
fe baignent prefque toujours de larmes, au
lieu que le ris les fait couler plus rarement
& en moindre abondance. La refpiration
offre auffi, dans les deux états, plufieurs
effets femblables. Mais les pleurs commencent
par une infpiration plus profonde, à
laquelle fuccèdent des expirations fréquentes
& entrecoupées. Elles font terminées
par une dernière expiration , plus
forte & bruyante, qui eft auffi - tô t fuivie
d’une profonde infpiration ou d’un foupir.
En général tous les mouvemens font
plus tempérés dans les pleurs que dans le
ris. On allège même en pleurant, ce poids
qui s’appefantit fur la poitrine, & qui rend
la refpiration pénible. M. Haller dit qu’il
n’a vu nulle part que les pleurs aient produit
fubitement des effets auffi funefles, que ceux
qui réfultent quelquefois d’un ris immodéré.
Le fanglot fe fait entendre aifez fouvent
à la fuite des pleurs. Il commence par une
forte & fubite infpiration. L’air eft chalfé
du gofier, en même temps que la glotte fe
reflerre ; énfuite ce fluide étant en quelque
forte repompé par le jeu de la refpiration,
frappe contre la glotte contrariée , & produit
ce fon lugubre, fi ordinaire dans le
fanglot, & cette vive expreffion de la douleur
fe termine par une expiration *.
Le fommeil.
* La feule interruption des exercices du
corps, n’eft pas fuffifante pour rétablir nos
forces épuifees par la fàtigpe. Les refforts ,
fans être en jeu , font encore bandés dans
toute la machine, lors même qu’en veillant,
nous fulpendons tout mouvement. Nous
trouvons, dans le fommeil, un repos d’une
nature parfaitement affortie à nos befoins ,
un relâchement falutaire de nos divers
organes , état merveilleux , où l ’homme
s’ignorant lui-même, & plongé dans une
mort apparente , répare la perte de fes
fo rces , & femble prendre une nouvelle
exifter.ee. .
Les fymptomes extérieurs du fommeil,
les feuls qui foient de notre objet, font faciles
à obferver lorfqu’on voit un homme
s’endormir (a). Les yeux commencent par
cligner ; les paupières s’abaiffent ; la tête
chancèle ; elle s’incline ; fa chûte étonne le
dormeur ; il fe réveille en furfaut ; il tâché
de s’affermir ; mais en vain ; nouvelle inclination
, plus profonde que la première;
il n’a plus la force de relever fa tête ; le
menton refte appuyé fur la poitrine , &
le fommeil fe continue tranquillement dans
cette attitude.
Boerhaave prétend qu’aucun animal ne.
s’éveille de lui-même, c’e ft-à -d ir e , dans
le cas où, demeurant au même état où il
s’etoit endormi, il ne furvient aucune
caufe , foit externe, foit interne , qui
ébranlé fortement fes fens, telle qu’une
vive lumière qui pénètre dans l’oe il, un
fon violent qui frappe l’oreille , une toux,
&c. Il y a, félon M. de Formey, dans l’expérience
commune, & dans certains faits
confiâtes, de quoi juftifier cette préfomp-
tion.
On fçait , par expérience, que plus oa
dort, plus on veut dormir. Donnez le matin
une heure de plus au fommeil que
vous n’avez coutume de foire, vous êtes
1 appefanti pour toute la journée. Et quant
aux faits, il y en a de fort finguliers à cet
egard. UnPrince ayantfait enyvrer un jeune
homme, le fit porter dans une chambre obfi
cure & écartee de tout bruit ; il y dormit
trois jours & trois nuits, parce que
toutes les fois qu’il entrouvroit les y eu x,
il jugeoit,par l’obfcurité, qu’il étoit encore
fort de la nuit, & fe rendormoit auffi-
tot. Un médecin que Boerhaave a connu,
s étant livré à la difpofition qu’il avoit pour
le fommeil, qui lui paroiffoit un état délicieux
, ne fit prefque que dormir pendant
un temps très-confidérable : il eft vrai qu’à
îa if™. É en Perdit la raifon, & mourut à
l’hôpital des fous. On a mis de même des
animaux dans des endroits où la lumière
ni le fon ne pouvoient pénétrer, & leur
fommeil ne finiffoit pas.
La laffitude ou l’épuifèment font une des
caufes qui produifent le fommeil le plus
profond & le plus reffemblant à la mort.
