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provoqués ; maïs alors ils prennent de la fureur
& font très-redoutables ; l'acier de Damas, les
labres du Japon n’entament pas leur peau , &
les lances ne peuvent la percer ; elle réfiite même
aux balles du moufquet ; -celles de plomb s’appla-
tifTent fur leur cuir, & les lingots de fer ne le
pénètrent pas en entier ; les feuls endroits abfo-
lument pénétrables font le ventre , les yeux & le
tour des oreilles ; auffi les chaffeurs, au lieu d’attaquer
cet animal de face & debout, le fuivent de
loin par .fes traces, & attendent pour l’approcher
, les heures où il fe repolè & s’endort.
« On le tue difficilement, dit Gervaife , & on
ne l’attaque-jamais fans péril d’en être déchiré.
Ceux qui s’adonnent à cette chaffe ont pourtant
trouvé les moyens de fe garantir de fa fureur :
car, comme cet animal aime les lieux marécageux,
ils l’obfervent quand il s’y retire , ôc fe
cachant dans les btfiflons au - deffous du vent ,
ils attendent qu’il fpit couché , foit pour s’endormir
ou pour fe vautrer, afin de le tirer près des
oreilles, qui eft le feui endroit où il peut être
blefTé à mort. Ils fe mettent aù-deffous du vent,
parce que le rhinoçéros a cela, de propre, qu’il
découvre tout par l’odorat».
Néanmoins, quelque furieux qu’il foit, il eft
aifé de l’éviter lorfqu’on le voit venir ; quoiqu’il
aille très - vite, comme il ne fe tourne qu’avec
beaucoup de peine & qu’il ne voit que devant foi,
on n’a qu’à le laiffer approcher à quelques pas
de diftance , & fe mettre un peu à côté, alors il
ne voit plus le chaffeur, & ne peut que très-difficilement
le retrouver. Lorfqu’il pourfuit fa proie, il
va toujours en droite ligne , court plus vite qu’un
cheval, ôc dans fa fureur il force , renverfe, perce
tout ce qu’il rencontre ; ni les arbres , ni les buif-
fons , ni les haies , ni les pierres ne peuvent l’arrêter
; avec fa corne il déracine les uns , enlève les
autres ôc les jette derrière lui fort haut* à une grande
diftance ; lorfqu’il ne rencontre rien, il fait des
filions dans la terre & en jette avec fureur une
graridé quantité par-deflùs fà tête. Il grogne
comme le cochon ; fon cri ne s’entend pas. de
fort loin lorfqu’il eft tranquille ; mais lorfqu’il ëft
en colère, on peut l’entendre à une grande diftance.
« Le rhinocéros, dit Kolbe , attaque affez rarement
les hommes, à moins qu’ils ne le provoquent,
ou que l’homme n’ait un habit rouge ;
dans ces deux cas il fe met en fureur ôc renverfe
tout ce qui s’oppofe à lui. Lorfqu’il attaque un
homme , il le fai fit par le milieu du corps & le
fait voler par-deffus la tête, avec une telle force,
qu’il eft tué par la violence de fa chute...... Si on
le voit venir, il n’eft pas difficile de' l’éviter,
quelque.furieux qu’il fpit ; il eft fort vite, il eft
vrai, mais il ne fe tourne qu’avec beaucoup de
peine : d’ailleurs il ne voit que devant lui ; ajnfi
on n’a qu’à le laiffer approcher à cinq ou fix pas
de diftance ? ôc alors fe mettre un peu à côté,
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j l ne vous voit plus , ôc ne peut que très-difficf»
lement vous retrouver. Je.l’ai expérimenté moi-
même ».
Sans pouvoir devenir utile comme l’éléphant,
le rhinocéros eft auffi nuifible par la confomma-
tion & par le prodigieux dégât qu’il fait dans lès
campagnes. Il fe nourrit d’herbes groffières , de
chardons , d’arbrilfeaux épineux ; mais il aime .
beaucoup les cannes de fucre, ôc mange auffi
de toutes fortes de grains. N’ayant nul goût pour
la chair, il n’inquiette pas les petits animaux ; il
ne craint pas les grands, vit en paix avec tous ,
ôc c’eft peut-être fans fondement réel qu’on lui
attribue des combats avec l’éléphant, car on n’a
pas remarqué qu’il y eût aucune efpèce d’antipathie
entre ces deux grands animaux,.on en a
même vu en captivité vivre tranquillement fans
s’offenfer, ni s’irriter l’un contre l’autre.'
