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fe convaincra que l'école romaine approche beaucoup
du beau ltyle des grecs, par l’aifance &
par le ton gracieux qu’elle a donnés à Tes figures.
Winckelmann rapporte enfuite les preuves par
des monumens, qui démontrent que le fécond ftyle
étrufqut eft forcé & maniéré : i° . il dit que le Mercure
barbu de la villa Borghèfe , eft mufclé
comme un Hercule : 2°. que dans les figures qui
repréfentent Tydée & Pelée, les clavicules du
c o l, les côtés , les cartilages du coude & des
genoux, lès articulations des mains & les chevilles
des pieds, font indiqués avec autant de
Taillant & de force que les gros os des bras
& des jambes : toutes les figures fouffrent une
contraction également violente dans les muf-
cles, malgré T âge , le fexe , & c . L'attitude forcée
fe montre fur l'autel rond du capitole; les pieds
des dieux, placés en face, font ferrés parallèlement
j les pieds de ceux qui font deflïnés • de
profil, font en ligne droite , l'un derrière l'autre j
les mains font mal deflîrfées & contraintes ; quand
une figure tient quelque chofe avec les deux
premiers doigts , les autres doigts fe dreffent durement
en avant : les têtes font deffinées d'après
la nature la plus commune.
Troifième ftyle des étrufques , ou ftyle d'imitation.
Pour diftinguer avec le plus grand détail,
dans les figures* des étrufques , le troifième ftyle ,
c'eft-à-dire, ce qui a été copié ou imité des
belles figures du troifième ftyle des grecs, il
faudrait faire un traité en particulier. Winckelmann
fe borne à dire qu'il fuffit de citer pour
troifième ftyle des étrufques, c'eft-à-dire, pour
ftyle d'imitation des grecs , les trois flatues de
bronze étrufques, qui font dans la galerie de Florence,
& les quatre urnes d'albâtre de Volla-
terra, qui font dans la villa Albani, &c.
Notre auteur termine cette fécondé feétion,
en faifant quelques obfervations particulières fur
la draperie étrufque : il dit que le manteau des
figures en marbre n'eft point jetté librement}
mais il eft ferré & toujours rangé en plis parallèles,
qui tombent à plomb, ou qui s'étendent à travers
la figure qui le porte.
Les manches des vêtemens de femmes, c'eft-à-
dire , les tuniques ou les vêtemens de deffous,
font quelquefois très - finement plilfées, comme
celles des rochets des’prêtres italiens , ou comme
le papier de nos lanternes qui font rondes &
pliantes,
Les cheveux de la plupart des figures, tant
d’hommes que de femmes, font, comme nous
l'avons dit * partagés, de manière que ceux qui
defcendent du fornmet de la tête , font noués
par derrière : les autres tombent par treffes en
devant fur les épaules, fuivant la coutume antique
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de plufieurs nations j telles que les égyptiens, les
grecs, &c.
Comme la troifième feOtion de Winckelmann
traite uniquement de l'art parmi les nations limitrophes
des étrufques , tels que les famnites ,
les volfques & les campaniens, nous renvoyons
le IeCteur aux articles particuliers de cet ouvrage
qui concernent ces mêmes peuples.
Nous devons feulement obferver que notre au-«
teur nous apprend dans cette feéïioh , i° . que les
étrufques fubjuguèrent dans- un temps toute l'Italie
, & fur-tout la Campanie ; z°. que les beaux
vafes antiques étrufques étoient ceux d'Arezzo ;
3°. que le royaume de Naples, la Campanie,
& fur-tout N o ie , ont fourni abondamment des
vafes étrufques à' la plupart des cabinets : il ajoute
cependant qu’en bonne règle on devroit tâcher,
s'il étoit poflible , de diftinguer les vafes vraiment
étrufques , des vafes travaillés par les campaniens.
4°. Il ajoute que ces vafes ont depuis un pouce juf-
qu’à la hauteur de trois ou quatre palmes} la
plupart des vafes de Noie ont été trouvés dans
des fépulcres } quelques-uns ont fervi dans Iesfa-
crifices , dans les bains 5 quelques autres ont pu
être la récompenfe ou le prix dans les jeux publics ;
les autres enfin ne fervoient que d'ornement : ce
fait fe démontre en ce qu'ils n'ont jamais eu de
fonds.
