
: Nous ne fommes pas plus inftruits fur les
maladies des oifeaux dans l’état de liberté,
que fur la durée de leur vie. Il femble
qu’on pourroit penfer que maîtres d’eux,
oc confiés aux foins de la nature , ils vivent
fans infirmités,fi ce n’eft dans leur enfance,
puifqu’on n’en rencontre point ni dans les
bois, ni dans les campagnes d’adultes qui
foient languiffans, comme on voit quelquefois
parmi les jeunes oifeaux des individus
foibles & mourans , .qui ne fuivent la famille
que de loin & en traînant fur fes
traces un refte de vie expirante. On pourroit
donc croire que le peu d’adultes qu’on
trouve morts a péri ou par quelqu’accident,
ou par l’effet de la vieilleffe ; mais les oifeaux
réduits en captivité, ceux dont nous
avons rendu les efpèces domefliques, font
fujets à un grand nombre de maladies ; cependant
, comme il n’y a que quelques
efpèces dont la confervation foit pour
nous un objet intéreffant, les maladies des
oifeaux, même privés, ont été peu ob-
fervées en général, ne font pas connues,
& l ’on eft peu inftruit fur la manière d’y
remédier. Ce qu’on fçait à cet égard étant
borné à quelques oifeaux de volière & de
baffe-cour, j’en parlerai en traitant de ces
oifeaux en particulier ; on peut feulement
en général faire les remarques fuivantes.
Le grand a ir , l’éclat du jo u r , l’efpace
font néceffaires aux oifeaux pour qu’ils fe
portent bien : trop contraints dans les lieux
oii on les enferme , ou privés de l’air &
du jour qu’ils aiment, ils perdent leur gaîté,
deviennent pefans, & ils périffent en lan-'
gueur. Si ce n’eft ni l’a ir, ni la lumière
qui leur manquent, enfermés trop à l’étroit,
ils ne périffent pas moins par les efforts
trop violens pour s’affranchir d’une prifon
oii ils font trop bornés.
Tempérans & fobres par caraûère dans
1 état de liberté , les oifeaux captifs ou
domefliques, dont la paflion dominante ,
Pinconftance, le plaifir de changer de lieu ,
eft néceffairement reftreinte , deviennent
fenfuels & gourmands. Il faut donc, pour
les conferver fains, n’exciter ni leur fen-
fiialité par des friandifes, ni fatisfaire leur
appétit par des alimens trop nourriffans.
L’air humide & froid nuit en général aux
jeunes oifeaux, même à ceux qui fe plaifent
fur les bords de l’eau ou à nager; fon
effet font des diarrhées, un engorgement des
glandes qui font autour de la tête ; ces
deux maladies mortelles font quelquefois
épidémiques. Les jeunes oifeaux font encore
fujets à des chancres qui viennent
à la bafe de la langue. Les adultes en font
plus rarement attaqués. Les lotions avec
le vinaigre réufliffent affez bien.
Il n’eft pas rare que des oifeaux perdent
un ou plufieurs doigts ; quelquefois ils les
perdent tous. Cette maladie , qui eft une
gangrenne fèche , eft ordinairement l’effet
d’un froid rigoureux, ou long & humide ,
contraflé fur un fol capable, par fa fraîcheur
& fon humidité, de produire ces
ravages. Les phalanges font prifes fuccef-
fivement, fe détachent à leur articulation,
& le mal allant toujours en gagnant, les
oifeaux meurent après avoir perdu tous
les doigts. J’ai vit un hocco vivre & fe
traîner quelque temps fur les moignons de
l’os des jambes, après avoir fucceffivement
perdu les doigts , & même les longs os
du tarfe, qu’on prend communément pouf
les jambes. Cette maladie attaque fur-tout
les oifeaux tranfportés des- pays chauds
dans nos climats froids, & jrour lefquels
on ne prend pas affez de précautions dans
les ménageries.
Le çiron eft un abcès qui furvient à la
partie fupérieure du croupion près de fon
extrémité. La glande qui fefit à filtrer une
humeur que les oifeaux expriment avec
leur bec & qu’ils emploient à en oindre
leurs plumes, eft le liège de cette tumeur,
. elle commence par une inflammation vive ;
les oifeaux deviennent trilles ; ils font
affoupis & perdent l’appétit ; le pus fuccède
à l’inflammation, & il fe forme un abcès
qui aboutit quand l’animal n’a pas péri
dans le premier période de la maladie ;
mais l’ouverture eft prefque toujours
trop étroite pour donner iffue au- pus, qui
étant réforbé, occafionne prefque toujours
la mort.
