeffe de la chaffe, la fille
de Latone & la foeur d’Apollon. Cependant Diane 9
avec tout autre furnom, ne fut jamais suffi célèbre
que Diane d'Éphéfe. La fingularité de fa ftatue ,
la magnificence & les richefles de fon temple , les
fêtes que l’on célébrait en fon honneur, le concours
de monde qui fe rendoit dans cette ville ,
une des plus confidérabies de l’A fie, lui méritèrent
la vénération des peuples > & la fuperftition peut-
être contribua encore plus que tous les autres
motifs à l’établiffement du culte de cette Divinité
dans différens pays. La, ville de Colophon
étoit trop voifine de celle d'Epkefe pour ne point
admettre le culte que l’on y rendoit à Diane. Auflî
voyons-fious que fur une médaille de Domitien où
la Déeffe eft nommée ( Vai IL Urb. numif » 298.)
APTEMIC K.OAO$£2iSllA , elle eft repréfentée dans
la même attitude & avec les mêmes attributs que
celle d’Éphéfe , c’eft-à-dire, entre deux cerfs ,
avec les mammelles, & les mains appuyées fur
des broches. Mais Apollon ayant un oracle fameux
à Claros , dans le voifinage de Colophon, les habitans
qui avoient donné le furnom de KXiptos à
Apollon , voulurent par conformité donner à
Diane l’épithète de Kxùpt« > elle fe lit fur une médaille
de Trajan ( Vaill. ibid. ) aptemic kaapia
KOAO<D&Ni£iN. La Déeffe y eft repréfentée comme
1 fur la précédente*
A a a