
tituer la viande , & fur-tout les inteftins
de toutes efpèces d’animaux, aux poiffons
8c aux reptiles dont ils font leur nourriture.
M. Hermann m’a fait parvenir de Strasbourg*
à Paris deux cigognes qui ont vécu longtemps
dans un jardin. On les nourriffoit
d’inteftins de boeuf 8c de différens animaux.
Un goéland étoit nourri dans le même
lie u , de la même manière, & c’eft en général
celle d’alimenter en captivité les
oifeaux, q u i, libres, vivent de poiffons,
de reptiles 8c de vers. Quelques-uns de
ceux qui font leur nourriture de ce dernier
aliment, comme le roflignol, la rouge-
gorge , 8cc. font plus difficiles à nourrir.
On y parvient cependant en leur donnant
fie la viande maigre , crue , hachée très-
menue. Nos oifeleurs préfèrent pour ces
oifeaux le coeur de boeuf à toute autre
viande, & ils y mêlent, à partie à peu près
égale, la rapure d’une pâte très-dure , à
fort bon marché , qu’ils appellent pain de
pavot. Les voyageurs pourroient fe munir
d ’une provilion de cette pâte ; ils ne feraient
pas obligés d’en emporter beaucoup, parce
qu’on eij mêle peu à la viande dont on
pourrit les oifeaux. Elle ne ferait qu’une
précaution de plus, car les individus mêmes
qui y font habitués peuvent en être privés.
Cependant la difficulté d’avoir delà viande
fraîche , la néceffité de la hacher très-
menue 8c de la renouveller avant qu’elle
commence à fe corrompre, rendra toujours
fort difficile le tranfport des oifeaux auxquels
ellg eft néceffaire.
Après nous être occupés des moyens de
tranfporter les oifeaux , portons notre
attention fur ceux qui peuvent concourir
à leur confervation & à la propagation de
leur efpèce. Si il ne s’agit que d’objets
purement de curiofité, un lieu entretenu par
des tuyaux de chaleur, à la température du
climat dont les oifeaux auront été apportés,
»pplanira toutes les difficultés; je renverrai
d’ailleurs , pour çe qui concerne la nourriture
, l’expofition du Heu OÙ l’on enfermera
les oifeaux, à çe que j’ai dit fur.la
manière de nourrir ceux- qu’on 3 deffein de
jtranfporter, Si fur la néceffité de les tenir
çn yn lieu uéré Si çclairç ; jpajs ft il s’agij
d’oifeaux apportés dans des vues d’utilité
il ne faut pas les enfermer dans une ménagerie
oh ils feraient toujours trop à l’étroit :
il faut d’abord, fuivant la température du
climat qu’ils habitoient, les tranfporter ou
dans nos provinces du nord ou dans celles
du midi. La Francê efl heureufement fituée
pour ce choix ; enfuite il conviendra, d a-
près les connoiffances qu’on aura acquifes
fur les lieux des habitudes de ces oifeaux ,
de les placer de façon qu’ils puiffent continuer
leur manière de vivre ordinaire autant
qu'il fera poffible. A in fi, fi ce font
des oifeaux qui fe piaffent dans des prairies,
il faudra enfermer un efpacç fuffifant, d une
manière convenable, le couvrir d’un filet,
y lâcher les oifeaux en liberté, autant qu’ils
peuvent en avoir dans une retraite ou on
les retient ; mais auparavant on aura garni
le fol de gazon, oh l’on aura établi le parquet
fur un fol qui en étoit déjà couvert,
ce qui vaudra mieux encore,
Si les oifeaux aiment les bois, on aura
foin qu’il fe trouve des arbuftes enfermes
fous le parquet, 8c fi ce font des oifeaux
d’eau, on tâchera de les placer dans un
parquet que traverfe quelque ruiffeau, ou
au moins on y creufera un baffin qu’on aura
foin de remplir. De quelque façon que les
oifeaux aiment à vivre , on les laiffera le
plus en liberté , & le plus dans le calma
qu’il fera poffible, Ainfi le parquet le plu?
grand fera le meilleur ; on aura foin que
les côtés en foient fermés pour que rien
n’inquiète les oifeaux, 8ç il n’y aura que
le deffus d’ouvert 8c couvert d’un filet,
Avec ces précautions, & la nourriture convenable
, fuivant les remarques qui ont ete
faites , je crois qu’il y a peu d’oifeaux des
pays chauds qu’on ne pût habituer, au climat
de nos provinces méridionales ; que
beaucoup y multiplieraient, fur-tout en
choififfant bien le local. Les oifeaux des pays
froids réuffiroient encore plus aifément dans
le refte du royaume en les plaçant n’importe
dans quel lieu , mais convenablement-dans
l’endroit qu’on choifiroit.
Je n’eftime les précautions dont je viens
de parler néceffaires que pour s’affurer
I d’une efpèce préçieufe, tranfportée avec
. beaucoup
beaucoup de peine, 8c difficile à fe procurer.
