
toifon trois fortes de laines , celle du dos y plus
foncée 8c plus fine, eft la plus eftimée ; enfuite
celle des flancs , qui eft d’une couleur plus claire ;
la moins précieufe eft celle du ventre , qui, néanmoins
eft argentée. On diftingue dans le commerce
ces trois fortes de laine à la différence de leur
qualité & de leur prix.
Lorfqu’on veut chaffer les vigognes , on recherche
leurs pas ou leurs crottes, qui indiquent
les endroits où elles fe tiennent d’habitude ; car
ces animaux ont 1’inftinél d’aller dépofer leur crotin
cans le meme tas. On commence par tendre des
cordes dans les endroits par où elles pourroient
s’échapper; on attache, de diftance en diftance,
à ces cordes , des chiffons d’étoffes ou des plumes
de différentes couleurs ; cet animal eft 11 timide
qu’il n’ofe franchir cette foible barrière.
Les chafleurs font grand bruit, 8c tâchent de
pouffer les vigognes contre quelques rochers quelles
»e puiffent gravir ; l’extrême timidité de cet animal
l’empêche de tourner la tête vers ceux qui
le pourfuivent ; dans cet état il fe laiffe prendre
par les jambes de derrière , & l’on eft. fûr de
n’en pas manquer un ; on a la cruauté de maffa-
crer la troupe entière fur le lieu ; & en cela ,
les chaffeurs n’entendent pas leurs intérêts, puif-
qu’ii feroit aifé de tondre les vigognes, lorfqu’elles
font prifes, 6c de fe ménager une nouvelle laine
pour l’année Suivante.
Ces ch'alTés produifent ordinairement de cinq
cens à mille peaux de vigognes. Quand les chafi*
ieurs ont le malheur de trouver quelqu’alpaca dans
leur battue, leur chaffe eft perdue ; cet animal,
plus hardi, fauve immanquablement les vigognes ;
franchit la corde fans s’effrayer ni s’embarraffer
des chiffons qui flottent, rompt l’enceinte, 8c les
vigognes le fuivent.
Les lamas, les alpacas 8c les vigognes produifent
des bézoards qu’on nomme léopards occidentaux ,
qui font encore plus folides & peut-être .auffi qualifiés
que les orientaux ; mais ces animaux ne
donnent de beaux bézoards qu’autant qu’ils font
dans leur état de liberté. Les meilleurs viennent
ordinairement des vigognes , fur-tout de celles qui
habitent les parties les plus élevées des montagnes ,
~ôc qui paillent habituellement dans les neiges ;
ces bézoards tiennent le premier rang après les
bézoards orientaux ; .& parmi ces vigognes montagnardes
, les femelles comme les mâles, en produifent.
L’intérêt qu’il y auroit de naturafifer en France
i’efpèce de la vigogne, ainfi que celle du lama 8c
de ï’alpaca , a engagé plufieurs Sçavans à examiner
les moyens qu’on pourroit employer pour y réulîir.
L ’objet de cet examen eft allez important pour
que nous croyions- devoir mettre fous les yeux
des leâeürs le fêfüîtat de leurs obfervations.
Si on vouloit fe procurer des vigognes en v ie ,
la véritable route pour amener ces animaux précieux
, feroit de les faire defeendre du Tucuman
par Rio de la Plata 3 jufqu’à Buenos-ayres s où
un bâtiment frété exprès, 8c monté de gens e*3
tendus aux foins délicats qu’exigeroient ces animaux
dans la traverfée, les ameneroient à Cadix,
ou mieux encore, dans quelques uns de nos ports
les plus voifins des Pyrénées ou des Cevennes ,
où il feroit le plus convenable de commencer
l’éducation de ces animaux dans une région de
l’air analogue à celle des Sierras d’où on les- auroit
fait defeendre.
Il faudroit donc obtenir des ordres pour Santa-
Crux de la Sierra, afin qu’on y amenât, des montagnes
du Tucuman, trois ou quatre douzaines
de vigognes femelles, avec une demi-douzaine de
mâles, quelques alpacas & quelques lamas , moitié
mâles, moitié femelles. Le bâtiment feroit difpofé
de manière à les y recevoir 8c à les loger commodément
; pour cela , il faudroit qu’il s’abftînt
de prendre aucune marchandife.èn retour.
