
<ju’on tranfporte par leYir moyen , à très-peu de
irais. Ils ont leurs pas réglés ainfi que leurs
journées......... Leur nourriture n’eft pas difficile ;
ils vivent de chardons , d’orties , &c. fouftrent la
foif deux ou trois jours entiers. Le fon harmonieux
de la Voix ou de quelqu’inftrument les
réjouit. Les Arabes fe fervent de timbales ,
parce que les coups de fouet ne les font point
avancer ; mais la mu'fiquë*, & particuliérement
la voix de l’homme lès anime 8c leur donne du
courage............ Je n’ai pu connoître , ajoute ce
même voyageur , ce que Pline dit, d’après Xé-
nophon , que les chameaux ont de l’averfion pour
les chevaux ; quand j’en voulois parler aux -Perfes,
ils fe mocquoient de moi...... En effet, il n’y
a prefque point de caravanes où l’on ne voie des
chameaux , des chevaux & des ânes logés enfemble
dans la même écurie -, fans qu’ils témoignent de
l’averfion ni de l’animofité les uns contre les
autres ».
« L’efpèce que nous appelions dromadaire, dit 3e doéleür Shaw , s’appelle en Barbarie maïhari
mais n’y eft pas fi commune qu’elle Teft dans le
Levant. Cet animal diffère du chameau ordinaire
en ce qu’il a le corps plus rond & mieux fait, 8c
en ce qu’il n’a qu’une petite boffe for le dos.......
Le dromadaire éft particulièrement remarquable
par fa grande vîteffe ; les Arabes difent qü’îfpêut
•faire autant de chemin en un jour qu’un de leurs
meilleurs chevaux en huit ou dix. :( ce qui néanmoins
eft une exagération. ) Le bekh qui nous
condmfit au mont Sinaï , étoit monté fur un de
ces chameaux , 8c prenoit fouvent plaifir à nous
divertir par la grande diligence de fa monture : 31 quittoit notre caravane pour en reconnoître une
autre que nous pouvions à peine appercevoir ,
tant elle étoit éloignée, 8c revenoit à nous en
moins d’un quart d’heure ».
« Le chameau peut fe paffer de boire pendant
quatre ou cinq jours : une petite portion de fèves
& d’orge, ou bien quelques morceaux de pâte faite
de la fleur de farine lui fuffifenttout un jour pour fa
nourriture.....La fiente des chameaux de quelques
caravanes qui nous âvoient précédés nous fervoit
communément pour faire la cuifine ; car, après
avoir été un jour ou deux au foleil, elle prend
feu comme de l’amorce , & fait un feu aufli clair.
& aufli vif que le charbon dé bois....... Les chameaux
mâles , qui font fort doux & fort traitables
en toute autre faifon-, deviennent furieux au printemps
, qui eft le temps auquel ils s’accouplent :
ils le font ordinairement de nuit. Les femelles
portent prefqu’une armée entière, ou d’un printemps
à l’autre ».
« il y a , fuivant Tavernier , deux fortes de
chameaux , les uns qui font propres pour les pays
chauds & les autres pour les pays froids ; lés chameaux
des pays chauds, comme font ceux qui
vont d’Ornuis à lfpahan , ne peuvent marcher fi
la -terre eft mouillée & gliflante , -ils s’ouvriroient
le ventre en s’écartant par les jambes de
derrière ; ce font de petits chameaux qui ne portent
que fix ou fept cents livres. Les chameaux des
pays froids, comme font ceux de Tauris jufqu’à
Conftantinople , font de grands chameaux, qui
portent d’ordinaire mille livres ; ils fe tirent de la
boue ; mais dans les terres grades 8c les chemins
gliflans, il faut étendre des tapis & 'quelquefois
jufqu’à cent de fuite , pour qu’ils paflent demis ».
« Il y a , continue ce voyageur , de quoi admirer
la patience avec laquelle lçs chameaux fouffrent
la foif ; la dernière fois que je paffai les
déferts, d’où la caravane ne put fortir en moins
de foixante-cinq jours , nos chameaux furent une
fois neuf jours fans boire , parce que, pendant neuf
jours de marche , nous ne trouvâmes point d’eau
en aucun lieu. Nous arrivâmes enfin à un pays
de collines , au pied defquellés fe trouvoient de
grandes mares ; nos chameaux , qui avoient paffé
neuf jours fans boire , fentirent l’eau d’une derm-
heue loin, & fe mirent à aller leur grand trot,
qui eft leur manière de courir ;, & entrèrent en
foule dans ces mares ».
