
détriment de fubftances végétales ou animales
, il n’a plus d’organifation ; ce n’eft
qu’une matière brute, qui diffère effentiel-
lement des. végétaux.
Un corps ne peut paffer du Règne végétal
ou animal, au Règne minéral,fans changer
de nature : il faut qu’il ait perdu toute
organifation pour être minéral. Sa fubftance
eft brute ; par conféquent, elle ne peut
faire aucune liaifon entre le Règne minéral
& les deux autres-.- -
S il refle dans un bloc de pierre, ou dans
Une .mine de charbon.de terre, des parties
d ’animaux ou de végétaux qui n’ayent pas
perdu toute leur organifation, elles appartiennent
au Règne animal ou au Règne végétal,
tant qu’elles confervent des vefliges
■ d’organes. Telles font les coquilles pétrifiées
-qui fe trouvent dans la pierre calcaire ,
■ &'les fragmens de plantes que l’on voit
dans le charbon de: terre.
L’huile eft uné des fubftances végétales
ou animales qui refte le plus long-temps
.mêlée & même unie à des fubftances minérales.,
fans fe dénaturer entièrement. Le
siapthe eft compofé d’huile & d’acidé minéral.
Le napthe & les autres bitumes au-
roient donc des rapports avec des fubftances
des trois Règnes, & fembleroient faire tme
liaifon entr’eux. Mais ce, raifonnement n’eft
que fpécieux : il ne peut avoir aucun fondement
en Hiftoire Naturelle.' :
L’huile n’eft pas un.individu des Règnes
animal ni végétal ; elle n’exifte féparément
de lafubftance des animaux ou des plantes,
qu’après en avoir été tirée par des opérations
de l’a r t, ou par une décompofition
de la Nature. L’huile n’eft qu’une partie intégrante
des animaux & des plantes ; celle
qui eft fortie des végétaux dont lesbitumes
font originaires.,, y fubfifte encore. C ’eft la
même huile , avec quelques mélanges, fui-
vant les preuves que les Chymiftes en
donnent ; mais, elle ne peut être confédérée
nulle part dans la Nature comme un corps
particulier qui exifte féparément des autres.
Cen’eftqu’unefubftancequife trouve comme
l ’eau dans les animaux, les plantes & le s bitumes.
Eileeftoriginairedescorps organifés;
mais elle n’a par elle-même aucun caraâère
d’organifation ; par conféquent, lorfqu’elle
fe trouve dans le Règne minéral , elle ne
peut a vo ir, aux yeux des Naturaliftes, aucune
liaifon avec les deux autres Règnes.
De même que la partie la plus aûive de
la fubftance des animaux & des végétaux ,
devient minérale en perdant fon organifation
, plufieurs fubftances brutes s’orga-
nifent en paffant du Règne minéral aux
Règnes végétal & animal. Les plantes tirent
de la terre des matières minérales , qui
fervent à leur fubfiftance & à leur accroif-
fement, & qu’elles communiquent aux animaux
qui s’en nourriffent ; mais l’organi-
fation change abfolument l’feffence & la nature
des fubftances brutes. On en a des
preuves inconteftables dans l’économie végétale
& animale. Je vais en donner une
autre preuve, qui n’eft pas moins convaincante
, prife dans les différens termes de
la durée des productions de la Nature.
Ce terme eft déterminé, dans les animaux
& dans les végétaux, par la conformation
de leurs organes. Le temps opère fuccef-
fivement de fi grands changemens dans leur
état, qu’enfim ils perdent la faculté de faire
leurs fondions. Les fibres des plantes fe
durciffent ; &c prennent tant d’adhérence les
unes avec les autres, que l’herbe fe deffèche ;
le bois devient fi compade , que la fève
& fes autres liqueurs n’y trouvent plus, un
libre cours pour entretenir la végétation. ■
Les vaiffeaux du corps des animaux perdent
leur foupleffe & leur reffort ; la circulation
des humeursfe rallentit; les fources de la vie
tarriffent, & l’animal meurt : c’eft ainfi que
les végétaux & les animaux périffent au
terme naturel oii leurs organes ont perdu-
des propriétés néeeflaires à leurs fondions,.
. Les minéraux étant privés d’organes ,
c’eft-à-dire , de parties adiv e s , n’ônt point
de mouvement inteftin; ils font dans un
parfait repos, qui afifure leur durée. Ils
lubfifteroient toujours dans le même état,,,
féparément les uns des autres. Un minéral
ne peut être détruit que par des caufes
accidentelles , qui lui font étrangères. Il e ït
brifé par le choc d’autres corps ," altéré
ou diffous par l’eau & par des fubftances
falines, calciné ou fondu par le feu»
Les corps organifés Opèrent donc' par
_iêux-mêmes leur deftrudion : celle des corps
bruts eft indépendante de leur exiftence.
