
mais bien proportionnés dans leur petite taille ;
ils font jaunes pour la plupart, & ont une raie noire
qui leur règne tout le long du dos ; quelques-
uns font châtains , & d’autres de couleur gris-
de-fer ; ils ont le pied extrêmement sûr ; ils marchent
avec précaution dans les fentiers des montagnes
efcarpées , 6c fe lailfent gliffer en mettant
fous le ventre les pieds de derrière lorfqu’ils def-
cendent un terrein roide 6c uni. Ils fe défendent
contre l’ours , 6c lorfqu’un étalon apperçoit cet
animal vorace, & qu’il fe trouve avec des poulains
ou des jumens , il les fait relier derrière lui,
va enluite attaquer l’ennemi , qu’il frappe avec
fes pieds de devant, & le fait périr ordinairement
fous fes coups ; mais fi le cheval veut fe défendre
avec les pieds de derrière, il efE perdu fans ref-
fource ; car l’ours lui faute fur le dos 6c le ferre
fi fortement, qu’il vient à bout de l’étouffer 6c
de le dévorer.
Les chevaux de Nordlande, où néanmoins le pâturage
efl excellent , ont tout au plus quatre pieds 6c
demi de hauteur ; àmefiire qu’on avance vers le Nord,
les chevaux deviennent petits & foibles. Ceux de
la Nordlande occidentale ont la tête groffe, de
gros yeux , de petites oreilles ,> le—cou fort court,
le poitrail large , le jarret étroit, le corps un peu
long, mais gros , les reins courts entre queue'&
ventre , la partie fupérieure de la jambe longue ,
l’inférieure courte , le bas de la jambe fans poil,
la corne petite & dure, la queue groffe, les crins
fournis , les pieds petits, sûrs & jamais ferrés ; ils
font bons , rarement rétifs 6c fantafques, grimpant
fur toutes les montagnes.
Les chevaux Tartares font très-propres pour la
guerre, quoique communément ils ne foient que de
taille médiocre ; ils font forts, vigoureux, fiers ,
ardéns, légers 6c grands coureurs ; ils ont la corne
du pied très-dure , mais trop étroite , la tête fort
légère , mais trop petite ; l’encolure longue 6c
roide , les jambes trop hautes ; ils font infatigables,
6c courent d’une vîteffe extrême. Les Tartares
vivent avec leurs chevaux à-peu-près comme les
Arabes ; ils les font monter dès l’âge de fept à
huit mois par de jeunes enfans qui les font courir
à petites reprifes ; ils les dreffent ainfi peu à
peu, & leur font fouffrir de grandes diètes ; mais
ils ne les montent pour aller en courfe que quand
ils ont fix ou fept ans ; ils leur font fupporter alors
des fatigues incroyables,, comme de marcher deux,
ou trois jours fans s’arrêter , d’en paffer quatre ou
cinq fans autre nourriture qu’une poignée d’herbe
de huit en huit heures , 6c d’être en même temps
vingt-quatre heures fans boire. Ces chevaux tranf-
portés à la Chine 6c aux Indes , dépériffent, mais
ils réufliffent allez en Perfe & en Turquie. Les
petits Tartares ont aufli une race de petits chevaux
dont ils font.tant de cas, qu’ils ne fe permettent
jamais de les vendre à des étrangers. Ces
chevaux ont toutes les bonnes & les mauvaifes
qualités de ceux de la grande Tartarie. Il y a aufli
en Circaflie & en Mingrelie beaucoup de chevaux
qui font même plus beaux que les chevaux Tartares
; on trouve encore d’allez beaux chevaux en
Ukraine, en Valachie , en Pologne 6c en Suède.
Au Japon , les chevaux font allez généralement
petits; il s’en trouve cependant de bonne taille,
qui viennent probablement des montagnes. -Les
chevaux qui naiffent aux Indes ne font pas bons,
6c les Grands du pays fe fervent de ceux qu’on
y tranfporte de Perfe 6c d’Arabie ; on les y nourrit
de foin 6c de pois cuits avec du fucre 6c du
beurre, au lieu d’orge 6c d’avoine. Les chevaux
naturels du pays font en général fort petits. Les
chevaux Chinois ne valent pas mieux que ceux
des Indes ; ils font foibles, lâches, mal faits 6c
fort petits ; 'ceux de la Corée n’ont que trois
pieds de hauteur : à la Chine, prefque tous les
chevaux font hongres , 6c ils font fi timides, qu’on
ne peut s’en fervir à la guerre. On allure cependant
que ceux du Tonquin font d’une taille belle
6c nerveufe , qu’ils font bons à la main , qu’on
peut les dreller aifément 6c les rendre propres à
toutes fortes de marches.
