
quincajou de ces contrées, font fameux. Ce carcajou
, qui n’eft autre que le rofmak ou glouton
du Nord., n’eft pas plus gros qu’un blaireau;
c’eft cependant l’ennemi le plus dangereux qu’ait
Y élan. Le.glouton grimpe fur un arbre pour attendre
Y élan au paflage ; dès qu’il le voit à portée ,
il fe lance deilus , s’attache fur fon dos en y
enfonçant les ongles , & lui entamant la tête ou
le cou avec les dents , ne l’abandonne pas qu’il
ne l’ait égorgé. Il fait la même guerre avec encore
plus.de facilité au renne qui eft bien plus .foible que
Y élan. En vain l’orignal fe couche par terre &
. fe frotte contre les arbres ; rien ne fait lâcher prife
au carcajou,. & les chafleurs trouvent, quelquefois
des morceaux de fa peau larges comme la main ,
demeurés à l’arbre ‘ contre lequel, l’orignal, s’eft
frotté.
Les Sauvages n’ignorent pas Part de chaffer &
de prendre les.orignaux ils les fuivent à lapifte.,
quelquefois pendant pluüeurs jours, & à force
de; confiance & d’adreffe ils en viennent à bout.
C ’eft en hiver, fur-»tout que fe fait, cette, chafte.-;
.l’orignal ne fait pas. grand chemin parce qu’il
enfonce dans la neige, ce qulle.fatigue beaucoup.;
les chafleurs fe fervent de. raquettes , parle moyen
defquelles on marche fur la neige fans enfoncer ;
lorfqu’ils ont atteint l’orignal, ils lui lancent un
dard qui eft' un bâton au bout duquel eft emmanché
un grand os, pointu & qui perce comme
une épée.
Lorfque les orignaux font en nombre ,. ils fe
mettent tous queue à queue , font un grand
cercle d’une;-lieue' & demie ou deux lieues &
quelquefois plus, & battent- fi bien la neige à
force, de tourner , qu’ils, n’enfoncent plus: celui
de devant étant, las, fe met derrière-; les Sauvages.
en embufcade., les attendent au; paflage:,
& leur lancent le. dard-; il y en a.un. qui. les
pourfuit. toujours ; à chaque tour- il,' refte; queL-
qu’orignal fur la place , jufqu’a ce. qu’ënfin ils
prennent, le parti de. s’écarter dans lesthôis.
Un de nos, premiers voyageurs François en
Canada ( Sagard Théodat) ,. parle de .ces animaux
dans les-termes fui vans-: a les élans ou orignaux
- font fréquents en la province dè- Canada , &fort
rares au pays des Hurons, d’autant que ces animaux
le tiennent & fe retirent, ordinairement dans .les
. pays les. plus, froids. L’élan eft plus- haut qu’un
. cheval ; il- a Le. poil, ordinairement grifen &, quelquefois
fauve ,. long, quafi. comme le- doigt;
: fa tête eft fort longue, & porte fon bois-double.
comme le. cerf y mais- large; & fait comme
celui d’un daim, & long. de trois pieds ; le pied
efl fourchu comme; celui du cerf,, mars beaucoup
plus plantureux ;. la chair eft courte & fort
.■ délicate.. Il paît aux prairies; & vit aufli dès tendres
pointes, des arbres ; c’eft la plus abondante.manne
des'Canadiens,, après le poiflon. L’orignal chôiflt
en hi /er un canton où croît-abondamment Yana-
jyxisfcttldu ou bçispwnt , parçe qjilil s’eji nourrit,
& quand la terre eft couverte de cinq ou fl*
pieds de neige , il fe fait d'ans ces cantons des,
chemins qulil n’abandonne point qu’il, ne foit
pourfuivi des chafleurs- ».
L’élan T ainft que le renne., eft du.nombre'des
animaux ruminans- ; leur manièrp. de fe nourrir
l’indique , & l’infpeélion des. parties, intérieures
le démontre. Lélan porte de très-grandes cornes
ou plutôt des bois qui font cylindriques à . leur
origine., slélargiflent enfuite beaucoup &. forment
une table plate qui a fur fes bords plufieurs pro-
longemens en forme de doigts. Ces cornes font,
très-pefantes ; elles tombent comme celles des
cerfs. On prétend que Y élan a l’odorat plus fin
qu’aucun autre, animal,. & l’on a obfervé que fes
nerfs olfaélifs font très-gros.
Le nom de. Y élan vient du latin alce , formé
lui-même du celtique elch.
É l a n d ’A f r iq u e de K o lb e eft. le bubale;
Voye£ B u b a l e ..
ÉLAPHO-CAMELUS , dé- Matthiole, eft le.
même. animaLque lé lama. Voye^ L a m a .