Cette différence 'effentielle eft tme preuve
décifive qu’aucune produdion de la Nature
ne peut appartenir en partie au Règne minéral
, & en partie au Règne végétal. Par
conféquent, il n’y a point d’être intermédiaire
entre ces deux Règnes, ni de paffage
de l’un à l’autre. Après avoir prouvé cette
affertion, il me refte à examiner s’il y a plus
de liaifon & d’analogie entre les produdions
duRègne végétal & celles du Règne animal.
- Les produdions de ces deux Règnes font
douées des organes néeeflaires pour l’économie
végétale ou animale ; mais le me-
canifme du corps des animaux, confidérés
en général, étant plus compofé que celui
des végétaux, leurs organes font plus multipliés
& ont un plus grand nombre de
propriétés. Pour fçavoir s’il y a , entre les
végétaux & les animaux, des êtres intermediaires
, qui ayent des propriétés com-
mtmés avec les produdions du Règne végétal
éc du Règne animal, & qui forment
un paffage de l’un à l’autre , pat* des nuances
fucceflîves, il femble qu’il faudroit comparer
les végétaux qui ont le plus d’organes
avec les animaux qui en ont le moins. De
iette manière , la queftion feroit bientôt
décidée : on ne trouveroit guere d’analogie
entre les arbres , qui font les plantes
les plus organifées, & les v e r s , qui font
les animaux les moins organifés. Les Naturaliftes
qui ont recherche des êtres intermédiaires
entre les animaux & les végétaux,
ont fuivi une autre méthode, qui renver-
feroit l’ordre dired des produdions de la
Nature , s’il exiftoit. Ils ont indiqué une
liaifon du Règne végétal au Règne animal,
par des rapports entre des végétaux & des
animaux qui font le moins organifés. Avant
d’examiner les conféquences que l’on peut
tirer de cette idée, il faut expofer les rapports
qu’elle fuppofe , & déterminer leur valeur.
Il ÿ- a beaucoup d’animaux qui ref-
femblent à des minéraux’par leur fubftance,
en grande partie pierreufe , & à des
plantes par leur figure brgnehue Si ramîfiée
; aufli les a-t-on pris d’abord pour des
pierres , enfuite pour des plantes , avant
de reconnoître qu’ils étoient de vrais
animaux. Dès le temps des Naturaliftes
Grecs, on les regardoit comme des pierres-
plantes , lithophytes, ou des animaux-plantes,
[oophyies. On leur a aufli donné les noms
de plantes marines, parce qu’ils fe trouvent
dans la mer , & de polypiers , parce qu’ils
reffemblent à des polypes, & qu’ils ont
chacun leur cellule.
Mais , fuivant Linnæus , Tes zoophytes
font de vraies plantes , qui ont un fyftême
nerveux, & l’organe du fentiment & du
mouvement. M. Pallas applaudit à' cette
opinion, & l’admire. Mais , comment peut-
on comprendre que de vraies plantes ayent
des nerfs, du fentiment & du mouvement
fpontané ? Un être ainfi conformé n’eft pas
une plante : il doit être mis au rang des
animaux , puifqu’il en a toutes les propriétés
, la v ie , le fentiment & le mouvement.
Linnæus placé les zoophytes entre les
animaux & les végétaux : in bivlo dniriici-
lium & vegetabilium. Cependant il faut
qu’il ait reconnu dans les zoophytes plus
de rapports avec les animaux qu’avec les
plantes, puifqu’il les a mis dans le Règne
animal de fon Syftême de la Nature. M.
Pallas leur donne , prefqu’à tous , la dénomination
d’animal végétant.
On a vu des polypes dans plufieurs efpèces
de litophytes & de zoophytes. Ces polypes
font conformés de façon qu’ils peuvent
faifir une proie & s’en nourrir. De
telles fonûions , fuppofant néceflairemenf
le fentiment de la faim , le mouvement
fpontané de quelques parties de leurs corps ,
& la digeftion de leur aliment, prouvent
que les polypes font des animaux. Voyons
à préfent quels font les motifs qui ont
déterminé M. Pallas à croire que ces animaux
végètent.
• La plupart des zoophytes fontbranchus &
ramifiés comme les plantes. Il y en a qui ont
une fubftance corticale & une fubftance li-
gneufe. Ils pouffent de petites véficules, qui
reffemblent à des bourgeonsou à des fruits.
La moindre partie de leur corps en étant