Les chevaux de la côte d’O r, de celle de Juda,
de Guinée, &c. font , comme ceux des Indes ,
fort mauvais ; ils portent la tête 6c le cou fort
bas ; ils font de très-petite taille , ont la démarche
chancelante , & de plus font fort indociles ,
6c propres feulement à fervir de nourriture aux
nègres, qui en aiment la chair autant que celle
des chiens.v Ce goût pour la chair du cheval eft
commune aux nègres, aux Arabes , aux Tartares,
6c même aux Chinois.
Il réftilte de tout ce que nous venons de dire,
que les chevaux Arabes ont été de tout temps
6c font encore les premiers chevaux du monde ,
tant pour la beauté que pour la bonté ; que l’Arabie
eft peut-être le vrai climat des chevaux 6c le
meilleur de tous les climats, puifqu’au lieu d’y
croifer les races par des races étrangères ; on a
grand foin de les conferver dans toute leur pureté
; il réfulte encore que les 'chevaux originaires
des pays fecs & chauds dégénèrent, & même ne
peuvent vivre dans les climats 6c les terreins trop
humides ; que l’excès du chaud 6c du froid paroît
leur être également contraire ; qu’ils font très-
bons dans tous les pays de montagnes, depuis le
climat de l’Arabie , jufqu’au Dannemarck & en
Tartarie dans notre continent ; & depuis la
nouvelle Efpagne , jufqu’aux terres magellaniques,
dans; le nouveau monde.
On lait que l’efpèce du cheval n’exiftoit pas
dans ce nouveau continent lorfqu’on en al fait la
découverte ; mais en moins de deux cents ans ,
le nombre des chevaux qu’on y a tranfportés d’Europe
s’eft fi fort multiplié , fur-tout au Chili ,
qu’ils y font à très-bas prix. Tous les chevaux ,
dit Garcilaffo; , qui font dans les Indes Efpa-
gnoles , viennent des cKevaux qui furent transportés
d’Andaloufie, d’abord dans fifre de Cuba
& dans celle de Saint-Domingue, enfuite à
celle de Barlovento , où ils multiplièrent fi fort
qu’il s’en répandit dans les terres inhabitées , où
ils devinrent fauvages, 6c pullulèrent d’autant
plus , qu’il n’y avoit point d’animaux féroces dans
ces ifles qui puffent leur nuire, 6c parce qu’il y
a de l’herbe verte toute l’année.
De même, félon le Père du Tertre, ce font
les François qui ont peuplé - les ifles Antilles de
chevaux ; les Efpagnols n’y en avoient point laiffé
comme dans les autres ifles, 6c dans la terre ferme
du nouveau continent. M. Aubert, fécond Gouverneur
de la Guadeloupe, a commencé le premier
pré dans cette ifle., 6c y a fait apporter les premiers
chevaux. Les Indiens en mangent beaucoup,
6c les ménagent fi peu , qu’il en meurt un très-
grand nombre par excès de fatigue. Ceux qu’on
a tranfportés aux ifles Philippines , y ont aufli
prodigieufement multiplié.
En Ukraine , 6c chez les Cofaques du Don,
les chevaux vivent errans dans les campagnes ,
par troupes de trois, quatre ou cinq cents , toujours
fans abri, même lorfque l'a terre eft couverte
de neige. Ils détournent cette neige avec
le pied de devant, pour chercher & manger l’herbe
qu’elle recouvre. Deux ou trois hommes à cheval
ont foin de les garder. Chacune de ces troupes de
chevaux a un cheval chef qui la commande, qui
la guide , la tourne , la range quand il faut marcher
ou s’arrêter ; ce chef commande aufli l’ordre
& les mouvemens néceffaires lorfque la troupe
eft attaquée par les voleurs ou par les loups. Ce
chef eft très - vigilant 6c toujours alerte ; il fait
fouvent le tour de fa troupe , & fi quelqu’un de
fes chevaux fort du rang ou refte en arrière, il
court à lu i, le frappe d’un- coup H’épaule , & lui
fait reprendre fa place. Ces animaux marchent en
ordre , à-peu-près comme notre cavalerie ; ils
paillent en files 6c par brigades , & forment. difr
férentes compagnies, fans le féparer ni fe mêler.-
Au refte , le cheval chef occupe ce. pofte pendant
quatre ou cinq ans ; lorfqu’il commence à1
devenir moins fort & moins aélif, un autre cheval
ambitieux de commander , fort de la troupe,
attaque le vieux chef, qui garde fon commandement
s’il n’eft pas vaincu, mais qui rentre avec
honte dans le gros de la troupe s’il a été battu ,
6c le cheval victorieux fe met à la tête de tous
les autres , 6c fe fait obéir!
