
iur-tout une efpèce de jonc lin qu’on appelle ycho ;
ils s’abreuvent de leur propre falive, qui, dans
ces animaux , eft plus abondante que dans aucun
autre, & , à ce qu’on affure , ils ne boivent
jamais.
L’efpèce entière du lama n’eft pas réduite en
domefticité ; il y & des lamas fauvages appelles
huanaciis. Ceux - ci font plus forts , plus vifs, &
plus légers que les lamas domeftiques ; leur chair
eft moins bonne & leur laine moins fine, moins
longue & toute de couleur fauve. Ces lamas
fauvages fe raffemblent en troupes & font quel-
quefois deux ou trois cens enfemble ; lorfqu’ils
apperçoivent quelqu’un , ils regardent avec étonnement
, fans marquer d’abord ni crainte ni plaifir ;
enfuite ils foufflent des narines & hennilfent
à peu près comme les chevaux , & enfin , iis
prennent la fuite tous enfemble vers le fommet
ides montagnes.
Us cherchent de préférence le côté du Nord
& la région froide, où ils fe portent mieux que
dans la région tempérée ; aufli ils ne font nombreux
&. vigoureux que dans les parties les plus
élevées des Çordilières , & comme la chaîne
de ces montagnes qui „eft élevée de plus de trois
mille toifes au - dëffus du niveau de la mer au
Pérou, fe fondent à-peu-près à cette même élévation
au Chily & jufqu’aux terresMagellaniques ,
on y trouve des lamas fauvages en grand nombre ;
au lieu que.du côté de la Nouvelle Efpagne , où
■ cette chaîne de montagnes fé rabaiffe confidéra-
-blement, on n’en trouve plus, & l’on n’y voit,
de même que dans toutes les terres baffes, que
des lamas domeftiques.
Il feroit poflible , & en même-temps infiniment
avantageux , de naturalifer en France, les efpèces
du lama , de l’alpaca & de la vigogne. Ces animaux
éprouveroient fur les fommets des Pyrénées ou des
Cévènes, une température analogue à celle des
montagnes qu’ils habitent, & il eft à préfumer
que la domefticité, bien loin de faire dégénérer
ta toifon de la vigogne , pourroit, au contraire , la
’perfeôionner. F o y e^ l’aiticle V ig o gn e .
Le lama eft Yoyis peruana de Hernandez & de
Marcgrave ; le camelus dorfo Itzvi, topho petto-
rali de Linnæus ; le chameau du Pérou de Briflon.
LAMANTIN (le ) , gros animal amphibie , qui
paroît encore tenir des quadrupèdes par les mains ,
bu palmes , attachées à fa poitrine , ;& fe rapprocher
des cétacés par le défaut de jambes &
de pieds, au lieu d.efquels il n’a qu’une groffe
queue qui s’élargit en éventail dans une diréâion
horifontale. Cet animal a la tête plus groffe que
celle d’un boeuf, les yeux petits & fans iris, les,
4rous auditifs très - petits & d’une ligne de diamètre
, point de dents de devant, mais feulement
une callofité dure comme un os, avec laquelle
il pince l’herbe j trente - deux dents molaires;
point de langue, deux mains, ou plutôt
deux palmes ou nageoires près de la tête; les
parties de la génération plus- femblablës à celles
de l’homme & de la femme qu’à celles d’aucun
autre animal ; le corps couvert d’un cuir épais
d’un pouce , très-peu velu , & de couleur gris-
cendré.
Les lamantins varient pour la grandeur. On
en voit qui ont plus de quinze pieds de long fur fix
pieds d’épaiffeur ; il y en a même de plus de
vingt pieds de longueur, comme nous le verrons
tout-à-l’heure ; la partie de l’arrière du corps eft
beaucoup plus menue que celle de l’avant, &
va toujours en diminuant jufqu’à la queue. La
femelle a deux mamelles fur la poitrine , & elle
produit ordinairement un petit, qu’elle embraffe
& porte entre fes mains : & qu’elle allaite pendant
un an.
