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lettres de Paris , Mahudel a foutehu là négative*,
ce n’eft pas qu’il nie que les anciens ne fiflent
comme nous des rejouiiTances de publication de
p a ix , aux nouvelles des victoires remportées furies
ennemis , aux jours de naiffance , de proclamation
de mariage de leurs princes , & dans leur
convaîefcen'ce après des maladies dangereufes ;
mais , félon Mahudel , le feu dans toutes ces
occasions ne fervoit qu’ à brûler les victimes ou
l ’encens j 8c comme la plupart de ces facrifices <
fe faifoient la nuit, les illuminations n’étoient
employées que pour éclairer la cérémonie & non
pour divertir le peuple.
Quant aux bûchers qu’ on élevoit aptyès la mort
des empereurs , quelque magnifiques qu ils fuf-
fent j on-conçoit bien que ce fpedîacle lugubre
n’avoit aucun rapport avec des feux de joie j d un
autre côté , quoique la pompe de la marche des
triomphes fe terminât toujours par un facrifice au
capitoie, où un feu. allumé pour la confecration
de la victime l’attendoit ; ce feu ne peut point
paffer pour un feu de joie : enfin par rapport aux
feux d’artifices qui étoient en ufage parmi les anciens
, & qu’ on pourroit préfumer avoir fait partie
des réjouiffances publiques, Mahudel prétend
qu’on n’en voit cTautre emploi que dans les feules
machines de guerre, propres à porter 1 incendie
dans les villes & dans les bâtimens ennemis.
Mais toutes ces raifons ne prouvent point que
les anciens n’a Huma fient aufli des feux de joie en
ligne de réjouiffances publiques. En effet ,
di fficile de fe perfuader que dans toutes les fêtes .
des grecs & des romains , & dans toutes les célébrations
de leurs jeux ; les fe u x jk les illuminations
publiques fe rapportaffent toujours uniquement .à la ,
eiigion , fans que le peuple n’y prit part à-peu-
près comme parmi nous.
Dans les lampadophories des grecs , ou 1 on fe
fervoit des lampes pourles facrîfices, on y célebroit
pour le-peuple difrérens jeux à la lueur des lampes;,& comme ces jeux étoient accompagnés de danfes
3c de divertiffemens ; on voit que ces fortes d’illuminations
étoient en même-temps prophanes & fa-
crées. L ’appareil d’une autre fête nommée la m p te - .
ries , qui fe faifoit à Paliene , & qui étoit dédiée à
Bacchus, confiftoit en une grande illumination nocturne
& dans une p^ofuGon de vin qu’on verfoit
aux paffans.
11 faut dire 1a même chofe des. illuminations qui
entroient dans h folemnité de plufieurs fetes desromains
, & entr’ autres dans celle des jeux fccu-
laires qui duroient trois nuits , pendant lefquelies
il fembloit que les empereurs & les édiles- qui en
-faifoient la dépenfe , vouluffent par un excès de
fomptuofiré , dédommager 4e peuple de la rarete
de leur célébration. Capitolin obferve que l'illumination
donnée par Philippe, dans les jeux qu’il cé-
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lébra à ce fujet, fut fi magnifique , que ces trois
nuits n'enrent point d'obfcurité.
On n’a pas d’exemp'e de feu de joie plus remar-
quable que celui que Paul Emile apres la con^
quête de la Macédoine , alluma lui-même à Am-
phipolis, en préfence de tous les princes de. la
Grèce qu’ il y avoit invités. La décoration.lui coûta
une année entière de préparatifs ; & quoique l’appareil
en eût été compôfé pour rendre hommage aux
dieux qui préfidoient à la victoire, cette fete fut
accompagnée de tous les (peâacles auxquels le peuple
eft fenfible ( chevalier de Jaucourt. j
FÈVES. Les Egyptiens s’ abftenoient dé manger
des fèves ; ils n’en lèinoient point , & s’ ils, en
trouvoient qui fulfent crues fans avoir été feftiees,
ils n’ y touchoient pas. Leurs prêtres poufloient
plus loin la fuperftition : ils nVoient pas même
jetter les veux,fur ce légume ; ils le tenoiènt pour
immonde", 8e ils euffent plutôt mangé ia chair de
leurs pères- Pythagore , qui avoit été inftruit par
les Egyptiens, défendoit aufli a fes difçiples de
manger des fèves j 8e 1 on dit qu il aima mieux fe -
laiffer tuer par ceux qui le pourfuivoient, que de
fe fauyer à travers un champ de fèves: Cicéron
înfinue au premier livre de la divination , ( ckap,
X X X . ) que l’ interdiâion des fèves étoit fondée
'fur ce qu’ elles empêchoient de faire des fonges
divinatoires'', car elles échauffent trop; & par cette,
irritation des efprits , elles ne permettent pas à
l’ame de pofléder la quiétude qui èft néceifaire
pour la recherche de la vérité. Ariftote donne
plufieurs belles raifons de cette défenfe , dont la
moins mauvaife eft que c’ et oit un précepte moral j
par lequel le philofophe défendoit à fes difçiples
de fe mêler du gouvernement ; ce qui eft fondé
| fur ce qu’en certaines villes on donnoit fon fuf-
j ffage avec, àt fèves pour l’éleflion des magillrats.
