
fe: fait d’ordinaire , la cormption arriveroit
néceffairement. Cependant il y a dans les
climats tempérés des caufes naturelles qui
peuvent conferver les cadavres ; telles font
les qualités de la terre dans laquelle on les
enferme. Si elle eft defféchante 8c aftrin-
gente, elle.s’irnbibe de,l’humidité du corps ; ,
c’eft ainfi, à ce que je crois , que les cadavres
fe confervent aux Cordeliers de j
Touloufe; ils s’y deflechent au point qu’on
peut aifément les foulever d’une main.
Les gommes, les réfines, les bitumes, 8cc.
que l’on applique fur les cadavres , les défendent
de l’impreffion qu’ils recevroient
dans les changemens de température ; & fi
de plus, on dépofoit dans des fables arides
& brvilans un corps ainli embaumé, on auroit
deux puiffans moyens réunis pour fa con-
fervation. Il ne faut donc pas s’étonner de
ce que Chardin nous, rapporte du pays de
Çoraffan en Pèrfe, qui eft l’ancienne Bac-
triane. Il dit que les corps que l’on met dans
les fables de ce pays , après y avoir été
embaumés, s’y pétrifient ; c’e ft-à -d ir e ,
y deviennent fort durs , tant ils font deffé-
ehés , 8c s’y confervent pendant plufieurs
fiecles. On affure qu’il y en a qui y font
depuis deux mille ans (a).
Les Egyptiens entôuroient de bandelettes
les cadavres embaumés,& les renfermoient
dans des cercueils. Peut-être qu’avec toutes
ces précautions ils ne fe feroient pas con-
fervés pendant tant de fiecles,fi les caveaux
ou les puits dans lefquels on les enfermoit,
n’avoient pas été dans un, fol de matière bo-
laire & crétacée , qui n’étoit pas fufceptible
d’humidité, 8c qui d’ailleurs étoit recouvert
de fable aride de plufieurs pieds d’épaif-
feur.
Les fépulcres des anciens Egyptiens fub-
fiftent encore aujourd’hui ; la plupart des
Voyageurs ont fait la defcription de ceux
de l’ancienne Memphis , 8ç y ont vu des
momies. Ils font à deux lieues des ruines
de cette v ille , à neuf lieues du Grand Caire,
du côté du Midi, & à trois quarts de lieue
du village de Saccara ou Zaccara. Ils s’c-
tendent jufqu’aux pyramides de Pharaon ,
qui en font éloignées de deux lieues 8c
demie. Ces fépulcres font dans des campagnes
couvertes d’un fable mouvant jaunâtre
8c très-fin ; le pays eft aride 8c mon-
tueux ; les entrées des tombeaux font remplies
de fable. Il y en a plufieurs qui ont
été ouvertes , mais il en refte encore de
Cachées ; il eft queftion de les trouver dans
des plaines à perte-de vue. Les habitans de
Saccara n’ont pas d’autre reffource 8c d’autre
commerce dans leurs déferts, que de chercher
des momies , dont ils font un commerce,
en les vendant aux étrangers qui
fe trouvent au Grand Caire. Pietro délia
Valle (é) voulant defcendre dans untombeau
qui n’eût pas été fouillé , fe détermina à
prendre des Pionniers à Saccara, & à les
accompagner pour les voir travailler en fa
préfence dans les endroits où le fable n’avoit
pas -été remué ; mais il auroit peut-être
perdu beaucoup de temps dans cette recherche
faite au hafard, fi un de fes ouvriers
n’avoit. trouvé d’avance ce qu’il cherchoit.
Lorfqu’on a détourné le fable, on rencontre
une petite ouverture carrée, profonde
de dix-huit pieds , 8c faite de façon
qu’on y peut defcendre en mettant les pieds
dans des trous qui fe trouvent les uns vis-à-
vis les autres. Cette forte d’entrée a fait
donner à ces tombeaux le nom de puits : ils
font creufés dans une pierre blanche &
tendre , qui e ft, dans tout ce pays , fous
quelques pieds d’épaiffeur de fable ; les
moins profonds ont quarante-deux pieds.
Quand on eft defcendu au fond , on y voit
des ouvertures carrées & des paflages de
dix ou quinze pieds, qui conduifent dans
des chambres de quinze ou vingt pieds en
carré (c). Tous ces efpaces font fous des
voûtes à-peu-près comme celles de nos
citernes, parce qu’ils font taillés dans la
carrière. Chacun des puits a plufieurs
chambres 8c plufieurs grottes qui-communi-
quentles unes aux autres. Tous ces caveaux
(s) Voyages dans l’Egypte , la Paleftine , les Indes Orientales, &c. Tom. 1 , page 332 & fuir.
(b) Voyages dans l’Egypte, la Paleftine , les Indes Orientales, &c. Tom, 1 , pag. 332 & fuiv.
