
Ï7 i F L E
pelloït porter des chapeaux de fleurs ( Plutarque,
hommes illuft. ) On jettoit des fleurs fur le paflfage
des perfonnes qu’on vouloit honorer. Ariftomène ,
general des Mefleniens , de retour à Audanie,
fut reçu avec des acclamations répétées : les femmes
jettoient des guirlandes de fleurs fur fon.
paflfage. Les amans ornoient de feftons & de
couronnes les maifons de leurs maîtrefles. Si le s ,
fleurs fe détaehoient de la couronne qu’on por-
to it , les Grecs en tiroient un indice d’amour.
L ’uftge général étoft de couvrir de fleurs les
corps que l'on portoit au bûcher, d’en orner les '
tombeaux. On pratiquoit cet ufage tous Les ans
au jour anniversaire des funérailles du mort, qui
fou Vent léguoit une fomme deftinée à l’achat de
ces fleurs , 8c exprimée dans fon épitaphe. On
lit à Ravenne ces mots fur un marbre fépulchral :
U t . Q UOTANNIS. R O SA S. AD. MONIMENTUM.
EJUS. D EFERAN T. ET . IB I. EPULENTUR.
D U N TA X A T. IN . Y . ID . JU LIA S.
Fleurs ( étoffes à ) . Voye^ Etoffes.
FLEUVES. Ils eurent part aux honneurs de
la divinité : les temples des Grecs & des Romains
renfermoient les. ftatues de leur s fleuves :
i lÿ avoit peu de rivières, fur-tout dans la Grèce
& dans l’Italie, auprès, defquejles on ne trouvât
des ftatues & des- autels confacrés au dieu du
fleuve , .o n n’allât faire des libations , & offrir
même des' facrificés. « Les^égyptiens, dit Maxime
»' de T y rh o n o r e n t le Nil , à caufe de fa beauté ;
» les feythes, le Danube, pourlavafte étendue
de fes' eaux ; les étolten#“,' l ’Achélpiis , à caufe
»3 de fon combat avec Hercule ; les lacédémp-
n mens-, l ’Eurotas, par une loi exbrelfe qui ; le ,.
33 leur ordonnoit ; les athéniens , riliflftrs par
33 un ftatut de religion«. A ce détail nous pouvons
ajouter le Gange, pour lequel les1 indiens
avoient une vénération toute particulière; le Rhin | '
qu’on trouve repréfenté fur les -médailles, avec
ces mots , deus Rkenusl; le T y b r e , qui étoit la
divinité proteflrice de Rome ; le Panufe, à qui ,
les mefféniens offroient tous les ans des facrificés ;
& enfin , le Qitomne ƒ fleuve d’Ombrie, qui non- ;
feulement pafloit pour >dîeu, maïs même rendoit;
des oracles. C ’eft le féul des fleuves qui ait eu !
ce privilège ( fi ce n’ eft pas plutôt Jupiter jCli-;
tomne ) ; car la Mythologie, ni i’ hiftoire ancienne
ne parlent d’aucun autre oracle de fleuve ou de_
rivière! Voici comme Pline le jeune parle de ce
dieu Çlitomne. « A la fource de ce\ fleuve eft un
33 ‘ temple ancien & fort i?efpe<5té, Clitçmne eft
33 là habillé à la romaine. Les forts marquent
33 la préfer:ce & le pouvoir de la divinité. Il y ,
» a à l’entour plufieurs petites chapelles,' dont ■
s? quelques-unes ont des fontaines & (les fouaces ;
F L E
i » car Çlitomne eft . comme le père de plufieurS
• » petits fleuves, qui viennent fe joindre à lui.
! » i l y a un pont qui fait la réparation de la
« partie facrée de fes eaux d’avec la profane.
w Au-deffus-de ce pont, on ne peut aller qu’en
« bateau; au-deflfous il eft permis de fe bâignèrX,
Héfîode dit que les fleuves font enfans de l’Océan
& de T hé tis , pour nous marquer qu’ ils viennent
de la mer, comme ils y rentrent. Il ajoute qu’il
y en a trois mille fur la terre.
