
tenoit lieu de tilleul. Aufli dans leur langage,
le nom de livre, boo\i fe confond-il avec celui
du hêtre»*
« Un écrivain du N ord a pris un fentiment entièrement
oppofé à celui de l’illuftre italien que nous
réfutons. Il prétend nous mettre fousjes.yeux la manière
de fabriquer le papier d’écorce d’ arbre. Elle fe
réduit à celle dont on faifoit le papier d’Egypte.
Selon lui, les anciens tiroient du tilleul planeurs
pellicules avec le fer , ils les arrangeoient à
contre fens les unes fur les autres, & les unif-
foient enfemble avec de la colle».
« Nous n’infifterons pas fur la preuve que
le P, de Montfaucon a cru pouvoir tirer, en
faveur du papier d’écorce d’arbre, de l’étymologie
des termes %*pTeti, ^u^o^eipnee, !
employés parle feholiafte des Bafiliques. En effet,
Euftathe applique au papier d’Egypte,
& du Cange prouve par plus d’une autorité,
qu’on a pris ce terme pour du papier de coton ».
« Montrer du papier d’ écorce d’arbre actuellement
exittant, ce feroit fans doute la preuve
la plus décifive qu’on eh auroit fait. Mais nous
ne pouvons en di(convenir 3 la plupart des anciens
papiers, qu’on donne pour être à?écorce
d’ arbre, font réellement de papier d’Egypte. Sans
nous arrêter aux auteurs qui ont confondu ces
papiers, ceux même qui font attentifs à en faire
la diftinétion, n’ont pas laifTé de prèndre l’un
pour l’autre. Si D . Mabillon a bien faifi le fens
de Lambécius , le favant abbé de God'wic non
plus que D. Légipont ne font pas exempts de
cette méprife. Ils attribuent la qualité & la nature
de papUr d'écorce d’arbre à une charte de
pleine fecurité, gardée à Vienne en Autriche,
repréfentée au naturel fur l’original par Lambécius
dans fa bibliothèque impériale , & d’après
lu i, par D. Mabillon, dans fa Diplomatique.
L e dernier auteur interprête ces mots de Lambécius,
ex cortice arboris , du papier d’Egypte ,
ajoutant que c’ eft une éfpèce d'écorce. Il ne de-
voit donc pas entendre autre chôfe ; quand Brif-
fon , publiant une- autre charte de pleine fécu-
jité , d’après l’autographe, confervée dans la
bibliothèque du roi, ufe de ces termes : ex cor-*
ticeo régie, bibiiothece. archetypo. En effet, cette
dernière pièce, longue de fept pieds, dont
l'écriture eft figurée,. & le texte publié dans
le fupplément de la Diplomatique, n’eft certainement
pas de papier d1 écorce, mais de papier
d ’Egypte ».
« Cette confufion de langage Iaiffe un fujet
légitime de douter, fi l’on ne doit pas tenir pour
papier d’Egypte, tout ancien monument, annoncé
feus le nom de papier d’écorce y à moins
vqu’il ne foit marqué par des caractères propres
& diftinCtifs. « T e l eft, au jugement de D.Bernard
» de Montfaucon , un grand rouleau du fénateur
» Antonio Capello, à Venife , qui contient un
» aéte juridique, fait, il y a enviroji 8co ans,
» dans la ville deR iéti, autrefois Réate». Mais
Maffei, qui depuis a fait l’acquifition de ce précieux
diplôme * n’a rien remarqué qui le diftingue
du papier d’Egypte».
« Ange Roccha dit avoir vu dans la bibliothèque
du Vatican plufieurs monumens en papier
d’Egypte. Et tout de fuite il continue de là forte :
j’ai vu aufli une autre pièce enécorce, mais plus
groffière, de façon qu’on y reconnoît parfaitement
Y écorce d’ar,bre : fed rudiorem , atque ita ut arboris
Cor tex ejfe omnino dignofeatur, Elle étoit coii-
fervée avec beaucoup de foin chez Aide Ma-
nuce. Le même auteur déclare avoir vu un livre
dyécorce3 dont les pages étoient fi minces, qu’on
eh auroit pris deux pour une. Elles n’étoient
imprimées que d’un côté en caractères indiens.