« Dès que le chameau éft né, dit toujours Tavernier
, on lui plie les quatre pieds fous, le ventre
& on le couche défi us , apr ès quoi on - lui
couvre le dos d’un tapis qui pend jufqu’à terre ,
& fur les bordTduquel on met quantité de pierres ,
afin qu’il ne puilfe fe lever , 8c on le laifle en
cet état l’efpace de quinze ou vingt jours : on lui
donne cependant du lait à boire, mais peu fou-
vent , afin qu’il s’accoutume à boire peu. C’eft
pour les accoutumér à fe -coucher quand on les veut
charger-, qu’on leur plie ainfi les jambes fous le
corps , 8c ils font fi prompts à obéir, que la chofe
eft digne d’être admirée.' Dès que la-caravane
arrive au -lieu où elle doit camper , tous les chameaux
qui appartiennent à un même maître ,
viënnent fe ranger d’eux-mêmes -en 'cercle & fe-
• coucher fur les quatre pieds ; de forte qu’en- dénouant
une cordé qui tient les balots, ils coulent
& tombent doucement à terre dé côté & d’autre
du chameau ; quand il faut recharger, le même
chameau vient fe recoucher entre les ballots ,- lesquels
étant attachés, il fe relève doucement avec
fa charge , ce qui fe fait en très-peu de temps
fans peine & fans bruit....... Le maître chamelier
les conduit en chantant, 8c -en donnant de. temps
en temps Un coup de -fîfflet rplus il chante & fiffie
fort, 8c plus les chtimeau'x vont vite ; & ils s’arrêtent
dès qu’ils eeffent de chanter.. -Les chameliers,
pour fe foulager , chantent tour à, tour».
« Il y a des chameaux -qui -peuvent porter jufqu’à
quinze cents pefant : il eft vrai qu’on ne leur
donne cette charge que lorfque les marchands
approchent des douanes, 8c qu’ils veulentfruftrer
les droits, en chargeant fur deux chameaux ce que
trois portoient auparavant ; mais alors , avée cette
grofte charge, on. ne fait faire au chameau que
deux ou trois lieues par jour
5, En Arabie, félon Chardin, on élève une forte
de chameau pour fervir à la courfe. Ils vont au
grand trot, & fi. vîte, qu’un chevaine peut les
luivre qu’au galop. Les orientaux appellent le
chameau, navire ‘de terre , en vue de la grande
charge qu’il porte , 8c qui eft d’ordinaire de douze
ou treize cents livres pour les grands chameaux; car
il y en a de deux fortes , de feptentrionaux 8c
de méridionaux, comme les Perfans les appellent ;
ceux-ci qui font les voyages du golphe Perfique à
Hifpahan, fans paffer plus ouü-e, font beauconp
plus -petits que les autres , & iis ne portent qu’en-
viron fept cents ; mais ils ne laiffent pas de rapporter
autant 8c plus de profit à leur maître, parce
qu’ils ne coûtent prefque rien à nourrir ; on les
mène, tout chargés qu’ils font, paiffant le long
du chemin fans licol ni chevêtre. Une chofe fort
remarquable, c’eft qu’on leur apprend à marcher
& qu’on les mène à la voix avec une manière de
chant; ces animaux règlent leur pas à cette cadence
, 8c vont lentement ou vîte , fuivant le ton
de voix ; 8c tout de même- quand on veut leur
faire faire une traite extraordinaire , leurs maîtres
fçavent le ton qu’ils aiment le mieux entendre. Le
poil de chameau eft la meilleure toifon de tous
les animaux domeftiques ; on en fait des étoffes
fort fines, 8c nous en faifons des chapeaux en
Europe , le mêlant avec le caftor ». _
« Le lieu natal des chameaux eft l’Arabie , dit le.