Quoiqu’il ne vive que de végétaux, le rhinoçéros
ne rumine pas ; ainfi il eft probable que,
comme l’éléphant, il n’a qu’un eftomac ôc des
boyaux très-amples , ôc qui fuppléent à l’office de
la panfe, il ’confomme moins, ôc perd auffi beau-
. coup moins par la tranfpiration que l’éléphant.
Qn trouve des rhinocéros en Afie ôc en Afrique ÿ
à Bengale , à Siam , à Laos, au Mogoî, à Sumatra,
à Java , eu Abyffinie , en Éthiopie , ait pays
des Anzicos, ôc jufqu’au cap de Bonne-Efpérance ,
mais en général l’efpèce en eft moins nombreufe
ôc moins répandue que celle de l’éléphant. Les
Indiens Ôc les Nègrçs trouvent la chair de cet
animàl excellente. Sa peau fait le cuir le meilleur
ôc le plus dur qu’il y ait. Sa corne eft
plus eftimée des Indiens que l’ivcire, à caufe
des qualités fpécifiques ôc des propriétés médicinales
qu’ils lui attribuent ; les blanches., comme
les plus rares, font auffi les plus recherchées ; 6c.
non-feulement fa corne, mais encore toutes les
autres parties de fon corps , 6c même fon fang ,
fon urine & fes excrémens font eftimés comme
des antidotes contre le poifon, ou comme des
remèdes à plufieurs maladies. Us ont le même
ufage dans la pharmacopée des Indes qpe la thériaque
dans celle de l’Europe ; mais il y a toute
apparence que la plupart dç ces vertus, font imaginaires.
Tout ce que nous venons de dire concerne
le rhinocéros, des Indes , 6c n’eft même entièrement
exaâ que pour cette race afiatique ; car
il paroît, que les rhinocéros d’Afrique forment
une fécondé race, dans laquelle les individus
ont généralement la corne double , 6c n’ont pas
le cuir relevé en boucliers épais. ÔC auffi impénétrables
, ni fillonné de plis auffi profonds que le
rhinocéros d’Afie. Laiftons du rçfte parler ici M.
Allamand , qui le prentier paroît avoir établi les
différences qui' fe trouvent .entre ce rhinocéros
d’Afrique ÔC celui d’Afie.
» Le rhinocéros, dit M. Allamand , eft nomm,é
I nabal par fes Hottentots, a qui prononcent la prç-
- jniàç©
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mièye fyllabe de ce mot avec un claquement de
langue qu’on ne fauroit exprimer par l’écriture.
Le premier coup d’oeil qu’on jette fur lui , fait
d’abord penfer à l’hippopotame dont il diffère
cependant très-fort par la tête ; il n’a pas non
plus la peau auffi épaiffe ni aüffi difficile à percer
que le rhinocéros d’Afie. M. Gordon en a tué un
à la diftance de cent dix-huit pas avec une balle
de dix à là livre ».
u Les rhinocéros d’Afrique ont tout le corps
couvert de ces incruftations en forme de galles
ou tuberofités qui fe voient fur ceux d’Afie,
avec cette différence , qu’en ceux-ci elles ne font
pas parfemées également par-touL'j il y en a
moins fur le milieu du corps, 6c il n’y en a point
à l’extrémité des-jambes : quant aux plis de la
peau , ils. font bien moins forts 6c moins marqués :
les adultes en ont un à l’aine , profond de trois
pouces, un autre derrière l’épaule d’un pouce
de profondeur, un derrière les oreilles, mais peu
confidérable, quatre petits devant la poitrine ÔC
deux au-deffus du talon ; ceux qui fe font remarquer
le plus ôt qui ne fe trouvent point fur ceux
d’A fie, font au nombre de neuf fur les côtes,
dont le plus profond . ne l’eft que d’un demi-
pouce ; autour des yeux ils ont plufieurs rides
qui ne peuvent pas paffer pour des plis ».
<i Tous ceux que M. Gordon a vus , jeunes
ou vieux, avoient deux cornes, 6c s’il y en a
en \ Afrique qui n’en aient qu’une, ils font in- '
connus aux habitans du cap de Bonne-Efpérance....
la plus grande .de ces cornes eft placée, fur le
nez ; fa' longueur varie ; elle eft applatie en-deflùs.
La fécondé corne a fa bafe à environ demi-pouce
de la première , 6c elle eft beaucoup plus courte.
L’une ôc l’autre font uniquement adhérentes à la
péau ôc placées fur une éminence unie qui eft J
au-devant de la tête ; en les tirant, fortement en 1
arrière, on peut les ébranler.