Le lamantin eft un animal fort doùx, il remonte
les fleuves, & mange les herbes du rivage auxquelles
il peut atteindre fans fortir de l’eau ; il
nage à la furface ; pour le prendre on tâche de
s’en approcher fur une nacelle ou un radeau, &
on lui lance une groffe flèche attachée à un très-
long cordeau , à l’extrémité duquel on a foin
d’attacher un gros morceau de liège pour fervir
de renfeignement. Lorfque l’animal a perdu fon
fang & fes forces, il gagne la terre ; alors on
reprend l’extrémité du cordeau , on le foule
jufqu’à ce qu’il n’en refte plus que quelques
braffes, & à l’aide de la vague ,* on tire peu-à-
peu l’animal vers le bord , ou bien on achève
de le tuer dans l’e'au à coups de lance.
Us pèfent depuis cinq cents jufqu’à huit cents
livres. La chair en eft excellente , & quand elle
eft fraîche , on- la mangeroit plutôt comme du
boeuf que comme du poiffon ; en la découpant
& la faifant fécher & mariner, elle prend avec
le temps le goût de la chair du thon, & elle eft
encore meilleure. La graiffe eft aufli douce que
le beurre , & on employé 1® cuir à faire des
baudriers, des fouliers, &c.
Le lamantin préfère les eaux douces à celles
qui font'falées ; il ne fe rencontre pas en haute
mer , il eft même rare dans les embouchures des
rivières ; mais on en trouve à plus de mille
lieues de la mer , dans les grandes rivières qui
defcendent dans celle des Amazones. Il n’eft pas
moins commun dans cette dernière rivière, dans
l’Orénoque , & dans plufxeurs autres des environs
de Cayenne & des côtes de la Guyane. L’efpèce
en exifte aufli fur les côtes & dans les rivières
de l’Afrique.
Quoiqu’informes à l’extérieur; ces animaux font
à l’intérieur très-bien organifés , & fi l’on peut
juger de là perfeélion d’organifaticyji par le reful-
tat du fentiment, ils feront peut-être plus parfaits
que- les autres à l’intérieur ; car leur naturel &
leurs moeurs femblent tenir quelque chofe de
l’intelligence & des qualités fociales ; ils ne craignent
pas l’afpeâ de l’homme, ils affeélent même
de s’en approcher & de le fuivre avec confiance
& fécurité ; cet inftinéi: pour toute fociété eft au
plus .haut degré pour-celle dé"leurs femblable^;
ils fe tiennent prefque toujours en trouves &
ferrés les uns contre les autres avec leurs petits
au milieu d’eux, comme pour les préferver de
tout accident ; tous fe prêtent,- dans le danger,
des fe cours' mutuels ; on en a vu effayer d’arracher
le harpon du corps de leurs compagnons
bleffés, fouvent l’on voit les* pètits fuivre de
près, le cadavre de leurs mères jufqu’au1 rivage ,
où les pêcheurs les amènent en les tirant - avec
des cordes ; ils montrent autant de fidélité dans
leurs amours que d’attachement à leur fociété ;
le mâle n’a communément qu’une feule femelle ,
qu’il accompagne conftamment avant & après
leur union ; ils s’accouplent dans l’eau , car ils
ne viennent jamais à terre, & ne peuvent même
fe traîner dans la vafe*.
Npus connoiffons 'quatre ou cinq efpèces de
lamantins. Tous ont la tête très-petite, le cou
fort court , le corps épais & très- gros jufqu’à
l’endroit où commence la queue, allant en-
fuite en diminuant de plus en plus jufqu’à l’origine
de la nageoire ou pinne qui termine cette
queue en forme d’un éventail étendu dans le
fens horizontal ; la peau du corps eft raboteufe ,
très-épaiffe, & dans quelques efpèces elle eft par-
femée de poils rares; la langue eft étroite, d’une
moyenne longueur, & affez menue relativement,
au volume du corps; Dans la femelle la vulve
n’eft pas fituée comme dans les femelles des autres
animaux, au - deffous, mais au - deffus de l’anus ;
les mamelles font placées fur la poitrine & très-
proéminentes dans le temps de la geftation &
de l’allaitement des petits.
Tels font les cara&ères généraux &> communs
a tous les lamantins ; mais il y en a de particu.-
liers, par lefquels on peut diftinguer chaque efpèce.
ï °. Le g r a n d L a m a n t in d u K a m t s c h a t k a .
