
d’ayril jufqu’à la fin de juin ; on ne leur fera faire
aucun autre exercice pendant ce temps , & on
les nourrira largement, mais avec les mêmes nourritures
qu’à l’ordinaire.
Lorfqu’on mènera l’étalon à la jument, il faudra
le panfer auparavant ; cela ne fera qu’augmenter
fon ardeur : il faut auffi que la jument foit propre
& déférée des pieds de derrière, car il y en a qui
font chatouilleufes & qui ruent à l’approche. Un
homme tient la jument par le licou , & deux autres
conduifent Xétalon par des longes ; une attention
effentielle à avoir eft d’empêcher que les crins de
la jument ne le bleffent, & à cet effet de les détourner.
Quoiqu’un bon étalon puifle chaque jour, pendant
trois mois, avoir une jument, U vaut mieux né la
lui donner que tous les deux jours ; ainfi, dans
les premiers fept jours , on lui donnera fùc-
celîivement quatre jumens différentes, & le neuvième
jour on lui ramènera la première , & ainfi
des autres , tant que durera leur chaleur ; mais dès
qu’il y en aura quelqu’une dont la chaleur fera
paffée, on lui en fubltituera une nouvelle pour
la faire paffer à fon tour auffi tous les neuf jours;
& comme il y en aplufieurs qui font fécondées dès
la première, fécondé ou troifième fois, on compte
qu’un étalon ainfi conduit peut rendre mères quinze
ou dix-huit jumens dans les trois mois que~~dure
fon emploi.
Beaucoup de gens, au lieu de conduire Xétalon
à la jument , le lâchent dans le parc où les
jumens font raffemblées, & l’y laiffent en liberté
choifir lui-même celles qui ont befoin de lui, &
les fatisfaire à fon gré: cette manière eft bonne
pour les jumens ; elles produiront même plus fu-
rement que de l’autre façon ; mais Xétalon fe ruine
plus ainfi en fix femaines, qu’il ne feroit en plu-
fieurs années par un exercice modéré & conduit
comme nous l’avons dit.
On a remarqué que les' haras établis dans les"
terreins fecs & légers produifoient des chevaux
fobres, légers & vigoureux, avec la jambe ner-
veufe & la corne dure , tandis que dans les lieux
humides &. dans les pâturages les plus gras, ils
ont prefque tous la tête greffe &. pelante, le
corps épais, les jambes chargées , la corne mauvaise
& les pieds plats : ces différences viennent
de celles du climat & de la nourriture , ce qui peut
s’entendre aifément : mais ce qui eft plus difficile
à comprendre & qui eft encore plus effentiel que
tout le refte , c’eft la néceffité de toujours ctoifer
les races , fi l’on veut les empêcher de dégénérer.
Chaque climat, par fes influences & par celles
de la nourriture, donne une certaine conformation
qui pêche par quelque excès ou par quelque défaut ;
mais dans un climat chaud, il y aura en excès ce
qui fera en défaut dans un climat froid , & réciproquement,
de manière qu’il doit fe faire une compensation
du tout, lorfqu’on joint enfemble des
animaux de c e s climats op p ofés ; c ’eft c e que nous
appelions , croifer les races.
A in fi , dans le clim a t tem p é ré de la F r a n c e , il
f a u t , p o u r a v o ir de b e au x chevaux , faire venir
des étalons de climats plus chauds o u plus froids :
le s chevaux a rabes , fi l’on en p eu t a v o ir , & les
b a rb e s , d o iv en t ê tre p ré fé ré s , & enfuite les chevaux
d’E fp agn e & du ro y a um e de Naples ; & p our les
c limats froids , c e u x du D a n n em a r ck , & enfuite.
c e u x du H o lfte in & de F r if e . T o u s c e s chevaux
prod u iron t en F r a n c e , a v e c les jumens du p a y s ,
de trè s -b o n s chevaux, q u i fe ron t d’au tan t meilleurs
& d’autant plus b e a u x , que la tem p é ra tu re du
clim a t fera plus é lo ign é e de celle du clim a t de la
F r a n c e , en fo rte que le s arabes fe ro n t m ieu x que
le s b arb es , les barbes m ieu x que ce u x d’E fp a g n e ,
& de m êm e le s cheWaux tirés de Dan n emarck
p ro d u iro n t de plus beaux chevaux que ce u x de Frife.
A u défaut de ce s chevaux de climats beaucoup
plus froids ou plus ch a u d s , il faudra fa ire venir
des étalons anglais o u a llem a n d s , o u m êm e des
p ro v in ce s méridionales de F r a n c e dans les prov
in c e s feptentrionales : o n g agn era tou jou rs à
don n er au x jumens des chevaux: étran g ers ; & , au
co n tra ire , on p e rd ra b e au cou p à laiffer multiplier
enfemble dans un haras des chevaux de même
r a c e ; c a r ils d ég én è ren t infailliblement & en très-
p eu de temps.