On confacroît chez les grecs aux fleuves la
première che.velure des adolefcens : Orefte çon-
facra lafienne au fleuve Inâchusf'Leucippè , fils
d’Eumaus , à.- Alphéa., Péjée, celle de fon fiU
Achille .au inême’.Alphée, & c . &
ce Les fleuves ; dit M. "<Rabaùd de S. Étienne 2
pères & fouverains des pays' fur lefquels ils
étendoient leur empire ,• & qu’ils fécondoient de
leurs eaux , ayant été peintsfous des' emblèmes
relatifs:à leur puiftance, furent regardé?-depuis
coinrne des rois réels. Il y a plufieurs de \ ces
rois dans les’ ’annales,.'grecquesje -vais; en. citer
quelques-uns. Eh Béotie, deux-des plus anciens
rois-du. pays font, le mont Cythéron ,, Afope -,
principal, fleuve de la contrée. ,Qn donne à Afope
deux nymphes pour filles, Thé&é & Ckalcis ;
qui fondèrent Ckalcis & Tkehes. Un des premiers
rois de Laconie fut È u r o ta s3 . qui étoit auflî un
fleuve ■ du .pays:. Augias, en Elidé .Inackus &Z Pho-
. ironie en’ Argolicte.pAcheloÿ-s eq Érolie.,: Alfçn en
TheflTalie ; tous ces rois, fils de Jupiter où de
Neptune, étoiepç d.es. fleuves dans «chacune de
ces contrées. ' Pour donner à ces fables/tm air
de vérité, on raconta que-ces fle,uves avoient pris
leurs, noms des rois qui s’y etoient noyés, qui
y ayoîent été.aflfaflinés,, ou qui avoient fubi cette
métamorphofe mervéilleufe ».
On fait qu’ à toute rigueur-, un roi peut donner
fon nom à un fleuve ;■ & ih je n’âvois que cette
preuve des métamouphofes de ftyje , qui-, font la
; clef dés nîétamorphbfes mythologiques , je ne
; pefdrois pas mon temps à rh’bccüpèr de ces
objets. Je ne me borne pas à cette observation *
.qui feroit inutile fi elle étoit ifolée ; mais je fais
remarquer qu’il y/eut des princes qui pafserent
: pour avoir donné leur nom à des plantes , comme ,
un certain A ja x 3 comme Narcifle , Hyacinthe ,
• Amaïaus' > Acanthe , Cypàrijfe ; à' des ' oiféaux * 1 comme Térée, roi de Thrace ; Philopiele & PrognJ, '
ifilles d’un roi d’Athènes ; . q uf .epoufa
■ Zétus ] frère à'Amphion, fameux mufîcien , &
qui. fut changée en chardonneret ; comme AleSlor,
Afcalaphè , Nycïimene , qui furent changés en
co q , en hibou, Sr chouette. Je remarque que
'ces changemens de figures en p&r-fonnages, remplirent
toutes la Mythologie, qu’on ne peut en
féparer quelques-uns fans ébranler l’exiftencede
leurs pères , de leurs mères, de leurs femmes-,
F L E
J e leurs maris, & que toutes ces hiftoires font
écrites du même ftyle. Je conviens qu un roi
peut avoir donné fon nom à un fle u v e , quoique
ce ne foit plus l’ufagej mais que prefque tous '
les rois en aient fait autant, que leurs fi s aient
donné leurs noms aux montagnes voiûnes , d au_
très aux plantes de leurs jardins , ou aux arbres
de leurs forêts , d’autres aux oifeaux du pays*,
que leurs.filles aient donné les leurs à des fleuves,
à des oifeaux, à des infeftes, à des fontaines,
à des rivières , à des prairies, a des viJLs, a :
des iftes ; franchement., c ’eft ce qu il m eft im-
poffible de croire. Mais j’ai indique la caufe de
l’erreur, & je vais en accumuler les preuves,
afin de n’être plus obligé d’y revenir».^ '
« Pour fe bien convaincre que ces to\$-fleuves
n’ont point exifté, il ne faut que détailler
l’hiftoire de quelques-uns d’eux, & Ion vena
que ce n’ eft que de la Géographie & de la 1 hv-
fique. L’Argolide eft un pays aifez aride, & la
plupart de ces fleuves fameux, & dont le nom
fonore remplit li bien la Poéfîe harmonieufe des
grecs} ne font que des ruiifeaux qui relient prefque
à fec dans l’été. Les quatre plus confidera-
bles font. Ylnackus , le Pkorùnée, te Cêpkijfe &
YAflérion. Voici cette circonftance phyfique racontée
dans le ftyle du temps. Héra , ou Junon,
la principale divinité des argiens , difputoit a
Neptune la poffefiion du. pays. Us .prircrit pour
- arbitre de leur différend le roi Phoronée, qui.,
dans cette grande affaire, s’affocia Inaekus yAfle-
rion & CépkiJJe. Ils jugèrent en faveur de Hera
ce qui étoit naturel ; car ils ne dévoient pas fouf-
frir que Neptune s’emparât du pays. Le dieu en
fut fi irrité, qu’il priva fes JU8€S tr,bùt de fes
eaux. J’obferverai en paflfant, que cet Aflerion,
dont il eft ici queftion , eut trois s filles tres-
confidérées dans la contrée, nommées Euboea,
Porfymna & Heroea,* & que-ces trois filles font
trois montagnes voiûnes. Qui pourra croire a ces
généalogies»?