« Ce rhinocéros a les ' yeux plus petits que
l’hippopotame ; ils ont peu de blanc ; le plus
grand diamètre de la prunelle eft de huit lignes, 6c l’ouverture des paupières eft d’un pouce : ils
font iitués aux côtés de la tête , à-peu-près à
égale diftance de la bouche ôc des oreilles ; ainfi,
cette fituation des yeux démontre la fauffeté de
l’opinion de Kolbe , qui dit que le rhinocéros ne
peut voir de côté , 6c qu’il n’apperçoit que les
objets qui font en droite ligne devant lui. Il au-
roit peine à voir de cette derniere manière , fi
fes yeux ne s’élevoient pas un peu au-deffus des
rides qui les environnent. Il paroît cependant
qu’il fe fie plus fur fon odorat 6c fon ouie que
fur fa vue ; auffi a-t-il les nazeaux fort ouverts
ôc longs de deux pouces 6c demi ; fes oreilles
ont neuf pouces en longueur, 6c leur contour
eft de deux pieds ; leur bord extérieur eft garni
de poils rudes, longs de deux pouces 6c demi ;
mais il n’y en a point en dedans ». *
u La couleur de fa peau eft d’un brun obfcur,
Hifioire Naturelle. Tom* /,
qui devient couleur de chair fous le ventre 6c
dans les plis ; mais comme il fe vautre fréquemment
dans la boue , il paroît avoir la couleur de
la terre fur laquelle il le trouve ; il a fur le corps
quelques poils noirs, mais clair-femés , entre les
tubérofftés de fa peau 6c au-deffus des yeux ».
u Il a vingt-huit dents en tout ; fçavoir : fix
molaires à chaque côté, des/ deux mâchoires , ôc
deux incifives en haut 6c en bas. Les dents
d’en-haut femblent être un peu plus avancées ,
de manière qu’elles recouvrent celles de deffous,
lorfque la gueule eft fermée ; la lèvre fuperieure
n’avance que d’un pouce au-delà de l’inférieure ».
« 'Sa-queue a environ un pied ôc demi de longueur
; fon extrémité eft garnie de quelques poils
longs de deux pouces , qui partent de chaque
côté comme de deux e&èces de coutures ; cettè
queue eft ronde par-demis 6c un peu applatie en
deffous ; les pieds Ont trois doigts munis d’ongles
ou plutôt de fabots-; la longueur des pieds de
devant égale leur largeur ; mais ceux de derrière
font un peu alongés. Il y a fous la plante du pied
une ,femelle épaiffe 6c mobile ».
« Ces rhinocéros font actuellement affez avant
dans l’intérieur du pays. Pour en trouver , il
faut s’avancer à cent cinquante lieues dans les
terres du Cap. On n’en voit guère que deux ou
trois enfemble ; quelquefois cependant ils marchent
en plus grande compagnie ; ôc en marchant ils
tiennent leur tête baiffée comme les cochons ;
- ils courent plus vite qu’un cheval ; le moyen le
plus sûr de les éviter, eft de fe tenir fous le
vent -, car leur rencontre eft dangereufe ».
« Ils tournent fouvenr la tête de côté 6c d’autre
en courant, 6c il femble qu’ils prennent plaifir à
creufer la terre avec leurs cornes ; quelquefois
ils y impriment deux filions par le balancement
de leur tête, 6c alors ils fautent 6c courent à
droite ôc à gauche , en dreffant leur queue ,
comme s’ils avoient des vertiges. Leurs femelles
n’ont jamais qu’un petit-à la fois ; elles ont. auffi
deux cornes , 6c quant à la grandeur, la différence
n’eft pas confidérable. Leur cri eft un
grognement fuivi d’un fort fifflement, qui reffemble
un peu au fon d’une flûte. On n’entend point
parler au Cap de leurs prétendus combats avec
les éléphans ».
RICHE , efpèce ou race de lapin. V. Lapin.
RILLOURS , nom donné , à Cêylan, à une
forte de gros linges à tête blanche ôc couverte
d’une crinière flottante , 6c qui , dit-on , font
dégât dans les récoltes ; il paroît que cette efpèce
eft celle que nous décrivons fous le nom d'ouan-
derous.... Voyei O u an d e ro u s . „
RITBOK ou bouc des roféaux , gazelle dont
l’efpèce paroît voifine de celle du nagor, ôc dont
les cornes , en fuivant leur courbure , font longues
■ de plus d’un pied, environnées d’annéaux jufqù’au-
delà de la moitié de leur longueur, 6c terminées
par une pointe liffe 6c fort aigue. Les oreilles
M ra