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bronze 3 & qu’ils les mouloient. Le cabinet de
Ste Geneviève pofsède , à la vérité , deux coins de
fer publiés avec celui de bronze par le P. du Mo*'
linet,qui ne donna les premiers pour antiques qu’en
annonçant des doutes. Nous les avons examinés ,
& ne pouvons les regarder comme antiques. Ils
ont trop de refifemblan.ee avec les coins des Pa-
douans * pour être d’ une date antérieure. D’ailleurs
, la rouille dont les funeftes effets ont rendu
les colleétïons d’antiques fi pauvres en inftrumens
de fe r , n’auroit sûrement pas refpe&é les coins
des anciens, s’ils avoient été de ce métal. Ajoutons
à ces confidérations la difficulté de réferver
lur des coins de fer des reliefs, pour produire des
cavités, telles qu’on en voit fur les médaillons
d’Egypte & fur les plus anciennes médailles grecques.
Difficulté qui s’évanouit à la vue des coins
moulés.
• 2°. 11 paroît que les anciens ne frappoient au
marteau que les médailles d’or & d’argent, les
quinaires & les médailles d’un module encore plus
petit î & ils ne frappoient pas immédiatement fur
les coins. Celui dont nous parlons n’a pas feize
lignes de hauteur. Comment auroit-il débordé la
main du monnoyeur , quand celui-ci eût été
même un pygmée ? Lè marteau auroit d’ailleurs
écrâfé ce coin de bronze. Il n’a cependant pas la
plus légère trace de pereuffion, quoiqu’il ait fervi
affez long-temps pour dégrader la tête & ufer les
lettres. Comment les Romains fe fervoient - ils
donc de leurs coins ? Je répondrai plus bas à cette
queftion..
3°. Il ell très-vraifemblable qu’ils emplo.yoient
une machine plus forte que le marteau pour frapper
les médailles d’un module fupérieur aux quinaires
, les/ médaillons & les maffes énormes de
métal qu’Elagabale deftinoit pour faire des lar-
gefifes. Ôn penfe bien que nous ne voulons pas
parler du balancier, dont l’inventeur, françois à
jamais célèbre , vivoit fous Louis XIII. Nous
croyons qu’ils fe fervoient d’un mouton, fembla-
ble à celui qui eft employé par les boutonniers
& par les ouvriers en acier. Cette machine étoit
en ufage en France dans les hôtels des monnoies,
fous Henri I I , fous fes trois fils, fous Henri IV
& fous Louis XIII. C’eft à la grande force 8? à
la préçifion du mouton que l’on doit les belles
monnoies des règnes de Henri IV & de Louis
XIII jufqu’en 1640. La virole fervoit alors, avant
Tingénieufe machine de Caftaing , à former des
lettres fur la tranche des pieds-forts. Cette pièce,
qui enveloppe & affiijettit le fiaon & les coins,
•étoit inconnue aux anciens, -comme M. l’Abbé
1 Barthélemy l’a démontré d’après les bords de
leurs médailles toujours défectueux. On voit des
pieds forts qui ont jufqu’à fix lignes d’épaiffeur &
feize de diamètre ; iLs nous attellent la force du
mouton, &■ nous font concevoir la manière dont
les anciens s’y font pris pour frapper les beaux
Médaillons grecs les pièces, de large lié.
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L ’impoffibifité phyfique où ils étoient de les
frapper au marteau, fuffiroit feule pour leur fairé
attribuer l’ufage du mouton. Nous allons cependant
montrer de plus qu'ils connoiffoient cette
puisante machine. Ils l’employoient pour enfoncer
les pilotis. Yitruve, parlant d’un terre-in fur
lequel on veut établir des fondations , dit que
s’il n’ eft pas folide, on l’affermira en y chaflant
des pilotis à l’aide du mouton , folidanda fiftuca-
tionibus. Il parle encore de cette manière de fonder
dans un autre endroit. Céfar en fait auffi mention
dans fes Commentaires ; il eft certain que les
anciens diftinguoient deux efpèces de moutons >
car ils connoiffoient auffi la hie des paveurs. Ces
machines, qu’ils voyoient tous les jours dans les
mains de leurs efcla-ves, leur offroient un moyen
fimple 8? expéditif pour frapper les forces monnoies
qui auroient rëfifté aux coups de marteau.
Toutes les circonftances font donc conjecturer
qu’ils le faifîrent, & qu’il a produit ces chef-
ci* oeuvres de l’arc, qui font l’ornement des cabinets.
