
cevoir à la vue Ample. SelonRobertHooke,
il y a peu d’Hommes qui foient en état de
diftinguer un objet qui fe préfente à nous
fous un angle moindre qu’une minute de
degré , quoiqu’il fe trouve des perfonnes
qui ont la vue alfez fine pour appërcevoir
l ’objet, lorfque l’angle dont il s’agit n’eft
que de vingt fécondés. M. Smith prétend
qu’un objet ceffe d’être vilible au deffous
d’un angle de quarante fécondés.
Au relie , lorfque l’objet ell bien éclairé
&C placé au point que M. Haller appelle le
point de lavijion dijlincle, & qui différé félon
les individus , on peut, fuivant cet Auteur,
appercevoir clairement un corps renfermé
dans un angle de trois fécondés & demie, ou
même de deux fécondés & un tiers.
La limite de la vilion diliinfle varie aulîï,
comme l’ obferve M. le Comte de Buffon,
félon la quantité de lumière qui nous environne
; car lorfque celle-ci ell moins con-
fidérable, nous appercevons l’objet à une
plus grande dillance , toutes chofes égales
d’ailleurs, parce que notre vue n’ell point
offufquée par une impreliion étrangère dont
la vivacité nuiroit à la fenfation principale.
On peut évaluer la limite dont nous
parlons à un angle beaucoup moindre encore
que celui de deux fecondes& demie, puifque
nous diftinguons l’or de l’argent fur la coupe
d’un fil d’argent d oré , quoique dans ce cas
l’épaiffeur de l’or ne foit que de
d’une ligne, laquelle fraûion n’égale pas
la millionième partie de la ligne.
Ceux q u i, comme les vieillards, ont la
retine peu fenlible, ontbefoin d’une grande
lumière pour dillinguer les objets. Il n’eft pas
rare de trouver des Hommes qui ne voient
clair que quand le foleil lu it, & qui deviennent
entièrement aveugles à la foible
lueur du crépufcule ou â la clarté d’une
bougie allumée.
Trop d’irritation & de fenfibilité dans la
retine, produit un effet tout contraire. On
cite des perfonnes, qui ayant une inflammation
aux yeux , voyoient plus diftinâe-
tnent pendant la nuit que pendant le jour.
On rapporte de T ib è re , que quand il
s’éveilïoit au milieu des ténèbres , il dif-
tinguoitles objets qui étoient autour de lui.
Plufieurs Hommes célèbres, tels qu’Afclé-
piodore, les deux Scaliger pere & fils, M.
de Mairan, &c. ont joui du même privilège
, & quelques-uns d’entr’eux avoient la
faculté de lire pendant la nuit l’efpace d’un
quart d’heure ou même d’une heure («). *
Sens de l ’ouie.
* L’organe de l ’ouïe concourt avec celui
de la vue à nous mettre en relation- avec
les objets éloignés ; fouvent même l’aûion
de l’ouïe précédé & fait naître celle de la
v u e , lorfqu’à l’occafion du bruit que fait
entendre un ob jet, nous fommes avertis de
tourner vers lui nos regards, & que nous
jugeons du rapport qu’il peut avoir avec
notre bien être, & des motifs que nous
avons de le rechercher ou de le fuir.
Selon M. le Comte de Buffon, de la même
manière que le fens de la vue ne nous donne
aucune idée de la dillance des objets , le
fens de l’ouïe ne nous donne aucune idée
de la dillance des corps qui produifent le
fon. Un grand bruit fort éloigné & un petit
bruit fort voifin produifent la même fenfation
; & à moins qu’on n’ait déterminé la
dillance par les autres fens , on ne fait point
fi ce qu’on a entendu ell en effet un grand
ou un petit bruit.
Toutes les fois qu’on entend un fon in*
connu, on ne peut donc pas juger par ce
fon, de la dillance, non plus que de la
quantité d’aéhon du corps qui le produit ;
mais dès que nous pouvons rapporter ce
fon à une unité connue, c’eft-à-dire, dès
que nous pouvons favoir que ce bruit ell
de telle ou de telle efpece., nous pouvons
juger alors à-peu-près , non feulement de
la dillance, mais de la quantité d’aèlion.