UrT autre auteur a prétendu qu’elles, furent interdites
par un principe de chaftete , comme fi ce
légume y"étoit contraire. D autres difent enfin,
.
que ce fut pour des raifons faintes & myftérieu-
fes , que lés Pythagoriciens ne difoient à personne.
Quelques-uns d’eux aimèrent mieux mour
ir , dit Jamblique , que-de récéler un fi grand
fecret. Une Pythagoricienne fe coupa la langue
pour n’avoir aucun fujet de craindre que la rigueur
des tourmens ne la fît .parler. L’école de
Salerne a défendudans les temps modernes de manger
des fèves ; mais elle en donne une raifon diététique;
c’eft quelles caufent la goutte : manducare
faham caveasfacit, ilia podagram : ce qui porte à
j croire que la défenfe de manger Ans fève? , n’étoit
autre chofe "chez les anciens: qu’un précepte de
fanté, dans l’idée,-ou l’on était alors, que ce
légume étqjt malfain. '
Le,-.cheva!ier de Jaucourt ( Encyclop. in fo l-
Fèves ) a cherché un autre motif a la defenfe de
Pythagore. Le voici: - * 1
" F E V
Pythagore enfeignoit que la fève étoit née en
même - temps que l’h arrime ; &: -formée de la
.même corruption : or comme il trOuvoit dans'la
fève j Je ne fais quelle’ reffemblance avec les corps
animés, il ne doutoit pas qu’ elle n’eût auffi une
îtnle fujette comme les autres aux viciffitudes de
la crahfmigra¥ion; , parxonféquent que quelques-
uns de fes parens ne fuffent devenus fèves ; delà
le' refpeCt qu’il avoit pour ce légume, & l’in-
diCtion de fon ufage à tous fes difçiples.
;. Cette opinion de Pythagore que nous venons
d’expofer., n’ eft point un fentiment qu’ on lui
prête ; elle fe trouve détaillée dans la. vie dp ce
p.hjlofophe , que, Porphyre a écrite. Auffi Horace,
qui long-temps avant Porphyre ne doutoit point
que cette idée de tranfmigration ne fût celle de,Pythagore,
s’en eff moqué plaifamment dans une de
fes fatyrcs :
O quando faba. P y thagore e cognât a., Jîmulque
XJnüa fa t i s p tn g u ï p o n e n tu r o lu fcu la lardo ?
1;' \Sat. V l . t ih . lh v . 6\ .)
» Quand pourrai-je ', dit-il, dans mes repas ruftiques
en dépit de Pythagore, me régaler d’ un
*>• plat de fèves , & manger à diferétion de'mes
« légumes , nourris de petit lard. «
Dans fes recherchesphilofophiques furies égyptiens
& les Chinois , M . de PaW affure que l’odeur des
fèves étoit la véritable caufe de l’averfion des
pythagoriciens pour ce légume. ( Tome I. pag. )
cc II eft bien étonnant qu’après tant d’opinions
propolées avec un fi grand appareil de favoir , &
par des favans fi célèbres, fur le véritable motif
de l’averfion qu’avoient les Egyptiens & fur-tout
les prêtres pour les fèves , on foit encore fi peu
inftruit. Mais il n’y a qu’ à bien réfléchir à One
aventure qu’on prête à Pythagore , ce fervile
imitateur des philofophes orientaux , pour fe
convaincre que c’eft la forte exhalaifon , que répand
la faha. vulgaris , lorfqu’« lk eft- en fleur,
qui a paru pernicieufe aux Egyptiens. Et voilà
pourquoi ils ne la cultivoient dans aucun canton
de leur-jpays : quoique rejettée de la table des
hommes , elle eût pu fervir à nourrir les bêtes ; il '
eft ridicule de dire qu’ils ne pouvoient en foutenir
la vue, au lieu de dire qu’ ils ne pouvoient en foutenir
l’odeur, qui eft extrême pendant la florai-
fon de ce légume , qu’on feme aujourd’hui en
Egypte fans fe foucier des effets qui peuvent en
réfulter, & qui tendent à produire une' efpèce
d’ivreffe , fuivant l’opinion populaire , répandue
même en Europe parmi les gens de la campagne ,
qui n’ont jamais ouï parier de la diverfité des climats.