Peut-être employoient-ils auffi à cet ufage
une preffs à vis , telle qu’on la voit dans les pref -
foirs de vendange, fur la médaille de Trajan-Dece,
frappée à Boilra, en Arabie, fur une médaille de
Sévère-Alexandre, & fur une troifième que Vaillant
a cru être de T y r , & frappée pour Gallien.
Cette prefle auroit été une ébauche du balancier.
De pareilles machines , dira-t’on , dévoient
pulvérifer des coins de bronze ! Il eft facile de repondre
à cette obje&ion, en remettant fous les
yeux le coin Romain que nous avons décrit plus
haut. Il ne porte aucune empreinte de coup , &
n’a aucune trace de pereuffion, quoiqu’ il foit très-
ufé par le travail. Les Romains ont donc fu l’employer
long-temps fans le fatiguer, & cela par
un moyen fort fimple. Ils fe fervoient probablement
d’une maffe de fer ou de cuivre durci par
un fort alliage d’étain , ou enfin de quelque fubf-
tance plus dure que le bronze ordinaire. Cette
maffe étoit creufée pour recevoir & ferrer le coin
comme la machine appelée mandrin par les tourneurs.
Elle le recouvroit de tous les côtés, excepté
celui de l’empreinte, & offroit au mouton
uue forte réfiftance. Ce n’eft point ici une fuppo-
fition gratuite. De légères traces-de preffion , imprimées
fur les côtés du coin , près de fa bafe
nous ont fait naître cette idée fi fimple & fi naturelle
que le Comte de Caylus avoit eue avant
nous. On n’auroit pas pu faire ufage du mandrin
en frappant avec le marteau, parce que le coup de
cet infiniment, beaucoup moins énergique que le
mouton, auroit trop perdu de fa force fi elle
avoit été tranfmife au coin à travers un corps intermédiaire.
A préfent que nous avons développé, autant
qu’il étoit en notre pouvoir, le méchanifme du
monnoyage des anciens , nous pouvons répondre
à ceux qui obje&ent fans celle, comme une abfur-
d ité , la multitude des coins néceffaires pour la
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variété infinie des médailles-monnoies. Les coins
étant de bronze & moulés, demandoient peu de
temps pour être en état de fervir. Un jour feul
fuffifoit prefque à l’ouvrier qui les fourniffbit.il
fabriquoit en argile le moule du coin, & pouvoit
fe fervir, pour imprimer en relief la légende, de
lettres mobiles; ce qui ell annoncé par les renver-
femens, les tranfpofitions , & par le défordre qui
règne fi fouvent dans les légendes & les inf-
criptions des médailles. Il verfoit enfuite dans ce
moule durci au feu le métal fondu, & retouchoit
le coin au burin lorfqu’il étoit refroidi. Ce procédé,
quoique très-fimple, n’avoit été preffenti
par aucun antiquaire , que je fâche, avant le
Comte de Caylus. Seul il l’a foupçonné > mais en
l ’appliquant uniquement à la fabrication des coins
eux-mêmes, parce que fans doute les idées fim-
ples fe préfentent toujours les dernières à l’efprit.
Lorfque les Grecs commencèrent à frapper des
médailles, ils fe fervirent d’abord de deux coins*i
pour chacune > l’un de ces coins portoit un type
en creux, & l’autre portoit le même type en re- |
lief. tll ne faut pas confondre ce méchanifme avec ■
celui des bi-aéléates. Il paroît que pour frapper
ces monumens informes du moyen âge, on n’em-
ployoit qu’un feul coin chargé du type en relief,
& que l'on appliquoit la feuille de métal taillée
en rond , c’eft-à-dire , la bra&éate, fur un corps
peu dur, tel que le plomb. Ce fupport cédoit à
la pereuffion, & la braéléate portoit par ce moyen ,
&„à l’aide d’un feul coin, le même type en creux
& en relief.
