
374 D I D
colère des Dieux, l'empêchèrent de pourfuivre
fon deffein.
Didcn continua fa route fans accident, & arriva
en Afrique, où elle fut bien reçue. Elle propofa
aux habicans de la côte de lui vendre autant de
terre qu’en pourroit contenir la peau d'un boeuf.
Quand elle l’eut obtenu, elle fit couper en plu-
fieurs lanières un cuir , qui, par ce moyen , renferma
allez d’efpace pour bâtir un fo r t , nomme
pour cette rai fon Byrfa. Encreufantles fon de me ns,
on trouva la tête d’un boe u f, ce qui marquoit
que la ville feroit un jour réduite en fervitude-
On alla les pofer dans un autre endroit, où 1 on
rencontra la tête d’un cheval 5 ce qui fut pris pour
un bon augure. Cette nouvelle habitation ayant
attiré beaucoup de monde , la ville s’agrandit
peu-à-peu, 8c forma dans la fuite cette redoutable
Carthage, qui devint l’émule de Rome. Quand
cet étabïiffement commençai prendre une forme,
Iarbas, Roi de Mauritanie, voulut époufer Di-
don; mais l’amour qu’elle confervoit pour la mémoire
de fon premier mari, lui fit rejeter cette
alliance ; & dans la crainte d’y être forcée par
• les armes de fon amant & par les voeux de fes
fujets , elle demanda trois mois pour fe déterminer.
Quand ce temps fut expiré_, elle donna ordre
qu’on préparât un facrifice, pour expier les mânes
de fon époux. Elle fit élever dans un lieu fecret
du palais , un bûcher , pour y faire confumer
tout ce qui avoir appartenu à Sicharbas : elle y
monta elle-même fous prétexte de hâter le facrifice.
Telle fut la fin de cette courageufe princeffe.
Virgile, par la fiérion la plus heureufe , & qui
a fait la matière d’un chef-d’oeuvre de l’efprit
humain, le 4e. livre de l’Enéïde, a terni toute
la gloire que la chafte & courageufe Didon avoit
méritée par fa mort. Ce poète pour rapporter au
temps d’Enée même, le fondement de la haine des
Carthaginois pour les Romains, a imagine de
faire rencontrer Enée ,8c Didon ^ quoiqu il foit
certain que la ruine de Troye a précédé la fondation
de Carthage de plus d’un fiècle : il y a meme
des auteurs qui établiflènt entre ces deux evene-
mens une diftance de près de 3 e0 ans. > ^ autres
la réduifent à 143 ans. Le favant Bochart a même
voulu prouver que la fameufe Jézabel, qui époufa
A chab, & qui caufa tant de troubles dans le
royaume d lfra ë l, étoit nièce de Didon.
Quoi qu’il en fo it , voici comment Virgile a
déguifé l’hiftoire de cette princeffe. La tempete
ayant jeté Enée fur les côtes de Carthage, Venus,
qui craignoit le caractère fourbe des Tyriens, &
les pièges de l’implacable Junon, prit le parti de
rendre Didon amoureufe d’Enée, afin que la paf-
fion de la reine fit de fes Etats un afyle allure
pour fon fils , tandis qu’il feroit obligé d’y relier
pour rétablir fa flotte. A cet effet, au moment
qu’Afcagne, fils d’Enée, alloit partir pour offrir à
la Reine les préfens que fon père deftinoit à cette
princeffe pour fe la rendre favorable , Vénus
D I D
plongea cet enfant dans un profond fommeil, le
tranfporta fans qu’il s’en apperçût fur le mont Ida,
dans l'ille de Chypre, & lui fubilitua 1 Amour. Le
petit Dieu joua le rôle d’Afcagne fi naturellement ,
qu’Enée même, qui n’étoit pas inltruit de la ru le
de fa mère, v fut trompé. 11 préfenta les ricües
dons qu’il étoit chargé d’offrir. Didon, charmee
de fes grâces 8c de fa beaute, le prit fur fes genoux,
& ne fe la fia point de le careffer : le Dieu perhde
faifit cet inftant pour înfinuer fon poifon dans le
coeur de la princeffe ; il en effaça peu-a-peu le
fouvenir d’un mari mort, 8c le remplit de 1 amour
d'Enée. Elle devint fi paffionnée, quelle ne garda
plus de mefures; & fa gloire qui jufqu’alors lui
avoit été fi précieufe, ne fut plus un motif allez
puiffmt pour la retenir. Junon ne fut pas plus tôt
informée de cet incident, quelle en voulut profiter
, pour empêcher la gloire que les Deltins
promettoient à Enée , en le rendant auteur de la
nation Romaine- Elle prend les moyens les plus
propres pour fixer Enée à Carthage, en 1 unifiant
à Didon par les liens de l'hymen ée : elle s’en explique
avec Vénus , qui, bien inftruite que toutes
les rufes de Junon ne pouvoient rien contre les
arrêts des Deftins, s’inquiétoit peu que Didon
fût la dupe de fon amour, pourvu qu Enee fortit
de Carthage eh fûreté : elle confentit donc a tout.