Père Philippe ; car encore que l’on en trouve
ailleurs, non-feulement qu’on y a conduits , mais
même qui y font né’s , néanmoins il n’y a aucun
endroit de la terre où l’on en voye une fi grande
quantité qu’en Arabie.. . . Quand on les veut charger,
au cri de leur conduâeur- ils fléchiffent les
genoux : que s’ils tardent à le faire, ou bien on
les -frappe avec un bâton , ou 'bien on leur
abaiffe le cou, 8c alors comme contraints 8c gémif-
fans à leur façon, ils fléchiffent les genoux , mettent
le ventre contre terre, 8c demeurent dans
cette pofture, jufqu’à ce qu’ayant été chargés,
on leur commande de fe relever ; d’où vient
qu’ils ont au ventre, aux jambes 8c aux genoux
de gros durillons du côté qu’ils en touchent la
terre ; s’ils fe Tentent mettre de trop pefans fardeaux
, ils donnent des coups de tête fort fré-
quens à ceux qui les fur chargent , 8c jettent des
cris lamentables ; leur charge ordinaire eft le
double de ce que pourroit porter le plus fort
mulet... . La nuit ils dorment ainfi agenouillés.. . .
Du lait que l’on tire des femelles , on fait des
fromages qui font très-petits , 8c qui font eftimés
comme délicieux par les Arabes». •
u Les dromadaires , dit. Marmol, vont, fi vîte ,
qu’il y en a qui font trente - cinq ou quarante
lieues en un jour 8c. continuent de la forte huit
ou dix jours par les déferts, fans manger que fort
peu. Tous les feigneurs Arabes de la Numidie,
&- les Africains de la Lybie s’en fervent comme
des chevaux de pofte , quand l’occafion fe préfente
de faire une longue traite, 8c les montent
aufli dans le combat.. .Les chameaux que les Africains
nomment hégin , font les plus gros 8c les plus
grands ; mais on ne les charge point qu’ils n’aient
trois ou quatre ans.. . . Lorsqu’on veut obliger le
chameau à faire de plus longues traites qu’à l’ordinaire,
au lieu de le maltraiter, on fe met à
chanter pour lui donner courage, 8c alors il en
fait plus qu’on ne veut, 8c va plus vite qu’un
cheval ne fait pour l’éperon.. . Quand les chameaux
commencent à faire voyage, il eft néceffaire
qu’ils foient gras ; car on a expérimenté qu’après
que cet animal a marche quarante ou cinquante
jours fans manger d’orge,. la graiffe de fa boffe
commence à diminuer , puis celle du ventre , 8c
enfin celle des jambes , après quoi il ne peut plus
porter de charge. Les caravanes d’Afrique qui
vont en Ethiopie ne fe foucient point du retour ,
parce qu’elles ne rapportent rien de pefant, 8c
quand elles arrivent là , elles vendent les chameaux
maigres.. Les Africains 8c tous ceux qui
veulent avoir de bons chameaux de charge, les
hongrent 8c n’en laiffent qu’un entier pour dix
femelles... La chair du chameau eft fade, particulièrement
celle de la boffe, dont le goût eft comme
celui d’une tetine de vache fort graffe ; les Africains
8c les Arabes rempliffent des pots 8c des
tinettes de cette chair , qu’ils font frire avec la
graiffe, 8c ils la gardent ainfi toute l’année pour,
leur repas ordinaire ».
a Les chameaux , dit Ogilby, font la richeffe des
Arabes 8c toute leur force 8c leur fûreté ; car ils
emportent, au moyen de leurs chameaux , tous
leurs effets dans les déferts , où iisWont point à
craindre leurs ennemis, ni aucune invafion. Le
vrai dromadaire , ajoute-t-il , eft beaucoup plus
vite & plus léger que: les autres ; il peut faire
cent mille en un jour , & marcher ainfi fept ou
huit jours de fuite à travers les déferts avec très-
peu de nourriture ».
« Les dromadaires font, au rapport de Thevenot,
plus petits , plus grêles & plus légers que les cha-
meauxfiL-nt fervent guère qu’à porter des hommes ;
ils ont un bon trot, affez doux; néanmoins il
faut fe bien tenir ; il y a des gens qui fe font
lier deffus. de peur de tomber. Pour litière on
prépare aux chameaux leur propre fumier, lequel
on laifle, pour cet effet, expofé tout le jour au
foleil , où il fe sèche tellement, qu’il s’y réduit
prel'qu en poudre ; du poil des chameaux on fait ,
en Perfe , des ceintures fort fines ; il y a de ces
ceintures qui coûtent deux tomans, principalement
quand elles font blanches , a cauie que les
chameaux de ce poil font rares». :
Le chameau s’appelle en latin camelus, forme
du grec cajnelos, qui vient lui - meme de 1 arabe
semai, racine primitive du nom de cet animal
dans prefque toutes les langues. Dans Ariftote le
chameau proprement dit eft camelus baclnanus ;
fou camelus arabicas eft le dromadaire ; & ce