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la rudeffe & la longueur du poil, nous paroîffent
donc être les caraftères de la race primitive : or ,
ces caractères conviennent au chien que l’on appelle
chien de berger , plus qu’à aucun autre.
On peut donc préfumer avec vraifemblance que
le chien de berger eft de tous les chiens celui qui
approche le plus de la race primitive , puifque
dans tous les pays habités par des hommes fau-
vages , ou même par des hommes à demi civi-
lifés , lés chiens reffemblçnt à cette forte de chien
plus qu’à aucun autre ; que dans le continent
entier du nouveau mondé, il n’y en avoit pas
d’autres ; qu’on les retrouve feuls de même au
nord & au midi de notre continent , & qu’en
France,ou on les appelle communément chiens
de Brie , & dans les autres climats tempérés, ils
font encore en grand nombre, quoiqu’on fe (bit
beaucoup plus occupé à faire naître ou k multiplier
les autres races qui ont plus d’agrément
qu’à conferver celle-ci qui n’a que de luti-Iité &
qu’on a par cette raifon dédaignée & abandonnée
,àux payfans chargés du foin des troupeaux.
Si l’on confidère aufli que ce chien. , malgré
-fa laideur & fon air trifte & fauvage, eft f cependant
fupérieur par l’inftinâ à tous les autres
chiens, qu’il a un caraâère décidé auquel l’éducation
n’.à point de part 5 qu’il eft le feul qui
naiffe , pour ainfi dire , tout élevé , & que guidé
par le feul naturel, il s’attache de lui-même à la
garde des troupeaux avec une affiduité, une vi-
igilance, une fidélité fingulière, qu’il les conduit
avec Une intelligence admirable & non communiquée
, que fes t^lens font l’étonnement- & le
repos de fon maître , tandis qu’il faut au contraire
beaucoup .de tèmps & de peines pour
inftruire les autres chiens on fe confirmera dans
l’opinion que ce chien eft le vrai chien de la
nature, celui qu’elle noüs a jàonrié pour la plus
grande utilité ,' celui enfin qü’ori doit regarder
comme là fouche & le modèle de Tefpèce entière.
Voici donc l’ordre fuivant lequel nbüs croyons
devoir ranger les différentes races dé chiens.
Le chien de berger, fouche de toutes les autres.
-Ce chien transporté dans les climats rigoureux:
du Nord, s’eft enlaidi & rapetiffé chez les Lappons,
& paroît s’être maintenu & même perfectionné
en Irlande , en Rulfie , en Sibérie, ou le climat
eft .moins rigoureux &L les hommes un peu plus
civilifés. Ainfi , le chien loup , le chien de §ibérïe ,
celui de Lapponie, du Canada , & même celui
des Hottentots, &c. ne font qu’un même chien
avec le chien de berger. Ils n’en diffèrent en
effet que par la taille, & parce qu’ils font plus
ou moins étoffés, que leur poil eft plus ou m'oins
rude, plus ou moins long / & plus ou moins
fourni ; mais ils ont tous les oreilles droites , le
poil épais & long , l’air fauvage', & ils n’aboient
pas àüfii fréquemment ni de là même manière
que ceux qui, dans des climats plus favorables ,
ie font perfectionnés davantage. Lq çhicri çïIfc
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lande eft le feul qui n’ait pas les oreilles entièrement
droites, elles font un peu pliées par leur
extrémité.
Le même chien de berger tranfporté dans des
climats tempérés & chez des peuples entièrement
policés, comme en France, en Angleterre, en Allemagne
, aura perdu fes oreilles droites, fon air fauvage
, fon poil rude, épais &. long, & fera devenu
dogue, chien'courant, & mâtinés la feule influence
de ces climats. Le mâtin & le dogue ont encore les
oreilles en partie droites -, elles ne font qu’à
demi pendantes ,~ & ils reffemblent allez par leurs
moeurs & leur naturel fanguinaire, au chien duquel
ils tirent leur origine. Le chien courant eft celui
des trois qui s’en éloigne le plus par fes oreilles
longues & entièrement pendantes, par fa douceur ,
fa docilité & même par fa timidité.
