
abominable ufage dans les Métamorphofes 8c la
Thébaîde ( Métam. lib. IV . Stat. lib. I. ). Non-
nus dans les Dionyiiaques ( lib. X XXII. v. 100.
lib. CXLIV. v. zj$. ) les met deux fois fur là
fcène, & les repré fente occupées tantôt à traver-
fer les deffeins de Baccluis, tantôt à allumer la
rage &r la fureur dans le coeur d’Agavé. Cet
emploi les a fouvent fait confondre avec • Bêlions
j car on croyoit que les Euménides préfi-
doient aux combats, comme l'apprend ce vers
d'un poète Jatin.
« Dant alios furia torvo fpeHacula marti. » ■
Long-temps avant lui Pindare avoït attribué la
mort des deux iils d'CEdipe aux furies vengereffes
( Qlymp. II. v. 72. ) ..
■ Minerve, dans Efchyle '■ (Euménides 803.) , les
prie de ne point fe courroütèr contre les Athéniens
8c l’Attique,-8c fur-tout de ne point affliger
cette contrée par la difette 8c la ftérilité.
Une furie affilié au facrifice de Polyxène ( Mus.
Et rus. Gori. tab. 141. ) fur un tombeau Et.rufque;
mais elle détourne, les yeux pour ne pas voir
une fi horrible offrande. Efchyle, dans.Agamem-
non (,v. 465. ),3 dit que les dieux veillent fur
ïss meurtriers; mais'que lés furies font plus attentives
encore à précipiter dans l'obfcurité les mortels
préfomptueux, que les caprices de la fortune
ont élevés contre toute vraifemblance. C'eft
pourquoi ceux qui mouroient injuffëiifent, ou
avant le terme prefcrit par. la nature., leur adref-
foient des voeux, & leur, remettaient le foin de
venger leurs mânes. Nous voyons, dans l'Iliade
( Iliad. lib.<X, ) 3 le père de Phoenix invoquer
les furies contre fon fils, fouhaiter qu'il ne puifle
jamais avoir de profpérité, 8c les divinités infernales
exaucer fon voeu. Dans l'Odyffée ( lib.
II. ) , Télémaque refiife de renvoyer Pénélope
chez, fes parens, de crainte qu'Ulyffe ne l’en
punifteun jour, 8c que les furies invoquées par
fa mèrè, ne le tourmentent impitoyablement.
Ajax près de fe donner la mort, dans Sophocle
( Ajax flagel. v. 846. ) , 8c dans Quintus de
Smyrne ( P aralip. lib. V . v. 470. ) , adreffe fes
derniers voeux aux Euménides; il implore leur
vengeance contre les Atrides , le fils de Laërte,
8c tout le camp des grecs. La malheureufe Didon
termine fes imprécations contre Enée, en appel
hnt les furies & lés mânes à fon aide : & dira
ultrices, & du morientis E li fa. ( Æneid. lib. IV . )
C'eft ainfi que s’exprime la mère de Méléagre ,
au moment où elle va plonger dans le feu le
tifon fatal.
03 Ante fyulchrâles infelix ajlitit aras ,
33 P cenarumqué des. triplices furialibus , inquit ,
»3 Eumenides , facris vultus advenue veftros ,
v> Ulfcifcor. . . ,7 ; .7 . . .... :
Cicéron dit de Trebelliüs , nam quid de TrebelHo
dicam ( III. Philipp;. n°. 299. ) , quem ult a videntur
furi& debitorum ?
Les parricides étoient de tous les criminels
ceux que les Euménides pourfuivoient avec le;
plus d'acharnement. Les théâtres grecs, romains
& François ont retenti'mille fois du.récit de leurs,
vengeances. C'eft pourquoi Tibulle les appelle
trajics Erinnÿes. ( Eleg, X X . lib. II. ) Lé fils
d’Agamemnon eft celui dont les malheurs ont
été chantés le plus fouvent. Ayant vengé la mort
de fon père par la moit de Ciytemneftre, les
furies le pourfuivirent en tout lieu. Il croyoit les
voir fecouer fur fa tête leurs ferpens 8c leurs
flambeaux. Il méconnoifloit tout ce qui lui
avoït été cher. Inanem mentis Orefiem, dit Stace
( Tkebaid. I. ) oppofito rabidam Pylade vitajfe Mc-
geram. Un préjugé favorable à l'humanité faifoit
croiré aux grecs, que le fang répandu ne pou-:
voit être ; expié que par du fang. Car , dit Efcliyle
( Choepkora 398. ) j les furies menacent la vie du
meurtrier, & vengent le crime par fa mort. Orcfte,.
