
Le même lieu peut fuffire pour y mettre tin
affez grand nombre de poules couver , pourvu
qu’elles aient chacune un nid à part. La meilleure
faifon pour mettre couver eft la fin du mois de
mars, ou le commencement d’avril, parce que
les pouffins naiffent dans un temps affez chaud ,
& qu’ils prennent leur accrpiffement pendant l’été ;
mais fi l’on veut avoir des poulets en tout temps,
©n peut mettre des poules couver dans tous les
mois, hors le temps de la mue. Alors on excite
les poules à couver par un régime échauffant,
par la chaleur du lieu où on les tient, & on prend
pour les poufïins les précautions néceffaires pour
qu’ils jouiffent' de la chaleur dont ils ont befoin.
Lorsqu’on a mis une poule fur les oeufs qu’on
la deftine à couver,,on a dû tenir note du quan-,
tième du mois, & fi l’on foigne plufieurs nids à
la fois, ils doivent être numérotés, & le jour
où chaque poule a commencé à couver doit être
enregiftré fur une lifte. Le vingt-unième jour de
l'incubation , en levant les poules qui couvent
depuis cet efpace de temps , pendant qu’elles
prennent leur réfeâion fous la mue , on examine
leurs oeufs, & l’on remarque s’ils font ce qu’on
appelle bécjiés ; c’eft- à-dire , fi la coque en eft
rompue dans un des points de fa circonférence,
vers le tiers fupérieur du bout le plus gros on
remarque en même-temps s’il n’y a point de
poufïins, qui, à demi dégagés de la coquille ,
aient l’air foibles & languiflans, & qui paroiffent
ne pouvoir pas achever de s’en tirer ; on leur en
facilite le moyen en rompant la coquille avec précaution
, depuis l’endroit où elle eft entamée jufqu’à
l’extrémité du plus gros bout de l’oeuf ; cm l’enr
lève par fragmens, en prenant bien garde, fi les
portions qu’on romp font adhérentes au pouflin ,
de ne pas faire un effort trop violent pour les/
enlever, il vaut mieux les laiffer 6c attaquer la
coque dans une autre portion : on continue la
même obfervation , à la même heure , le vingt-
troifième & le vingt-quatrième jour : paffé ce
terme, ou les oeufs, qui n’ont pas été bêches ,
n’avoient pas été fécondés , ou le germe eft mort
dans la coquille après avoir commencé à fe développer
: il n’y a plus rien à attendre, & fil
faut retirer du nid tous ces oeufs inutiles , qu’on
a tranfportés du nid, avec les poufïins qui font
nés, dans un lieu convenable , de la manière que
je vais l’expofer.
Communément, dès le vingt-unième au matin,
la plupart des poufïins font déjà fortis de la coquille
; on lève la poule , on la met manger fous
la mue , on tranfporte fes poufïins & les oeufs
qui ne font pas éclos, fous une autre mue, où
l’on a arrangé de la paille, on remet enfuite la
poule fur fes petits fans leur donner d’alimens ;
ils n’en ont pas befoin , & rarement ils en pren-
droient pèndant les premières vingt-quatre heures ;
mais il faut leur donner du millet le fécond jour,
&. avoir foin auffi qu’ils trouvent à boire fous la
mue : on peut mêler avec le millet du pain raffis,
émiété très-menu, & du jaune d’oeuf durci &. écrafé.
On donne de ces alimens aux poufïins trois ou
quatre fois dans la journée, en laiffant pour la mère
à difcrétion des grains plus grofïiers pour fa nourriture
; elle s’en contente , & ne prend des alimens
plus délicats que le fuperflu de les petits ; fi l’on
a des foffes à vers , dont j’ai parlé plus haut,
quelques vers feront pour les poufïins un mets
friand , fain & très-propre à les mettre en appétit.
Il eft bon de tenir les trois ou quatre premiers jours
les poufïins enfermés fous la .mue avec leur mère ;
mais au bout de ce temps , il faut leur donner plus
de liberté pour qu’ils fe fortifient par l’exercice ;
il n’eft pas temps cependant de leur permettre encore
de s’expofer à l’air à toute heure ; c’eft pourquoi
il convient de les tenir enfermés avec leur
mère dans une chambre, où l’on donne de l’air
à volonté par les croifées , & de leur permettre
même d’en fortir aux momens où il fait du foleil ; on
peut les y laiffer expofés quelques heures , &. les
faire enfuite rentrer. Le cinq ou fixième jour on
leur donne de l’orge bouilli , mêlé de lait caillé.