Le chien courant 3 le braque ou chien couchant ,
le baffet, ne font qu’une même race ; car , on 1 trouve fouvent dans une même portée, des chiens
courans , des braques & des baffets , quoique
la lice n’ait été couverte que par un de ces trois
chiens. On peut encore comprendre dans cette
race , Y épagneul & le barbet ; tous ces chiens ont
à-peu-près -la même forme & le même inftinéî: ;
ils ne diffèrent entr’eux que par la hauteur des
jambes & par l’ampleur des oreilles qui, dans
tous , font cependant longues, molles & pendantes,
& ils ont tous le mufeau gros. Le chien
courant , le braque & le baffet, paroiffent être
originaires de l’Angleterre , de la France & de
l’Allemagne , ôc. ils dégénèrent quand on les trani-
porte dans des climats plus chauds , comme en
Turquie & en Perfe ; mais l’épagneul 8ç le
barbet font originaires d’Efpagne & de Barbarie ,
ou la température du climat fait que le poil de
tous les animaux eft plus long, plus foïeux &
plus fin que dans tout autre pays.
Le grand épagneul a le poil liffe & de moyenne
' longueur, les oreilles longues & garnies de belles
foies, de même que la culotte oc le derrière des
pattes ; la tête eft marquée fymmétriquement,
c’eft-à-dire, que le mufeau & le milieu du front
font blancs, & le refte de la tête d’une autre
couleur.
Le petit épagneul a le nez plus court que le
grarid, 4 proportion de la groffeur du corps ; les
yeux font gros & à fleur de tête , & la cravate
eft garniê de foies blanches. C’eft de tous, les
chiens celui qui a la plus belle tête' ; plus il a
les foies ties: oreilles & de la queue longues &
douces plus il eft eftimé. Il eft fidèle & ca-
reffant '; les épagneuls noirs & blancs font ordinairement
marques de feu fur les yeux.
VépUgheül voir' où gredin , eft tout noir &
à-peu-près de'mêmç fervice que l’autre épagneul,
mais il eft beaucoup moins docile.
Le grand barbet', a le poil long , cotonneux
& frilé ; les oreilles charnues & 'couvertes d’un
J poil moins fpfé & plus long que celui du refte
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du corps: il a la tête ronde, les yeux beaux,
le mufeau court & le corps trapu. Les barbets
font ordinairement très-ailés à dreffer : ils vont
à l’eau ; on leur coupe le bout de la queue & on les
tond fymmétriquement pour les rendre plus beaux
& plus propres ; & à cet égard, ce font de tous lés
chiens ceux qui demandent le plus de foin.
Le petit barbet reffemble au grand , mais on
ne le dreffe pas ; il ne va pas à l’eau ; il eft
très-attaché à fon maître. Les barbets , en général,
font les plus affeétionnés de tous les chiens ; On a
des exemples furprenanS de leur fidélité & de
leur inftinéti
Le limier eft plus fort que le braque ; il a la
tête plus groffe , les oreilles plus épaiffes, & la
queue courte ; c’eft le chien favori du vêneur,
& qui lui fert à quêter & à lancer la bête. Voyez
L im i e r .
Le braque de Bengale ne diffère du braque
commun que par fa robe qui eft mouchetée. Le
baffet dJambes torfes ne fait pas non plus une
race differente du baffet à jambes droites, parce
que ce défaut dans les jambes vient originairement
d’une maladie femblableau rachitis dont quelques
individus ont été attaqués , & dont ils ont
tranfmis le réfultat, qui eft la déformation des
os, à leurs defcendans.
Le grand & le petit épagneul qui ne diffèrent
que par la taille, tranfportés en Angleterre , ont
changé du blanc au noir, & font devenus grand
& petit gredin. Le pyrarne n’eft qu’un gredin noir
comme les autres , mais marqué de feu aux quatre
pattes, aux yeux & au mufeau.
