
on beaucoup d'avancer que ces hymnes étoient
chantés dans les myftères & les • initiation! ?
L'ufage des cérémonies fecrettes avoit e^te apporte
d'Égypte en Occident ; fans doute qu'une partie
des chants facrés avoit la même origine. Ces
conjectures nous font regarder les hymnes du
prétendu Orphée comme une production des
premiers grecs» & une imitation des chants égyptiens.
Cette idée avoit déjà été préfentee par le
favant & le laborieux Jablonski.
Les deux hymnes que nous ayons traduits ci- j
deflus , énoncent clairement l'origine des Eumé- ;
nides. Ils leur donnent pour père Pluçon ( hymn.
in Perfepkon. ) , & Proferpine pour mère. Ils
appellent encore dans un autre endroit cette déefle
mère des Euménides. Cependant aucun poète n'a !
fuivi cette ancienne tradition. Héfiode qui paroit
fi verfé dan$Ja Théologie ancienne, a varie j
( Tkeogon. v. i8y. d its> v. 42. ) fur ce point. ;
Il raconte dans fa Théogonie * que les furies \
naquirent des gouttes de fang répandues par
Coe lu s , lors de fa mutilation ^ & dans fes jours t
il leur donne pour mère la Difpute, Ep<?, pour
former fans doute l'étymologie à’Erynnis. Lyco-
phron ( dans Cajfandre) les dit filles de la N u it ,
tradition qu'il avoit puifée dans Euripide (Her-
cules furens , v. 834* /-» & dans Efchyle (Æfchyl.
Eumenides. ) D'autres aut^prs donnent à la Nuit
un coopérateur ( Servius in V’irgil. ) j & c eft
l'Achéron : Saturne & Evonyme les engendrèrent
, félon Epiménides, poète crétois. Dans
OEdipe à Colone enfin, Sophocle allure que
îesfuries étoient filles de la T erre & des T enèbres ;
& Hygin a fubftitué l'Air aux Ténèbres. Il eft
difficile de prendre un parti dans une fi grande
variété d’opinions.
Le jour de leur naiflance a été fixé plusuna-
nimement chez, les grecs & les romains. Héfiode
( d u v. 59.) défend à l'agriculteur d'entreprendre
quelque ouvrage le. cinquième jour des lunes,
parce qu'il étoit confacré aux .Euménides. Virgile
( Géorgie. I . v . 178. ) qui a imité le vieillard
d'Afcra, explique ainfi fa penfée : »
, lp f a âies alto s .a lto d éd it orditte hm a
„ Fetices operum. Q u 'm tam fu g e ■.‘.p a ll i iu sO r c u s ,
FutnenïdeJque fa i te : tum p a r tit te n u n e fando
„ Coeumqüe , ja p e tum q u e c r é â t, fæ v um q u e T y p h oe à ,
„ E t co n jum to s ccelum d ifc in ie r e fr ittr e s „ .
Le nombre cinq, félon Servius, étant confacré à Minerve qui n'avoit point engendré, on avoit
placé au cinquième jour des lunes la naiflance
des êtres ftériles, tels que les géants, les fu r ie s , &c.
On conçoit en effet quelles étoient toujours
vierges, » t i x x fQ im , comme elles font appellées
dans Suidas. De-là naît la difficulté que trouve
Servius à expliquer ce vers de Virgile :
. . . . Ferreique Eumenidum thalami. . . .furia , dit-il,
numqiLam nupferurtt. Apollon , dans Efchyle ( Eu-
menides v. 82. ) , leur reproche cette fterilité
comme un vice 5 il les appelle vierges abominables,.
vieilles filles. Il alfure qu'aucun dieu ,
aucun mortel même, aucun être animé n'avoit
recherché les faveurs des^ Euménides , parce
qu'elles avoient toujours été un objet d horreur
pour les immortels & pour les hommes. Ovide
( Metam. X . ) , & Stace ( Thébaid. 8. ) cependant
les ont traitées-avec-moinVde rigueur. Ils
avouent tous les deux que les.Xons de, la lyre
leur avoient arraché des larmes , lorfque le malheureux
Qgjphée pénétra dans les enfers pour
demander fon époufe à Pluton.
)} T a l\a dicenterri, ne rvojque a d verba riioventem,
, , E xa n g u e s f i c h a n ta n im e s .............. .