pour mettre fin à fes tourmens, réfolut de fe
purifier par l'expiation. Ainfi l’avoieht pratiqué
les-héros de la Grèce, Amphytrion , Hercule,
(Edipe, Pelée & Télamon. Les pontifes n'avoient
pas le pouvoir de purifier les meurtriers ; on ne le
croyoit accordé qu'à des princes renommés par
leur juftiçe, C e fut de Théfée , le fléau des brigands
& dés piratés, qu'Ori fte implora i'affiftance.
Il commença par fe couper un doigt, afin d'offrir
du fang aux redoutables furies. Depuis cet inftanc
il les vit encore dans tes ■ fonges , . mais ayant
quitté leurs habits lugubres pour en .revêtir de
blancs ; il continua fa route 8c vint à Athènes..
Là Théfée le purifia par des ablutions & des
facrifices multipliés.
Les poèmes des anciens font prefque les feuls
monumens qui nous aient confervé la mémoire de
cette expiation. Cependant on voit dans la collection
de M. Hamiiton ( vol. II. pi. 30 & 41.)
deux vafes étrufques, dont les deffins font relatifs
aux fureurs d'Orefte. Il eft à genoux dans le
premier fur une pierre tirant une épée du fourreau.
Deux furies, avec des coéffures de ferpens 8c de
longues robes, fecouent fur ce malheureux prince ,
l'une un.grand flambeau, & l'autre deux petites
torches. Le fécond deffio nous l'offre affis fur un
autel, les mains derrière le dos, & dans une
attitude fort extraordinaire.. Une furie vêtue de
noir, avec des aîles êc des ferpens dans fa,chevelure,
paroît à mi-corps au bas de l'autel. Elle
regarde fa victime , & la menace avec un ferpent
qu'elle tient de la main droite. On voit devant
l'auKl un diofcure, un roi tenant un fceptre 8c
une jeune: fille. . C e n'ëft'pas’ici le.lieu de chercher
fi ;ces < deux perfohnes font. ÉleClre 8c Mé-
nélas, parce que cette difcuffion appartient aux
com'raètttairts fur d'Orefte d’Euripide.
Le parricide Alcméon ne fut pas moins célèbre
chez les grecs. C'eft pourquoi, les romains donnèrent
fon nom avec celui d'Orefte à N c ron,
Jorfqu’il eut tué fa mère. Les remords 8c les
craintes de l'empereur égalèrent les fureurs des
fils d'Amphiaraüs & d'Agamemnon. C'eft ( ui
Néron. ) ainfi que les a décrit Suétone : « Neque
>3 tamen fceleris confcientiam, quanquam 6’ militum
33 & fenatus populiqiie gratulationlb us confrmaretur,
**\aut fiatim, aut unquam ferrepotuit3f&pe confejfus
33 exagitari fe materna fpecie 3 verberibus furiarum3
>» ac tsdis ardentibus. Quin & faéto per Magos
s» facro, evocare mânes & exorare tentavit. Pere-
». grinatione quidem Gracia , Eleufniis facris ,
33 quorum imitationc impii & fcelerati voce praçonis'
33 fubmoverehtur, intereffe non aufus eft-». Enhardi,
par l'innocence de fa v ie , Antonin le pieux fe
préfenta à ces redoutables myftères ; & , dit Jules
Capitolin , il entra feul dans le temple de Gérés.
Pour la confolation de l'humanité outragée par
lès parricides , ajoutons au récit de Suétone quelques
traits de Xîphilin. ( Epitome Dionif. ) « Nero
» Mocturno tempore tanto metuconturbabatur , ut de
» le Ho repente profiliret ; interdiu perterrefaciebant
ȕ eum tibicines auditi bellicum canere cum maximo
33 tumultüy quo~ in loco Agrippina o'jfafepulta crant ,*
3* quamobrem alio migràbat »3.
Ainfi les ombres de Septime - Sévère ( Xipkil.
epitome Dionif.) & de l'infortuné G éta, armceé'
de poignards, pourfuivoient le farouche Caracaîla,
meurtrier de fon frère , lorfqu'il offroit en vain '
des facrifices aux mânes de fon père 8c de Commode.