Quant à Junon, voici le ftratagême quelle em-
1 ploya : un jour que Didon & Enée étoient à la
chaffe avec leur fuite, Junon excita une furieufe
tempête, qui força tout le monde à quitter la
plaine ; toute la troupe fe difperfa, 8c chacun
chercha à la hâte un abri : Didon & Enee fe
réfugièrent enfemble 8c feuls dans une meme
grotte qui fe trouva à leur portée. Didon étoit
trop amoureufe pour ne pas fuccomber ; 8c elle
prit les preuves qu’elle en donna a Enee pour un
véritable mariage. Ces deux amans, ennivrés de
plaifîr, ne gardèrent plus de mefures. Iarbas en
fut inftruit par la renommée ; il fe plaignit à
Jupiter, fon père , de l’ingratitude de Didon y
qui n’étoit qu’une fugitive , a laquelle il avoit
donné afyle dans fes terres, 8c qui lui préféroiç
néanmoins un aventurier , tel qu Enee. Jupiter ,
feniïble aux plaintes de Ton fils , 8c fe rappelant
d’ailleurs que c’étoit Enée que les Deftins av.oient
choifi pour être la tige de la nation Romaine ,
députa Mercure vers le prince Troyen, pour lui
ordonner de quitter un lieu fi funefte à la gloire,
qui lui étoit refervée à lui & à fa poftérité. L’ordre
des Dieux arracha fur le champ le pieux Enee
à l’enchantement qui l’aveugloit ; il prit aufli-tot
le parti de la retraite. Toutes fes précautions ne
purent empêcher que Didon ne pénétrât fon deffein
; mais tandis qu’elle exhaloit fa doiileur en
plaintes, Enée partit avec fa flotte- Ce fut dans
le feu des imprécations, que cette malheureufe
princefle prédit que les defeendans de fes Tyriens,
& ceux d'Enée , feroient toujours en guerre : elle
monta enfin fur un bûcher quelle avoit fait pré».
D I D
parer, 8c fe perça le fein de la propre épée d’Enée.
Comme elle mouroit, dit Virgile, avant le temps
marqué par les Parques, 8c qu’elle périffoit, fans
l’avoir mérité, par un accident imprévu, Profer-
pine ne lui avoit pas encore coupé le cheveu
auquel fa vie étoit attachée, & n’avoit pas encore
dévoué fa tête à Piuton. Junon, pour faire ceffer
les douleurs de cette malheureufe princeffe, envoya
fris lui couper le cheveu fatal. C’eft ainfi
que Virgile , & prefque tous les poètes qui l’ont
fuivi, ont métamorphofé cette viérime de la foi
conjugale, en une amante furieufe 8c fans pudeur.
Cette princeffe fut honorée à Carthage comme
une D ce fie, fous le nom d’Elife , ainfi qu’on le
voit dans Juftin & dans Velleïus Paterculus.
DIDORON, mefure grecque de deux coudées.
Voye1 Coudée.
DIDRACHME, de l’Égypte & de l’Afie.
Cette monnoie valoir une îivre 8c de la mon-
noie de France aéhielle, félon M. Pauéton ( Métrologie
). Elle valoit, en monnoie du même
pays, 2 drachmes,
Ou 4 rébiites,
Ou 10 gérah ,
Ou 12 mehah,
Ou 24 pondion ,
Ou 48 phollis,,
Ou 192 kodrantes ,
Ou 384 pérutah.
,Djdrachme , ancien poids de l’Afie 8c de
l ’Egypte. Il val o i t e n poids de France, 87 grains
§■ , félon M. Paneton ( Métrologie ). Il valoit en
poids des mêmes pays, 2 drachmes,
-Ou 4 grammes ,
Ou 8 oboles féminités,
Ou 12 danic ,
Ou 16 kikkabos,
Ou 24 kéràtion-,
Ou 48 chalcous,
Ou 96 lîtarion.