................. V id i egomet lla n d a in te r <•a rm ina tk rpe s
„ Eum en id um la c r ym a s , ite rataque p e n fa fo ro rum
Photius aconfervéun fragment de Ménandre,
qui ne s'accorde pas mieux avec l'inflexibilité
qu'on leur fuppofe. Il nous apprend que le coeut
de Tifiphone ne fut pas à l'abri des traits de
l'amour. Ayant vu dans fes courfes le. jeune
Cythéron tndormi auprès du mont Altère, cette
Furie en devint amoureufé. Elle lui déclara fa
paillon , mais fans fuccès. Irritée d'un refus'aufli
humiliant, Tiflphone détacha un ferpent de fa
chevelure , & le jetta à la tête de l'infortuné
Cythéron. C e reptile s'entortilla au cou de la.
vittime, & l'étrangla. Les dieux n'approuvèrènt
pas la 'vehgeânce de la Furie ; mais iis ne reffuf-
citèrent pas Cythéron. Us fe contentèrent de don-
; ner fon nom à la montagne voifinc.
! « Ménandre, ajoute froidement ljabbé Banier
» ( Mém. acadt infeript. I V . Frotte. } auroit pu
■ ,, épargner aux dieux les frais de cette nàeta-
» morphofe, puîfque la vue feule de Tifiphone
» auroit fuffi pour pétrifier l'homme le- plus paf-
» fionné».
Tifiphone reffentit feule lé pouvoir de Pamour,
quoiqu'elle eût plufieurs foeurs. On en compte
ordinairement trois, Tifiphone, Aleélon, Mé-*
gère. Les hymnes d'Orphée n’en reconnoiflent
pas un plus grand nombre, & ils ont été fuivis
en cela par tous les écrivains. Sophocle feul
( Hercules furens ) en nomme une quatrième. C'eft
Xvcrrit} qui fignifie rage /ou colère. Cette licence
poétique ne peut être juftifiée que par les privilèges
des allégoriftes. Platon ( D e ferâ numinis
vindiétâ ) a befoin d'une fëmblable juftification ^
lorfqu'il réduit les trois furies à une feule, Adraftia,
fille de Jupiter & de la Néceflité. Il dohtie a
elle feule le pouvoir de peurfuivre Ôc de raffembler
lès aines errantes & vagabondes, & de les entraîner:
dans les fombres priions du Tartare. Adraftia ,
n'écoit cependant qu'un furnom donné à Néméus,
après la conllruétion du temple élevé par Adrafte
à cette redoutable divinité. Quelques auteurs
enfin en petit nombre n'en ont compte que deux ,
à caufe des deux 11 a tue s d'Euménides, qu avoit
fait à Athènes le célèbre Scopas. Elles etoient
d’une pierre tranfparente , appellée M?cvlT^s >
qui eft legypfe demi-tranfparent, ou X alab a fr ite s
des romains.
La première place* eft toujours accordée a T i fiphone,
peut-être à caufe de l’étymologie du
nom qu'elle porte : T'uns & «pow, ultio c&dis.
On la croyoit ptépofée en particulier à la punition
des meurtriers, dont le crime a toujours
été regardé comme le plus grand de ceux que
les hommes commettent. Lorfqu'Euripide( Iphig.
in Taur. v. 963.) parle de l'aînée âesfuries3 un commentateur
l'entend de Tifiphone. Servius (Æneid.
6. 60 f. ) a expliqué de même le vers de Virgile ,
où elle eft appellée furiarum maxima. Fulgence
le mythologue ( Mythol. lib. 1. furia. ) a rapporte
une autre étymologie du nom de Tifiphone,
quafi tistcûv (porj } id efi i f arum yox. Des explications
aufli malheureufes font très-propres à éteindre
le goût pour les recherches étymologiques.
Cet écrivain a fait plus fagement, de rapporter
l'ancienne 'étymologie d'Akclon : a privatif &
Xfiyu 3 quiefeo y ennemie du repos, c'eft en effet
un nom bien expreflif pour unq furie. Mais nous
doutons qu'il ait été aufli heureux pour celui de
Mégère , quafi y.iyct,Ay ifts 3 id eft 3 magna con-
tentio : voici la liaifon extraordinaire qu'il donne
à ces trois racines : primum eft ergd non paufando
furiam concipere y fecundum eft , in vocem erumpere y
tertio 3 jurgium protelare. ■
Avec plus de retenue que Ftilgence , nous !
aurons de la peine à découvrir pourquoi Orphée
& Fauteur des Argonautes ont appelle Mégère ,
A7ecy déeflê, ou divine} quoique fes foeùrs puifent
revendiquer ce titre avec le même droit. C e n ’eft
fans doute qu’une fimple épithète, & Fon per-
droit à y chercher un fens propre , un temps
que des recherches plus importantes doivent,
remplir.