C’eft une pratique utile d’y ajouter quelques herbes
potagères , en petite quantité , coupées par petits
morceaux, 6c en particulier des feuilles de poireau,
quipaffent pour être très-propres à prévenir
la pepie 6c quelques autres maladies ; niais’ on
n’en donne que tous les deux jours. Le quinze ou
le dix-huitième, il eft temps de donner une pleine
liberté aux poufïins & à la mère , à qui l’on permet
de les conduire à fon gré , & à laquelle on ouvre
avec fa famille l’entrée de la baffe-cour. Mais dans
les endroits où l’on élève une grande quantité de
poulets, comme leur éducation eft longue, que
pendant fa durée les poules ne pondent pas, on
peut, au bout de quinze jours , & en donnant
la liberté aux poufïins , les priver de leur mère ,
& y fubftituer un chapon, qui en conduira deux
fois autant qu’une poule en aura couvé. C’eft un
moyen de rendre utile, pendant fa vie , cet animal
qui ne feft ordinairement qu’après fa mort. Pour
réufïir dans cette entreprife, on plume, fous le
ventre, le chapon dont on veut le fervir, on le
frotte avec des orties, on l’enferme dans une
chambre, 6c on laiffe avec lui deux ou trois pouffins ;
ces jeunes animaux, en s’approchant du chapon,
pour chercher la chaleur qu’ils trouvoient fous
leur mère, lui font éprouver un frais agréable ,
parce qu’il modère les cuiffons qu’il reffent ; il fe
prête en conféquence à leurs defirs , & en peu de
temps le foin de couver lui devient fi agréable qu’il
a peine à permettre aux poufïins de fortir de deffous
fes ailes; on lui en donne la quantité qu’on le deftine
à conduire , & elle peut aller jufqu’à vingt-cinq :
il les mène & les foigne auffi bien, avec autant
d’attention que leurs propres mères ; il ne leur
procure pas moins de chaleur , ce qui eft fur-tout
•le point important. Il eft inutile d’avertir qu’il
faut éloigner l.es mères, & leur faire oublier leur
couvée en les tenant quelques jours à l’écart,
Bientôt elles recommenceront à devenir utiles en
recommençant à pondre. Malgré les foins dont
je viens de rendre compte, foit peur la conduite
des poules en tout temps, foit pour les poufïins,
ces animaux font lujets à différentes maladies , ou
qui les font périr, ou qui retardent leur accroif-
fement, & l’empêchent d’être aufïi complet que
quand ils n’en font pas attaqués. Il ne m’eft pas
poffible d’entrer dans un détail circonftancié des
accidens auxquels font expofés les poules 6c leurs
pouffins; je me bornerai à un précis fur les plus
fréquens, les plus dangereux, &. fur les moyens
d’y remédier.
Un grand nombre des maladies des poules 6c
des poufïins, ainfi que de 1& plupart des animaux
domeftiques, a pour eaufe l’humidité jointe avec
le froid ; c’eft dans les années pluvieufes & froides,
qu’il périt plus de poules & qu’on élève moins
de poulets. La première indication eft donc , dans
ces années, de garantir les poufïins du froid &
de l’humidité il faut par conféquent les tenir plus
long-temps enfermés dans la chambre où ils paffent ü
ordinairement les premiers quinze jours de leur vie ;
il faut remédier au vice de la faifon , qui tend à
relâcher & à affoiblir,par des alimens qui échauffent
6c qui fortifient, tek que le chenevis , le farafin,
la mie de pain trempée avec du vin, & éviter
les fruits, les herbes , qui ne feroient propres qu’à
augmenter le relâchement déjà trop grand fi
l’année pêche au contraire par une féchereffe &
une chaleur trop forte , qui difpofent aux maladies
inflammatoires , il faut retrancher tous les alimens
échauffans, donner en plus grande quantité les
herbes rafraîchiffantes 6c lés alimens hume&ans ,
comme l’orge bouilli , mêlé de lait caillé. C’eft
à la vigilance & à la prudence des économes à
varier la conduite 6c le régime fuivant les cir-
conftances. Mais cette première attention en épar-
gneroit beaucoup d’autres, 6c préviendroit bien
des maladies. Avant d’en parler en détail,j’obferverai
que, foit la poule, foit les pouffins malades, doivent
être mis féparément fous une mue ou dans une
chambre, ce qui eft le mieux ; fans cette précaution
, il feroit impoffïble de les foumettre à un régime
, 6c le refte de la baffe-cour difliperoit, en
pure perte, les remèdes qu’on deftineroit aux malades.