Winckelmann ajoute qu'un connoifleur qui fait
juger de l'élégance du deffin, & apprécier les
compofitions des mains de maître, & qui de plus
fait comment on couche les couleurs fur les
ouvrages de terre cuite, trouvera dans les déli-
cateflès & dans le fini de ces vafes, une excellente
preuve de la grande habileté des artiftes
étrufques , qui les ont produits. Il n'eft point de
deflîn plus difficile à exécuter, parce qu'il faut
une promptitude extrême & une jufteffe étonnante
, car l'on ne peut pas corriger les défauts.
Les vafes de terre peints font la merveille de l’art
des anciens. Des têtes & quelquefois des figures
entières, efquifiees d'un trait de plume dans les
premières études de Raphaël, décèlent aux yeux
des connoiffeurs la main d'un grand maître , autant
ou plus que fes tableaux achevés. Les anciens
étrufques connoiffoient, à ce que dit Caylus ,
l'ufage desponfifs, ou deffins piqués, &les deffins
découpés fur une feuille de cuivre.
Winckelmann ajoute que nous avons grand
nombre de pierres gravées , allez de petites figures
étrufques ; mais que nous n'avons pas allez de
grandes ftatues de cette nation pour fervir de fon*
dement à un fyftême raifonne de leur art. Les
étrufques avoient leur carrière de marbre près de
Luna , que nous nommons à préfent Carrara : elle
étoit une de leurs douze villes capitales. Les famnites
, fes volfques & les campaniens n'ayant point
de marbre bleu dans leur pays, furent obligés
de faire leurs vafes en terre cuite ou en bronze ;
les premiers fe font caffés, l'on a fondu les féconds
} c'ell la caufe de la rareté des vafes de
cette nation. Comme le ftyle étrufque refîemble à
l'ancien ftyle grec, le leëteur fera bien de relire
cet article avant que d'examiner l'art chez les
grecs- Notre auteur prouve dans le livre V , ou
il traite de l'art chez les romains , qu'il y a apparence
que dans les temps les plus reculés, les grecs
imitèrent l’art des étrufques 3 qu'ils en adoptèrent
beaucoup de chofes, & en particulier les rites
facrés ,* mais dans les temps poftérieurs, lorfque
l'art fleuriffoit chez les grecs, on peut croire que
les artiftes étrufques , peu nombreux, furent dif-
ciples & .imitateurs des grecs.
Les étrufques peignoient toujours les faunes avec
une queue de cheval, quelquefois avec les pieds
de cheval, d'autres fois avec les pieds humains.
La Tofeane , ç eft-à-dire , le pays particulier
habité pa* les anciens- étrufques 3- a produit abondamment
dans tous les temps de vrais grands
hommes dans tous les genres. On peut, à ce
fujet, confulter les vies-des grands hommes tof-
cans, & les mémoires des différentes1 académies
qui font établies dans la Tofeane. Nous ne devons
:pas oublier dans ce petit recueil d ’anecdotes
, concernant les étrufques, que Plutarque
nous apprend que les tofeans envoyèrent des colonies
, qui formèrent des établiffemens dans les
iflés de Lemnos, d'Imbrosj & fur le p rom on -
Loire de Thenarus, ou ils rendirent de fi,grands
fervices aux fpartiates , dans la guerre qu'ils fou-
tenoient contre les ilotes, que les lacédémoniens
leur accordèrent le droit de bourgeoifie dans leur
v ille: mais.enfuite, fur un foupçon d'infidélité ,
les fpartiates.les firent tous emprifonner. Les femmes
de ces malheureux allèrent les voir dans leurs
bachots, changèrent d'habits avec e u x , & s'exposèrent
tputes à la mort pour fauver leursmâris r
Les tbfcans, en forçant de prifqn , alièrent/fe
mettre à la tête des troupes des ilotes ; mais les
fpartiates, craignant leur reffentiment, leur rendirent
leurs -femmes & leurs biens.