Ainfi , Gallus, frère de l'empereur Julien
( Amm. Marcel. 14. ) voyoit dans les intervalles
que lui laiftoit une maladie aigue, les ombres
de ceux qu’ il avoit fait périr en fi grand nombre,
le faifir 8c le li vrer au fouet des Euménides. Pline
l'ancien ( lib. X IV . cap. X X V I I I . ) a comparé
le fommeil troublé que l'ivrognerie occafionne ,
à ces fonges effroyables des criminels ; il l’appelle
élégamment furiales fummi. Un volume entier ne
fiaffiroit pas pour rapporter tous les traits de l’hif-
toire ancienne ( Dion. Haly. lib. V. & VIII. )
dans laquelle on voit les furies vengerèffespour-
fuivre les coupables fur la terre , ou empêcher
des attentats 8c des trahifons par des apparitions
fubites, 8c des- menaces effrayantes. .
Quelque terribles que fuffent cependant leurs
fonctions fur" la terre ,’ elles en exerçoient dans
les enfers déplus redoutables encore. Elles étoient
chargées de purifier les âmes des mortels, à
l’inftant où par l'ordre de Proferpine elles quit-
toient leur prifon. Stace, parlant d’Amphiaraüs
qui étoit defcendu vivant fur les fombres bords ,
dit de ce devin célébré ( Tkebaid. lib. VIII. ) :
33 Necdum ilium aut trunca luflraverat obvia taxo
33 Eumenis 3 aut ferro Proferpina pofie notarat
33 Coetibus ad fumptumfunHis
Gori nous en donne un exemple dans fon Mu-
.feum etrufcum. ( Tab. 175. ) On voit fur un marbre
des furies qui tiennent des torches, 8c ont
un regard menaçant. D ’autres furies portent des
lampes 8c les élèvent au-deftùs des tombeaux ,
pour purifier lés âmes des corps qui y étoient
renfermés.
Les âmes leur étoient enfuite remifes par Mercure
après le jugement irrévocable, s’u n'avoit
, pas été favorable à ces ombres. ( M u f etruf.
pqg. j 91. tab'. 81.) Elles les précipitoient fur-lécha
mp dans les gouffres du Tartare, où elles
employoienr, pour les tourmenter, les plus durs
& les plus cruels fupplices. L'imagination des
poètes s'eft épuifée à les décrire; mais ils font fi
connus, que nous n’ofons lesre'péter.
Théfée 8c Pirirhoüs furent livrés à leur ref-
femiment, 8c elles les tourmentèrent jufqu'à
; l’arrivée d'Hercule. L'une d'elles eft fans ceffe
occupée à effrayer Tantale. Par fes cris 8c fes
menaces elle l'empêche de toucher aux mets qui
font placés devant lui. ( Æneid. 6. )
i »3 ......................... .. Euriarum maximajuxta
\ 3, Accubat & manibusprohibet contingere menfas3
»3 Exurgitque facem attollens atque intonat ore.
Si l’on étudie les monumens étrufques, on verra
les dieux Cabires fe joindre aux furies pour tourmenter
les criminels. Dempfter nous a confervé
le deffin d’un tombeau ( Etruriÿ. regalis tab. 88. )
fait dans l'Etrurie, fur lequel on voit plufieurs
coupables déchirés 8c brûlés par les Eupiénides.,
Auprès d’elles eft placé un Cabirè armé d'un
couteau 8c d'un crochet à plufieurs branches. ïl
s'approche avec ces terribles inftrumens d’un
malheureux qui eft pendu par les, mains. .
Chargées de purifier les morts, 8c de les conduire
au féjour qui leur, étoit défi iné, les furies
dévoient naturellement conduire lés chats d’Am-
: phiaraüs defeendant aux enfers, Sc de Pluton
enlevant. Proferpine. C'eft pourquoi Claudien a
remis à A le don le foin de faire paître les chevaux
de ce dieu, de les atteler à fon char 8c
de les guider dans leur courfe.. (Rapt. Prof. 1. 1.)
33 Jatnque.viamPluto fuperas molitus ad oras ,
. • 33 Germani monitu. : torvos invif a jugales
»3 Alefio temone légat, qui pafeua mandant
33 Cocyti, pratifque Erebi nigrantibus errant,
33 Stagnaqne tranquilla potentes marcida Lcthes ,
33 Ægra fop.oratis fpumant oblivia linguis.
Elle paroît fur des vafes étrufques, tantôt en
conduifant les chevaux du raviffeur de Proferpine;
tantôt ceux d'Amphiaraüs, dont elle entraîne les