
£ 8 8 D I P
de cité romaine félon Suétone ( Ner,.*£. 12. n°. 4.)
Pofi editam ope ram diplomata civitaùs romane fin-
gulis obtuli:.
Diplomata défignoient plus expreffément des
lettres du prince délivrées à un envoyé ou courier,
& adreffées aux magiftrats des villes qui fe trôu-
voient fur fon paflage, pour lui faire donner des
relais prompts & vîtes. ( P lin. epifi. x. 14. ). Rex
Sauromates fcripfit mihi , ejfe qu&dam , que debere's
quamx maturijfimé fcire : quâ ex caufa feftinationem
tabellarii, quem ad te cum epiftolis mifit, diplomate
adjuvi. Plutarque ( in Galb.p. ioyû. c. ).
D IP L OM A T IQ U E .
N . B. Cet article eft extrait de la nouvelle Diplomatique
des favans Bénédictins.
La Diplomatique eft la fcience ou Part de juger
fainement des anciens titres. Elle a pour objet
les chartes dont elle fixe l’âge par uneconnoif-
fanee exaâe de la nature des a êtes , écritures ,
& des divers ufages propres à chaque fiècie &
à chaque nation. Sa fin eft de faire fervir toutes
ces formalités au jugement favorable ou défavan-
tageux qu’ il faut porter des diplômes. Elle ne fe
borne pas à fournir des moyens sûrs pour recon*
noître la vérité ou la fauffeté des pièces> leur
authenticité , ou la privation de cette condition.
toujours importante, mais fouvent elfentielle ;
elle étend encore fes droits, jufqu’à régler les dif-
férens degrés de certitude ou de füfpicion dont
elles font fufceptibles. Son utilité généralement .
reconnue par les efprits fages & judicieux peut
encore être juftifiée par les témoignages des favans,
& les travaux infiniment variés qu’ils ont
entrepris pour cultiver lin genre de littérature
dont le fond eft inépuisable , & dont les fruits
intéreffent également l’É glife, l’État & la R é publique
des Lettres. Le feul détail de fes richefTès
& de fes prérogatives en fait fentir tout le prix.
Les archives en effet fur lefquelles s’ étend fon ,
empire, renferment & les monumens les plus
authentiques, & les a êtes les plus folemnels de
la puiffance exercée par les fouverains. Elles con-
fervent leurs traités d’alliance & de paix, les
inveftitur^s des grands fiefs, les privilèges accordés
aux communautés féculières & régulières,
à la nobleffe, aux corps de ville, les îoix portées
dans les affemblées générales de chaque peuple.
Elles font les dépofitaires des titres qui font con-
noître les prérogatives attachées^ la Couronne,
qui fixent les limites des états, qui conftatent
l ’équité de leurs prétentions , qui tranfmettent à
la poftérité la plus réculée les marques éclatantes
de la libéralité de nos monarques envers les
églifes. Elles publient d’origine des grandes mai-
fons, leurs généalogies, leurs fucceffions, leurs
d 1 p
illuftrations, leurs alliances. Elles fourniffent fur
1 antiquité facrée & profane les connoiffances les
plus sûres & les plus lumtneufes. Par quels enfer-
gnemens peut-on décider avec plus de certitude
de la jurifdiétion des prélats , de l’étendue & des
bornes qu’elle eut en certains fiècles, de l’ ufage
qu ils en firent, que par les pièces dépoféesdans
les archives ? Les princes y découvrent tout à la
fois & les premières traces de la grandeur, de
leurs ancêtres, & les degrés par lefquels ils font
montes au trône, & les moyens par lefquels ils
font parvenus a ce comble de gloire & d’ élévation,
dont ils leur ont tranfmis l’héritage. Les
eccléfiaftiques y trouvent des preuves auffi utiles
que magnifiques de la piété de nos pères, les
magiftrats les motifs de la plupart de leurs juge-
mens, les nobles les titres de leur diftinétion &
de leurs feigneuries, les perfonnes privées ceux
de leurs poffeflions & de leurs droits. ( Mém; de
Trévoux 3 17 16 , p. 28? .) « Tous les auteurs
qui traitent des archives , conviennent entr’eux
« de leur ancienneté, de leur utilité, de la foi
” due aux pièces qui y font gardées, aux copies
” & tranfumpts des mêmes pièces •».