C e livre apporté des Indes , fut offert au pape
Sixte V . par le général des Auguftins déchauflés.
Mais ce n’eft pas fur ces fortes de livres d'écorce
que les favans font partagés».
« S’il refte au monde quelque monument de
l’ancien papier d"écorce , c’ell affurément un ma-
nuferit de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés.
Nous y avons obfervé des différences fenfibles
avec les manuferits & les diplômes de la bibliothèque
du roi & des archives de S. Denis. Màl-
à-propos rejetteroit-on ces différences fur la di-
verfité des papiers d’Egypte , dont les uns étoient
plus épais que les autres, ou fur quelque accident
qui auroit collé enfemble plufieurs feuilles du
papier de ce manuferit. i° . Le plus ou moins
d’épaiffeur du papier d’Egypte ne venoit pas de
la multiplicité de fes feuilles, collées les unes
fur les autres > mais de la proportion avec laquelle
les deux qu’on uniffoit enfemble , s éloi-
gnoient du centre de la plante appellée papyrus ,
ou de la quantité plus ou moins grande de colle
qu’on y emploÿoit. 2°. Si l’obfervation de Maffei
eft vraie , le papier d’Egypte n’a rien à craindre
de l’humidité. Ainfi les feuilles ne peuvent d’elles
mêmes fe coller enfemble. Celles du manuferit
de Saint-Germain font trop égales &fem-
blables entr’ elïes, pour qu’on pu ffe foupçonner
qu’ elles auroieht été collées les unes contre les
autres par pur actident. On ne peut pas même
le dire du dernier feuillet, qui pàroît être double
dès autres. 40. Le papier d’Egypte , quoique très-
mince, a de la folidité & de la confifiance. Le
papier d'écorce, quoique plus épais, fe rompt
aifément, & s’en va par pièces ou pellicules ,
qui, détachées de la fuperfîcié du papier, font
évanouir l’écriture. Voilà en quel état fe trouvent
les cinq feuillets du manuferit que nous décrivons.
j ° . Ils font non-feulement plus épais, & compofés
de plus de tuniques que ceux du papier d’Egypte,
ils paroiffent encore plus greffiers. Or ceft-la ,
félon les favans , un caractère particulier au papier
èé écorce. Du refte, à l’égard de ce manuferit
Singulier, nous ne faifons que fouferire au jugement
des antiquaires. Tous l’ont' cru de papier
d'écorce. Nous en exceptons néanmoins D. Mabillon.
Quand il compofa fa Diplomatique, il
ne le rangea qu’au nombre des manuferits en ,
papier d’Egypte. Peut-être en penfa-t il autremeht
dans la fuite. Mftis D. de Montfaucon ^ qui avoit
approfondi la matière , foutient, fans héfiter,
que c’ eft du papier d'écorce d’arbre».
» C ’e ft, fans doute , au fujet de ce manuferit
que Thomas Dempfter s’explique avec les fenti-
mens de la plus vive admiration, §c qu’il rend
témoignage aux livres d'écorce d’arbre actuellement
exiftans dans les bibliothèques ».
. « Dempfter ajoute, qu'il a vu des fragmens
d’Hérodote & de Polybe fur du papier d'écorce 3
mais ce n’eft pas à Saint-Germain-des-Prés. Le
feul manuferit en écorce qu’on y pofsède, au moins
depuis plus d’ un demi-fiècle, ne renferme pas un.
feul mot grec. On pouvoir, à la vérité , lui
faire dire tout ce qu’on vouloit, après que les
Mabillon & les Montfaucon n’avoient ofé entreprendre
d’en rien déchifrer , bien loin d’en dneffer
une notice exaCte- Sans nous croire ni aufli habiles,
ni plus heureux; nous allons en donner
line connoiffance fuffifante, pour ne laiffer déformais
à perfqnne la liberté d’y fuppofer desécritures
qui n’y feroient point en effet. Les preuves
morales que nous avons données de l’exiftence
réelle du papier dé écorce , fondé fur ce manuferit,
feront , au moins par rapport à nous, appuyées
de preuves phyfiques, réfultantes de l’Anatomie
exaCte que nous en avons faite ».