Les ai tilles Grecs apportèrent de bonne heure
quelque changement à leur première méthode,
parce qu elle lailfoit couler fouvent la médaille
entre les coins} de manière que les deux empreintes
ne fe réppndoient prefque jamais. Pour remédier
à cet inconvénient, que la virole, invention
moderne , fait difparoître , ils réfervèrent fur
un des coins, & quelquefois fur les deux, des
parties plus élevées que le relie du champ , afin
qir elles fixaflent le flaon. Ces parties réfervées de
relief,, tantôt carrées, tantôt partagées en quatre
carrés, tantôt chargées de têtes ou de rinceaux,
& de traits bizarres, ont été prifes par les anciens
antiquaires pour la repréfentation des quatre quartiers
de certaines villes , des jardins d’A'lcinoüs,
& c. Mais leur véritable objet a-été déterminé de
nos jours par M. l’Abbé Barthélemy, de l’Académie
Royale des Infcriptions & Belles Lettres.
Coin. On trouve quelquefois en Angleterre,
en remuant la terre , des inftrumens de cuivre qui
ont la forme d’un coin. Ils font de différentes
grandeurs, depuis trois jufqu’à quatre pouces'de
longueur, & larges d’un pouce & demi, lis font
affilés par un bout comme une hache, s’élargif-
fantun peu à ce bout-là ; <te par l’autre bout, Ôe
tout le relie de.leur corps ils font carrés: Ils font
creux & ouverts par le gros bout oppofé à celui
qui ell tranchant ; à l’un dès côtés d$çe gros bout
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eft une petite ante. Les côtés ont l’épaiffeur d'une
ligne environ ..quelquefois plus & quelquefois
moins. Ce n'eft pas feulement en Angleterrequ'on
en trouve j il y en a auffi- en France, en Bretagne
particulièrement & en Normandie. On en voit
deux dans le cabinet de Ste Genevieve. Ils ont
environ quatre pouces de long, un pouce.de large
fut chaque faee à l'endroit aigu, un pouce 8e fept
lignes dans leur plus grande largeur.
Les antiquaires font partagés fur l’origine &
l’ ufage de ces coins. Quelques-uns les ont pris
pour des pointes de flèches ou des haches d'armes
des anciens Bretons ; mais ils font trop gros pour
des pointes de flèches , & paroiffent bien petits
pour des haches d'armes. D'autres ont cru que
e'étoientdestêtesdecatapultesdesRomains.Speedi
hiftorien Anglois, a cru que c'étoient des armes
des “anciens Bretons. M. Heatne. habile anti-
. quaire Anglois, n’eft pas de ce fentiment. parce
que ces coins n'ont aucun rapport avec aucunes
des armes des anciens Bretons que -nous connoif-
fons. De plus, puifqu’on en trouve en France,
il ne paroît pas que ce foient des armes des Bretons
; car de prétendre que les Bretons étant originairement
Gaulois, que leurs armes & celles des
Celtes étoient ferablables, & que les coins que
l'on trouve en France font des monumens des anciens
Gaulois s cela ne paroît pas vraifemblable >
parce qu'aucune des armes Gauloifes, que nous
connoilïbns beaucoup mieux que celles des Bretons.
n'ont de rapport à; ces coins. M. Hearne a
cru d’abord que c'étoienc des inftrumens fervant
aux facrifices chez les Romains ; mais ils ne ref-
femblent point à toutes les figures que nous en
avons. Ainfi. il conclut que c'étoient des cifeaux
dont les Romains fe fetvoient à tailler. 8c à polir
les pierres dont ils faifoient les murailles qui en-
touvoient leurs camps. Le trou qu'on y voit fervoit
à les-emmancher, & la petite anfe à les pendre
à la ceinture des foldats.8c ouvriers; 8c en
effet , les.foldats font ainfi repréfentés fur la colonne
trajanne. D'ailleurs, rien n'eft plus commun
parmi les anciens que les inftrumens de cuivre
; tous les auteurs en parlent ; 8c Cambden
prouve que non-feulement les outils, mais auffi
les armes des Grecs , des Cimbrés;8c des Bretons
étoient de ce métal, auquel les anciens favoient
donner une trempe vigofireufe que le Comte de
Caylus. a retrouvée. Un curieux .antiquaire q ui,
depuis quelques a n n é e sa , trouvé de ces coins
dans Bille de Man, auffi bien qu’un grand nombre
d'urnes, avec desinferiptions rhuniques , conclut
de-là que ce font des monumens Celtiques ,
parce que les Romains, dit-il, n’ont jamais mis le
pie'd dans cette ifle ; mais M. Hearne n'eft pas de
fon avis, parce que Plutarque affine qu'un nommé
Démétrius paffaà l’ifle de Man fous l'Empereur
Hadrien: .
Un curieux -de France a conjecture que ces
coins , emmanchés d'une manière convenables
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