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champs, du immédiatement après qu’elles en font
revenues ; on peut les traire deux fois par jour en
été , 8c une fois en hiver.
Les brebis engraiffent dans le temps qu’elles font
pleines, parce quelles mangent plus alors que dans
les autres temps. Comme elles fe blefferit fouvent
8c qu’elles avortent fréquemment, elles deviennent
quelquefois ftériles, 8c font allez fouvent des
monltres. Cependantlorfqu’elles font bien foignées,
elles peuvent produire pendant toute leur v ie, c’eft-
à-dire, jufqu’à l’âge de dix ou douze ans ; mais ordinairement
elles font vieilles 8c maléficiées dès
l’âge de fept ou huit ans. Il faut alors les mettre à
l’engrais, 8c même la chair de ces vieilles brebis eft 1
toujours mollaffe & infipide.
Les brebis dont la laine eft la plus abondante , la
plus touffue , la plus longue, la plus foyeufe 8c la
plus blanche , font les meilleures pour la propagation
, fur-tout fi elles ont en même temps le corps
grand, le cou épais & la démarche légère. On
obferve aufîi que celles qui font plutôt maigres que
graffes s produifent plus sûrement que les autres.
Communément les brebis n’ont'pas de cornes ,
mais elles ont fur la tête des proéminences offeufes
aux mêmes endroits où naiffent les cornes des béliers.
Il y a cependant des brebis qui ont deux 8c
même quatre cornes ; ces brebis font, à cela, près ,
femblables aux autres , leurs cornes font longues
de cinq ou fix pouces, moins contournées que
celles des béliers , 8c lorfqu’il y a quatre cornes ,
lés deux extérieures font plus courtes que les deux
autrès.
Ces animaux, dont le naturel eft fi fimple, font
aufîi d’un tempérament très-foible ; ils ne peuvent
marcher long-temps, les voyages les affoibliffent
8c les exténuent ; dès qu’ils courent, ils palpitent,
8c font bientôt effouflés ; la grande chaleur , l’an-
•deur du foleil les incommodent autant que l’humidité
, le froid 8c la neige ; ils font fujets à grand
nombre de maladies y dont la plupart font conta-
gieufes. Il faut foigneufement féparer les malades
du troupeau, dès qu’on s’apperçoit du mal, 8c on
s’en appercevra à plufieursfignes. Elles auront alors
la tête lourde 8c les yeüx troubles, elles négligeront
les pâturages , 8c ne bondiront point ; elles marcheront
lentement en chancelant, 8c fe tiendront à
l’écart ; elles fe coucheront fouvent, & fembleront
ne fe traîner qu’avec peine après les brebis bien portantes.
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Les brebis font d’ailleurs fujettes à la vermine, à
la galle , à la fièvre , à la clavelée ou claveau, à la
toux, à l’enflure, à la difficulté de refoirer, ce qui
marque abondance de fang ou obftruétion dans les
vifcères de larefpiration ; à la morve, à Yavertin,
vertige ou étourdiffement. C’eflt dans les articles
de ce diéîionnaire qui traitent de l’économie rufti-
que, qu’il faut chercher des détails plus particuliers
mrces maux des bêtes à laine, 8c les recettes pour
les guérir. . .
Quelquefois les brebis deviennent boitcufes, ou
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de laflitude, ou parce que leurs ongles font ramollis
, lorfqu’elles ont refté long-temps dans leur fiente.
Il faut dans ce cas couper l’extr.êmité de l’ongle
gâté , y mettre de la chaux vive enveloppée d’un
linge pendant un jour, le lendemain y lubftituer
du verd de gris , 8c ainfi alternativement, jufqu’à
ce que l’ongle foit guéri. Il y en a qui préfèrent à
ce remède de la vieille huile de noix ou d’olive ,
mife en onguent par l’ébullition avec de l’alun pul-
vérifé.. • ' ' • .