Une pareille expédition , dans les termes qu’on
vient de la projetter, ne fçauroit être fort coûteufe*
On trouveroit à Montevideo des Indiens qui
font trente à quarante lieues par jour , qui iroient
à Santa-Crux de la Sierra , 8c qui s’acquitteroieat
fort bien de la commiiîion. Cela feroit d’autant
plus facile, que les vaiffeaux François qui reviennent
de lifte de France ou de l’Inde , peuvent relâcher
à Montevideo , au lieu d’aller à Sainte-Catherine
fur la côte du Bréfil, comme il leur arrive très-
fouvent.
En vain objeâe-t-on que les Efpagnols ont effayé
inutilement de naturaliser chez eux les alpacas 8c
les vigognes”, 8c de les y faire peupler ; que ces
animaux y font tous morts, êc qufil y aurpit à
craindre qu’ils n’éprouvaffent. le même fort en
France ; qu’étant accoutumés dans leurs pays à
une nourriture particulière , à une efpèce de jonc
très-fin , appellé ycho , nos herbes, de pâturages
n’ayant pas les mêmes qualités , ne pourroient
leur convenir ; qü’enfin il feroit à- craindre que
la toifon de la vigogne ne vînt à dégénérer-
On répond à cela qu’il n’eft pas..certain qu’on
ait fait en Efpagne beaucoup d’effais pour y na-
turalifer ces animaux, & moins encore que les
effais aient été faits avec bien de l’intelligence
que ce n’eft point dans une plaine chaude, mais
fur des croupes, de montagnes voifines de la région
des neiges , qu’il faudroit faire retrouver
aux vigognes un climat analogue à leur climat natal.
La facilité . avec laquelle, fe font no.urries les
vigognes privées, que l’on a eues par curiofité à
Lima, mangeant du maïs, du pain. 8c de toutes
fortes d’herbes1 garantit celle qu’on trouveroit à.
faire en grand l’éducation de ces animaux. On
ignore , à la vérité , fi les vigognes privées que
l’on a eues jufqu’ic i, ont produit en domefticité ;
mais il n’y a aucun doute que cet éinimal focial
par inftinéi, foible par nature , & doué, comme
le mouton d’une timidité douce, ne fe plût, en
troupeaux raffemblés , 8c ne fe. propageât' volontiers
dans l?afyle. d’un parc a ou dans, la paix d’uae
étable*.
Ce feroit d’ailleurs moins des vigognes venues
immédiatement du Pérou, que l’on pourroit efpérer
de former des troupeaux, que de leur race née en
Europe; 8c c’eftà obtenir cette race & à la multiplier
qu’il faudroit diriger les premiers foins, qui, fans
doute , devroient être grands 8c continuéls pour
des animaux délicats 8c auffi. dépaïfés.
Quant à l’herbe ycho , il eft difficile de croire
qu’elle ne puiffe pas être remplacée par quelques-
uns de nos.gramens ou de nos joncs ; mais s’il
le falloir ablolument , on pourroit tranfporter
l’herbe ycho elle-même ; il ne feroit probablement
pas plus difficile d’en faire le femis que tout autre
femis d’herbage & il feroit heureux d’acquérir
une nouvelle efpèce de prairie artificielle , avec
une nouvelle efpèce de troupeau.
Et pour la crainte de voir dégénérer la toifon
de la vigogne tranfplantée, elle paroît peu fondée ;
il n’en eft pas de la vigogne comme d’une race
■ domeftique & faétice , peneâionnéè, ou , fi l’on
■ veut, dégénérée , autant qu’elle peut .l’être , telle
-que la chèyre d’Angora , qui, en effet, quand
on la tranfporte hors de la Syrie , perd en peu
de temps fa beauté ; là vigogne eft dans l’état lau-
vage ; elle ne pofsède que ce que lui a donné la
Nature, 8c que la domefticité pourroit, fans doute,
comme dans toute autre efpèce, perfectionner pour
notre ufage.
VISEN , dans la langue des anciens Germains ,
bifon. Voye^ Bison dans l’article Boeuf.
VISON, (le ) animal d’Amérique quireffemble
fi fort à notre fouine par la forme du corps ,
par la longueur de la queue, par la qualité du
poil, par le nombre des dents & des ongles ,
par l’inftinâ: & i e s habitudes naturelles , que nous
nous croyons fondés à le regarder comme une
efpèce très-vôifine de celle de la fouine , fi ce
n’en eft même une variété. Seulement fa fourrure
eft plus belle que celle de la fouine d’Europe,
mais cette différence eft occafionnée par l’influence
du climat de l’Amérique fept.entrionale où il fe
trouve.
L’animal défigné par Sagard Théodat fous le
nom d’ottay, nous paroît être le même que le vifon.
