
suffi facilement oubliées que commencées :
des mouvemens de la colère la plus ardente
, ils paffent à l’expreffion du plaifir
par le chant. Elégans dans leur forme ,
propres dans leur vêtement, dont ils font
îbigneux , dégagés des fanges de la terre,
dont ils foulent à peine la fuperficie, fou-
vent parés d’une robe éclatante, ils ont
droit de plaire par ces titres , par l’agrément
de leur chant, par la gaieté qui leur
eft naturelle, 8c fur-tout par un extérieur
qui annonce un être heureux 8c fatisfait.
Cependant il vient tous les ans une faifon
où ces êtres légers , inconftans, fans aucun
fentiment profond, fans attachement qui
les fixe, changent abfolument de caraûère
& prefqtte de nature. Un befcùn impérieux
qui dans tous les animaux prédomine fur
les autres affeâions , 8c dans les oifeaux
fur la légèreté & l’inconftance même, opère
cette révolution ; ce befoin eft celui d’aimer
, de fe livrer aux foins de la propagation
de fon efpèce , 8c la faifon où il
fe fait fentir eft le printemps : il paroît
qu’il eft produit par le repos de l ’automne
& de l’h iv e r , par l’aâion des fucs dépofés
pendant ces deux faifons, dans les tefticules
du mâle 8c dans les germes de l’ovaire de
la femelle , qui doivent fournir la génération
qui fe prépare. La nature fe renouvelle
en même-temps : elle invite tous les êtres
. au plaifîr 8c à la jouiflance ; elle fournit
des alimens plus abondans 8c plus nutritifs
; la chaleur dilate les humérus 8c les
met en mouvement : toutes ces caufes font
renaître un fentiment que l’épuifement f le
froid 8c la difette avoient fufpendu : il
éclate dans toute fa force au moment où
les caufes qui le produifent ont acquis toute
leur énergie. Alors l’oifeau qui étoit indifférent
pour tout, excepté pour fon inconf-
tance , lent le befoin d’aimer 8c de fe fixer;
il cherche une compagne, la trouve 8c s’y
attache ;.elle répond à fon empreffement ,•
8c la nature paffe pour eux un contrat qui
fera fidellement ©bfervé ,.fi la main cruelle
de l’homme ou les animaux carnaffiers ne
le rompent, en donnant, la mort à l ’un des
deux contrafians..
Dans la plupart.des efpèces ,.ee contrat
n’eft que limité 8c ne doit pas durer plus
long-temps que les befoins qui y ont donne
lieu ; dans celles dans lefquelles les befoins-
ne font jamais fufpendus , comme l’efpèce
du pigeon 8c de la tourterelle, le contrat
égale la durée de la y ie , 8c l’un des deux
époux ne’ devient libre que par la mort de
l’autre ; les oifeaux que nous avons rendus
domeftiques , comme le coq , le dindon , le
eanard, Sec. ne connoiffent pas les douceurs
d’un engagement : la captivité , qui ne peut
détruire l’impulfion que la nature donne à '
tous les êtres pour la reproduâion, leur
laide des befoins , mais elle leur en. ravit
les charmes.
Cependant ces êtres légers, que rien ne
pouvoir fixer, devenus, depuis qu’ils fe font
unis r les modèles, de la confiance 8c de la
fidélité,.quoiqu’ils éprouvent les defirs les
plus, vifs , mais n’en fentantque l’un pou»
l’autre , ne bornent 8c ne rapportent pas
à eux feuls , le bonhéur dont ils jouiffent»
Le fentiment de leur union leur en infpire
un fécond auquel ils ne font pas moins fen-
fibles : il les avertit de la naiffance des petits;
qui feront le gage de leur amour, des befoins
qu’ils auront, des foins quileur feront
néceffaires. Le plaifir de s’aimer,. de s’en
donner des preuves, de chérir fa poftérité
8c de travailler pour elle, devient leur unique
paffion. Leurs jours paffent-. partagés
entre les- careffes réciproques, des. deuxs
époux , & le foin de préparer un n id ;
quoiqu’ardens dans leurs defirs, ilsfçavenfc
les reprimer ; ils fçavent en jouir en en
retardant l’accompliffement', en le faifant
précéder par les lignes 8c les careffes qui
font l’expreffion de la fenfibilité , qui préparent
la jouiflance, qui. l’augmentent Sc
qui en font le charme..
Les autres animaux, plus impétueux, entraînés
plus puiffamment par la violence de
leurs defirs, ne les faifant pas précéder de
même par des careffes qui les expriment 7
connoiffent moins- l’art de jouir, & n’en goûtent
pas de même les douceurs. Les oifeaux
font lesfeulsanimaux.qui, comme l’homme
font préluder à l’union des fexes., le rapprochement
de l ’organe qui donne paffage
à la yoix dans l’homme,, dans les animaux
aux fons qui leur tiennent lieu de langage,
& qui fert à prendre de la nourriture. C ’eft
à l ’anatomie à' nous apprendre quel rapport
exifte entre cet organe 8c ceux de la
génération, 8c comment, fenfibles au même
a â e , ils font mutuellement affeûés.
