
faire reconnoître & d’en renouveller l’idée.
Les différentes manières de cortfidérer
les oifeaux dont je viens de rendre compte
ont produit un très-grand nombre d’ouvrages
: il ne m’eft pas poflible de les faire
connoître tous ; Ô£ j’aurai rempli ce que
le leâéur a droit d’attendre, fi je lui donne
une notice des ouvrages de chaque genre
les plus célèbres ou qui méritent le plus
de l’être»
B e l o n ,
Belon eft le premier qui ait excité en
France le goût pour l’ornithologie, & qui
ait traité cette fcience avec méthode. Il ne
fe contenta pas de lire & de commenter
les écrits des anciens, comme d’autres l’ont
fait depuis malgré fon exemple : mais doue
d’un efprit jufte , il fentit que l’hiftoire naturelle
ne, s’apprend bien que dans lé livre
de la nature i il voyagea pour s’ inftruire :
riche de fes obfervations, & de celles
qu’il recueillit dans les livres, & qu’il fçut
apprécier, il publia en 1555 fon hiftoire
des oifeaux; elle eft divifee en fept livres
ou parties, avec des planches gravées en
bois, & ne forme qu’un très-petit volume
jn-folio,
Belon fentit la néceflité de traiter 1 Ornithologie
avec ordre, & de elaffer les
utile qu’il remplit autant que le permetr
toient les connoiffances de fon temps ; car
le titre des chapitres indique fouvent que
Belon fentoit ce qu'il étoit important de
connoître ; mais que ni fes obfervations,
ni celles des autres ne l’avoient pas encore
appris. Les chapitres X , X I , XII de ce
livre méritent fur-tout d’être remarques.
L’auteur traite dans le X e des parties
externes des oifeaux ; dans le XIe , de leurs
vifcères ; dans le XIIe , il compare le fque-
lete d’un oifeau à celui d’un homme ; il
met en oppofitionla repréfentation de ces
deux fquéletes qu’on çroiroit fi differens, OC
dontja comparaifon étonne par la reffem-
blance dans l ’enfemble & dansées details.
Ces trois chapitres, qui feroient foibles
aujourd’h u i, durent mériter à leur auteur
de grands éloges de fon temps , & le dernier
oifeaux à caufe de leur nombre : mais il
ne fut heureux ni dans le choix, ni dans
l ’exécution de fon plan. Sa méthode eon-
fifte à divifer les oifeaux, d’après les lieux
qu’ils fréquentent & les vivres dont ils
le noumffent ; il eft v r a i . qu il rect îfic
çette méthode viçieufe & infuffifante ,
en çlaffant fouvent les oifeaux d’apres
leur forme : mai? ces idées n’ont rien de
fixe ni de précis ; on ne peut à cet égard
le louer que d'avoir le premier forme un
projet utile dont il manqua l'execution.
Ce défaut eft cependant compenfé par de
grands avantages, Appréciateur éclairé des
ouvrages d’Ariftote, Belon vit^, avec^ le
philosophe grec, qu’on ne connoitroit bien
les oifeaux qu’en décrivant leur forme &
leur organifation, & èrf les comparant aux
aùtres animaux. Il confacra en partie le
premier livre de fon ouvrage à cet objet ]
préfente une idée féconde que les
modernes n’ont pas épuifée.
Quant aux détails de l’ouvrage, Belon
décrit avec exactitude, mais fes deferip-
tions n’ont pas affez d’étendue ; fouvent
il n’en donne point, &C il fe contenté de
rapporter le nom des oifeaux; les planches
de fon ouvrage font la plupart mauvaifes,
Sc ne donnent pas l’idée de l’oifeau qu elles
devroient repréfenter. En général, l’ouvrage
de Belon eft plus eftimable par les
vues que par les details qu il contient ;
& l’on peut cependant encore, en beaucoup
d’endrojts , le lire avec intérêt & utilité ,
après que tant d’auteurs ont parcouru la
carrière que Belon a lç mérite d’avoir,
ouverte le premier,
G E s N e R,
Gefner, médecin de Zuric, contemporain
de Belon , n’a donné qu’un livre fur
les oifeaux , écrit en latin; mais ce liv re ,
' d’une immenfe étendue, forme un très-
gros volume in - fo lio . On trouve vers
le commencement des tables alphabétiques
des noms des oileaux, en hebreux,
chaldéen ', arabe , grec , latin, & dans
la plupart des langues qui fe parlent en
europe. Ces tables qui préfentent l'idée
d’une prodigieufç érudition, n’ont guères
d’autrç
d’autre mérite : car, par rapport aux langues
anciennes, il eft fort incertain que
Gefner-ait fait une jufte application des