UNAU ( 1’ ) eft une fois plus long que l’aï &
de la même groffeur ; il a le poil long , épais 8c
blanchâtre , 8c il pèfe environ vingt-cinq livres.
Il n’a point de quéue 6c n’a que deux ongles
aux pieds de devant , àu lieu que l’aï a une
queue 8c trois ongles .à tous les pieds. L'unau a
le mufeàü plus long , le front plus élevé , les
oreilles plus apparentes que l’aï : a l’intérieur ,
fes vifeeres font autrement fitués 6c conformés
différemment dans quelques-unes de leurs parties,
mais le car.a&ère le plus diftinâif 6c ven même
temps le plus fingy-lier ,dans cet animal , c’eft
qu’il a un plus grand nombre de côtes , non-
feulement que l’aï , mais même qu’aucun des
autres animaux , en ayant quarante-fix , 8c l’aï
p’en ayant que vingt-huit;
U unau crie rarement y fon cri eft bref 6c né
fe répète jamais deux fois dans le même temps*
Ge cri, quoique plaintif, ne reffemble point à celui
de l’aï. Il paroît s’animer davantage fur le déclin du
jour 6c dans la nuit, 8c en général il eft moins lent,
moins pareffeux que l’aï. Il le jette quelquefois fur les
hommes du haut des arbres , mais d’une- manière
fi lourde , qu’il eft aifé de l’éviter.
« Le Jloth ou pareffeux, dit Dampier , n’eft pas
tout-à-fait fi gros que Tours mangeur de fourmis
( tamanoir ) , ni fi hériffé : il le nourrit de feuilles.
Ces animaux font beaucoup de- mal aux arbres
qu’ils attaquent, 6c ils-font fi lents à fe remuer,
qu’après avoir mangé toutes les feuilles d’un
arbre, ils* emploient cinq ou fix jours à descendre
de celui-là 8c à monter fur un autre,
quelque proche qu’il foit , 6c ils; n’ont que la
peau 6c les os avant d’arriver à ce fécond gîte ,
quoiqu’ils fuffent gras 8c dodus à leur defeente
du premier : ils n’abandonnent jamais un arbre
qu’ils ne l’aient tout mis en pièces , 6c qu’ils ne
l’aient auffi dépouillé qu’il pourroit l’être an
coeur de l’hiver. Il leur faut huit ou neuf minutes
pour avancer un pied à la diftance de trois
pouces, 6c ils ne les remuent que l’un après
l’autre avec la même lenteur ; les coups ne fervent
de rien pour leur faire doubler le pas ; j’en ai
feffé moi-même quelques-uns pour voir fi cela
les animeroit, mais ils paroiffoient infenfib'les , 6conne fauroit les contraindre à marcher plus vite ».
« Le pareffeux, dit Binet, monte fur les arbres,
mais il eft fi long-temps à y monter , qu’on a
tout le loifir de l’y prendre : quand on l’a pris ,
il ne fe défend point 6c ne fonge point à prendre
là fuite ; fi on lui préfe.nte une longue perche,
il fe met auffi-tôt en pofture d’y monter , ce
qu’il fait fi lentement, que cela eft ennuyeux ;
quand il eft au bout, il s’y tient làns fe mettre
en peine d’en defeendre »,.
« Les unaus , ajoute un autre voyageur,1
( Wood Rogers ) $ ont quatre jambes , 6c
néanmoins ils ne s’en ferrent point, fi ce n’eft
pour grimper , 6c quand ils font fur un arbre,
ils ne s’en retirent pas qu’ils n’aient mangé toutes
les Feuilles... Nous plaçâmes cet'animal fur la
plus baffe voile de mifène , -il fut près de -deux
heures à monter fur la hune où un finge auroit
grimpé en moins d’une demi-minute -, vous auriez
dit qu’il alloit par reffort comme une pendule ».
« Perico-ligero , pierrot coureur, dit Gumilla ,
eft le furnom que les Efpagnols lui ont donné,
parce qu’il lui faut une grande journée pour faire
un quart de lieue ».
Néanmoins, il paroît que tout ce que difent
..çes voyageurs fur,1a lenteur exceffive des pareffeux
doit fe rapporter principalement à l’aï : Xiinau
quoique très-pefant 6c d’une allure très - maladroite
, monteroit 6c defeendroit plufieurs fois
en un jour l’arbre le plus élevé. On a vu Y un ait
vivant dans la menagerie de M. le Marquis de
Montmirail ;_ il mangeoit volontiers des feuilles
léndjres ; mais du moment où elles commençoient PPp U if ~ R r i j