Cette précaution eft encore très-utile pour
empêcher la maladie de fe communiquer des animaux
malades à ceux qui font fains ; il feroit in-
difpenfable d’enfermer les malades féparément,
lorfque leur maladie eft contagieufe, d’empêcher
qu’ils n’euffent aucune communication avec ceux
.qui font fains , 6c comme on n’eft pas inftruit de
la nature des différentes maladies, il eft très-à
propos de féparer les malades, autant qu’il eft
poffible , toutes les fois qu’on n’eft: pas très-affuré
que leur mal n’eft pas contagieux. Je paffe de ces
notes préliminaires aux maladies les plus ordinaires
$c les plus graves.
La première , parmi fes poulets, eft le flux de
ventre. L’animal eft trifte , fes ailes font pendantes,
fes plumes hériffées, fes excrémens iéreux. Le
froid , l’humidité, des alimens trop aqueux, font
les caufes les plus ordinaires de cet accident. On
y remédie en tenant les poulets plus chaudement
qu’à l’ordinaire , en leur donnant pour boiffon de
l’eau dans laquelle on a fait bouillir des orties-
grièches , ou de l’eau rouillée ; on leur fait auffi boire
un peu de vin, 6c on leur donne pour aliment
de l’orge bouillie, mêlée d’un peu de coing haché.
Une maladie entièrement oppofée à la précédente
, & à laquelle les poulets font auffi rnjets ,
eft la conftipation. C’eft ordinairement l’effet d’une
chaleur trop forte, d’iine longue féchereffe, d’a-
.limens trop chauds. On y remédie en plumant
le tour de l’anus ; puis on l’oint avec de l’huile ,
&. on en introduit au bord intérieur de l’inteftin
par le moyen d’un morceau de bois applati, mince,
arrondi, qu’on a trempé dans l’huile, 6c dont on
frotte les bords internes du conduit.
On donne pour nourriture de la farine d’orge
bouillie, mêlée avec des feuilles de laitue & de
poirée, hachées menues, & pour boiffon de l’eau
blanche préparée avec la farine d’orge.
La pépie eft une maladie dans laquelle l’extrémité
de la langue eft couverte d’une pellicule
blanche, mince? demi-traniparente , sèche , qui
empêche l’oifeau de prendre aucun aliment ni
folide, ni fluide ; il eft trifte, abattu, fes ailes
font pendantes, fes plumes hériffées, il ouvre
fouvent le bec. La pépie attaque les poules à tout
âge ; mais elle eft plus fréquente parmi les poulets
; le manque d’eau en eft la caufe la plus ordinaire,
ou elle eft l’effet d’une eaufale 6c fétide;
elle peut auffi venir de trop de chaleur interne ;
c’eft pourquoi les poules qui couvent y font fu-
jettes ; les fymptômes font faciles à faifir; la maladie
fe reconnoît à la fimple infpeâion de la langue ,
6c le remède confifte à enlever la pellicule qui
la couvre par une opération fi généralement connue
6c fi facile que j’en fupprime la defeription; on
rafraichit le bout de la langue, qu’on vient de
débarraffer de la pellicule qui la couvroit, en mettant
deffus une goutte de lait ; on ne permet à
l’oifeau de boire de prendre des alimens qu’une
heure après l’opération.
Les poules font encore fujettes , 6c plus fréquemment
les poulets, à des aphtes ou ulcères
qui attaquent ou les bords du bec vers fes angles ,
ou plus fouvent les parties qui le revêtiffent intérieurement,
quelquefois la bafe de la langue ou
l’intérieur des narines. L’oifeau ouvre fouvent le
bec, bâille , fecoue la tête comme pour fe dé^
barraffer de l’pbftacle qui le gêne. Il eft affez probable
que ce mal eft contagieux, & qu’il eft produit
par un excès de chaleur interne : on y remédie en
préparant, avec un morceau de linge effilé par un
Ide fes bouts , roulé 6c attaché autour d’un bâton.,
un pinceau qu’on trempe dans du vinaigre 6c
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