noms ; ils ne feroient plus d ailleurs entendus
dans les pays oii ces langues fe par-
loient ; & par rapport aux langues modernes
, quoique ces tables puiffent etre
plus utiles, il eft bien probable que fouvent
les noms cités par cet auteur ne feroient
pas entendus dans les differentes contrées
011 fe parlent les langues^ dans lefquelles
il a donné le catalogue des oifeaux, puifque,
d’un canton à un autre, les noms changent
félon l’idiome & l’ufage. Gefner ne connoit
d’autre méthode que l’ordre alphabétique
des noms latins. Ce plan, le plus vicieux
qu’on put imaginer, répand fur l’ouvrage
entier le défordre & la confufion ; il rapproche
ce qui eft le plus éloigné dans la
nature ; il fépare ce qui eft le plus près ;
Gefner ne préfente prefque rien comme de
lui; il copie; mais à la fin de chaque article ,
il indique les fources où il a puifé : elles
font très-nombreufes ; car dès qu’un auteur
a parlé d’un oifeau, n’importe à ^quelle
occafion, il cite le paffage où il en eft
queftion ; fa manière eft à peu - près la
même, quoique moins étendue, que celle
d’Aldrovande, qu’on trouvera à l’article
de cet auteur. Il décrit avec affez d’exactitude,
mais d’une manière trop'abrégée ;
il donne l’art de dreffer les oifeaux qui
fervent à la fauconnerie ; il traite de leurs
maladies & des remèdes qu’on emploie
pour les guérir. La plupart des figures
gravées dans fon ouvrage font incorrectes
6c mal exécutées. D ’ailleurs Gefner fur-
prend par fa vafte érudition ; il refferoble
en ce point à Aldrovande qui le furpaffe,
A l d r o v a n d e .
Aldrovande, médecin de Bologne, écriv
it quelque temps après Belon & Gefner ;
il profita de leurs travaux, y ajouta 8ç
les commenta, ainfi que les ouvrages des
anciens. Le lien, écrit en latin , & grofli
par des planches gravées en bois , contient
trois volumes in-folio très-confidérables ,
(tiivifés en vingt livres. Il n’y eft cependant
Hijloin Naturelle. Tome 1,
parlé, à un très-petit nombre près , que
des oifeaux connus du temps où v ivoit
cet auteur , c’eft-à-dire , de ceux qu’on
trouve en Europe, 6c tous, il s’en faut
beaucoup, n’y font pas compris.
Aldrovande avoit fenti la néceflité de
clafferles oifeaux; mais il manqua de génie,
& il n’eut que des idées vagues & indéterminées;
Sa méthode confifte, en général, à divifer
les oifeaux d’après les alimens dont ils fe
noumffent & les lieux qu’ils fréquentent ;
mais , dans les détails, il ne fe borne pas à
ces deux principes vagues St fi infuflifans ,
8i quelquefois il caraôérife St il claffe les
oifeaux d’après la forme de leur bec ou de
leurs pieds, quelquefois d’après leurs differentes
habitudes ; cependant il n’imagine
rien à cet égard; il ne fait que répéter ce
qu’Arillote avoit obfervé St écrit : il en
fait autant relativement à l’anatomie dont
il traite par rapport à plufieurs oifeaux ;
il eft en tout le copifte du philofophe G rec ,
dont il furcharge les obfervations d’im-
menfes commentaires, qui n’y ajoutent que
de l’obfcurité. Tel eft dans le général l’ouvrage
d’Aldrovande ; ç’eft dans les détails
une immenfe colleâion 8t le répertoire de
tout ce qui a été imaginé , écrit, débité lur
les oifeaux ou à leur occafion , foit v ra i,
foitfaux, vraifemblable ouabfurde ; c’eft
par-tout une érudition qui étonne & qui
accable , fans plaire , fans intéreffer, fans
inftruire, & par-tout un défaut abfolu de
jugement 6c de critique. Il fuffit qu’un auteur
ait cité le nom d’un oifeau, pour qu’Aldrovande
rapporte le paffage où il en eft
parlé, quoiqu’il réapprenne rien de fon hiftoire.
Il rapporte de même tout ce qu’il
a entendu raconter , n’ importe par qui , &C
de quelque jjature que forent les faits : il
copie tous les deflins qu’on lui préfente pour
des portraits d’oifeaux : il créé des efpèces
& il les décrit d’après ces deflins. On croi-
roit qu’il n’avoit pour but que de groflir fon
ouvrage, fans fe mettre en peine du choix
des matériaux qu’il y employoit.. Enfin ,
pour, donner une idée préçife de la manière
d’Aldrovande, je citerai les titres des ar- I ticles qui compofent l’hiftoire d’un oifeau.
1 . B b b