P o u r a v o ir d e b e au x chevaux de felle fins &
bien f a i t s , les a r a b e s , le s tu r c s , les barbes , ceux
d’Andaloufie , & à leu r d é f a u t, de b e au x chevaux
anglois , fo n t ce u x qu’o n d o it p ré fé re r , &
p o u r a v o ir de b e au x chevaux de ca ro ffe ,
il faut fe fe rv ir d’étalons de D an n em a r ck ou
de H o lfte in & de F r ife . L e s Napolitains ont
le double av an tag e de p ro d u ire des chevaux fins
de m o n tu r e , lorfqu’o n leu r donne des jumens
fines , & de b e au x chevaux de caroffe a v e c des
jumen s étoffées & d e b on n e ta ille ; O n prétend
qu’en F r a n c e & en A n g le te rre , les chevaux arabes
& barbes en g en d ren t o rd in a irem en t des chevaux
plus grands qu’e u x , & qu’au co n tra ire les chevaux
d’E fp agn e n’en produifent que de plus p e tits.
I l faut auffi a v o ir g ran de atten tion à la différence
o u à la ré c ip ro c ité des figures du cheval & de la
ju m e n t , afin de co rrig e r le s défauts de l’un par
les perfeéfions de l’autre , & f u r - t o u t n e jamais
fa ired ’a ccou p lem en s d ifp ro p o rtio n n é s ,com m e d’un
p e tit cheval a v e c u n e groffe ju m e n t , & d’un
gran d cheval a v e c une p e tite jum en t , p a r c e que
le p rod u it d e c e t a cco u p lem en t feroit p e tit ou
m a l p ro p o rtion n é : p ou r tâ ch e r d’ap p ro ch e r de la
belle n a tu r e , il fau t aller p a r nuances ; donner
p a r e x em p le un cheval étoffé , mais fin à une
jum en t un p eu tro p épaiffe ; à une pe tite jument
un cheval un peu plus haut qu’elle ; à une jum e n t,
qui p ê ch e p a r l’a v an t-m a in , un cheval qui a it la
tê te belle & l’en co lu re noble , & c .
D a n s l’a ccou p lem en t des cheyaux, on affortira
d o n c le p o il & l a taille > on co n tra fte ra les figures ;
on cro ifera le s ra c e s en op p o fan t le s c l im a ts , &
on ne jo in d ra jamais enfemble les chevaux & les
jumens nés dans le m êm e haras. >
Vétalon eft en é ta t d’en g en d re r dès l’âg e de d eu x
ans ou d eu x ans & d emi ; mais il v au t mieu x attendre
qu’il a it quatre ans o u q u a tre ans & demi
avant de lui p e rm e ttre l’ufage de la jum en t ; o n .
ne doit m êm e le p e rm e ttre à c e t âge qu’a u x chevaux
de trait & au x g ro s chevaux ; mais il faut a tten d re
fix & m êm e fep t ans p o u r les chevaux fins &. les
beaux étalons d’E fp a g n e , & c .
Lorfqu’il a é té bien m én ag é , Xétalon p eu t engendrer
jufqu’à l’âge de v in g t ans & m êm e jufqu’à
trente , & l’on rem a rq u e dans ce s an im au x , que
ceux qui o n t com m en cé de bonne heure , finiffent
auffi plutôt ; ca r les g ros chevaux qui font p lu tôt
formés que les chevaux fins , & d o n t on fait des
étalons dès l’âge de quatre ans , ne d u ren t pas fi
long-temps , & font com m u n ém en t ho rs d’e ta t
d’engendrer a v a n t l’âge de quinze ans.
Il n e nous re fte qu’à faire co n n o ître les differentes
ra ce s de chevaux p ro p re s à différens climats.