* En Finlande , au mois de mai, après la fonte
des neiges, les chevaux partent de chez leurs
maîtres, 6c s’en vont dans de certains cantons de
forêts où il femble qu’ils fe foient donné le rendez
vous. L à , ils forment des troupes différentes ,
qui ne fe.mêlent ni ne fe féparent . jamais. Chaque
troupe prend un canton différent de la forêt pour
fa pâture ; ils s’en tiennent à un certain territoire ,
6c n’entreprennent point fur celui des autres.
Quand la pâture leur manque, ils décampent,
6c vont s’établir dans d’autres pâturages avec le
même ordre. Leurs marches font fl uniformes,
que leurs maîtres lavent toujours où les trouver
lorfqu’ils ont befoin d’eux ; 6c ces -animaux, après
avoir fait leur fervice , reviennent d’eux-mêmes
vers leurs compagnons dans les bois. Au mois de
feptembre , lorfque la faifon devient mauvaife,
ils quittent les forêts, s’en reviennent par troupes ,
6c fe rendent chacun à leur écurie.
Ces chevaux font petits , mais' bons & vifs,
fans être vicieux. Quoiqu’ils foient généralement
affez dociles, il y en a cependant quelques-uns
qui fe défendent lorfqu’on les prend , ou qu’on
veut les attacher aux voitures. Ils font gras quand
ils reviennent de la forêt ; mais l’exercice prefque
cpntinuel qu’on leur fait faire pendant l’hiver,
leur fait bientôt perdre cet embonpoint. Ils fe
roulent fur la neige comme les autres chevaux
.fe roulent fur l’herbe , & dans les froids les plus
violens , ils1 paffent indifféremment la nuit dans la
cour comme dans l’écurie.
Ces chevaux , qui vivent en troupes & fouvent
éloignés de l’empire de l’homme , font la nuance
entre les chevaux domeftiques 6c les chevaux fauvages.
Il s’en trouve de ces derniers à l’ifle de
Sainte-Hélène , qui , après y avoir été tranfportés
, font devenus fi fauvages 6c fi farouches ,
qu’ils fe jetteroient du haut des rochers dans la
mer plutôt que de fe laiffër prendre.
A Saint-Domingue, on n’en voit point de la
grandéur des chevaux de carroffe , mais ils font
d’une taille moyenne 6c bien prife. On en prend
quantité avec des pièges & des noeuds coulans.
La plupart de ces chevaux ainfi pris font ombrageux.
On en trouve aufli dans la Virginie, qui
quoique fortis de cavales privées, font devenus
fi farouches dans les bois , qu’il eft difficile de
les aborder , & ils appartiennent à celui qui peut
les prendre ; ils font ordinairement fl revêches ,
qu’il eft très-difficile de les dompter.
Dans la T artarie , fur-tout dans le pays entre
Urgentz 6c la mer -Cafpienne, on fe fert pour
chaffer les chevaux fauvages, qui y font communs
, d’oifeaux de proie Greffés exprès ; on les
accoutume à prendre l’animal par la tête & par
le cou ; & tandis qu’il fe fatigue fans pouvoir
faire lâcher prife à l’oifeau, on s’en faifit. Les
chevaux fauvages du pays des Tartares Mon-
goux 6c Kalkas ne font pas différèns de ceux qui
font privés ; on les trouve en plus grand nombre
du côté de l’oueft , quoiqu’il en paroiffe aufli quelquefois
dans le pays de Kalkas qui borde le Harnu
Ces chevaux fauvages font fl légers , qu’ils fe
dérobent aux flèches même des plus habiles chaf-
feurs. Ils marchent en troupes nombreufes, 6c
lorfqu’ils rencontrent des chevaux privés, ils les
environnent 6c les forcent à prendre la fuite.
A la Chine , on trouve aufli des chevaux fauvages
qui font fort petits ; on en trouve encore
au Congo en affez bon nombre , de même qu’aux
environs du cap de Bonne-Efpérance ; mais on