Les befoins ordinaires de la vie qui
feront pour les petits , les mêmes que
pour les pères 8c mères, 8c la manière d’y
pourvoir , décident du lieu où le nid doit
-être placé 8c les befoins particuliers de ces
petits, de la façon dont il doit être conftruit.
Je n’entrerai pas pour ce moment dans les
détails que ce fujet exige, 8c qu’on trouvera
au mot nid ; ils interromproierit ,
placés en cet endroit, la defeription des
moeurs.
Le foin de conftruire le nid , regarde,
dans la plupart des efpèces , le mâle 8c la
femelle ; mais le mâle paroît fe charger,
davantage de raffembler les matières dont
le nid doit être compofé , 8c la femelle du
foin de les arranger. Le plaifir de fe livrer
à cette occupation , qui ne peut être que
l ’effet d’une prévoyance infpirée par la
nature , eft ignore des oifeaux devenus
domeftiques. Tout eft fini pour le mâle
quand il s’eft fatisfait auprès de la femelle ;
elle-même çompofe à peine un nid greffier
& mal conftruit ; elle femble fe repofer
du foin de lui en préparer un fur l’homme
auquel elle va livrer une nouvelle génération
de captifs ; fa tendreffe plus for te,
mais moins éclairée peut-être que celle du
mâle, l’attache feule à fa couvée qui ne recevra
que fes foins ; le père ne reconnoîtrà
pas même fes petits , 8c n’éprouvera aucune
affeûion pour eux. Le fentiment d’une
union réciproque 8c de la tendreffe pour
les petits qui en feront le gage, n’appartient
qu’aux oifeaux qui vivent 8c fe multiplient
fous les loix de la nature ; l’exemple du
ferin ne fait rien contre çe que j’avance.
C ’eft un prifonnier 8c non un efclave : il a fi
peu reçu nos loix S il fent fi peu qu’il ait
befoin de nous, qu’il ne revient jamais
quand il peut s’ échapper , 8c rp ’il défait
toujours le nid qu’on lui a préparé pour
le reconftruire à fa façon. L’amour changé
,en une union douce , le fentiment de çet
amour propagé jufqu’aux petits, 8c partagé
pour eux entre le mâle 8c la femelle , n’appartiennent
donc en effet qu’aux efpèces
libres ; c’eft une prérogative des mâles
parmi les oifeaux, de partager avec les femelles
les foins néceffaires pour les petits.
C ’eft une fupériorité qu’ils ont fur les autres
animaux , 8c qui rend leurs moeurs plus
réglées , plus douces 8c plus aimables.
La femelle ne pond ordinairement qu’un
oeuf chaque jour ; les petites efpèces font
leur ponte en quatre, cinq ou fix jours ,
fuivant le nombre des oeufs à chaque couves
; mais il y a un jour de repos pour la
plupart des grandes efpèces , entre chacun
de ceux où la femelle fait fes oeufs ; on ne
peut rien dire de précis fur leur nombre.
Les petites efpèces font plus fécondés en
général que les grandes , mais fans qu ij y
ait une relation graduelle 8c proportionnée.
En effet, beaucoup de petits oifeaux
font quatre pontes en un été, de chacune
quatre ou cinq oeufs , dont le nombre
monte par conféquent de feize à vingt ; la
perdrix, le faifan, qui ne font qu’une ponte,
produifent à-peu-près autant. Ce qui paroît
le mieux conftaté à cet égard, c’eft
que les oifeaux de proie font ' beaucoup
moins féconds, puifque les grands ne font
qu’une ponte, ne produifent que deux
oeufs, que lés petits n’en pondent pas
plus de quatre à chaque couvée , 8c qu’ils
n’en font guçres au-delà de deux en une
'faifon.
Quelque foit le nombre des oeufs à
chaque ponte, la femelle ne commence
à les couver régulièrement que quand la
ponte eft finie ; alors elle ne quitte plus
le nid que pour prendre de la nourriture
deux ou trois fois chaque jour : le mâle fe
tient aux environs ; veille à ce qui peut
arriver ; ne craint aucun ennemi ; brave
au moins les plus dangereux , s’il ne peut
ni les écarter, ni leur réfifter : mais lorf-
qu’aucun accident, aucun danger ne trouble
fon bonheur., il en exprime fouvent le
fentiment par fon chant ; il l’interrompt
.pour chercher de la nourriture ; il apporte
à fa compagne une partie de celle qu’il
a trouvée,.8c les plimens qu’il lui offre,