Les chevaux Arab e s font les plus b e au x que l’on
connoiffe en E u ro p e . Ils font d’une taille m éd io c re ,
fort dégagés , & p lu tô t maigres que gras. C e s
chevaux v ie n n e n t , à ce qu’on p r é te n d , des chevaux
fauvages des déferts d’A r a b ie , dont^ o n a
fait trè s -an cien n em en t des haras ; ils fo n t fi légers ,
que quelques-uns d’en tr’eu x d e v an cen t les autruches
à la co u rfe . L e s A rab e s du défert & les
peuples de L y b ie é lè v e n t une gran d e quantité
de ces chevaux p ou r la chaffe ; & lorfque l’h erbe ,
pour les faire p aître , man q u e , ils ne les n o u r -
riffent que de d attes & de lait de c h am e a u , ce
qui les ren d n e rv eu x , légers & maigres. C e s mem e s
Arabes ten d en t des pièges au x ch e v a u x fauv ages :
ils en m ang ent la chair , & difent que celles des
jeunes e ft fo r t d élicate : ce s ch e v a u x fauvages
font plus p etits que le s autres ; ils fo n t com m u nément
de cou leu r c e n d r é e , quoiqu’il y en ait
auffi de b la n c s , & ils o n t le crin & le p o il de
la queue fo rt co u r t & fo rt h é r if fé .,
/ I l n’y a p o in t d’A rab e , quelque miférable qu’il
foit , qui n’a it des chevaux .o rdinairement ils
montent les jumens , p a rce qu’elles refiftent m ieu x
que les chevaux à la fatigue , à la faim & à la
foif ; qu’elles font aufli moins v icieufes , plus
douces , & henniffent moins fréq u em m en t que
les chevaux : ils les a ccou tum en t fi b ien à ê tre
enfemble , qu’elles dem eu ren t en g ran d n om b re ,
quelquefois des jo u rs entiers , fans fe frap p e r les
unes les a u t r e s , & fans fe faire au cu n m a l. L e s
Arabes v en d en t au x T u r c s , qui n’a im en t p as les
jum en s, les chevaux qu’ils ne v eu len t pas g a rd e r
pour étalons. Ils ç o n f e r v e n t, a v e c gran d f o in , &
depuis trè s -lo n g -tem p s , les ra c e s de leurs chev
au x : ils en connoiffent les g é n é r a tio n s , les
alliances & to u te la g én é a lo gie , ils diftinguent les
ra ce s p ar d es n oms différens , & ils en fo n t tro is
claffes : la p rem iè re e ft celle des chevaux nobles ,
de race pure & ancienne des deux côtes ; la
fécondé- eft celle des chevaux de race ancienne ,
mais qui fe font méfalliés ; & la troifieme eft celle
des chevaux communs ; ceux-ci fe vendent a bas
prix ; mais ceux de la première claffe, & même
ceux de la fécondé , parmi lefquels il s’en trouve
d’auffi bons que ceux de la première, font toujours
excelfivement chers.
Jls. ne font jamais couvrir les jumens de cette
première claffe noble -, que par des étalons de
la même qualité. Quand ils n’ont pas des étalons
nobles, ils en empruntent chez leurs voifins ,
moyennant quelqu’argent, pour faire couvrir leurs
jumens, ce qui fe fait en préfence de témoins ,
qui en donnent une atteftation fignée & fcellee *
pardevant le Secrétaire de l’Émir, ou quelqu’autre
perfonne publique ; & dans cette atteftation, le
nom du cheval & de la jument eft cite, & toute
leur génération expofée : lorfque la jument a
pouliné, on appelle encore des témoins , & 1 on
fait une autre atteftation , dans laquelle,, on fait
la. defeription du poulain qui vient ^e naître ,
& on marque le jour de fa naiffance. Ces billets
donnent le prix aux chevaux , & on les remet
à ceux qui les achètent. Les moindres jumens de
cette première claffe font de 500 écus , & il y
en a beaucoup qui fe vendent 1000 écus , 4 , 5
& 6000. livres.
Comme les Arabes n’ont qu’une tente pour
maifon , cette tente leur fert aufli d’écurie ; la
jument, le poulain , le mari, la femme & les en-
fans , couchent tous pêle-mêle les uns avec les
autres , ■ & ces jumens font fi accoutumées à vivre
dans la familiarité , qu’elles fouffrent toute forte
de badinage. Les Arabes ne les battent point : ils
les traitent doucement ; ils parlent & raifonnent
avec elles ; ils en prennent un très-grand foin ;
ils les laiffent aller au pas & ne les piquent jamais
fans néceffité ; mais auffi , dès qu’elles fe fentent
chatouiller le flanc avec le coin de l’étrier, elles
partent fubitement , & vont d’une vîteffe incroyable
: elles fautent les haies & les foffés aufli
légèrement que des biches , & fi leur cavalier vient
à tomber , elles font fi bien dreffées, qu’elles s’ar-
1 rêtent tout court , même dans le galop le plus
rapide. Les Arabes les panfent régulièrement foir
& matin, & ne leur laiffent aucune craffe fur la
peau ; ils leur lavent les jambes , le crin & la
queue qu’ils laiffent toute longue & qu’ils peignent
rarement pour ne pas rompre le poil : ils ne leur-
donnent rien à manger de tout le jour ; ils leur
donnent feulement à boire deux ou trois fois , &
au coucher du foleil, ils leur paffent un fac à la tête
dans lequel il y a environ un demi boiffeau d’orge
bien net ; on %e leur ôte le fac que le lendemain
matin lorfque tout eft mangé ; on les met au verd
au mois de mars , quand l’herbe eft affez grande ;
c’eft dans cette même faifon qu’on les fait couvrir ,
& on a grand foin de leur jetter de l’eau froide
fur la croupe immédiatement après qu’elles ont