
humaine par le nom £ orang-outang, homme fan-
y âge -, tandis que les Nègres, prefque auffi fau-
vages , auffi laids que ces finges, & qui n’imaginent
pas que pour être plus ou moins policé ,
l ’on foit plus ou moins homme, leur ont donne
un nom propre ( Pongo ) , un nom de bête & non
pas d’homme ; & cet orang-outang, ou ce pongo ,
n’eft en effet qu’un animal, mais un animal tres-
fingulier, que l’homme ne peut voir fans rentrer
en lui-même, fans fe reconnoitre , fans fe convaincre
que fon corps n’eft pas la partie la plus
effentielle de fa nature.
Voilà donc deux animaux, lepithèque & Yorang-
'outang auxquels on doit appliquer le nom de
finge ; il y en a un troifième auquel on ne peut
guère le refufer , quoiqu’il foit difforme & par
rapport à l’homme & par rapport au fînge : cet
animal, jufqu’à préfent inconnu j & qui a été
apporté des Indes orientales fous le nom de gibbon,
marche debout comme les deux autres & a la
face aplatie ; il eft auffi fans queue ; mais fes bras ,
au lieu d’être proportionnés comme ceux de
l’homme, ou du moins comme ceux de l’orang-
outang ou du pithèque, a la hauteur du ^corps ,
font d’une longueur fi démefurée que l’animal
étant debout fur fes deux pieds, il touche encore
la terre avec fes mains fans courber le corps &
fans plier les jambes ; ce finge eft le troifième &
le dernier auquel on doive donner ce nom; ceft
dans ce genre une efpèce monftrueufe .hétéroclite,
comme l’eft, dans l’efpèce humaine, la race des
hommes à groffes jambes, dite de Saint-Thomas.
Après les finges , fe préfente une autre famille
d’animaux que nous indiquerons fous le nom générique
de babouin. & pour les diftinguer nettement
de tous les autres » nous dirons que le
Nous connoiftons trois efpèces de ces animaux
i° le papion ou babouin proprement dit dont nous
venons de parler, qui fe trouve en Lybie , en
Arabie, &c. & qui vraifemblablement eft le
Jimia porçaria d* Ariftote ; a° Le mandrill, qui eft
un babouin encore plus grand que le papion,
avec la face violette , le nez & les joués lillon-
nées de rides profondes & obliques, qui fe trouve
en Guinée & dans les parties les plus chaudes
de T Afrique ; 30. Uouanderou qui n’eft pas fi gros
que le papion ni fi grand que le mandrill, dont
le corps eft moins épais & qui a la tete & toute
la face environnées d’une efpèce de crinière très-
longue & très-épaiffe ; on le trouve, à Ceylan,
au Malabar & dans les autres provinces méridionales
babouin eft un animal à queue courte, à face
alongée, à mufeau large & relevé »avec des dents,
canines, plus groffes à proportion que celles de
l’homme , & des callofités fur les feffes ; par cette
définition, nous excluons de cette famille tous
les finges qui n’ont point d.e queue , toutes^ les,
guenons, tous les fapajous & fagoins qui n’ont
pas la queue courte , mais qui tous 1 ont aulh
longue ou plus longue que le corps tous les
makis , loris & autres quadrumanes qui ont le
mufeau mince & pointu.
Les Anciens n’ont jamais eu de nom propre'
pour ces animaux; Ariftote eft le feul quiparoît
avoir défigné l’un de ces babouins par le nom
de Jimia porçaria , encore n’en donne-tril qu’une
indication fort indire £le : les Italiens font les
premiers qui l’aient nommé babouino : les Allemands
Vont appellé bavion : les Anglois bavoon : les François
babouin, & tous les Auteurs qui, dans ces
derniers fiècles, ont écrit en latin, l’ont défigné
par le Tiotnpapio j nous l’appellerons nous-memes
papion pour le diftinguer des autres babouins qu’on
p trouvés depuis dans les provinces méridionales
pie l’Afiique St des Indes (
de l’Inde ; ainfi , voilà trois finges &
trois babouins bien définis , bien fepares , & tou^
fix diftinûement différens les uns des autres.