Les moutons font encore fujets aux abcès, qu’il
faut ouvrir quelque part qu’ils parodient. Quand
l’abcès fera ouvert & vuidé, on diftillera dedans
de la poix fondue avec dufel brûlé & mis en poudre,
8c l’on fera boire à la brebis de la thériaque delayée
dans de l’eau. Quant à l’épidémie peftileiitielle 8c
meurtrière qui les attaque fouvent fans qu’on en
puiffe arrêter les progrès, un préfervatif eft de leur
faire prendre pendant une quinzaine , au commencement
du printemps 8c de l’automne, tous les
matins avant d’aller aux champs , de l’eau où l’on
aura fait infùfer de la fauge 8c du marrube. Si une
brebis fe rompt la jambe, on la lui frottera avec de
l’huile & du vin mêlés enfemble , on l’entortillera
avec des linges, & on la foutiendra avec des édifies,
on fera repofer la malade dans la bergerie jufqu’à
ce que la traéîure foit confolidée. 11 y a en Poitou, en Provence, aux environs dé
Bayonne , 8c dans quelqu’autres endroits de la
France, des brebis qui paroiffent être de races étrangères
, 8c qui font plus grandes, plus fortes & plu»
chargées de laine que celles de la race commune.
Ces brebis produifent aufîi plus que les autres, 8c
donnent fouvent deux agneaux a la fois, ou deux
agneaux par an. Les béliers de cette race engendrent
avec, les brebis ordinaires, ce qui produit une race
intermédiaire , qui participe des deux dont elle fort.
En Italie 8c enEfpàgne, il y a encore un plus grand
nombre de variétés dans les races“ de brebis.
Notre brebis , telle que nous la c'onnoiffons, ne
fe trouve qu’en Europe 8ç dans quelques parties
tempérées de l’Afie ; tranfportéedans les pays plus
chauds, elle perd fa laine 8c fe couvre de poil t elle
y multiplie peu , 8c fa chair n’à plus le même goût.
Dans les pays très-froids elle ne peut fubfifter ; mais
on trouve dans ces mêmes pays froids , 8c fur-tout
en Iflande , une race de brebis à plufieurs cornes ,
à queue courte, à laine dure 8c épaifle, au-deffous
de laquelle fe~ trouve une féconde fourrure d’une
laine plus douce, plus fine 8c plus touffue; dans
les pays chauds, au contraire, on ne voit que. des
brebis à cornes çourtes & à queue longue, dont les
unes font couvertes de laine, les autres de poil,
& d’autres encore de poil & mêlé de laine. '
La première race de ces brebis des pays chauds,
eft celle que l’on appelle communément mouton de
Barbarie , moupon d!Arabie , laquelle reffemble entièrement
à notre brebis domeftique , à l’exception
de la queue, qui eft fi fort chargée de graifie, que
fouvent elle eft large de plus d’un pied, & pèfe
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plus de vingt livres. Au refte , cette brebis n’a rien
de remarquable que fa queue, quelle porte comme
fi on lui avoit attaché un couffin fur les fefies.
Dans cette race de brebis a groffe queue, il s’en
trouve qui l’ont fi longue & ii pefante, qu’on leur
attache une petite brouette pour la foutenir en marchant.
Dans le Levant , cette brebis eft revêtue
d’une très-belle laine. Dans les pays plus chauds ,
comme à Madagafcar 8c aux Indes , elle eft couverte
de poil. La furabondance de la graifie qui,
dans nos moutons , fe fixe fur les reins , defcend
dans ces brebis fous les vertèbres delà queue ; les
autres parties du corps en font moins chargées que
dans nos moutons gras. Ces brebis a large ou longue
queue , font domeftiques comme les nôtres ,
& même elles demandent beaucoup plus de foins
& de ménagement. La race en. eft aufîi beaucoup
plus répandue : on la trouve communément
en Tartarie , en Perfe , en Syrie , en Egypte ,
en Barbarie , en Ethiopie , à Mofambique ,
à Madagafcar , 8c jufqu’au Cap de Bonne - Efpé-
rance.
Lorfque les Hollandois s’établirent au Cap de
Bonne -Efpérance, ils y amenèrent des brebis de
Perfe , dont la queue eft large jufqu’à une certaine
diftance de l’origine , 8c enfuite mince jufqu’â
l’extrémité. Cette* race de brebis de Perfe s’eft afto-
cfée avec celle des brebis hottentotes , de manière
que les brebis que les Hollandois du Cap élèvent à
préfent, font d’une race moyenne entre les brebis
de Perfe 8c celles des Hottentots. On doit préfumer
que la graifie de la queue de ces animaux, vient
principalement de la nature ou qualité des plantes
dont ils fe nourriflent. Après “avoir été fondue,
elle ne prend pas de confiftance , comme
celle des brebis d’Europe , 8c refte au contraire
toujours liquide comme l’huile. Les habitans du
Cap ne laiflent pas néanmoins d’en tirer parti, en
ajoutant quatre parties de cettè graifie de queue
ayec une partie de graifie prife aux rognons , ce
qui compofe une forte de matière qui a la confit-
tance 8c le goût même du faindoux que l’on tire des
cochons : les gens du commun la mangent avec du
pain, 8c l’emploient aufîi aux mêmes ufages que le
faindoux 8c lè beurre.