«
« Théophrafte, auquel on doit reprocher d’a-
voir embrouillé'' d’une manière inconcevable l’hif-.
F Ë V
toire des plantes de l’Egypte , rapporte entre
autres choies , que, dans ce pays la , toutes les
fleurs font fans odeur, fi l’ on en excepte celles
du myrthe. ( hift. Plantarum lib. n . cap. 7. De
cauf. plantarum lib. ri. cap. x~j. ) Mais il n’y a
point , & il n’y a jamais eu la moindre vérité
dans cette affertion fi frivole ; puifque les neps des
Arabes ou les violettes du Caire , & les rofes
pâles du Féium font les plus odorantes qu’il y
ait au monde, 8c toute l’eau de lofe ,. qu’on con-
fume dans les ferrails de l’Orient & dans une
grande partie de l’Italie, vient de KEgypte : anflï
Maillet parle-t-il comme d’une chofe extraordinaire
, de l ’exhalaifon qui s’élève le long du N i l ,
des champs enfemencés de cette efpèce de fève y
dont la fleur eft mille fois plus odoriférante , dit-il s
qu en Europe. ( Defcription de l’Egypte, partie I I ,
pag. 13. de l’édition in-4?. ) C e font ces champs-
là, que Pythagore n’eût jamais traverfés, dès qu’il
fut circoncis. C ’étpit faute d’avoir acquis des
connoiffances affez éxaébes fur l’Egypte & l’In-
douftan , que les auteurs anciens ont tant varié
en parlant de la diete des Pythagoriciens , 8c on
voit par ce qu’en difent Aulugelle ( ir. 11. ) &
Athénée , qu’ ils ne favoient pas eux-mêmes ce
qu’il falloit- en penfer. Au refte , pour qu’on ne
forme point de' douté fur l’efpèce de légume
dont il peut être ici queftion , je dirai quelle eft
déterminée par un paffage de Varron, qui affure
que les Flamines de Rome ne pouvoient manger
des fèves 5 parce que leurs fleurs contiennent des
lettres infernales. Or ces lettres infernales font
les deux taches noires , peintes fur les ailes qui
enveloppent immédiatement la caréné dans la
fève, de marais, dont le cara&ère fe trouve parla
auffi-bien fixé , que fi le botanifte l’eût défini.
Et il en refaite toujours que c’étoit dans la
fleur qu’exiftoit la première caufe de l’averfion
que les Prêtres avoient pour cette plante -, dont
üs connoiffoient d’ailleurs très-bien le fruit , qui
de tous les farineux eft le plus contraire aux
tempéramens mélancoliques , & il n’ y eut jamais
au monde une nation plus portée vers la
trifteffe que les Egyptiens 5 ôn les égayoit bien
de temps en. temps par des fêtes ; mais ils reve-
noiént toujours à leur càraâère fombre , qui les
rendoit encore opiniâtres & emportés , adfingu-
los motus excandefcentes , dit Âmmien Marcellin
, qui me paroît avoir affez exactement connu
leur complexion. ( Homines Ægyptii, dit-il , pleri-
que fubfufculi funt & atrati 3 magifque moefliores 3
gracilenti & aridi , ad fingulos motus excandefcen~
tes. Lib. XXII. vers la fin ) ».
M. PauCton s’eft fort étendu fur l ’efpèce &
la culture des fèves chez les anciens. Voici ce
que nous ’avons extrait fur ce fujet de fon ouvrage
précieux , intitulé Métrologie.
« Après la culture des bleds, celle des légum
e eft la plus n.éccff«ire à l’homme ; & entrq
Oooo ij