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A mefure que l’on s’avance vers les pays
méridionaux, la couleur blanche du teint
fubit une dégradation qui va toujours en
augmentant. Les Grecs,, les Napolitains,
les Siciliens , les habitans de la Corfe |
de la Sardaigne & les Efpagnols font moins
Lianes que les autres peuples de l’Europe.
Les voyageurs qui vont en Efpagne,
commencent à s’appercevoir, même dès
Bayonne , de la différence du teint. Les
Efpagnols en général, & fur-tout ceux qui
habitent le midi de ce vafte royaume, ont
une nuance fi forte de jaune & de bafané,
qu’il eft aifé de diftinguer un Efpagnol de tout
autre habitant des contrées Européennes,
Après l’Europe, l’Afie eft la partie du
•monde ou les blancs font en plus grand
nombre. En partant du 65 e. degré de latitude
feptentrionale , on trouve , parmi les
Tartares ,,des peuples que l’on appelle les
Kabardinski, & qui ont le vifage frais &
vermeil. Les Circaffes, aux environs de
la mer Cafpienne , les habitans des Provinces
feptentrionales du Mogol & de la
Perfe, ceux de la Natolie, de l’Armenie,
de là Géorgie & de la Mingrelie ont pareillement
le teint blanc. On retrouve la
même couleur chez les Chinois qui habitent
le milieu de l’Empire. Il y a aufîi
des blancs dans quelques ifles de l ’Afie ,
comme dans l’ifle de Ceylan, oit l’on a vu
une race entière de Sauvages, dont le teint
eft femblable à celui des Européens. Il y
en a encore dans la nouvelle Guinée,'où
ils font mêlés parmi les Papous..
Les blancs font en plus petit nombre
dans l’Afrique, & fe trouvent dans des
pays de montagnes , comme celles de la
Barbarie , celles d’Aurefs, le long des côtes
de la Méditerranée , & celles du royaume
de Fez, vers le mont Atlas. Ces differentes
races de Sauvages ont le teint d’un beau
blanc, au rapport des voyageurs.
U C T I O N
Selon les obfervations de M. Bruce, il
n’y a de nègres en Afrique que fur les côtes.
Les peuples qui habitent l’intérieur de la
contrée font , en général, prefque aufîi
g i t e c s que les Européens.
En Amérique, on trouve auprès d’une
efpèce de Lapons qui font dans la partie
feptentrionale, une autre race d’Hommes
affez blancs, comme auprès des Lapons
d’Europe, on trouve les Finlandois qui font
blancs (<z).
( Enfin, parmi les habitans naturels de
l’Ifthme de Panama, on voit un petit
nombre d’Hommes qui méritent de fixer
l ’attention. Leur teint eft d’un blanc de lait
qui approche de la couleur du poil d’un
cheval blanc. Mais on ne fait fi c’elf une
race d’Hommes à pa rt, ou s’ils font nés
de pères & de meres jaunâtres, comme
les autres Américains , & fi la couleur extraordinaire
des enfans n’eft pas l’effet d’un
accident p a ffa g e rp lu tô t que de l’aétio»
répétée d’une calife confiante *.
Peuples qui ont le- teint jaunâtre,
*On réunit ici fous im titre commun deux
nuances de couleurs, dont l’une eft un mélange
de jaunâtre avec une forte teinte de
rovigeâtre, & tire fur la couleur du cuivre
rouge , & l’autre eft d’un jaune plus décide,
& qui fe rapproche davantage de la
couleur du laiton ou cuivre jaune. Ces deux
couleurs font toujours plus ou moins of-
fufquées par une teinte de bafané.
La couleur de cuivre rouge, eft celle qui
domine dans une grande partie de l’Amérique
, principalement parmi les fauvages
de l’Amérique méridionale. Les Indiens naturels
de la Guiane , & ceux qui habitent
le long de la rivière' des Amazones", ont le
teint de cette couleur rougeâtre , plus ou
moins claire. Les fauvages du Bréfil l’ont
aufîi, mais plus obfcurcie & mêlée de beau-
0 ) Nota. Les dlyerfes colonies d Européens qui fe font établies dans l’Amérique, leurs alliances
avec les anciens habitans, le tranfport des nègres que l’on y amène de l’Afrique , ont occafionné dans
p ufieurs contrées de cet immenfe pays, un mélange d’hommes de toutes les’ couleurs , depuis le’ blanc
Te T u ^ r 1'- T Ü l 1 1 1 d;en‘rf à cet eSard dans 1 détail qui nous me^eroit trop loin :
nL’ o reL li ,„d.?i„P USi m ant’i Cf de comÇa,rer’ autant qu’il eft poffible , les différentes teintes
difperfes. ^ des Naturels du pays , félon, les divers climats djns iefquels ils fe trouvent
A F H I S T O I R E
coup de brun. La couleur des fauvages du
Chili eft bafanée, tirant également fur celle
du cuivre rouge.