Cette maladie, que j’ai obfervée plufieurs
fois j m’a paru fe terminer par une crifé,
mais prefque toujours imparfaite ; elle eft
p récédée d’une fièvre ardente , marquée
par la chaleur de tout le corps, la fo if des
oifeaux qui boivent fréquemment, & un
tremblement dont ils font pris aux heures
des redoublemens. On a coutume de couper
avec des cifeaux le çiron, qu’onconnoît affez
généralement ; mais cette méthode n’eft
guère fuivie du fuccès,parce que, ou l’on fait
mal l’opération, ou on la fait à contre-temps.
Ceux qui ne fçavent pas qu’il doit y avoir
une glande à l’endroit oît fe forme le ciron,
amputent & la tumeur & la glande, & ajoutent
une plaie très-dangereufe à une maladie
qu’ils ne foulagent pas ; ils renverfent même
l ’ouvrage de la nature en détruifant le lieu
où elle forme un dépôt falutaire ; d’autres,
qui ne font pas une plaie fi confidérable,
ouvrent l’abcès ou trop tôt ou,trop tard ,
& très-peu réufliffent. Il m’a paru qu’il
falloit vifiter le dieu de la tumeur, l’hu-
mecier fouvent avec un peu de l’ait tiède ,
ou favorifer la formation de l’abcès par
quelqu’autre moyen analogue, attendre la
fluâuation, ouvrir aVec un infiniment tranchant,
tel qu’un canif, depuis la pointe juf-
qu’à la bafe de la tumeur, preffer doucement
les environs , &c comme on ne peut
faire de panfement, que la plaie fe referme
d’un jour à l’autre, il faut la dilater tous les
joursauflilong-tempsqu’ons’apperçoit qu’il
s’accumule du pus ;c ’eft par ces moyens que
je fuis parvenu â fauver quelques oifeaux.
La pépie eft une maladie fort commune ,
& fi connue , ainfi. que les moyens d’y
remédier , qu’il n’eft pas néceffaire de s’étendre
fur cet 6bjet. Je remarquerai feulement
_ qu’elle eft la fuite ou du-manque
de boiffon, ou d’une boiffon corrompue
& mal faine ; qu’ainfi le plus fur moyen
de la prévenir eft de fournir aux oifeaux
pour*Ieur boiffon une eau propre, de la
renouveller & d’avoir foin de ne les en pas
laiffer manquer.
Quoique la mue foit une. fuite de l’or-
ganifation, & qu’elle ait lieu tous les ans ,
elle rend fouvent les oifeaux malades, plufieurs
même en périffent. V ayejle mot MUE.
Une obfervation affez curieule. qui m’a
été communiquée par une perfonne ■ qui
s’étoit amufée long-temps, à nourrir des
oifeaux, c’eft qu’il n’eft pas rare que ceux
qui vivent de grain & qui le caftent avant
de l’avaler, foient pris d’un ramolliffement
ou d’une fenfibilité dans le bec qui leur
ôte la faculté de manger. On les voit alors
ramaffer continuellement du grain, le dépouiller
de fon écorce, & le jetter après
s’être vainement efforcés de le rompre. Les
individus attaqués de cette maladie pa-
roiffent dévorer fans ceffe, ne mangent
rien 8c meurent de faim.
La même perfonne qui avoit fait cette
remarque fauvoit fes oifeaux en leur donnant
du grain amolli par l’ebullition ou
l’immerfion dans l’eau , ou fubftituoit au
grain quelque pâte.* Les oifeaux, qui ne
font point d’ailleurs incommodés , fe
trouvoient en état de rompre le grain à
l’ordinaire au bout de huit à dix jours, 8c
comme onrleur en laiffoit du fec, on jugeoit
de leur guérifon par l’ufage qu’ils faifoient
de ce grain, dont ils ne confommoient ou
n’écorçoient que la quantité ordinaire.
§• IL
De la manière de tranfporter les oifeaux vivans
. d'un pays dans un autre, de les habituer a
un nouveau climat, de les y faire multiplier.
L’homme qui pourfuit dans les bois les
animaux, & qui les immole à fes befoins,
donne moins de preuves de fon induftrie
que de fa force ; mais celui qui les furprend,
qui les arrête fans leur oter la v ie , qui ,
malgré le defir de laiiberté dont ils font animés
, les affervit & les accoutume à porter
fon joug ; q u i, des climats où la nature
les fait naître, les tranfporte dans un autre
qu’il en enrichit, exerce un empire bien
plus étendu fur les êtres dont il fléchit la
volonté, auxquels il impofe des loix qu’ils
ne dévoient pas connoître, dont'il rend
l’exiftence dépendante de fes deffeins ; il
prouve même que l’homme a , jufqu’a un
certain point, le pouvoir de changer l’ordonnance
Sc les difpofitions de la nature ;
il fait plus , il rend aux hommes des fer-
vices véritables , quand, mettant autant de
difcernement dans le choix, que d’induftriç