Toutes les nations favantes ont conçu une fi
haute eftime pour cette efpèce de monumens,
qu elles o n t, comme à l’envi, publié un nombre
infini de recueils de diplômes , plus propres les
uns que les autres à illuftrer leur patrie, à éclairer
les droits des fouverains, à maintenir les intérêts
du public, & à mettre des bornes aux prétentions
des particuliers. Qui ne connoît les
amples colleétions de chartes des Leibnitz, des
Kettner, des Ludewig , des Schannat, des Bernard
P a z , des Muratori, des Rangone, des An-
derfon , des Rymers, des Duchefne , des Pérard,
des Dachery, des Mabillon ,• des Martenne &
Durand, des Aubert le Myre, & de tant d’autres ?
Avec quel foin & quelles recherches les auteurs
les plus exaéts n’ont-ils pas appuyé par des pièces
juftificatives i’hiftoire des églifes, des ordres ,
des monaftères, des provinces , des anciennes
maifons de France, d’Italie, d’Allemagne , d’Angleterre
, &c. Et que font ces pièces juftificatives,
pour, la plupart, finon des chartes? On
connoît un grand nombre d’hiftoriens qui ont
fuivi cette méthode, & qui la fuivent encore
tous les jours.
La Diplomatique a rendu & rend fans ceflfe à 1 hiftoire les fer vices les plus fignalés. Quel éclat
ne répand-elle point fur ces fiècles obfcurs ou
l’on n’apperçoit que de fombreslueurs, fouvent
moins propres à nous conduire qu’à nous égarer ?
Depuis plus de mille, ans, combien de fiècles
ou les annales des nations , des villes & des
monaftères ne confiftent tout au plus que dans
des chroniques sèches, & communément très-
fuperficielles ? A peine y découvre-t-on quelques
traits des moeurs & des ufages particuliers aux
D I P
temps & aux lieux qu’ elles concernent. Et ce
fecoiirs, tout irifuffifant qu’il e f t , combien de-
fois "ne vient-il pas à "nous manquer? Le.s médailles,
les? inferiptions & autres monumens de
ce genre font d’une trop foible reffource pour
difliper les ténèbres du moyen âge.
Les archives fuppléent à tout. Sans elles les
généalogies des plus grandes maifons ne font
ordinairement que des tifîîis de fables., des labyrinthes
où l’on fe. perd à chaque pas, où l’on
ne trouve guère d’iffue qu’il n’en coûte à la vérité
j fans elles la fuite des grands officiers de la
couronne, & prefquetous les commencemensdes
cours fupérieures, des jurifdi&ions , des feigneuries
titrées demeureroient enfévelis dans l’oubli :
les privilèges accordés à la noblefife, aux villes,
aux communautés féculières & régulières y trouvent
leur origine, leurs accroiffemens ou leur
diminution. L’hiftoire tant eccléfiaftique que civile
des provinces, n’a point de fondemens plus fo-
lides : les coutumes n’ont point d’interprêtes
plus fidèles 5 la Géographie ancienne rient d’elle
les plus heiireux dénouemens : la Chronologie
moderne ne peut que s’égarer en mille rencontres,
fi les chartes ne la guident : les fujets fur lefquels
la critique s’exerce , font tellement du ref-
fort de la Diplomatique, qu’à peine peut-on fixer
les limites de ces deux fciences, & qu’il eft même
quelquefois aftfez difficile de ne pas les confondre:
le Droit canonique & la Jurifprudence civile
lui fourniffent une infinité de reflources, dont
elle fait les récompenfer avec ufure.
Les anciennes écritures, leur origine, leurs
efpèces , rieurs tranfmutations , leurs changemens
de fiècie en fiècie, leurs variations d’un pays à
un autre , leurs altérations, leurs renouvellemens
font une partie effentielle de la Diplomatique &
inféparable de la connoiffance des manuferits.
La diplomatique étend fes recherches fur les bronzes,
les marbres, les médailles & les monumens antiques.