1 Mais comme la Nature ne connoit pas nos
définitions , qu’elle n’a jamais rangé fes ouvrages
par tas, ni les êtres par genres,que fa marche,
au contraire, va toujours pardegres, & que fou
plan eft nuancé par-tout & s’étend en tout fens ,
il doit fe trouver entre le genre du Jînge & celui
du babouin, quelque efpèce intermediaire qui
ne foit précifément ni l’un ni l’autre, & qui cependant
participe des deux. Cette efpece intermédiaire
exifte en effet-, & c’eft l’animal que
nous appelions magot ,• il fe trouve place entre
nos deux définitions ; il fait la nuance entre les
finges & les babouins ; il diffère, des premiers , en
ce qu’il a le mufeau alongé & -de groffes dents^
canines; il diffère des féconds, parce qu’il n’a
réellement point de queue, quoiquil ait un petit
appendice de peau qui a l’apparence d’uneynaif-
fance de queue ; il n’eft par conféquent ni fînge
ni babouin, & tient en même-temps de la m*.
ture des deux. •
Cet animal, qui eft fort commun dans la
haute Egypte, ainfi qu’en Barbarie, étoit connu
des anciens : les Grecs & les Latins 1 ont nomme
cynocéphale , parce que fon mufeau reffemble
affez a celui d’un dogue; ainfi , pourprefenter
ces animaux, voici l’ordre dans lequel on doit
les ranger ; Xorang-outang ou pongo, premier fînge ;
le pithèque 3 fécond fînge; le gibbon, troifième
. Jînge , mais difforme ; le cynocéphale ou magot »
quatrième finge ou premier babouin: le papion ,
premier babouin ; le mandrill , fécond babouin^
Youanderou, troifième babouin: cet ordre nelt
ni arbitraire, ni'fiétif, mais relatif a l.echelle
même de la Nature. >
Après les finges &. les babouins fe trouvent les
guenons ; ç’eft ainfi que j’appelle , d apres notre
idiome ancien, les animaux qui reffemblent aux
finges \ ou aux babouins , mais qui ont de longues
queues, c’efLà-dire, des queues auffi longues ou
plus longues que le corps. Le mot guenon- a e u ,
dans ces derniers fiècles, deux acceptions difte*
rentés dé celle que nous lui donnons ici : l’on a
employé
•employé ce mot guenon, généralement pour désigner
les finges de petite taille , & en même-
temps on l’a employé particulièrement pour nommer
la femelle du fingej mais plus anciennement
nous appellions finges ou magots' les finges fans
queue , & guenons ou mones ceux qui avoient une
longue queue: je pourrois le prouver par quelques
paflages de nos voyageurs, des feixième & dix-
feptième fiècles. Lé mot même de guenon ne
s’éloigne pas & peut-être a été dérivé du kébos
ou képos 3 nom que les Grecs donnoiént aux finges
a longue queue.
Ces kébos ou guenons font plus petites & moins
fortes que les babouins & les finges ; elles font
aifées à diftinguer des uns des autres par cette
différence , & fur-tout par leur longue queue.
On peut auffi les féparer aifément des makis ,
parce qu’elles n’ont pas le mufeau pointu ; &.
qu’au lieu de fix dents incifives qu’ont les makis
elles n’en ont que quatre comme les finges &
les babouins. Nous en connoiftons neuf efpèces',
que nous indiquerons chacune par un nom different
, afin d’éviter toute confufion.
Ces neuf efpèces de guenpns font : 1°. les macaques
; 2°.jles patas ; 3®. les malbrouks ,* 4 0 . les
mangabeÿs ; 50. la mone ; 6°. le callitriche ; 70. le
mouftac ; 8°. le talapoin ; 90., 1 e.douc.
