
» appétit, 8c nous met en état de bien rem-
» plir toutes nos fondions «. Le même Cor-
naro, que nous citions , il n’y a qu’un
inftant, fefentant épuifé dès l’âge de quarante
ans, rétablit la fanté par une diete
très-rigoureufe, 8c pouffa fa carrière jufqu’à
cent ans 8c au-delà : mais ayant une rois
ajouté deux onces de nourriture à fonrégime
ordinaire, il paya cher cette efpèce d’excès,
& tomba dans une maladie très-grave.
Il faut convenir que ceux qui ont de
grandes fatigues du corps à fupporter , &
ceux qui veulent acquérir de l’embonpoint,
doivent fe permettre une nourriture plus
abondante. On augmente d’un quart celle
des oifeaux que l’on engraiffe. Il eft vrai
aufli que l’on doit accorder plus d’alimens
aux jeunes gens & moins aux vieillards.
On a obfervé que la plupart des animaux
étoient plus voraces que l’Homme. Les
chenilles & d’autres infe&es dévorent en
un jour le double du poids de leur corps.
La nourriture journalière d’une vache eft
de quarante-fix livres, qui font la fixième
ou la huitième partie de fon poids. Celle
de l’Homme n’eft communément que la
quarantième partie de ce que pèfe fon corps ;
mais il faut obferver que les herbes renferment
moins de fucs noiirriffans que les
glimens dont l ’Homme fait ufage.
De tous les Auteurs qui ont déterminé
la quantité de nourriture folide qui fuffit
à l’Homme pour chaque jo u r , le plus indulgent
a été Sala, qui permet dç prendre
trente-fix onçes d’alimens, dont le pain fait
la troifième partie. Le même auteur dans
un autre endroit, a porté jufqu’à cinquante
ou foixante opces la mefure de pain &
autres mgts folides quç l’on peut prendre
chaque jour.
On nourrit les forçats condamnés au
travail des galères, avec trente onces d’alimens
folides , dont vingt-fix de pain, &
quatre de feves,
Cheyne veut que l’on fe réduife par jour
à une demi-livrç de nourriture folide ; il eft
vrai qu’il parle de ceux qui font infirmes.
J.a mefitre de Cornaro étoit de douze onces.
Ça] Extrait de la Phyûologie de jVt> Haller,
Il n’eft pas douteux qu’il ne foit plus faC
lutaire de partager fa nourriture en plu-
fieurs repasKm lieu de fe borner àun feul,
comme on a coutume de faire en Angleterre
8c dans les pays du Nord, pour avoir
plus de temps à donner aux foins de la vie
commerçante.
Boerhave recommande de prendre de
l’exercice avant le repas , pour évacuer
l’eftomac. Quant à ce qui convient le mieux
après le repas, il ne faut fur cela que fuivre
l’impreflion de la nature , qui femble inf-
pirer alors à tous les êtres animés le defir
du repos.
Il eft bon d’étendre davantage la mefure
de ce qu’on fe permet pour le dîner,
& de faire un fouper frugal , oîi l’ufage
des viandes foit banni. M. Haller dit avoir
reconnu, par fa propre expérience, combien
cette pratique étoit importante pour la
fanté, 8c l’avoir confeillée à fes amis, dont
il ne s’eft trouvé aucun qui n’en ait retiré
de grands avantages.
La quantité des nourritures folides eft;
plus dangereufe pour la fanté, que celle de
la boiffon, dont la plus grande partie ne
fait que paffer, fans s’arrêter dans l’eftomac.
En général, ceux qui fe font preferit un
régime exact, ont varié dans l’eftimâtion
du rapport de la boiffon aux alimens folides,
de manière cependant que la boiffon
l’emportoit toujours. Sanûorius buvoit
beaucoup à proportion de ce qu’il mangeoit,
8c le rapport de l’un à l’autre étoit
de io à 3. B. Robinfon, beaucoup plus ré-
fervé fur l’article de la boiffon, s’étoit fixé
pour fon régime au rapport de 5 à 2. G.
Cheyne préféroit celui de 2 à 1. R y e , plus
modéré encore, s’en tenoit à celui de 4 à 3.
Le plus petit de tous les rapports connus
en ce genre, eft celui de 7 à 6 , adopté par
Cornaro , qui s’étoit borné à 14 onces de
boiffon , contre 12 onces d’alimens folides.
* Ça],
Exemples de perfonnes qui ont mangé & bû
beaucoup au-delà du befoin ordinaire,
* Parmi les faits extraordinaires de
rjliftoire
l’Hiftoire Naturelle de l’Homme, i ly en a de
relatifs à l’emploi de fes facultés phyfiques.