(•') Mém. de lAcad. de Berlin. Edition d’Ayignon , 1768. Tom, 1- 199,
On a vu des foldats que plufieurs veilles
confécutives , accompagnées d’exercices
pénibles, ont jetés dans un fi grand accablement,
qu’ils dormoient à côté des batteries,
fans que le bruit des canons ni des mortiers
pût les réveiller. De miférables forçats, que
des Comités cruels empêchent de dormir à
coups de bâton, pendant quelques femaines,
dorment à la fin fous le bâton même , &
font infenfibles aux coups. Un homme qui
n’étoit pas naturellement grand dormeur ,
s’étant fatigué à faire une longue route à
pied dans un temps de chaleur , s’endormit
fi profondément à l’Auberge , qu’on enfonça
la porte , & qu’on entra avec un
grand vacarme dans fe chambre fans le réveiller.
Le calme, le filence du lieu où l’on fe
trouve, font naître le fommeil comme ils
le prolongent. Mettez un homme dans un
lieu où fes fens foient à l’abri de toute
impreffion extérieure , où ni la lumière ni
le fon ne puiffent avoir d’accès ; fi fon corps
n’eft affeûé d’aucune incommodité, fi fon
ame eft exempte de fouci, il eft certain qu’il
dormira bientôt, foit -qu’il ait bien dîné ,
ou qu’il fe trouve à jeun ; foit que la nuit
précédente ait été bonne ou mauvaife.
On dort beaucoup dans la première enfance
, ainfi que dans l’âge de la décrépitude.
M. Moivre, de l’Académie des Sciences,
mortlt quatre-vingt-huit ans, n’étoit éveillé
, vers la fin.de fa v ie , que pendant quatre
heures fur vingt-quatre.
M. Haller cite , d’après divers Auteurs,
plufieurs exemples de perfonnes qui ont
prolongé leur fommeil beaucoup au-delà du
terme ordinaire, fens que leur fenté parût
dérangée. De ce nombre, fut un homme
qui dormit d’abord depuis le 19 juin jufqu’au
i z juillet, enfuite pendant fix mois, après
quoi il s’éveilla pour un peu de temps, s’af-
foupit de nouveau le 1 z janvier, & demeura
dans cet état jufqu’au z z février & au-delà.
Un autre s’éveilla en bonne fanté , après un
fommeil de plus de quatre mois 5jp l n’avoit
fouffert que de légères interruptions. Le
dormeur le plus étonnant qui ait été cité
par M. Haller, eft celui qui refta plongé ,
pendant quatre années , 1 dans un fommeil
prefque continuel.
Aux approches du fommeil, les mufcles
qui font mouvoir la paupière fupérieure
le relâchent, & celle-ci, en s’abaiflant, devient
comme un rempart pour le globe de
l’oeil. Mais long-temps après que les yeux
ont cédé au fommeil , -fouvent l’oreille
femble veiller encore, & nous entendons
allez diftinriement les difeours que l’on
tient à une petite diftance de nous.
Lorfque nous retournons de l’état du
fommeil à celui de la veille , les paupières
qui s’étoient abaiflees les premières, font
auffi les premières à fe relever ; on ouvre
les yeux à demi, & ordinairement on fe
les frotte avec les doigts ; on étend tous les
membres , ce qui peut occafionner une
crampe, fi l’extenfion fe fait trop, promptement
: on bâille plufieurs fois ; beaucoup
de gens éternuent dans ‘ce moment ; d’autres
touffent ou fe mouchent. Enfin, au bout
de quelques minutes , on fe trouve rendu
entièrement à foi-même , & l’on fe fent
comme renouvellé. Les nuages qui obfcur-
ciffoient la raifon, font diffipés, & la volonté
a recouvré fon empire fur les mufcles ,
dont le jeu eft néceflàire à l’exécution de
nos divers mouvemens (0). *
Les Somnambules.
* Il y a des gens qui parlent en dormant,
& révèlent, dit-on , leurs penfées les plus
fecrettes. Quelques individus , que l’on
nomme Somnambules , vont beaucoup plus
loin ; & quoiqu’enfevelis dans un profond
fommeil, fe promènent, parlent, écrivent,
& mettent prefqu’autant de fuite & autant
de jufteffe dansleurs aftions, que s’ils étoient
réellement éveillés. Parmi une multitude de
fcènes extraordinaires que l’on prétend avoir
été données par des Somnambules , nous
en choifirons quelques-unes qui paroiffent
avoir été bien obfervées.
(a) Extrait de la Phyliologie de Haller, Tom. V.pag. fÿz & fuiyantes, & des Mêm. de l’Académie de
Berlin, édition d’Ayignon, Tom. I ,pag. 194 6*Juiy.