ÉLÉPHANT ( l ’ ) e f t , fans contredit, : le. -premier
de .tous; les animaux terreftres.; il les.fùr-
pafle tous en grandeur,.& femble. approcher de
l’homme par. l’intelligence. A une force prodi-
gieufe., il'joint Le courage la prudence, le fang.
froid l’obéifîance. exacte la modération. ,
même dans-, fes pallions les plus vives ;. aufli re-
connoifTant. des bienfaits que.fenfible aux injures.-,,
il ne méconnoît. pas. fes. amis, & n’attaque jamais
que ceux qui l’ont offenfé ; enfin, vivant
en paix avec les autres, animaux , il eft aimé de
tous., puifque. tous. le. refpeélent., & n’ont, nulle
raifon* de Le craindre;--
Aufli les hommes onteils eu-, dàns; tous les
temps, pour ce grand, pour ce .premier animaL,
une.efpèce. de vénération. Les anciens-le:
regardoient, comme, un prodige un miracle, de
la nature ; ils ont. beaucoup exagéré, fes.facultés
naturelles ;. ils lui ont. attribué fans "héfiter ,
des qualités intelleéluelles & des vertus morales ;
ils. ont donné, ai ces; animaux des.moeurs raifon—
nées , une religion naturelle & innée, l’obfer*
van ce d’un culte., l’adoration quotidienne du foleil. ©4 de. la lune , l’.ufage. de. l’ablution. avant l’adoration
, l’efprit, de-divination.la piété, envers le
ciel & pour .leurs, femblables., qu’ils.afliftent,à la
mort ,.& qu’après. leur décès.ils. .• arrofent de. leurs
larmes- & recouvrent de-. terre , &c.. Les Indiens,
prévenus de l’idée.de.lamétempfyeofe ,- font encore
perfuadés- aujourd’hui', qu’un- corps. aufli
majeftueux- que- celui, de. I-éléphant. ne. peut être
animé que par.: Lame d’un, grand, homme ou- d’ua
roi.. On refpeâe à Siam, à Laos, à Pégu, &c,
les .éléphant, blancs, comme les mânes vivans des
empereurs de l’Inde-;, ils ontchacune un palais,
un nombreux do.meftique_,. une- vàiflèlle .d’or ,.r
- des mets choifis ,. des vêtemens, magnifiques
font difpenfés de. tout travail. Ôll de tout&
©béiflance ; l’empereur vivant eft le feul devant
lequel ils fléchiftent les genoux, & ce falut leur
eft rendu par le monarque.
Mais, en écartant les fables de l’antiquité & les
frétions de la fuperflition , il refte encore affez à
Y éléphant, pour qu’on doive le regarder comme
un être de lg première diftinélion ; il eft digne
H’être connu, d’être obfervé. Nous allons donc le
confidérer d’abord dans fon état d’indépendance
&. de liberté ; nous le confidérerons enfuite dans
fa .condition de fervitude ou de domeftiçité.
■ Dans l’état de fauvage , Y éléphant n’eft ni fan-
guinaire ni féroce; il eft d’un naturel doux , &
jamais il ne fait abus de fes armes ou de fa force ;
il ne les emploie que pour fe défendre lui-même
ou pour protéger fes lemblables. Il a les moeurs
focialës ;• on le voit rarement errant oti-folitaire f
il marche-ordinairement de compagnie. Le plus
âgé conduit la- troupe ; le fécond d’âge la fait aller
& marche le dernier ; les jeunes & :les foibles
font au milieu des autres ; les mères portent leurs
petits & les tiennent embraflés de leur trompe.