Les anciens Grecs ne connoiffoient que deux de
ces guenons, la mone & le callitriche , qui font
originaires de l’Arabie & des parties feptentrid- ‘
Xi aies de l’Afrique,; ils n’avoient aucune notion
des,autres, parce qu’elles ne fe trouvent que
dans , les provinces méridionales de l’Afrique &
des Indes .orientales , pays entièrement inconnus
dans le temps d’Ariftote. Ce grand philofophe &
les Grecs en. g é n é r a l étoient fi attentifs à ne
pas confondre les êtres- par des noms communs,
& dès-lors équivoques, qu’ayant appellé pïthécos
le finge fans queue , ils vont nommé kébos la guenon
ou finge à longue, : què.ue :- comme ils ayoi^nt
reconnu que ces animaux étoient d’efp.ècés , différentes
, &. même affez éloignées , ils leur .avoient
à chacun .donné un nom propre , & ce. nom étoit
tiré du caractère le plus apparent ; tous les.finges &
babouins qu’ils connoiffoient , c’eft-à-dire , le
pithèque ou finge proprement dit: le cynocéphale
ou magot, & le Jimia porçaria ou papion ont le
poil d’une couleur à-peu-près uniforme; au contraire,
la guenon 3 que nous appelions ici mone 3
& que les Grecs appelloient kébos , a le poil varié
de couleurs différentes : on rappelle même .vulgairement
le finge varié ; c’étoit l’ëfpèce de guenon
la plus commune & la mieux connue du
temps d’Ariftote', & c’eft de ce caraélère qu’eft
dérivé le nom de kébos 3 qui défigne en grec la
variété des couleurs.
Ainfi tous les animaux de la claffe des finges ,
babouins & guenons, indiqués par Ariftote, fe
réduifent à quatre , Je pithecos , le cynocephalos,
le Jimia porçaria & le kébos, que nous nous
Hiftoire Naturelle^ Tom* J»
croyons fondés à repréfenter aujourd’hui par le
pithèque ou finge proprement dit , le magot , le
papion ou babouin , &. la molte ; parce que non-
feulement les caractères particuliers que leur
donne Ariftote leur conviennent en effet , mais
encore parce que les autres efpèces que nous
ayons indiquées , & celles que nous indiquerons
encore , dévoient néçeflairement lui être
inconnues , puifqu’elles font natives , & exclu-
fivement habitantes de terres où les voyageurs
Grecs n’avoient point encore pénétré de fort
temps.
Deux ou trois fiècles après celui d’Ariftote
on trouve dans les auteurs Grecs deux nouveaux
noms , callitrix & cercopithecos, tous deux relatifs
aux guenons ou finges., à;longue queue ; à mefure
qu’on découvroit la terre &. qu’on s’avançoit vers
le midi, foit en Afrique, foit en Afie, on trou-
voit de nouveaux animaux & d’autres efpèces de
guenons ; & comme la plupart de ces guenons
n’avoient pas , comme le' kébos , les couleurs
variées, les Grecs imaginèrent de taire un nom
gftïiénapie cerçopithecos , c’eft-à-dire ,yz/2g-e à queue ,
pour défigner toutes, les, efpèces de guenons ou
finges à longue queu,e ; & ayant remarqué parmi
ces efpèces nouvelles une guenon d’un poil verdâtre
& de couleur vive , ils • appelèrent cette
efp èce callitrix 3 qui lignifie beau poil. Ce callitrix
fe trouve en effet dans la partie méridionale de
la Mauritanie & dans les terres Voifines du Cap-
Vert; c’eft la guenon que l’on connoît vulgairement
fous le nom cle finge vert: &. comme nous
rejettons dans cet ouvrage toutes les dénominations
compofées, nous lui avons confervé fon
nom ancien-, callitrix ou callitriche.
A l’égard des fept autres efpèces de guenons
que nous avons indiquées ci-deffus par les noms
de macaque, patas } malbrouk 3 mangabey, moufiac,
talapoin & doue ; elles étoient inconnues des Grecs
& des Latihs. Le macaque eft natif de Congo ;
le patas. du Sénégal ; le mangabey de Màdagafcar ;
le . malbrouk de Bengale, le mouftac de Guinée ;
lé talapoin de Siam , & le. doue de la Cochin-
chine. Toutes ces terres étoient également ignorées
des anciens, & nous avons eu grand foin
de conferver aux animaux qu’on y a trouvés les
noms propres de leur pays.
. Et comme la Nature eft . confiante dans fa
marche, qu’elle né va jamais par fauts, & que
toujours tout eft gradué , nuancé ; oh trouve entre
les. babouins & les guenons , une efpèce intermédiaire
comme, celle du magot l’eft entre les
finges ■ & les babouins : l’animal qui remplit cet
intervalle , & forme cette efpèce intermédiaire,
reffemble beaucoup aux guenons , fur - tout aux
macaques, & en même-temps il a le mufeau fort
large & la queue courte comme les babouins : ne
lui connoiffant point de nouveau nom, nous
l’a v on s appellé maimon , pour le. diftinguer des
autres ; il fe trouve à Sumatra ; c’eft le feul de 9 0