Lorfque cette efpèce ayant multiplié,
on aura moins à craindre de la perdre , il
faudra accoutumer par degré les jeunes au
climat fous lequel ils feront nés ; & en
procédant prudemment , ils pourront
paffer par degrés du parquet dans les
baffes-cours. Mais la première attention efl
de placer les animaux nouvellement apportés
dans un climat qui correfponde à celui
des pays d’oh on les a tiré s, 8c de les
mettre à portée de fuivre leurs habitudes.;
Ainfi, c’eft dans les provinces méridionales!
qu’il faut dépoter 8c acclimater les oifeaux
des pays chauds, 8c fur le bord de l’eau, ou
dans un lieu qui tienne en quelque chofe
d’un bois ou d’une prairie, qu’i l faut placer
les différentes efpèCes félon leur manière
de vivre. Ce n’eft que peu à peu qu’on
accoutumera les générations au changement
de climat, 8c qu’on leur fera con-
traûer de nouvelles habitudes.
Mais les oifeaux peuvent-ils dédommager
des peines , des frais, même qu’exigent
les différentes précautions dont-je viens
de parler, 8c cet objet méritoit-il d’occuper
la place que je lui ai facrifiée ? Je fuis
obligé de revenir un infiant fur mes pas :
’l’exemple du coq 8c de la^poule, de l’o ie ,
du canard rendus domeftiques, du dindon,
de k canne de Barbarie , apportés de climats
fi éloignés du nôtre, prouvent l’utilité
de nous affervir certaines efpèces, de nous
les approprier par les foins qu’elles nous
coûtent, par ceux que nous prenons pour
les tranfporter des climats oh la nature
les avoit placées fans nous en enrichir. A'
l ’agami , au marail, dont j’ai déjà parlé,
j’ajouterai les hoccos, qui,, par leur taille,
la bonté de leur chair, ne le cèdent pas au
dindon : ces oifeaux , je le fçais, tranfportés
dans nos climats, même en Hollande , oh
l’on fe donne bien plus de foins pour ces
objets , ne multiplient pas ; mais on les
place dans des ménageries ; on les tient
trop à l’étroit ; 8c c’eft au midi de l’Europe
qu’il faudrait d’abord les tranfporter,
8c les y foigner convenablement.
L’exemple des deux efpèces de fai fans
de. la Chine , le tricolor ou le dore, Sc le
Hijloire Naturelle. Tome /.
blanc ou faifati d'argent, prouve avec quelle
facilité ies oifeaux de ce genre peuvent
être élevés dans notre climat. Lorfque
quelques années encore auront rendu le
blanc plus commun, il paffera dans les
ba'ffes-cours, oh il ne fera pas plus difficile
à élever que. les dindons, 8c oh il
fera au-deffus. par la qualité de fa chair.
Il en fera de même d’une troifième efpèce
de faifan, qui n’eft qu’une variété du nôtre,
8c la plus commune à la Chine , fuivant
le rapport que M. Poivre m’en a fait. Cette
efpèce, que je,nourris depuis trois ans, a
déjà produit abondamment. En général les
oiièaux granivores feront les plus aifés à
habituer au climat, comme ils feront les
plus faciles à tranfporter 8c les plus utiles.
Après eu x , je crois qu’il ferait avantageux
de s’occuper des oifeaux d’eau proprement
dits, c’eft-à-dire, dans le feris que
je donne à cette, expreffion en cetendroit,
des oies'.èc descanards. Leur chair eft a fiez
communément faine 8c d’une faveur agréable
: leurs plumés font utiles à differens
üfages ; ils s’habituent , fans trop de
peine, à la domefticité, 8c beaucoup d’ef-
pèces multiplient dans cet état. Comme ils
fe nourriffent de toutes efpèces de fubftartces
plus généralement que les autres , rl fera
moins embarraffant de les tranfporter. Il
ne faut pas croire que , quoiqu’ils aiment
l’eau, elle leur foit auffi abfolument néceffaire
qu’on pourrait le penfer. L’exemple
fuivant prouvera qu’ils peuvent/être bornés
pendant un voyage affez long ,. à la feule
eau dont ils ont béfoin comme bdiffon.
Feu M. le Beau, médecin du roi à la
Louifiane, rapporta de ce pays , en 1774
ou 177 S , l’efpèce de canard à laquelle on
a donne le nom de ;canard branchu : jl en
ayoit enfermé huit ou dix paires dans! une
cage préparée comme celle dont j’ai donné
la description, Il y avoit à l’intérieur de
cette cage, aux deux bovits , deux augets ,
deftinés , l’un pour la graine, 8c l’autre
pour l’eau. On les verfoit par deux tuyaux
de fer-blanc , dont l’ouverture , en forme
d’çntonnoir , aboutiffoit au niveau de la
; toile qui fervoit de couvercle, à la cage;
■ ils étaient fortement liés â cette toile;
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