Didrachme , poids 8c monnoie des Grecs.
Il valoit, en poids de France , 168 grains & ~ ,
8c en monnoie, 2 livres, félon M- Pauéton. Il
Valoit, en poids 8c monnoie des Grecs, 2 drachmes ,
Ou 12 oboles,
Ou 72 chalcous.
On trouve parmi les médailles de Rhodes des
médaillés de bronze frappées en l’honneur de
Nerva 8c de Trajan avec leur nom & AïApaxm on.
Vefpafien ayant réduit la Judée en province
Romaine , ordonna que tous les Juifs de l’empire
payeroient au capitole le didraçhme qu’ils payoient
auparavant au temple de Jérufalem. Ils le payoient
encore au temps d’Origène.
DIDYME, jumeau, furnom que Pindare donne
àJDiane pour marquer qu’elle étoit foeur jumelle
d Apollon. Didyme eft aufli le nom d’une des jfiçs
Cyclades-, où Apollon ayoit un Oracle,
D I E 375
AIEAKÏETINA A ( Pollux. lib. 9. ) , jeu d’en fans
que nous appelons en France le jeu des barres.
DIESP1T E R , nom de Jupiter. Ce nom, félon
quelques-uns, eft la même chofe que Dios pater,
Jupiter père ; car Jupiter étoit appelé en grec
Ztvs ou Aivs, d’où viennent les cas obliques A'toç ,
Ah, 8cc. D’autres difentque Diefpiter tft. la même
chofe que Diei pater, père du jour. S. Auguftin
tire ce nom de dies, jour, 8c de partus, production
, enfantement, parce que c’eft Jupiter qui
produit le jour. Servius 8c Macrobe font du même
fentiment. Le premier dit que dans la langue des
Ofques on difoit Lucecius, .8c Diefpiter en latin.
Du refte, i>oye% Jupiter, c’eft la même Divinité.
Struvius ( Antiq. Rom. Synt. c. i .p , 117. )
piroît croire que Diefpiter eft Piuton. Mais fi c’eft-
là fon opinion, il fe trompe; car dans Cicéron,
8c dans l’infcription qu’il cite d’après Grute-r
( x xu 8. ) il y a Dis pater^ 8c non Diefpiter.
DIEUX. On trouvera au mot Mythologie les
différens fyftêmes fur l’origine commune des
Dieux 3 8t à l’article de chaque Divinité fon origine,
fon hiftoire, fes attributs, fes furnoms, fon
culte 8c fes monumens particuliers. Je ne parlerai
ici que des claffes dans lefquelles on rangeoit les
Dieux, & de la beauté générale que les Artiftes
doivent donner à leurs repréfentations.
Voici les titres les plus généraux fous lefquels
on comprend les Dieux. On les divife ordinairement
en Dieux naturels 8c Dieux animés ; en
grands Dieux & Dieux fubalternes ; en Dieux publics
8c Dieux particuliers ; en Dieux connus &
Dieux inconnus ; ou enfin , fuivant la divifion
ufitée chez les Mythologues modernes , en Dieux
du ciel, Dieux de la terre, Dieux.de la mer &
Dieux des enfers.
Dieux naturels : on entend fous ce nom les
aftres & les autres êtres phyfîques.
. Dieux animés : ce font les hommes, qui, par
leurs grandes 8c belles aérions, ont mérité d’être
déifiés*
■ Les grands Dieux : les Grecs & les Romarhs
reconnoiflbient douze grands Dieux , dont les
noms étoient venus d’Égypte, dit Hérodote:
c ’étoient les Dieux de la première claffe , ou ,
comme s’expriment les Mythologues , les Dieux
des grandes nations , ouïes Dieux du confeil ; ces
douze grands Dieux étoient, félon Ennius , Junon
, Vefta , Minerve, Cérès, Diane , Vénus ,
Mars, Mercure, Jupiter, Neptune , Vulcain 8c
Apollon. Une des folies d’Alexandre fut de fe placer
le troifième parmi ces grands Dieux, dédaignant
d’être aflocié à la foule des Divinités fubalternes.
Dieux fubalternes , ou les Dieux des moindres
nations : ce font tous les autres Dieux après les
douze grands que nous venons de nommer. Leur