De ce nombre eft le befoin déréglé de nourriture
qui preffe certains individus par des
aiguillons fi agiffans, 8c cette efpece de
voracité, fouvent moins étonnante encore
par la grande quantité, que par les mau-
vaifes qualités 8c le mélange bizarre des
alimens.
Martin Schurigius, phyficien deDrefde,
dans fes confidérations fur l'action des fucs
nutritifs , par rapport à l’Homme, a raf-
femblé à ce fujet une multitude de traits ,
dont nous citerons ici les plus intéreffans ,
mais fans les garantir.
Un mendiant d’environ vingt ans, d’une
complexion vigoureufe, 8c d’une phyfio-
nomie qui avoit quelque chofe de farouche,
mangea, ou plutôt dévora , dans l’efpace
d’une heure 8c demie, des laitues récemment
arrachées de la terre avec leurs racines
, fans aucune préparation ni affaifon-
nement, & en telle quantité , qu’il y auroit
eu de quoi raffalier dix payfans affamés. Peu
après, il mangea de nouveau, pendant une
heure entière, des laitues que la multitude
attroupée lui préfentoit en abondance, 8c
même quelques chenilles ramaffées par des
enfans ; en buvant de l’eau froide par intervalles.
Une autre fo is , après avoir fait un
repas du même genre , il finit par fe jetter
fur de la nourriture que l’on avoit préparée
pour des pourceaux. On l’a vu encore
abforber, en un quart- d’heure , une
grande quantité de lait beuré , dont le poids
pouvoit être évalué à environ trente-deux
livres , 8c des témoins oculaires ont rapporté
qu’il avoit mangé en leur préfence,
beaucoup de feuillages verts , de chenilles,
de grenouilles vivantes , de chair crue 8c
autres mets extraordinaires.
Un repas plus honnête, par le choix des
alimens, mais non moins lingulier par leur
affortiment 8c leur multitude, eft celui que
fit im nommé Albin , qui mangea fuccef-
fivement, cent pêches, dix melons, cinq
cens figues de l’efpèce la plus froide, 8c
douze douzaines & demie d’huîtres.
L’Empereur Maximin, fucceffeur d’Alexandre
fe v è re , eft cité aufli comme un
Hijloire Naturelle, Tom, I,
xîix
des Hommes les plus voraces qu’il y ait
jamais eu. On dit de lui que fon ordinaire
étoit compofédequarante livres de viandes,
& d’une amphore de v ïn , q u i , félon les
uns, pouvoit contenir vingt-huit de nos
pintes ,. 8c trente-fix félon les autres. On
le comparoit à Hercules 8c à Milon de Cro-
tone , que -les anciennes hiftoires nous re-
préfentent comme des prodiges de voracité.
On rapporte-, au fujet du dernier , qu’il
mangeoit en un repas vingt livres de viande
8c autant de pain , 8c qu’il buvoit trois
conges de v in , c’eft-à-dire , environ quinze,
pintes. Athenée ajoute qu’ayant parcouru
un jour toute la longueur d’un ftade, en
portant fur fes épaules,un taureau de quatre
ans , il l’affomma d’un coup de poing &
le mangea tout entier dans la journée. » Je-
» paffe le refte à Milon, dit à ce fujet le-.
» judicieux M. Rollin ; mais y a - t - i l 1#
».moindre vraifemblance qu’un Hommë
» puiffe manger feul un boeuf entier en us
» jour ?
Quelquefois cette avidité eft une efpèce
de maladie périodique qui a des retours
marqués. Un Homme de cinquante ans,
s’étoit fenti attaqué depuis l’âge de puberté,
vers le temps des folftices, d’une faim dévorante
qui revenoit exactement à la même
époque. Alors il avaloit avidement des alimens
de toute efpèce , qu’il rendoit pref-
qu’aufli-tôtpar les voies ordinaires. L ’accès
duroit environ vingt jou rs , après lefquels
il lui furvenoit un dégoût général pendant
vingt autres jours. Le refte de l’année , il
vivoit a l’ordinaire 8c fans éprouver aucune
incommodité.
Voici un autre exemple, non moins étonnant
, & qui paroîtra même digne d’envie
à certaines gens. C’eft celui d’un vieillard
p re fqu’o fto g énaire , d’une taille haute 8c
affez effilée , qui confervoit encore à cet
âge toute la vigueur de fon efprit. Son
eftomac follicité par des befoins extrêmes
jouiffoit en même temps de tous les avantages
de la fobriété, au point que le vieillard
mangeoit, fans aucun inconvénient ,
en un feul repas , une efpèce de foupe au
vinaigré , compofée d’oignons , de concombres
, de feuilles de porreaux, de choux
S