» C ’étoit (î bien l’ufage de ces temps de
transformer les fleuves én rois , que nous trouvons
les mêmes origines dans les pays fitues hors de
la Grèce. Scamander fut le premier roi de Troye ;
JEfopus & Pedafus, deux des fleuves de la Troade,
étoient deux des cinquante fils de Priam ; le
dernier eut le malheur d’ être changé en plongeon.
Le fleuve Abfyrthe en Colchide, étoit un jeune
> prince, fils d‘ (Eecas3 fils du Soleil. Æ f ls , fleuve
d’Ombrie, prit fon nom du roi Æfls. L ’A n io ,
rivière d’ Italie, prit le fien du roi Anius , q u i,
poürfuivant le raviffeur de fa fille , lé jetta dans
cette rivière , & s’y noya. Le Tibre^ lui - même
dut fon nom au roi Tiberinus y qui s’y noya,
ou bien au tyran Tibris , qui fut tue fur fes
bords. Le P k a fe , qui coûtait en Colchide , dans
le pays d’M a , étoit un roi , fils du Soleil & de
la nymphe Ocyrrhoéf courant rapide) > il devint j
Antiquités, Tome I h
F L E <?7î
amoureux A'JËa, fa propre fille , 8e la pourfui*
yanc à travers les champs, il 1 enveloppa de fes
ondes. Les indiens font encore plus emphatiques
dans leurs origines : ils difoient > félon Berofe.
que le Gange étoit un géant qui avoir dix coudées
de haut, Se qui, par fes vertus, avoit mérité d etre
roi de l'Inde- ( M . Rabaud de St. Etienne. ) »
Comment les anciens repréfentoient - ils les
fleuves ? Nous connoiffors la nature & le cours
des fleuves ,- dit Elien , ■ cependant parmi ceux
qui leur rendent un culte , &t qui leur contactent
des ftatues, lès uns les-repréfentent fous la figuré
d'un homme, les autres fous celle d un^ boeuf.
C'eft de cette d,eimère manière , .ajoute l'auteur,
que les ftymphaliens figurent 1 Èrcfme St la Métope
,- les lacédémoniens l'Eurotas ,- les ficyoniens
& les phlafiens l’Afope , & les argiens le Céphifle.
L'Erimanthe chex les pfophîdiens , a la figure
d’un homme , ainfi que YAiphée chez leshereens
& les cherronéfiens de Cnide. Les athéniens re-
préfentent suffi le Céphifle fous la forme d un
homme, mais avec des cornes.
D ’après le paffage d'ÉIien, il y avoit donc au
moins deux, manières de repréfenter les fleuves.
Les auteurs & le s monumens font d'accord fut
la première , dont voici quelques détails. On les
voit ordinairement à moitié couchés, le coude
appuyé fut une urne, avec des cheveux ondes,
8c la tête couronnée de rofeaux , quelquefois ils
en tiennent un à la main; c’eft ainfi que fe présentent
le Danube 8c le Rhin au revers de deux
médailles de Trajan ; c’eft ainfi que Virgile dépeint
le Tibre j 8c Ovide riche tous. A c e coftumb
général Se qui convenoit à tous les fleuves, on
joignoit fouvent certains attributs qui fervoient à
les défigner. Ainfi, par exemple, l’Hippopotame,
ou l’Ibis, indique le N ié ; en ne peut mécon-
noître le Tibre au fymbole de la louve allaitant
deux e_nfans. D ’autres fleuves étoient encore dé-
fignés par les plantes qui croiffoient fur leurs
bords i à. la plante d’Ache , on reconnoiffoit
: VHimère en Sicile, ou le Sélinus en Troade.
Enfin j fous quelques-uns leur nom eft écrit.
j Quant à l’autre manière de repréfenter les fleu-
’ ves , les auteurs n’en parlent pas auflî clairement
I que de la première. Lorfqu’Etieo nous dit que
: certains peuples les figuraient comme des boeufs;
> lorfque nous lifpns dans Strabou, qu'on leur
donnoït quelquefois une tête de taureau; enfin,
quand les” auteurs donnent aux fleuves des épithètes
relatives aux cornes qu'on leur fuppofoit,
cela veut-il dire, ou qu'ils étoient to u t -à - fa i t
repréfentés fous la forme de boeufs, ou qu'ils'
confervoient une tête humaine fous le corps entier
de cet animal, ou qu’ils avoient une tête d'homme
8c des cornes de taureau : Mais fi on les eut repréfentés
fous la forme de boeufs., à quoi «uroib
Q q q q