« Des cinq feuillets', dont il eft compofé,
deux étoient jufqu’ ici adhérens à la couverture
de parchemin, & les trois autres encadrés dans
des bandes de la même matière. Ainfi huit pages
feulement paroiffoient à découvert. La reliure,
& peut-être même la réunion de ces feuillets ,
eft affez moderne. Il ne fe trouve jamais moins
de quatre couches dans chaque feuillet, fi ce
n’eft qu’ elles aient été enlevées exprès ou par
accident. On en compte dans quelques-uns un
plus .grand nombre ».
« A peine peut-on remarquer de légers vefti-
ges d’ écriture fur certains feuillets; & l’on ne
fauroit prefque en diftinguer les lettres, fans les
mouiller. Plufieurs membranes , dont ces feuillets
font compofés , cachent des lettres, qu'on ne peut
appercevoir qu’en détachant quelqu'une de ces
pellicules. Alors diverfes fortes d'écritures fe
manifeftent, même d'une ligne à l’autre. L ’une
eft fur une couche, l'autre fur une autre. Celle ci
appartient à récriture romaine courante, celle-là
eft en écriture romaine, demi:onciale pour la
grandeur, minufcule pour la forme, & pour le
contour tirant fur l’écriture courante. Il y a des
pages où l’on trouve des lignes difpofées en des
fens contraires. L ’âge de diverfes fortes d'écritures
paraît quelquefois éloigné de plus d’un
fiècle. On diroit que fur des feuilles anciennement
écrites, mais dont les lettres s'étoient
confondues, ou avoient été effacées, on auroit
appliqué des couches blanches , pour les faire
fervir à de nouvelles écritures. O r , fi les pins
recentes font du VI. ou VII. fiècle au plus tard ,
( ce qu’on peut démontrer par le caractère même )
de quelle antiquité ne doivent pas être les autres?
»
« Tout le manuferit eft en lettres &r en langue
latines. Nous ne doutons pas qu’il ne renferme
des aCtes publics, C'eft peut-être même une portion
des regiftres municipaux de quelque cité.
Nous- croyons y avoir obfervé des dates de calen
d e s , de nones, d’ides & de confuls. Nous
y avon$'lu fort, diftjn&ement, au bas de la cinquième
page, XIIII kalendas maias. Il eft vrai
' que kalendas çft abrégé , ainfi que le mot confu-
libus en d’autres endroits 3 mais ce font des a b r é viations
ordinaires à ces termes. Nous n’avons
pu lire nulle part le nom même des confuls , fi
ce n'eft celui de Théodofe, encore paroit-il d’une
main poftérieure à la plupart des écritures , quoique
vraifemblablement du temps de cet empereur,
& du V . fiècle. C e qui confirme que notre
manuferit a fait partie des regiftres publics, ou ,
pour le moins, qu’il renferme des aéles qu’on
y avoit inférés , c’eft qu’il y eft fait une mention
fréquente de teftamens , d'a&es, de chartes ,
d’enrégiftremens, de procureurs chargés de les
demander, defignatures, de peine du quadruple,
de prife de polteffion , & c . Tels font les principaux
traits des pages 6 , 7 , 8 , &c. Peu s’en
‘ faut que nous n’y ajoutions la page 5. On y
parle en fécondé perfonne 3 & fi ce n’eft pas un
a<fte en forme d’épître, il eft difficile de n'y pas
reconnoïtre une lettre. Quoi qu’ ii en foit, ces
pages, & les 1. & 9. (ont celles où l’on dé-
chifre plus de mots.'Nous y en lifons quelquefois
deux ou trois de fuite. Mais , à l’exception de
la 9 'page, & à plufieurs égards de la 8 , les
lacunes qui furvierçnent fans ceffe , ôtént la connoiffance
du fujet précis qu’on y traite ».
ce A juger de ce manuferit par fon écriture
extérieure la plus ordinaire, il ne fauroit être
plus récent que le 7 V I . fiècle. Le peu de latin
qu’on y déchifre, femble devoir le faire remonter
encore plus haut. Rien ne s’ v écarte de la
> pureté du ftÿle, ni d'une bonne orthographe ,
. excepté ceftaiaes lettres fur leNfqunenlle sij on varia