Ils ne gardent cet ordre que dans les marches pé-
rilleufes, lorfqu’ils vont paître fur des terres cultivées
: ils voyagent avec moins de précaution
dans les forêts & dans les; fo.litudes, faiis cé-
pendant fe féparer abfolument, ni même s’écarter
affez loin pour être hors de pô'rtéè des- ■ fecours
& des avertifîemens ; il y en a néanmoins quelques
uns qui s’égarent ou qui traînent après les
autres , & ce font les feuls que les chafleurs ofent '
attaquer ; car il fan droit une petite armée pour
'affaillir la troupe entière, & l’on ne poufroit la
vaincre fans perdre beaucoup de monde ; il feroit
même dangereux de leur faire la moinde.mjm-e.:
ils vont droit à l’offeniéur ; & quoique la mafle
de leur corps foit très-pëfante , leur pas eft fi
grand , qu’ils atteignent aifément l’homme le plus
léger à la courfe. Ils 'le percent de leurs défenfes ;
ou le faififfent avec la trompe , le lancent comme
une pierre, & achèvent de le tuer en le foulant
aux pieds ;-mais ce n’eft que lorfqu’rls font provoqués,
qu’ils font ainfi main-baffe fur ies hommes ;-
ils ne font aucun mal à- ceux qui ne les cherchent
pas ; ‘cependant- , comme ils- font fufceptibles &
délicats fur le fait des injures , il eft bon d’éviter
leur rencontre ; & les voyageurs qui fréquentent leur pays, allument de grands feux la nuit &
battent de la caiffe pour les* empêcher d’approcher;:
On prétend que lorfqu’ils ont unë-fois été attaqués'
par les hommes j ou qu’ils £ font 'tombés dans:
quelque - embûche , ils ne l’oublient jamais , &
qu’ils- cherchent à le venger en toute- occafion. Comme ils ont l’odorat excellent-, & peut-être-
plus parfait qu’aucun dés animaux, à caufe de.1 la
grande étendue de leur nez, Fodenr de l’homme
les frappe de très-loin ;• ils pourroient aifément
le fuivre à la pifte. Les, anciens ont écrit que les
Méphuns arrachent l’herbe des endroits où le chaf-
isur. a paflfé 3 ôt qu’ils, lé. la donnent comme demain
en m a în , pour que tous foient informés du
paflage & de la marche de l’ennemi.
Ces animaux aiment le bord des fleuves, le*
profondes vallées, les lieux ombragés & les ter-
reins humides ; ils ne peuvent fe palier d’eau , &
la troublent avant que de la boire, Ils en- rem-’
pliflent fouvent leur trompe , foit pour la porter
à leur bouche, foit feulement- pour fe rafraîchir
le nez , & s’amnfer en la répandant à flot, ou
l’afpergeant à la fonde. Ils ne peuvent fupporter
le froid y & foüffrent aufli de l’excès de la chaleur
; car, poür éviter la trop grande ardeur du
foleil, ils-s’enfoncent' autant qu’ils peuvent dans
la profondeur des forêts les plus ' fombres ; ils fe
mettënt aufli aflez fouvent dans l’eau : le volume-
énorme dé leur corps leur aide à nager; ils enfoncent
moins dans l’eau que les autres animaux
& d’ailleurs, la longueur de leur trompe, qu’ils
redreflént én haut par laquelle ils refpirent
leur ôte toute crainte d’être fubmergés.
Leurs'afimefis ordinaires font des racines, des
herbes , des 'feuilles & du bois fendre; ils-
mangent aufli des fruits & des grains ; mais, ils
dédaignent la chair & le poiflon. Lorfque l’un,
d’entre eux,trouve quelque, part un pâturage abon-
d à h t i l appelle' les autres', & les invite à venir-
njanger avec hii. 'Comme il leur faut une grande
quantité de; fourrage , ; ils changent fouvent de
Ken , & îbrfqulls arrivent à dès terres enfemen-
cées , ils y font un dégât prodigieux , en éca-
chant & détrüifant dix fois plus de plantes avec-
leurs pieds , qu’ils n’en confomment pour leur
nourriture laquelle peut monter à 1-50 livres
dlierbe par' joui; .: aufli les Indiens & les Nègres
cherchent tous Les moyens de prévenir leur vifite-
& deiés détôurnèf en faifafct de grands bruits , de-
grands’ feux autour.;de leurs terres cultivées : fou-
vent, malgré ces précautions, les éléphans viennent:
s’en emparer, en chaftent le bétail'do'meftique, font
fuir les hommes , & quelquefois renverfent de:
fond en ' comble leurs minces habitations. Il eft.
difficile de lés ëp'ouvanter , & ils. ne font guère-
fiifceptibles. de- ‘crainte ; la feule chofe' qui les
fnrprenne & puifTe les arrêter, font les feux d’artifice
;-les pétards qubn'leur lance,,& dont l’effet
fübit & promptement renouvelle Les- faifit
Leur font quelquefois rebroufler chemin. On vient
très-rarement à bout de- les féparer les uns des;
autres, car ordinairement ils prennent tous en-
femble le même parti d’attaquerde gaffer indifo
féreminent ou de fuir.
Lorfque les femelles entrent- en chaleur y ce
grand attachement pour la fociété cède à un fen~
riment plus, vif ; la troupe fe fépare- par couples,,
que le defir avoit formé d’avance. Le: myftère;
accompagne leurs plaifirs ;- on ne- les a jamais vus
s’accoupler ; ils craignent fur-tout les regards d@;
leurs femblabies r ils cherchent les bois lès plus;
épais, ils gagnent les folitudes les plus profondes;
pour fe livrer i. fans trouble ôc fans témoins.ài