Le mâtin , tranfporté au Nord, eft devenu grand
danois, & tranfporté au Midi, eft devenu lévrier ;
car, le grand danois n’eft qu’un mâtin plus
fourni, plus étoffé ; le lévrier, un mâtin plus
effilé , plus délié , & tous deux plus foignés. Les
grands lévriers viennent du Levant , ceux de
taille médiocre d’Italie , & ces lévriers d’Italie,
tranfportés en Angleterre, font devenus devrons ,
c’eft-à-dire, lévriers encore plus petits. C es petits
lévriers ne font recherchés que pour la figure ,
*ar , à peine ont-ils l’inftmél de s’attacher à leur
maître. Entre les grands lévriers, On diftingue :
Le grand lévrier à poil ras , qui eft prefqu’aufli
grand que le grand danois ; il a les os menus , le
dos voûté , le ventre creufé , les pattes lèches ,
,e ™ufeau très-alongé, les oreilles longues &
étroites, couchées fur le cou, lorfqu’il court, &
relevées au moindre bruit.; on le dreffe pour la
chaffe ; il a très-bon oeil, mais il n’a point de
fentiment.
Le grand lévrier a poil long, qui eft un métis
provenu d’un grand lévrier à poil ras & d’une
epagneute de la .grande elpèce : il a les mêmes
qualités a-peu-près que le lévrier à poil ras ,
mais il a un peu plus de fentiment.
tri e. Srand danois tranfporté en Irlande , en
.Ukraine , en Tartarie ,. en Epire, en Albanie,
fiijloire Naturelle, Tom, J,
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eft devenu chien d'Irlande, & c’eft le plus grand
de tous les chiens ; on s’en fert dans, le Nord pour
tirer des charriots. Le grand danois que nous employons
faftueufement & très - abufivement à
courir devant les voitures , que l’on appelle
pour cela danois de carroffe, comme fi ce n’étoit
pas affez des dangers auxquels expofent, dans
une ville immenfe , les roues & les chevaux ,
eft de la hauteur du-dogue d’Angleterre , mais
a le mufeau plus effilé ; il eft ordinairement de
couleur ventre-de-biche, mais il s’en trouve,
aufli de pommelés & de noirs marqués de feu.
Ce font de trèsdxeaux chiens, & dont on pourroit
fe fervir autrement qu’à- l’ufage infôlent auquel’
on les emploie.
Le dogue paroît feul former une variété différente
de toutes lès autres , tant pour la forme
que pour l’inftinéi ; il femble aufli affeéier un
climat particulier; il vient d’Angleterre, & l ’on
a beaucoup de peine à en conferver la race en
France. Ce chien tranfporté d’Angleterre en Dan-
nemarck, eft devenu petit danois ; & ce même
petit danois tranfporté dans des climats chauds
a perdu fon poil & eft devenu chien turc. Le
petit danois eft amufant & facile à inftruire & à
dreffer. Le chien turc paroît avoir perdu avec fon
poil une partie de fon inftinâr ; il eft foible,
timide & toujours tremblotant de froid.
Toutes ces races , avec leurs variétés , n’ont
été produites que'par-l’influence du climat, jointe,
à la douceur de l’abri, à l’effet de la nourriture ,
& aux réfultats d’une éducation foignée. Les autres
chiens ne font pas de raCes pures, &. proviennent
du mélange de ces premières races. Ces races
métives font :
Le lévrier ' métis ôii lévrier à poil de loup, qui
vient du lévrier & du mâtin. Il a le mufeau moins
effilé que le ' franc lévrier , qui eft très-rare en
France.
Le chien de calabre , iffu du grand danois Sc
du grand épagneul : c’eft un beau chien à longs
poils touffus , & plus grand par la taille que les
plus gros mâtins.
Le burgos, iffu de l’épagneul & du baffet.
Le chien-lion , iffu de l’épagneul & du petit
danois. Il eft fort rare : il a de grandes foies liffes ,
& fa queue forme un beau panache.
Le bouffe, iffu du grand épagneul & du barbet.
Il eft de la taille des plus grands barbets , & a
le poil long, fin & frifé.
Le petit barbet, iffu du petit épagneul & du barbet.
Le dogue de forte race, iffu du dogue & du mâtin.
Il eft beaucoup plus gros que le dogue d’Angleterre
, & tient plus du dogue que du mâtin. La
race des dogties d’Angleterre , appellés bouledogues
, donne les plus hardis & les plus vigou*
reux de tous les chiens ; ils ont le mafque noir ,
joufflu , ridé & la tête très-groffe.
Le doguih , iffu du dogue d’Angleterre & du
petit danois.
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