Auffi dans quelle eftime n’eft-elle pas chez
tautes les nations favantes? Que n’a - 1 - o n
pas fait depuis . le renouvellement des Lettres
pour mettre le public à portée d’en recueillir
les fruits ? Combien de collerions d’aétes publics
& privés, de regiftres & de cartulaires , n’a-t-on
pas vu former avec dés peines & des dépenfes
incroyables par les plus grands hommes d état &
par les favans du premier ordre ? Ces morceaux
de littérature font aujourd’hui comptés parmi les
principales riçheffes des-bibliothèques, C ’eft en-
tr’autres par cet endroit que celle du roi l ’emporte
fur les plus renommées. Quand la réforme
s’établit en Suède fur les ruines des églifes
catholiques & des monaftères, on n’eut rien de
plus à coeur que d’en raflembler les chartes , & 4 en former la chancellerie du royaume. Ces archives
royales font devenues le dépôt public de
1 état.
D I P Bt9
Il y a eu des critiques qui fe font tourmentés
de cent façons pour anéantir les archives & la
Diplomatique même ; ils ont cependant été' forcés
d avouer que les fabrieateurs des faux a été s manquent
très-fouvent dans des chofes effentielles &
de nature à les trahir; qu'il n'eft pas'rare de
découvrir du premier coup d’oe i l , dans ces pièces
, des lignes très-certains de fauffeté. Mais
auffi, fi on les en. croit, la vérité , tout autrement
voilée, n'a pas coutume de fe manifefter
par des indices fi clairs.
La vérité lia pas coutume de f e montrer avec des
marques évidemment difiinctïves ! Elle fe montre
donc ainfi du moins quelquefois. La Diplomatique
a donc des moyens sûrs pour diftinguer les titres
véritables des fuppofés , quoique ces moyens ne
foient pas applicables à tous les cas.
C'eft-, dit-on, un charlatanifme, que d'avanc
e r , comme l'a fait D. Mabillon, qu'il n’eft
point de' titre fabriqué avec tant d’artifice, qu’il
ne puiffe être découvert par un habile antiquaire j
que la vérité fe fait toujours fentir par fon propre
éclat ; qu’elle eft accompagnée de tant de cir-
conftances, que le menfonge, quelque dégüifé
qu'il foit, ne fauroit les réunir toutes à la fois.
Attaquer des principes fi lumineux, ce n'eft
pas montrer qu'on ait des notions fort juftes de
la vérité & de .l'erreur. Comme le menfonge
a fes caraélères, la vérité a les liens. Effen-
tiellement une , elle fe foutient d'une manière
conftante & uniforme, dans toutes fes parties,
dans toutes fes circonllances. Toujours fembla-
ble à elle-même, elle, ne porte nul caraâère qui
ne foie marqué au coin de la fincérité. Au contraire,
la fauffeté fe trouve à chaque pas en con-
tradiébion avec elle - même. Ses voies font tor-
tueufes. Affirmer & nier les mêmes objets; voilà
fon langage, fon caraétère.
L'homme eft né pour la vérité; fans ceffe un
fecret penchant l'y rappelle. S'il veut s'en écarter
conftamment, il faut qu’il donne la torture à
fon efprit, qu'il fe roidiffe perpétuellement contre
la nature. O r , quelque corrompue qu’elle puiffe
être, la corruption n'ira pas jufqu'à détruire en
elle toutamour du vrai. Il y v i t , cet amour, &
la vanité même l'y voit avec complaifance. Il eft
donc impoffible que l'homme perfévère dans une
volonté efficace de prendre en toutes chofes le
contre-pié de la vérité. Un état fi violent n'eft
pas naturel, & tour ce qui ne l’eft point ne
fauroit fe foutenir. Le fauffaire reviendra donc
toujours à la vérité, malgré lu i, & fans qu’il
s'en apperçoive. Elle percera par cent endroits ,
dans le temps même où il ne cherchera qu'à
l'étouffer, parce que fon soeur & fon efprit ne
feront pas d'accord, parce que l'un & l'autre ne
font pas faits pour le menfonge. D ’un autre côté
comment allortira-t-il des chofes auffi contraires