Les habitans de l’ifthme de Panama, &
ceux qui fe trouvent le Iqng de la mer, qui
baigne le Pérou , & dans les terres baffes
de ce même pays , femblent former la
nuance entre la couleur de cuivre rouge
& le jaune; leur teint eft o r a n g é l e
jaune y eft mélangé avec le rouge , dans
une proportion plus égale.
Entre le golphe du Mexique & la côte
orientale de l’Afrique , vers l’embouchure
du Sénégal, font les ifles du Cap-Vert, où
l’on trouve des fauvages appelles' Nègres
couleur de cuivre, parce qu’ils font moins
noirs que jaunâtres;
- Cette dernière couleur eft celle d’une
partie des habitans de l’A fie , fur-tout de
ceux qui habitent le milieu de l’Inde, tels
que les peuples-du royaume de Bengale &
du pays de. Guzurat, auprès du golphe
de Cambaye. On trouve aufîi dés jaunes
dans plufieurs ifles de l’Afie. Les habitans
de l’ifle Nicobar font d’une couleur bafanée
& jaunâtre. Une partie de ceux de T im o r ,
l’une des Moluques , ont la couleur de
cuivre jaune. Ceux des Philippines font
d’un jaune olivâtre. Ceux de Mindanao ,
parmi les mêmes ifles, ont le teint tirant
fur le jaune clair. En général, la teinte du
jaune paffe par des nuances fucceflives à
la blancheur des Européens, ou s’obfcurcit
& fe rapproche du brun, à proportion
que les peuples d’Afie font plus â l’abri
des ardeurs du fo leil, ou s’y trouvent
plus expofés *.
Peuples qui ont le teint bafané,
* La couleur bafanée eft la plus généralement
répandue dans les quatre parties du
monde. Outre qu’elle forme la fucceflion de
la plupart des nuances intermédiaires entre
la couleur fraîche & vermeille des peuples
qui habitent les climats tempérés , & le
teint noir de ceux qui font expofés aux
plus brûlantes ardeurs du foleil, elle appartient
encore aux climats où régné un froid
excefîif. On prétend même qu’il s’y trouve
des noirs ; & ici fe vérifie encore ce que
N A T U R E L L E . xxix
l’on a dit tant de fois, que les deux extrêmes
fe touchent.
On a défigné , par les dénominations
d’olivâtre & de brun, des teintes delà couleur
bafanée, dont la première tire fur le verd
livide & foncé, & la fécondé paroît être
la teinte qui fe rapproche le plus de la
couleur abfolument noire. On fent affez au
refte , que l’on ne peut donner que des
à-peu-près fur une matière où l’obfervation
eft fi délicate, & où le langage ne fournit
point d’expreflions pour peindre exaflement
a l’efprit, des nuances que l’art même qui
parle aüx y eu x , ne peut imiter qu’impar-
faitement.
En commençant par les climats glacés dit
N o rd , on trouve au-deffus de la baie de
Bafîin, le Groenland, dont les habitans
font de couleur d’olive foncée. Si l’on paffe
de-là dans la partie feptentrionale de l’Amérique
, on rencontre au nord des Efqui-
maux, d’autres Sauvages qui font bafanés.
Quant aux Efquimaux, leur teint eft femblable
â celui des Groenlandois , avec lef»
quels on foupçonne qu’ils communiquent.
Les naturels du Canada , de la Floride,
du Miflîfîipi, & de la plupart des autres
parties méridionales du même continent
de l’Amérique, font plus ou moins bafanés,
fans que cependant on puiffe dire qu’ils font
bruns; mais les Sauvages du Mexique ont le
teint brun & de couleur d’olive. Ceux de la
Californie , q u i, • à la v é r ité , habitent un
climat plus tempéré que celui des Mexicains
, mais où le terrein eft plus abaiffé,
font encore plus bafanés & plus bruns.
Prefque tous les Caraïbes ou Cannibales
qui poffédent une partie des Antilles, ont
le teint olivâtre. Cette couleur eft encore
celle des habitans du Paraguay, dans l’Amérique
méridionale, & de ceux de la terre
Magellanique. Selon la relation du Capitaine
Cook , les peuples de la terre de Feu
qui eft au-deffous de la terre Magellanique,
font d’une couleur qui approche, de la
rouille de fer mêlée avec de l’huile.
Les Lapons, Danois, Suédois & Mofco-
v ites , les Samogedes d’Europe, les habitans
de la Province de Petzora & les
Tartares de la Crimée, font les feuls peuples