Le nom d'Epmûs 3 furiofa , eft le plus ancien
qu'aient porté lès f u r i e s il fut changé en celui’
d'Ei'iptvlfos par les a th é n * s , lorfque ces divinités
eurent pardonné au malheureux Orefte. Eo^sveT?,
bienveillant, propice, exprima la reconnoiflance
des athéniens, ( Suidas. ) Mais les grammairiens
ont trouvé cette origine trop fimple, & ont eu
recours à l'antiphrafe , figüre qui ne peut être
d-ufage que dans.le farçafme, ou dans l'ironie.
L'euphémifme qu'ils ont encore appliqué au mot
& Euménides y n'eft pas mieux employé. On cher-
choit, difoient-ils, à fe les rendre propices en les
Antiquités, Tome I I ,
appellant divinités douces & bienfaifantes. Le
changement de nom fait par les athéniens, apres
l'expiation du meurtre de Clytemneftre, n’oftroit-
it pas une étymologie fimple & naturelle ? Ces
deux qualités ne devroient-elles pas fixer les éty-
mologiftes, fi leur fcience vaine & futile me-
ritoit d’avoir des principes!' Au refte, quelque
redoutable que fût le nom d Euménides, il a
fourni un* jeu de mots au poète Aufowe lur la
mort d’Hylas. ( Epigram. 93. )
,, Afpice quam blandce necïs ambitione fruatur,
. ,, Lethifera experiens gqudia pulcher Hylas.
y r O feula & infeftos inter moriturus amores ,
,, Ancipites patitur Naiadas Eumenidas.
Plus refpe&ueux, les athéniens ( Suidas. ) n'o-
:■ foient encore prononcer ce nom , malgré l’euphé-
. mifme prétendu qui l'avoit fait naître ^ ils donnèrent
aux furies nom de déeflfes feveres ou
vénérables, Philémon , auteur comique ,
a cru que ce nom cônyenoit à d’autres divinités,
mais fans aucun fondement, & il n'a été fuivi de
perfonne. Ariftophane.(jfttfrt*, v. 471. ) les appelle
les chiens. du Cocyte3 Sophocle, les chiens inéyi-
tablesiEledra3 v . 1405.) , & Apollonius , les chiens
r de Jupiter. ( Argonaut.) Ce mot àt.chiens étoit
générique chez les grecs , & fervoit à exprimer
tout ce' qui étoit redoutable. Lucain, à leur exemple,
l'a employé dans le même fens , en parlant
des Euménides : Stygiafque canes in lu.ee fupernâ
, deftituam. Servius ( Æneid. lib. I I I . de harpiis-)
\ dit à ce fiije t, que' ces divinités vengereffes
portoient des noms différens, félon les diverfes
contrées qui étoient fouroifes à leur puiflfance.
On les- appelloit dans Fair dira & av e s j harpie
fur la terre, 8c dans les enfers canes & 'furia.
Quelques grammairiens font venir ce dernier nom
du- mot furv&y qui-défigne les couleurs fombres
avec lefquelles on les peignoir ordinairement. ,
N'ofant pas articuler le nom des fu r ie s , les
gréés y fuppléoient, comme nous l'avons vu, par
des épithètes honorables, ou relatives à leur
culte & à leur forme. Tantôt on les appelloit
, oiovot^, abftèmes, parce que le vin étoit proferit
de leurs facrifices : ( Sôphocl. Elettr. Euripid,
Oreft. ) TFo^oTTisç , woAo%etp , multiped.es , multi-
manus , ’^]£p»<popo/3 Kuaiuvis , alas geftantes , coq-
ruleo a fp ? élu y à -çaufe des traits fous lefquels 011
les repréfentoit :. tantôt enfin nMêioTroivesy
©v/xoÇapos y malefuad&, fontes punientes , animum
y or ante s, 3 & %ct\x.o‘yo<)'ts 3 &reis pedibus , parce
que,telles étoient leurs redoutables fonctions, &
que la le-nteur avec laquelle la juftice divine punit
les coupables, lui a fait fuppofer de,s pieds d airain.
Les anciens grecs ne donnoient pas aux furies
une forme aufli hideufe, Paufanias ( Atticd ) en
eft témoin, H nous afiure que les ftatues des
X x xx