(p) Voyage autour du Mondg, par Gemejji Careri, Topi.I, pag. 111 6- fuiv. ^
occupent l’efpace d’environ trois lieues 8c
demie fous terre ; ainfi ils alloient jufque
fous la ville de Memphis (a) ; c’eft à-p'eu-
près comme les vuides des carrières qui
ont été fouillées aux environs de Paris, 8c
même fous plufieurs endroits de la ville.
Il y a des chambres dont les murs font
ornés par des figures 8c des hiéroglyphes ;
dans d’autres, les momies font renfermées
dans des tombeaux creufés dans la pierre
tout autour de la chambre, 8c taillés en
forme d’hommes dont les bras font étendus.
On trouve d’autres momies, 8c c’eft le plus
grand nombre, dans des coffres de bois ou
dans des toiles enduites de bitume. Ces
coffres ou ces enveloppes font chargées de
plufieurs fortes d’ornemens ; il y a auffi des
figures, même celle du mort, 8c des fceaux
de plomb fur lefquels on voit différentes
empreintes. Il y a des coffres qui font
fcuîptés en figure d’homme, mais on iry
reconnoît que la tête ; le refte du corps eft
tout uni 8c terminé par un piédeftal.D’autres
figures ont les bras pendans ; on reconnoît
à ces marques les momies des gens diftin-
gués : elles font pofées fur des pierres autour
de la chambre. Il y en a d’autres au
milieu, pofées Amplement fur le pa vé, 8c
moins ornées ; il paroît que ce font celles
des gens d’une condition inférieure ou des
domeftiques. Enfin dans d’autres chambres,
les momies font pofées pêle-mêle dans le
fable.
On trouvedes momies qui font couchées
fur le dos (h) , la tête du côté du N ord, les
deux mains fur le ventre ; les bandes de
toile de lin qui les enveloppent ont plus de
mille aunes de longueur ; ainfi elles font
un très-grand nombre de circonvolutions
autour du corps, en commençant par la
tête 8c en finiffant aux pieds (c) ; mais elles
ne paffent pas fur le vifage. Lorfqu’il eft
refté à découvert, il tombe en pouffière
dès que la momie eft à l’air. Pour que la
tête fe conferve en entier, il faut que le
vifage ait été couvert d’une petite enveloppe
de toile , qui eft appliquée de façon
que l’on peut reconnoitre la forme des
y eu x , du nez 8c de la bouche (d). On a vu
des momies qui avoient une longue barbe ,
de,s cheveux qui defeendoient jufqu’à moitié
de. la jambe (e) , 8c des ongles fort grands ;
quelquefois on a vu qu’ils ■ étoient dorés
ou Amplement peints de couleur orangée.
Il y a des momies qui ont fur l’eftomac des
bandes avec des figures hiéroglyphiques
d’o r , d’argent, ou de terre v e r te , 8c de
petites idoles de leurs Dieux tutélaires, 8c
d’autres figures de jafpe ou d’autre matière,
dans la poitrine. On leur trouve auffi affez
ordinairement fous la langue une pièce d’or
qui vaut environ deux piftoles ; c’eft pour
avoir cette pièce que les Arabes gâtent
toutesles momies qu’ils peuvent rencontrer.
On reconnoît que la matière de l’embaumement
n’a pas été la même' pour toutes
les momies ; il y en a qui font noires, 8c
qui paroiffent n’avoir été enduites que de
f e l , de poix 8c de bitume ; d’autres ont été
embaumées de myrrhe 8c d’aloës; les linges
dec,elles-cifontplusbeaux8cpluspropres(/).
Le h Février 1756, des payfans d’Auvergne
découvrirent un tombeau en bêchant
un champ fitué dans le canton appellé
le terroir de Jarlot, près du lieu des Martres-
d’Artières,à deuxlieues de Maringue, à deux,
lieues 8c demie de Riom, 8c à trois lieues
de Clermont-Ferrand, à la diftance de vingt-
quatre pas d’un grand chemin au nord , 8c
à vingt-fix pas. du ruiffeau d’Artier au midi.
Ce tombeau n’étoit recouvert que d’un
pied 8c demi de terre au plus ; il étoit dirigé
d’orient en oeçident, 8c compofé de deux
pierres , dont l’une formoit le corps du fé-
pulcre , 8c l’autre la couverture ; elles
étoient de grès très-friable, car il s’égre-
noit lorfqu’on y touchoit. La couverture
étoit creufée en deffous 8c difpofée en
(a) Voyages & Obfervations du fteur de la Boullaye le Gouz, pag. 373 & fuiv,
(b) Relation de divers voyages, par Melchifedec Thevenot , Tom. I , pag. 23.
(c) Ibid. Tom. 1 , pag. 2.
(d) Voye{ le Journal des Sçavans , ann. 1714 , pag. 446.
(cl Les Voyages du Seigneur de Viîlamont, pag. 660 & fuiv.
(ƒ) Cofmographie du Levant, par André Thevet , page i<2 & fuiv.
Hijioire Naturelle. Tom, I. m