M. Eckel craint avec raifon que l'on n’aie voulu
trop fcrüpuleufement établir des cata61ères diftinc-
tifs entre les premiers ouvrages des grecs & ceux
dès étrufques.} tels ont été-Goïi , Caylus , Winckelmann
& tarit d'autres-, qui fe font efforcé de
diftinguer le ftyle de chaque nation ancienne. Pour
ne parler que des pierres gravées, le véritable
caractère d’un ouvrage étrufque, fs Ion eux' fe
fait coniioîrre aux mouvemens forcés des figurés,
aux mufcles trop prononcés, aux ailes ajoutées 1
à prefque toutes les divinités : dans les draperies,
ce font des plis droits & parallèles, enfin e f t
le grénetis qui fert de bordure , & des lettres ré- 1
putées étrufques, auffi bien que des inflexions des.
mots grecs. Malgré ce caractère, M, Eckel eft |
perfuadé qu'on ne fait pafler que trop fouvent
des ouvrages tout-à-fait gre c s , mais d'un âge
fort reculé, pour des ouvrages étrufques. Si les
favansnommés plus haut, avoient confulté les
médailles les plus anciennes des villes de la grande
Grèce & de S icile, celles de Tarante , de Cro-
tone , de Sybaris, de Caulon, de Syracufe, d'Hi*
niera, de Camarine & d’autres; ils auroient reconnu
(fans doute que ces pièces , tout grecques
qu'elles font, portent cependant les mêmes caractères
que nous venons d’expofer , & qu'ils ont
eu la prévention d'attribuer exclufivement aux productions
.étrufques. Mais ce n'eft pas le feul tort
qu’fisaient fait aux grecs } ils ont encore méconnu
leur langue. Séduits par ces marques diftinOlives ,
ils ont hardiment qualifié d 'e V ^ ^ j les inferip-
tipns. qu’on trouve quelquefois à côté, quoique
'-les mot? en foient évidemment grecs, ainfi que
les lettres, telles qu'on .les voit fur les médailles
déjà citées, fur les tables amycléennes, fur
celle de Sigée & fur tant dlautres monumens de
là plus haute antiquité. Tout récemment encore,
avec quel1 fondement a t-on pu appeller étrufque
une pierre qui repréfente Paris dans un ftyle. grec
très-ancien quand Ton nomn'y eft altéré en rien,
& qu'il s'y trouve écrit en lettres qu'on rencontre
fi fouvent fur les médailles les plus anciennes de
la grande Grèce ? ( Notifie fulle antichita ai Roma
per l ’anno iy s y 3p. 89 ).
On pourrait encore alléguer d’autres exemples ;
mais il fuffira d'obferver qu'en attribuant aux; étruf
ques ce qui appartient effectivement aux grecs ,
on tire très-fouvent de fauffes conclufions pour
Thiftoire de l'art : c'eft ainfi que Winckelmann,
fe fondant fur de femblables monumens , prétend
que ceux des étrufqu&s l'emportent fur les monumens
des grecs. Quant à l'antiquité, ( hift. de
j l’art. JM . Eckel penfe que fans recourir aux étrufques
y il eft bien plus naturel d'attribuer aux grecs
, les monumens dont le ftyle , la langue & les
lettres leur étoient pjropres, ainfi que le prouvent
leurs médailles. Quant à la pierre du cabinet impérial,
décrite par ce favant, fur laquelle on lit
le mot e a i n a , quoiqu'il s'éloigne un peu du
grec EAENH, quoique les formes de toutes les
lettres fe rencontrent dans le plus ancien alphabe t
|grec., il l e _peut bien quelle ait été gravée chez
-une dçs nations indigènes de l'intérieur de l'Italie,
lefquelies, en imitant les grecs, leurs voi-
fins, dans les productions de l'a r t , fe fervoient
de leurs lettres , & ne Iaiffoient pas de faire quelquefois
de petites violences aux mots grecs, pour
les plier à la prononciation de leur langue vulgaire.
Toutefois il ne faudroit pas en conclure
que tous tes monumens de ce genre doivent erre
rapportés exciufivementaux étrufques ; tant d'autres
nations de l'Italie pouvant également les réclamer.
Voye? C i VIT A - Turcfiinq , PATERES,
P i e r r e s gravées.