Gette efpèce fe trouve en affez grand nombre
dans les mers orientales au-delà de Kamtschatka,
fur-tout aux environs de Tille Béring, & paroît
etre la plus grande. Ce lamantin de Kamtschatka
a environ vingt-trois pieds de longueur ; la tête
fort petite , en comparaifon du corps , eft de figure
oblongue ; elle eft applatie au fommet, & Va
toujours en diminuant jufqu’à l’extrémité du mu-
feau , qui eft rabattue , de manière que la gueule
fe trouve tout-à-fait au-deffous ; l’ouverture en
eft petite, .& environnée de doubles lèvres tant
en haut qu’en. bas ; les lèvres fupérieure & inférieure
externes font fpongieufes, epaiffes &
très-gonflées ; Ton voit à leur furface un grand
nombre de tubercules, d’où fortent des foies
blanches ou mouftaehes longues de quatre ou
cinq pouces. Ces lèvres font les. mêmes moüve-
mens que celles, des chevaux , lorfque l’animal
mange.
Hijlgire Naturelle. Tom, 7,
Les narines, qui font fituées vers l’extrémité
du mufeau ^ ont un pouce & demi de longueur ,
fur autant de largeur environ , quand elles font
entièrement ouvertes ; la mâchoire inférieure eft
plus courte que* la fupérieure ; mais ni l’une ni
l’autre ne font garnies de dents ; il y a feulement
deux os durs &. blancs , dont l'un eft fixé au palais
fupérieur , & l’autre à la mâchoire inférieure ;
ces os font criblés de plufieurs petits trous ; leur
furface extérieure eft néanmoins folide & crénelée
, de manière que la nourriture fe . broie entre
ces deux os en affez peu de temps. Il n’y a point
de fourcils aux yeux, mais dans le grand ângl'e
de chaque oeil,' il fe trouvé une membrane car-
tilagineufe en forme de crête , qui petit, comme
dans la faricovienne , couvrir le globe de l’oeil
en entier, à la volonté de l’animal.
Le cou ne fe diftingue pas du corps ; il eft feulement
un peu moins épais auprès de la tête que
fur le refte de fa longueur ; les bras , qui partent
des épaules auprès du cou, & qui ont plus de
deux pieds de longueur , font formés & articulés
comme le bras & l’avant-main de l’homme ; cet
avant-bras du lamantin finit avec'le métacarpe &
le carpe , fans aucun veftige de doigts ni d’ongles ;
le carpe & le métacarpe font environnés de graiffe
& d’une* chair tendineufe- rêçôuvertè d’une peau
dure &' cornée. Ces bras ne peuvent lui aider
à marcher fur la terre , & ne lui fervent qu’à
nager.
Ce lamantin a foixante vertèbres , vingt - cinq
au tronc du corps , & trente-cinq dans la queue,
qui eft terminée par une pinne épaiffe & très-
dure , élargie horizontalement , & dont la fubf-
tànce eft à-peu-près pareille à celle du fanon de
la baleine.
La peau eft une efpèce de cuir d’un pouce
d’épaiffeur , plus reffemblant à l’extérieur à l’écorce
rude d’un arbre qu’à, la peau d’un animal ; elle eft
de couleur noirâtre & fans poil ; il y a feulement
quelques foies rudes & longues autour des nageoires
, autour de la gueule & dans l’intérieur
dqs narines* Cette peau eft fi dure , fur-tout lorf-
qu’elle eft sèche , qu’on a peine à l’entamer avec
la hache. Les Tfchutchis s’en fervent pour faire des
nacelles.,
Ce grand lamantin paroît aimer les plages va—
feufes des bords de la mer ; il fe tient aufli à
l’embouchure des rivières ; mais il ne les remonte'
pas pour fe nourrir de l’herbe qui croît fur leurs
bords , car il habite conftamment lès eaux fau-
mâtres. Ces animaux font fi peu farouches , qu’ils
fe laiffent approcher & touchér avec la^ main ;
aucun danger ne les émeut, & à peine levent-ils
la tête hors de l’eau, lorfqu’ils-font menacés ou
frappés^, fur-tout dans le temps qu’ils prennent
leur nourriture ; il faut les frapper très-rudement
pour qu’ils prennent le parti de s’éloigner, & un
moment après om les voit revenir au même lieu.
Chaque mâle paroît s’attacher à une feule fe