Par exemple , fi l’on entend un coup de
canon ou le fon d’une cloche , comme ces
effets font des bruits qu’on peut comparer
avec des bruits de meme efpece qu’on a
(<z) Extrait principalement de l’Hiftoire.Naturelle générale St particulière de M. le Comte de Buffon,
de la Ehÿfiologie de M. Haller,
autrefois
autrefois entendus , on pourra juger grof-
fiérement de la dillance à laquelle on fe
trouve du canon ou de la cloche , & aulîï
de leur groffeur, c’eft-à-dire de la quantité
d’aâion. '
Tout fon prolongé &C appréciable à
l ’oreille, ell produit par des ofcillations ou
des vibrations qui fe luccèdent dans le corps
fonore , tant que le fon fe fait entendre,
& qui fe tranfmettent à l’organe de l’ouïe
par l’intermède de l’air. Si le fon a un certain
dégré de gravité, les ofcillations peuvent
fe luccéder affez lentement pour être entendues
d’une manière diftinûe les, unes après
les autres , en forte que le fon paroit fe
multiplier. Mais lorfque le fon ell aigu', &C
que les vibrations font fréquentes., elles fe
confondent dans l’oreille, de manière que
nous n’entendons qu’un feul fon continu.
On a effayé de déterminer les limites
entre lefquëlles' fe trouvoient renfermés
tous les fons appréciables, tant au grave
qu’à l’aigu. Selon M. Sauveur, le Ion le
plus grave que l’oreille puiffe apprécier,
eft celui d’un corps qui mit douze ofcillations
& demie en une fécondé ; & le plus
aigu, eft celui q u i, dans le même temps ,
donne fix cens quarante vibrations ; c’efl-à-
dire , que le rapport du fon le plus grave
au plus aigu, eft celui de l’unité à 5 1 1 ,
intervalle qui eft égal à neuf octaves. M.
Euler a renfermé tous les fons .. fenfibles
dans d’autres limites, qui font comme les
nombres 30 & 75 5 1 , ou comme 1 & 250
plus fj-, "intervalle qui renferme un peu
moins de huit délayes.
Quoique nous ayons deux oreilles, nous
n’entendons qu’un feul fon ; ce qui peut
paraître d’autant plus furprenant, que très-
fouventl’une des deux oreilles étant tournée
vers le corps fonore, & l’autre fe trouvant
dans une fituation oppofée, le même fon
les frappe toutes les deux avec des degrés
différens d’intenfité. La raifon la plus ordinaire
que l’on apporte de cette identité de
fenfations, eft que l’ame les confond, parce
qu’elles agiffent, linon avec la même force,
Ivij
du moins de la même manière , & fur des
parties parfaitement égales &c femblables.;
en forte que les deux impreflions font, pour
ainfi dire , à l’uniffon l’une de l’autre.
C ’eft par une raifon femblable , que plufieurs
Auteurs ont expliqué , fans avoir
recours tau miniftère du ta£l , pourquoi
nous voyons les objets Amples au lieu de
les voir doubles , en les regardant avec les
deux yeux.
Beaucoup de perfonnes entendent mieux
d’une oreille que de l ’autre, & ne reçoivent
cependant que l ’impreflion d’un féul fon.
On a attribué â cette inégalité de perceptions
, le défaut de ceux qui n’entonnent
pas jufte les - intervalles des fons de la
mufique , ou de ceux qui ne diftinguent
pas les intonations qui manquent de juf-
teffe, & qui o n t , comme l’on dit, la.voix
fdujfe ou l'oreille faujfe. On voit cependant
des gens qui chantent très -faux , & qui
accordent très-jufte un infiniment de mufique.
Un trop grand bruit fatigue l’oreille, &
va quelquefois jufqu’à rendre fourdes pour
un temps, & même pour toujours' , les
perfonnes qui s’y font expofées. Un jèune
homme qui donnoit une fête , ayant fait
partir à la fois un grand nombre de pétards,
dont ibétoit environné, devint entièrement
fourd pendant plus d’une heure ; au
point qu’il n’entendoit rien d’un concert
que l’on exécutùit'dans 'le rmême endroit.
On n’a point encore déterminé là plus
grande diftançe à: laquelle le.fon fe propa-
geoit. M. Haller, rapporte d’après des perfonnes
dignes de f o i , que, pendant le liège
de Landau , le bruit du canon s’étoit fait
entendre jufqu’à Balle , qui eft éloignée de
-Landau d’environ quarante - huit lieües •;
mais il paraît que la force du feul fon
primitif n’auroit pas été fuffifante à une ii
grande propagation , & qu’elle doit être
attribuée en partie aux foris acceffoires produits
par la réflèûion du fon principal ,
contrôles corps folides qui fe trouvoient
entre lès deux villes:(a).*
(a ) Extrait en grande partie de l’Hiftôire Naturelle générale & particulière de M. le Comte de
Buffon , & de la Phyfiologie de M. Haller,
Hijloire Naturelle. Tom. I. k