Ces brebis paflént tout l’été fur les montagnes
qui font couvertes de plantes fucculentes ; en automne
on les ramène dans les plaines baffes pour y
paffer l’hiver 8/ le printemps. Ainfi étant toujours
abondamment nourries, elles ne perdent rien de
| leur embonpoint pendant l’hiver.
«Ces brebis du Cap, dit M. Forfter ,^eflemblent
pour la plupart au bélier de Barbarie ; néanmoins
les Hottentots a voient des brebis lorfque les Hollandois
s’y établirent ; mais ceux-ci amenèrent au
Cap des brebis de Perfe ; 8c les brebis que les Hollandois
du Cap élèvent à préfent, font d’une race
moyenne entre celles de Perfe & celles des
Hottentots ; elles ont, pour-ainfi-dire , une màffe
de graifie au lieu de queue , 8c cette furabondance
Hifioire Naturelle. Tom. I.
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dé graifie dans ces animaux, vient de la nature ou
qualité de la pâture ».
u Tous les environs du Cap font des terres
arides & élevées, remplies de particules falines,
qui, étant entraînées par les eaux des pluies , dans
des efpèces de petits lacs, en rendent les eaux plus
ou moins faumâtres. Les habitans n’ont pas d’autre
fel que celui qu’ils ramaffent dans ces mares 8c
fafines naturelles ; on fait combien les brebis aiment
le fel 8c combien il contribue à les engraiffer : le
fel excite la foif qu’elles étanchent en mangeant
les plantes graffes 8c fucculenteS qui font abondantes
dans ces déferts élevés, telles que le fedum ,
le cotylédon , &c. ce font apparemment ces
plantes graffes qui donnent à leur graifie la qualité-
qui lui eft propre ».
« Dans les montagnes, fur-tout dans celles du
canton qu’on appelle Bockenland ou Pays des Chèvres
y ce font des efclaves tirés de Madagafcar 8c
des Hottentots, avec quelques grands chiens , qui
prennent foin de ces troupeaux 8c les défendent
contre les hyènes 8c les lions ; ces troupeaux font
très-nombreux , 8c les vaiffeaux qui vont aux
Indes ou en Europe , font leurs provifions de ces
brebis ÿ on en nourrit auffi les équipages de tous
les navires pendant leur féjour au Cap ».
« La graifie de ces animaux eft fi copieufe ,
qu’elle occupe tout le croupion 8c les deux fefies ,
ainfi que la queue : mais il femble que les plantes
gr-affes , fucculentes 8c falines qu’elles mangent fur
les montagnes pendant l’été, 8c les plantes aromatiques
8c arides dont elles fe nourriflent dans les
plaines pendant l’hiver , fervent à former deux
différentes graiffes ; ces dernières plantes ne doivent
donner qu’une graifie folide 8c ferme, comme
celle de nos brebis 3 qui fe dépofe dans l’omentum.,
le mefentère 8c le voifinage des rognons, tandis
que la nourriture qui provient des plantes graffes ,
forme cette graifie huileufe qui fe dépofe fur le
croupion, les fefies 8c la queue : il femble aufîi
que cette mafle de graifie huileufe empêche l’ac-
croiffement de la queue, qui, de génération en
génération, deviendroit plus courte 8c plus mince ,
8c fe réduiroit peut-être à n’avoir plus que trois
ou quatre articulations, comme cela fe voit dans
les brebis des Calmouques, des Mongous 8c des
Kirghifes , lefquelles n’ont abfolument qu’un tronçon
de trois ou quatre ..articulations ; mais comme
le pays du Cap a beaucoup d’étendue, 8c que les
pâturages ne font pas tous de la nature de ceux
que nous venons de décrire, 8c que de plus les
brebis de Perfe à queue groffe 8c courte, y ont
été autrefois introduites 8c fe font mêlées avec
celles des Hottentots ; la race bâtarde y a con-
fervé une queue aufîi longue que celle des brebis
d’Angleterre , avec cette différence que la partie
qui eft attenante au corps eft déjà renflée de
graifie, tandis que l’extrémité eft mince comme
dans les brebis ordinaires ».
« Les pâturages à l’eft du Cap n’étant pas exa&et